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Channel: La Pipette aux quatre vins
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Assemblée Générale des Vignerons de Bretagne

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Samedi 4 octobre. Assemblée Générale des Vignerons Bretons, à Vannes (56). Non, ce n'en est pas une et nous ne sommes pas le 1er avril!... D'ailleurs, les amateurs ont déjà pu découvrir ici-même deux "crus" de Bretagne : le Mont Garrot, à St Suliac, non loin de St Malo (qui s'agite en ce moment pour cause de Route du Rhum, comme il y a quatre ans!) et le Coteau du Braden, à Quimper. En 2013, l'AG se déroulait à Rénac, près de Redon. Cette année, c'est Vannes et son Palais des Arts et des Congrès qui accueillaient la réunion annuelle. Rassurez-vous, il ne s'agissait quand même pas d'un grandiose amphithéâtre et la plus modeste salle de la Corvette suffisait à réunir confortablement les participants.

001Ceux-ci composent donc l'Association pour la Renaissance des Vins Bretons, présidée pas Gérard Alle et l'affiche annonçant l'évènement est illustrée par une vigne, deux grappes de raisins rouges et blancs, comme il se doit, mais aussi par Gwenn ha du, le drapeau breton. Inutile de préciser que les organisateurs et adhérents veulent souligner l'aspect identitaire de l'activité vini-viticole bretonne, même s'il ne s'agit pas là, à proprement parler, d'un syndicat de défense ou d'un organe né de l'existence d'institutions professionnelles et pour cause, puisque la viticulture de Bretagne n'existe pas officiellement, sachant que la région fait partie de celles dans lesquelles, il est proprement interdit de planter de la vigne!... En tout cas de pratiquer un quelconque commerce de vins issus de cépages plantés dans les quatre (ou cinq?) départements bretons. Mais, chacun sait que la Normandie ou l'Ile de France sont aussi concernées par cette réglementation et que parfois les dynamiques sont autres, au point que deux IGP sont apparues dans le Calvados en 2009 et 2011.

En sera-t-il un jour de même en Bretagne? Il est sans doute trop tôt pour le dire. En tout cas, sur la base du regroupement actuel de vignerons, souvent issus du secteur associatif (association de quartier, animation locale destinée aux seniors...) et peu enclins à se confronter aux contraintes émanent des divers services et de leurs réglementations (Douanes, Fraudes...), il est peu probable que le "combat" sorte de la diversion anecdotique et de l'ambiance bon enfant des soirées de vendanges et des journées de mise en bouteilles entre amis. Pourtant, ceux qui suivent les vins bretons depuis une huitaine d'années constatent des progrès lors des rares dégustations (pour cause de productions intimistes) et un projet d'installation "pour de vrai" existe désormais en Sarzeau (travail au cheval, vinification nature, selon Louis Chaudron, qui déposera sa demande de droits de plantation en 2015!), dans la presqu'île de Rhuys (où quelques secteurs de vignes apparaissaient sur la carte de Cassini) et même, plus "municipalement", sur l'Ile d'Arz. Alors, à quand une AOP Morbihan ou des IGP Arz ou Rhuys, ou encore Pays de Redon, voir Coteaux de la Rance ou de Quimper?...

004Après une présentation du projet de l'Ile d'Arz par son ancien maire, Daniel Lorcy, quelques vignerons évoquèrent les conditions pas toujours simples du millésime 2014. D'aucuns, comme Benoît Biheux, de Rénac (35) n'avaient d'ailleurs pas que de bonnes nouvelles, puisque ce dernier laissait entendre qu'il n'allait plus pouvoir s'occuper de sa parcelle de quarante ares de chardonnay, près de l'église du village, privilégiant son activité de maraîcher et désirant limiter ses déplacements. De leur côté, les habitants du quartier du Braden, à Quimper, dont l'association gère soigneusement les quelques 870 pieds de vigne (60% chardonnay et 40% pinot gris) annonçaient les très prochaines vendanges, puisque prévues pour le lendemain, dimanche 5 octobre. La production 2013 avait permis de boucher 1175 bouteilles et l'accent était mis sur les conditions météorologiques absolument exceptionnelles pour l'été 2014, du moins de l'arrière-saison (5 mm de pluie au lieu de près de 90 habituels en septembre!), ce qui avait pour conséquence intéressante qu'aucun systémique ne fut utilisé cette année. Et de souligner l'espoir d'une belle récolte et d'un beau millésime. A noter que quelques plants de gamaret ont été plantés afin de vinifier un complément aux blancs habituels et que la production d'un rouge quimperois se profile!...

A St Suliac et au Mont Garrot, ce n'est pas la même chanson, cette année!... Au grand dam de Jean-Yves Hugues, leader des vignerons suliaçais, il n'y aura pas de vendanges en 2014!... En effet, le chenin planté avec vue imprenable sur les vestiges du camp viking, que l'on aperçoit à marée basse, a subi une attaque d'oïdium, genre fulgurante, en plein mois d'août. Des absences pour cause de vacances et peu de personnes disponibles au moment crucial. Résultat : en 48 heures, les raisins ont pris une couleur peu avenante. A noter que la partie haute de la parcelle a été arrachée, en vue de la plantation d'un cépage rouge (rondeau!?).

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A Vannes, il s'agit d'une micro-parcelle de 300 pieds, plantée en 2011, par Jean de Saint Rémy dans sa très belle propriété vannetaise. Pour tout dire, 2014 s'annonce là superbe et d'ailleurs, à l'issue des débats et du repas confraternel, les participants seront invités à vendanger le millésime, puisque les oiseaux se sont déjà invités au festin et ce, depuis une quinzaine de jours!... Les dégâts sont estimés à 40% de perte, il est donc temps de passer à l'action. Le vigneron nous explique au passage que ses parents possédaient naguère une propriétéà St Emilion, qu'il avait tenté de transférer quelques droits pour planter des vignes dans les Landes, mais que face aux réticences administratives, il avait finalement renoncé. Désireux malgré tout de planter quelques arpents en Bretagne, il parvint à se dédouaner de toute tracasserie en plantant un raisin de table, l'aladin, cépage hybride, dont est tolérée une vinification pour sa consommation personnelle. Ce sont les Coteaux du Pargo. A noter cependant qu'en 2013, quelques pieds de sauvignon ont été plantés franc de pied.

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Était également présente l'association de la banlieue nantaise (Nantes est bien en Bretagne, dites-moi?...), Le Berligou, du nom du cépage (une variété ancienne de pinot noir, semble-t-il) plantéà raison de 386 pieds sur les six ares entretenus par l'association de Couëron. Le tout sur le porte-greffe riparia rupestris 3309, avec un enherbement total, selon le représentant des vignerons locaux. L'essentiel de la production se limite à une vinification en rosé, avec cependant un petit volume de rouge (très gouleyant ce jour-là, au restaurant). A noter que l'association a récemment planté un rang d'hybrides (pas moins de vingt-deux variétés!) tous présents sur la commune et récupérés avant arrachage, afin de constituer une sorte de conservatoire de la viticulture locale. Il y a là oberlin, landau, rayon d'or et autre vin des pharaons, entre autres!...

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Source : www.bretania.fr

Bien sur, il était possible de déguster quelques échantillons de vins bretons, évènement rare s'il en est, puisque aucun de ces vins n'est destinéà la commercialisation. A peine, une forme de don à une éventuelle association est-elle admise. Certains vignerons étaient absents, mais avaient confié une ou deux bouteilles aux organisateurs. Parmi celles-ci, deux pétillants étaient très plaisants, même s'ils ne pouvaient qu'amuser Benoît Marguet, vigneron en Champagne et de passage un peu par hasard. Notez que ces deux vins étaient issus de Maréchal Foch pour le blanc et de Plantet pour le rouge. Le Clos de Chevalier, c'est le nom du cru, est produit au Quillio (22), entre Mûr de Bretagne et Loudéac, par Jean Donnio, avec passion et en dépit des demandes d'arrachage qui lui arrivent de temps en temps!...

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La manifestation était aussi agrémentée de deux interventions de professionnels. Alain Poulard, tout d'abord, de l'IFCV de Nantes, pour évoquer la gestion des fermentations, ainsi que les levures (minimisant au passage l'impact de l'emploi des plus exogènes du genre!?), puis Ludivine Guinoiseau, qui s'est attachée à présenter l'étude sur la faisabilité d'une réimplantation de la vigne dans le Morbihan, en liaison avec le Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan, précisant notamment que le potentiel climat/sols/topographie semble favorable, sous réserve d'une sélection attentive des meilleures parcelles et expositions.

Enfin, Guy Saindrenan, auteur d'un ouvrage de référence sur la Vigne et le Vin en Bretagne (aux Éditions Coop Breizh), rappela quelques éléments à caractère historique qu'il convient de garder à l'esprit, au moment où de nouvelles plantations sont annoncées. Ses recherches l'ont désormais convaincu que le choix des hybrides entre les deux guerres, pour replanter le vignoble de la presqu'île de Rhuys notamment, s'est avéré catastrophique. Et de préciser que dans les vignobles les plus septentrionaux, seul le choix de la qualité et des meilleurs cépages avait permis de maintenir la production de vins au fil des décennies, citant notamment Jasnières ou les Côtes de Toul, pour illustrer son propos. Il faut aussi se rappeler que la période faste de la région de Sarzeau se situe au tout début du XXè siècle. Depuis dix ou vingt ans, le phylloxéra avait détruit petit à petit le vignoble de Cognac et on incita donc les quelques vignerons du Sud-Bretagne à planter de la folle, afin de fournir des jus, à gros bouillon, aux producteurs de Fine Champagne. Ce qui fut fait pendant quelques années, jusqu'à l'apparition du sinistre puceron dans le Morbihan (1903). Une forme de prospérité apparut, mais pour ce qui est de la qualité, c'est une autre affaire, puisqu'il s'agissait de production à gros rendements et de distillation. L'historien de la vigne bretonne préférerait certainement une orientation plus ambitieuse, que le sempiternel rappel d'une tradition quelque peu folklorique.

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L'arrachage des hybrides qui suivit cette période, permit la plantation de cépages de qualité dans certains endroits, comme àPénestin, où Madame Delatouche nous expliquait en 1970 toutes les raisons qui présidaient à l'entretien d'un "coteau pierreux sur lequel il y avait toujours eu de la vigne de mémoire d'homme". Là, c'est un ostréiculteur qui occupait son personnel en basse saison maritime et lui offrait, selon ses dires, des moments de détente vis à vis du travail des marées!...

Il reste donc à franchir un nouveau pas, pour voir apparaître un progrès sensible. Peut-on compter sur les effets du réchauffement climatique et une réglementation européenne plus souple au 1er janvier 2016?... Certes, il faut aussi continuer à encourager cette démarche d'amateurs passionnés aux quatre vents de la Bretagne, parce que ce sont peut-être les bases d'un avenir plus construit. Mais, rappelons que la démarche reste fragile et que la plupart des animateurs, dans ces micro-vignobles, sont des sexagénaires, voire des septuagénaires, bon pied bon oeil certes, mais espérant aussi transmettre intacte leur passion. La lecture des plus récents comptes-rendus d'AG des Vignerons Bretons évoque d'autres vignes à Loudéac, Lanarvily, Daoulas, Morlaix, Le Folgoët, Fougères ou sur les Coteaux du Léguer. Qu'en est-il de leur pérennité aujourd'hui?... Pourront-ils franchir ce cap du "bon petit vin agréable à boire entre amis"?... Il est possible d'espérer et les Bretons savent garder l'espoir et leur enthousiasme en toutes circonstances. On peut croire que les vins de Bretagne pourraient y gagner un supplément d'âme bretonne.


Le Petit Domaine, Julie Brosselin et Aurélien Petit, à Montpeyroux

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Voilà quelques temps déjà que Le Petit Domaine, de Julie Brosselin et Aurélien Petit, est sur notre agenda (et dans notre carnet de notes, depuis l'été dernier!), malgré sa récente apparition. Nous avions découvert les premiers jus de ce jeune domaine lors d'un off angevin, en février 2013, dans le cadre de la Collégiale St Martin, grâce à Ivo Ferreira de l'Escarpolette (ça sonne pas mal, tiens!), qui avait proposé alors à ses jeunes voisins de tester le chaland qui passe au salon. Aurélien faisait déguster avec d'autant plus de plaisir, qu'il disposait alors d'un chenin du Languedoc, histoire de piéger les "spécialistes" ligériens!...

034Pour l'heure, nous nous retrouvions avec Julie, Aurélien et Ivo justement, pour un casse-croûte de la mi-journée, au coeur d'Arboras, sous les platanes du café-atelier Des Hommes d'Argile, de Gilles Nocca. Potier, céramiste pendant l'hiver à St Jean de Fos, il ouvre de mars à octobre un lieu de vie, qu'il fait bon trouver dans ce village d'à peine plus d'une centaine d'âmes, où le dernier café a fermé, dit-on, en 1912! Des produits locaux choisis et pour se restaurer, de jolies tartines, de la bière du Larzac et du vin de la région, tendance vins vivants. Quelques petits concerts parfois, tout pour surprendre agréablement ceux qui déambulent sur le chemin d'Arles menant à Compostelle, où les amateurs de grimp' qui redescendent du site d'escalade de la Joncas. Au menu : art, nature, culture et tartine!...

Si les locaux du domaine sont situés au rez-de-chaussée de la maison de village habitée par le couple, avenue des Platanes, au coeur de Montpeyroux, les parcelles, souvent des vignes récupérées en mauvais état et parfois sauvées in extremis de l'arrachage, sont dispersées sur la commune pour deux hectares d'entre elles. Le reste, soit 2 ha 50 environ, se situe entre Jonquières et St Guiraud.

En cette fin d'après-midi somme toute estivale, c'est Julie qui nous permet de découvrir les vignes, pendant que Aurélien reçoit un représentant de la tonnellerie Atelier Centre France, dont le succès ne se dément pas, puisqu'elle investit désormais le Grand Sud-Est. Un partage des tâches - Julie à la vigne, Aurélien à la cave - qui est le plus souvent inversé, du moins sur le papier, parce qu'aucun des deux partenaires ne revendique véritablement de secteur d'intervention privilégié.

021Il faut dire que l'extrême jeunesse du domaine (premier millésime en 2012) implique une convergence de vue et de ressenti imposant de fréquents passages dans les parcelles plantées de vignes souvent convalescentes. Au point que ces toutes premières années d'observation pourraient déboucher sur quelque arrachage, si nécessaire, en guise de restructuration, une fois que la production du Petit Domaine sera plus "lisible" et plus installée.

A St Guiraud, dans un premier secteur, des vieilles vignes de syrah et quelques rangées de carmenère, plus un rang de sangiovese (qui n'a pas encore été vinifié seul). Non loin de là, une autre syrah remise en état et un carignan réclamant des soins attentifs, le tout planté sur des sols riches, mêlant argile et galets roulés. C'est aussi dans ce secteur que se situent les vingt-huit ares de chenin. On peut apprécier là, au passage, une jolie vue à 360° sur les environs.

Sur la commune de Montpeyroux, pas moins de deux hectares et une mosaïque de petites parcelles plantées de divers cépages. Mauvaise surprise du jour en découvrant le mourvèdre sur des argiles rouges : la grêle de la veille a meurtri quelques baies sur le côté exposéà la nuée qui semblait composée d'un mélange moins percutant d'eau et de glace, fort heureusement. Au final, au moment des vendanges, les conséquences seront limitées, même si un tri s'imposera. Non loin de là, nous découvrons de très jolies parcelles : du carignan tout d'abord, sur sols très secs d'argiles jaunes, ainsi que du grenache, sans oublier le cinsault, sur cailloutis calcaires. Un peu le jardin secret d'Aurélien, qui veut aussi restaurer les mûrs de pierres et sans doute planter quelques fruitiers.

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Au cuvier, nous découvrons ensuite les 2013 qui sont toujours en cours d'élevage : le chenin tout d'abord (cuvée La Démesure), proposant une version assez riche et plutôt gourmande dans ce millésime, puis ce qui composera Rhapsody 2013, sorte d'improvisation musicale libre, dont la partition s'appuie sur une grosse majorité de carignan issue d'une macération carbonique, un peu de syrah, en carbo également et un reste de carignan en vinification traditionnelle de trois semaines. La gamme compte également un rosé de grenache, le plus souvent, Bagatelle, puis d'autres rouges : Myrmidon, une syrah exclusive, Cyclope(carignan et syrah) ou encore Titan (mêmes cépages mais aux proportions inversées). Le second rouge dégusté est un mourvèdre issu d'une macération de trois semaines qui contient encore quelques sucres (environ 7g sans doute, lors de notre passage), mais qui se présente résolument flatteur et doté d'une belle structure.

028Notez que cette gamme est apparue en 2012 en IGP Pays de l'Hérault, mais que suite à la dégustation d'agrément de Rhapsody 2013, la première mise fut bien agréée, mais la seconde fut qualifiée d'acescente la première fois et d'acétique la seconde!... Le passage en Vin de France s'en trouve quasiment acquis, mais il n'est pas impossible que l'identité du domaine ne pose problème, puisque justement, le terme "domaine" ne peut être utilisé pour les vins de cette catégorie, comme beaucoup d'autres d'ailleurs!... Une réflexion est donc en cours pour un éventuel changement de nom et, à ce jour, Le Petit Brosselin tient la corde si, d'aventure, cette éventualité devenait nécessité.

Comme on peut le constater, la jeunesse d'un domaine ne le dédouane pas des problème divers de réglementation. On peut dire aujourd'hui que c'est même un passage obligé, tant la passion et l'envie de produire bon (en tout cas, "buvable" et vivant, chacun gardant son libre-arbitre et un cerveau en lien direct avec ses papilles) en adoptant ce qui permet de se singulariser, sont battues en brèche par la position des instances, que d'aucuns estiment atteintes d'obsolescence programmée, mais toujours résolues à jouer les gendarmes du vignoble, surtout celui qui se meurt et ne propose que des standards pathétiques.

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A Montpeyroux, Julie et Aurélien partagent cette passion, ce goût du risque, cette sensibilité en lien avec les éléments. Il faut dire qu'ils partagent tout cela depuis quelques années déjà, puisque leurs routes se sont croisées lors de leur formation à Dijon et qu'ils sont ensuite partis, pendant une année, pour un tour du monde mêlant découvertes et vignobles. Une aventure qui leur aura permis de découvrir les multiples facettes, parfois extrêmes, de la production de vin, comme ce passage en Australie et dans une cave coopérative hyper dimensionnée, à vous donner le vertige!... A Montpeyroux, il existe un Petit Domaine qui ne craint pas la vertigineuse ascension dans l'estime des amateurs, d'autant que la production 2014 lui permet de franchir un palier au niveau des volumes. Les deux premiers millésimes n'avaient permis que rarement de dépasser des rendements de cinq à dix hectolitres à l'hectare, alors que cette année, la moyenne se situe entre trente et trente-cinq. Un véritable vertige dans le cuvier!... Profitons-en!...

Tout le monde il est Baux de Provence!... (1)

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Les prévisions de la météo nous promettaient le pire. L'épisode cévenol annoncé, déclenchant pour certains une alerte rouge, aurait du nous inciter à prévoir bottes et cirés dans nos bagages. Pourtant, ce voyage express entre Rhône, Camargue et Étang de Berre, afin de (re)découvrir l'AOP Baux de Provence (et l'IGP Alpilles), allait se dérouler sous les meilleurs auspices. La chance sans doute, de se trouver dans cette bulle calme, alors qu'à quelques encablures, tant à l'est qu'à l'ouest, il n'était question que de nouveaux records de pluviométrie.

L'appellation regroupe aujourd'hui une bonne douzaine de domaines, où désormais, tout le monde il est (presque) bio!... Même si l'association de ces deux termes - appellation et biologique - ne peut être sérieusement envisagée, l'INAO veillant notamment à toute forme de discrimination. En tout cas, un jardin exceptionnel sur les deux versants des Alpilles, la lumière de l'automne jouant avec les reflets du calcaire des sols, les feuilles bicolores des oliviers et la vigne, qui s'est faite une place essentielle sur les pentes et au creux des vallons.

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~ Domaine de Trévallon ~

Sur le versant nord, le Domaine de Trévallon, d'Éloi Dürrbach, à St Etienne du Grès, nous permettait d'ouvrir notre séjour en positionnant la barre plutôt haut. Il ne s'agissait pas pour nous cependant, d'établir un quelconque palmarès, mais plutôt de faire un tour d'horizon des approches du vignoble, même si nous avions prévu de rendre visite à des vignerons qui n'ont plus pour objectif premier de figurer au tableau d'honneur de l'AOP locale et ce, pour diverses raisons. Éloi de Trévallon, c'est une tronche!... Quelqu'un qui a construit son domaine, le faisant évoluer par petites touches, tout en restant fidèle à ses idées. Aujourd'hui, avec un fils et une fille à ses côtés et pour la cinquième fois grand-père depuis à peine quelques mois, on a le sentiment que plus rien ne peut vraiment atteindre le patriarche, après quarante années passées au coeur des Alpilles. Des combats, il y en eut, des succès aussi, une part de chance à ses débuts, sans oublier la blessure du déclassement en 1993, pour un soi-disant pourcentage de cabernet sauvignon non adéquat, alors qu'il avait largement contribuéà la notoriété nouvelle du vignoble des Baux. En tient-il rigueur à certains?... Oui, parce que c'est un homme qui a de la mémoire, mais sans doute pas à chaque instant, parce que son parcours plaide pour lui, volontiers consultant pour quelques amis certains jours, mais pas flying winemaker!... Une rencontre quelque peu fortuite avec Aubert de Vilaine, dès les premières années, lui ouvrant en grand, au passage, les portes des États-unis, a sans doute contribuéà faire d'Éloi Dürrbach, un vigneron de caractère, opiniâtre, mais suffisamment humble pour estimer qu'un bon sens vigneron prévalait grandement à toute forme de dévotion à la technologie galopante.

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Aujourd'hui, la construction de l'extension du chai, avec un superbe mur en pisé pour la façade sud, traduit sans doute cette volonté de rappeler toute la valeur de la terre elle-même (trois variétés de terres ont été utilisées, donnant une dimension artistique à l'ensemble du bâtiment, malgré sa stricte fonction viticole), sans perdre de vue les vertus d'isolation naturelle du matériau et la part d'esthétisme apportée par le pignon est, composée d'un immense portail de métal mat, tracé de figures géométriques, rappelant les étiquettes de Trévallon, en un subtil hommage au travail du père d'Éloi Dürrbach pour celles-ci.

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Mais Trévallon, au-delà de la marque mondialement connue que c'est devenu, est avant tout un vin, deux même désormais, dont le rare blanc voit les fans se multiplier, mais pas forcément les satisfaire, au regard d'un contingentement des plus stricts. Sur le papier et à la lecture des revues spécialisées, on imagine volontiers que Trévallon, à force de commentaires dithyrambiques laissant entendre qu'il est l'égal des plus grands, ou supposés tels, a forgé sa réputation sur une forme de constance de goût et de texture. Or, ce n'est pas du tout le cas! Le souvenir d'une dégustation verticale proposée naguère au Chai Carlina et la découverte de trois ou quatre millésimes lors de notre récent passage au domaine, démontrent toute la variété d'expression, en même temps que la distinction du cru. Le vigneron met souvent l'accent sur le travail à la vigne, l'exigence indispensable lors des vendanges et la nécessité de réduire au maximum le nombre des interventions lors de l'élevage. Certes, il admet avoir fait évoluer sa méthode au fil des millésimes et les pigeages et remontages sont limités à la stricte nécessité d'intervenir, tandis que la durée d'élevage (deux ans pour le rouge, une année pour le blanc) est largement privilégiée, plutôt que les soutirages.

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De grands vins, certes. Mais de ceux qui en appellent à leur terre d'origine, à leur terroir, avec une dimension gustative remarquable, teintée d'une noblesse vigneronne et d'une sincérité d'expression indiscutable. Le vigneron est sensible, attentif, exigeant. Dans le contexte actuel, il peut prétendre à figurer au rang de ceux qui proposent des vins naturels, pour peu que chacun, sachant raison garder, ne jette pas l'opprobre, de prime abord (comme l'on grimace lors d'un Larsen insupportable), sur cette catégorie de vins, se voulant avant tout celle des vins authentiques et pas forcément défectueux et marginaux. Un domaine qui finalement,nous démontre que l'on n'a pas besoin de classer et de répertorier tout ce qui nous régale, autrement que par le plaisir procuré, en faisant fi des à priori.

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~ Domaine de Pierredon ~

L'après-midi de cette première journée, nous sommes passés sur le flanc sud des Alpilles, pour découvrir un domaine viticole entré depuis peu dans la danse : l'Abbaye Sainte Marie de Pierredon. Quelque part, nous sommes restés dans la sphère Dürrbach, puisque depuis un an, c'est le fils d'Eloi, Antoine, qui vinifie les vins du domaine, son épouse Christelle s'occupant de l'accueil des rares visiteurs (à ce jour!), ainsi que de tous les aspects commerciaux et promotionnels. Une très belle propriété de 600 ha, rachetée en 2001 par le président du groupe éditorial De Agostini (les Éditions Atlas en France, notamment), l'homme d'affaire bergamasque et italien Lorenzo Pelliccioli et son épouse Mariarosa Fachinetti. La demeure menaçait ruine, elle qui fut la propriété du peintre Jean Martin-Roch pendant une quarantaine d'années, au sortir de la dernière guerre. Située au milieu d'une garrigue dense, à peine agrémentée de quelques oliviers, elle échappa à un immense incendie ravageant le domaine en 1999.

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Ce sont des moines Chalaisiens (de Chalais, près de Grenoble), proches des Cisterciens, qui la bâtirent à partir de 1205 (année ou l'Anjou fut rattachéà la couronne de France par Philippe Auguste et où le château de Montségur, fierté des Cathares, fut construit, cela dit pour situer le contexte historique. Notez que, pour l'anecdote, la bataille de La Roche aux Moines, à Savennières, eut lieu, quant à elle, en 1214), mais sans y planter de vigne, à priori. D'où le fait que les vins du domaine sont tous en IGP Alpilles, puisque hors appellation, aucune trace de vignoble n'apparaissant dans de quelconques écrits.

En effet, les plantations datent de 2003 et les premières cuvées sont apparues en 2008. Au total, onze hectares en une quinzaine de parcelles. On trouve ici du sauvignon et beaucoup de rolle côté blancs, mais aussi du cabernet sauvignon, de la syrah, du merlot, du grenache et du cinsault côté rouges. Soit, au total, pas moins de six cuvées ayant fait leur apparition sur les tables et chez quelques cavistes de la région, avec l'objectif de capter l'attention et de tester la clientèle potentielle. Notez que, pour le moment, les vinifications se déroulent dans une cave de Mouriès, le village le plus proche, mais qu'un nouveau bâtiment est sorti de terre, à trois cents mètres environ de la chapelle et des bâtiments restaurés de l'abbaye.

La dégustation montre des vins somme toute intéressants, eu égard à la jeunesse des vignes. L'agriculture biologique est la règle depuis le début, ce qui sonne comme une évidence pour ces hectares historiquement à l'abri de toute production agricole et viticole conventionnelle. Il ne reste plus qu'à laisser la vigne s'implanter lentement, afin d'en extraire le caractère propre aux sols calcaires de la région, grâce également à une aérologie particulière (les bienfaits du mistral à différents stades du cycle de la plante) et à une agrobiologie qu'il est aisé d'entretenir, dans un tel environnement.

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Avec la vendange 2013, Antoine Dürrbach a donc eu l'occasion de vinifier son premier rosé, une couleur pas trévallonesque pour deux sous!... Une jolie réussite ici, avec un assemblage assez original pour Donna Rosa : 40% syrah, 30% grenache, 10% cinsault et 20% rolle. Fraîcheur, dynamisme et originalité, tout ce qu'il faut pour être un très bon ambassadeur des vins du domaine!... Il semble qu'une forme de singularité soit recherchée pour l'ensemble de la production, avec le Sauvignon tout d'abord, pour lequel cela reste un défi que de proposer ce cépage dans le Sud-Est, en conservant finesse et distinction, à la façon de quelques cuvées de certaines contrées ligériennes notamment. A suivre!...

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Les blancs seront certainement les chevaux de bataille de la propriété, vu la proportion de rolle plantée dans les vallons de Pierredon. A ce jour, deux cuvées monocépage, de ce qu'on appelle par ailleurs le vermentino, sont proposées : Ultima Laude, la dernière prière du soir, un blanc de cuve que l'on destinera volontiers à l'apéritif et pour lequel le maintien d'une bonne fraîcheur sera recherché, aidé en cela par une expression rappelant les agrumes... et le sauvignon!... Le second rolle, Prima Luce (première lueur matinale) est quant à lui fermenté et élevé en barriques neuves, offrant un vin plus ambitieux et plus complexe. Un seul rouge est proposéà ce jour, L'Inizio, composé de cabernet sauvignon et de syrah, dans la plus pure tradition trévallonesque, mais l'objectif reste bien, pour le moment, d'offrir un vin gourmand et "croquant".

Deux domaines qui n'ont donc pas la même histoire. Le premier, fort d'une notoriété internationale, mais qui reste un vin de vigneron, que l'on déguste toujours avec plaisir, pour peu qu'on lui accorde patience et longueur de temps, qui valent mieux, comme chacun le sait, que la force d'un empressement mal venu ni que la rage motivée par une envie de découverte mal à propos. Le souvenir d'un Trévallon blanc 2009 "massacré" trop tôt, reste dans ma mémoire meurtrie. Le second, fort d'une dimension historique ancienne (pensez-donc, le XIIIè siècle!) semble disposer de fondations solides, même s'il est au début de son histoire vinique. Pourra-t-il rejoindre quelques domaines de la région, ayant acquis leurs lettres de noblesse : Milan, Hauvette, pour ne citer que ceux-là, ou rester dans une catégorie que l'on peut qualifier d'aimable, même s'ils connaissent un certains succès, forts d'une réputation locale liée à leur diffusion estivale sur la côte provençale. Les prochaines années nous éclaireront certainement là-dessus.

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Il ne nous restait plus qu'une étape gourmande pour clôturer cette première journée baussenque et nous avons opté pour un dîner Sous les micocouliers, à Eygalières, avec un joli menu Matisse apprécié sur la terrasse et sous les grands et vénérables arbres, grâce à une douce soirée, comme la météo nous en réserve parfois, pour notre plus grand plaisir.

Florian De Perre, à Cérons (33)

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Non! Ne vous jetez pas sur votre téléphone, votre fax ou votre smartphone!... Ce domaine bordelais n'est pas encore présent sur la place, ni sur le marché. Ce jeune vigneron qui aura bientôt vingt-huit ans est en train de construire son micro-domaine au coeur de Cérons, rive gauche de la Garonne, AOP enchâssée dans les Graves, contiguë de Barsac et proche de Sauternes. Florian De Perre, un nom suggéré par Laurence Alias et Pascale Choime, des Closeries des Moussis, à Arsac, nous ayant présenté le jeune homme, comme figurant parmi les quelques jeunes passionnés de vigne et de vin de la région, apte à proposer avant longtemps quelques jolis flacons. Il faut dire que Florian est un "disciple" de Pascale, connue pour avoir vu défiler quelques promotions de vignerons en herbe, au lycée de Blanquefort, proposant une formation de BTS viti-oeno, que le jeune Céronnais enchaîna après un bac pro en alternance au Château Haut-Lagrange, à Léognan.

005Une passion née aux alentours de la majorité donc (alors qu'il fait des études littéraires et se destine plutôt au design), parce que c'est l'âge où ces cursus que l'on suit, vous permettent de croiser des compères jeunes vignerons de toutes régions et de découvrir le monde des vins, que nombre de jeunes justement n'imaginent que rarement aussi divers et varié. Et espérer parfois, entrer dans ce monde des producteurs, avec toute sa sensibilité et son envie, mettre sur la table et dans les verres, des Bordeaux à sa façon, démontrant à quel point cette région peut être multiple, lorsqu'on ne cède pas au conventionnel et à l'uniformisation des goûts et des saveurs. Pour ce qui est de la révolution, on verra cela plus tard!...

Après une période d'approfondissement des connaissances et d'expériences acquises à Macau et à Cérons, Florian De Perre se met, en 2012, en quête de quelques parcelles à reprendre en fermage. Il n'a pas pour objectif de s'installer, à proprement parler, sur quelques hectares, trois ou quatre, souvent trop peu pour en vivre décemment. Il veut juste accompagner un peu de vigne et, si tout se passe bien, proposer quelques dizaines de flacons autour de lui, peut-être à quelques cavistes. D'ailleurs, depuis un an, il a trouvé un emploi de chef de culture et maître de chai au Château Malromé, à St André du Bois. Il n'a désormais que quelques kilomètres à parcourir pour franchir la Garonne et se rendre dans cette propriété, qui fut naguère celle de la famille de Toulouse-Lautrec, le célèbre peintre qui y effectua nombre de séjours et où il finira ses jours. Il est d'ailleurs enterréà Verdelais, un des villages voisins. Cette propriété de trente-cinq hectares en Bordeaux Supérieur a été rachetée fin 2013 par un groupe franco-vietnamien (DCHL).

002En 2012 donc, Florian finit par passer une annonce dans le Bon Coin (méthode déjàéprouvée par son presque voisin Vincent Quirac, du Clos 19 bis, à Pujols sur Ciron) et le propriétaire de 90 ares de vignes, en deux lots distants de huit cents mètres à vol d'oiseau, lui en propose l'achat. Même si ce n'était pas vraiment dans ses plans, il s'organise, emprunte quelque peu et le voilà vigneron pour de bon et à la tête d'un petit patrimoine!... Il se penche aussitôt sur la remise en état des dites parcelles et les vendanges 2012 et 2013 sont vendues à une cave coopérative voisine.

Le premier lot de ce micro-vignoble est bien situé en AOP Graves, sur un sol assez sableux. Une quarantaine d'ares, dont une bonne vingtaine de merlot planté en 1980 et 17 ou 18 de cabernet sauvignon un peu plus vieux. Sans oublier deux rangs de malbec, découverts après l'achat, jouxtant les onze de merlot. Un pommier et quelques fruitiers complètent le décor. Il reste quelques arpents, toujours en Graves, à planter, mais le bois est somme toute assez proche.

A quelques distances donc, un autre îlot d'une quarantaine d'ares composé d'une parcelle de 15 ares de sémillon, qui fut naguère plantée de muscadelle, mais complantée (et surgreffée?) en 2009 et 2010 par l'ancien propriétaire et d'une autre de 25 ares environ de sémillon également, qui permettait de proposer du Cérons en moelleux-liquoreux. Des sols plus légers, où les graves typiques du cru parsèment le sol, en galets ronds de différents diamètres. Un important travail de remise en forme de la vigne (taille en guyot double) va permettre, petit à petit, de redonner un bon équilibre à la plante. Ici, le travail du sol n'interviendra pas avant décembre ou janvier, du fait d'un bon drainage naturel. Notez que cette zone permet de produire du Cérons ou du Graves blanc sec, selon le choix du vigneron.

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Florian De Perre n'a pas pour objectif de produire du liquoreux, si ce n'est des quantités extrêmement limitées (une barrique), lorsque le millésime le permet. Cette année, en 2014, cela s'est avéré absolument impossible du fait de la présence de drosophilasuzukii, vedette du millésime dans nombre de régions (même si on en parle très peu à ce jour) et qui a, semble-t-il, gravement compliqué la tâche des vignerons dans une bonne partie de l'AOP Barsac, où il était présent dès le début septembre et même en 2013!... En attendant, le vigneron ne perd pas de vue une friche voisine et quelques rangs à l'abandon, plantés très largement d'hybrides divers, qu'il pourrait acquérir, afin d'y planter du sauvignon blanc (ou gris?), de quoi composer un îlot plus cohérent et atteindre, petit à petit, une surface maximum de 1 ha 50.

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2014 sera donc son premier millésime mis en bouteilles au domaine, le Domaine des Gaillardes, ce sera son nom, dont les locaux se composent à ce jour d'un petit hangar et d'un garage, avant une évolution prochaine espérée. Pas pour autant des vins de garage, se distinguant notamment par un prix de vente pour le moins prohibitif, voire dissuasif. Ici, les vins ne devraient pas dépasser une petite dizaine d'euros!... Pour le blanc, il faudra attendre mai ou juin 2015. Quant au rouge (pas plus de 10 hl au total), c'est l'évolution des vins, au fil des mois, qui décidera de la date de mise.

En fait, on flirte là avec le virtuel, histoire de découvrir une sorte de comète Tchouri dans l'univers bien en place des grosses planètes bordelaises. Pensez donc, Sauternes est là, à deux pas!... Vous pourrez aussi bientôt envoyer Rosetta en orbite et Philae rebondir sur cette terre méconnue du système stellaire bordelais, sans avoir à franchir des millions de kilomètres dans la galaxie. Le vigneron pourrait avoir la tête dans les étoiles justement, mais ses pieds sont bien ancrés, eux, sur sa terre de Cérons. Et comme sur ce petit caillou dans l'univers, les amateurs pourraient bien y découvrir la vie ou, tout du moins, des vins vivants.

Tout le monde il est Baux de Provence!... (2)

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Second acte de cette virée provençale. Toujours le même principe : versant nord le matin, versant sud post meridiem. A peine dix minutes de route pour rejoindre le Domaine Milan, au bord de la Via Aurélia. Henri Milan est de ceux qui savent ce qu'ils veulent. Et il a imprimé sa volonté au domaine tout entier, tranchant lorsqu'il faut arracher une parcelle, que d'autres tenteraient de conserver coûte que coûte ou prenant l'option parfois délicate de mettre sur la marché des vins sans sulfites ajoutés et ce, dans les trois couleurs, avec certainement une capacitéà se projeter dans l'avenir. Engagement et déterminisme.

~ Domaine Henri Milan ~

019Au sortir des vendanges 2014, Henri semble un peu usé par les combats de l'année. Usé, mais pas abattu, loin s'en faut. Il s'agit juste de recharger les batteries. Au printemps, il briguait, ni plus ni moins, que la Mairie de Saint Rémy de Provence, lors des élections municipales. Combat acharné, tension extrême et, au final, un échec pour une vingtaine de suffrages exprimés!... Comme une dégustation d'agrément qui se passe mal... Remarquez, ce ne serait pas trop grave dans le cas des cuvées du domaine, puisqu'elles sont désormais toutes en Vin de Table ou Vin de France!...

Mais, là-dessus, côté vignes, le millésime s'avère compliqué. C'est là qu'il faut pouvoir compter sur une équipe solide. Et ça tombe bien, avec Sébastien, Dominique et Clara, il y a matière à agréger les énergies. Coups de gueule, éclats de rire, on devine que chacun se met vite au diapason du boss.

Et puis, Henri Milan sait pouvoir compter depuis quelques années sur ses enfants, Emmanuelle et Théophile, alias Théo. Ce dernier est de tous les salons qui comptent sur la planète. Infatigable voyageur, il contribue fortement au renom de toutes ces cuvées, ce qui peut paraître aisé, pour celui qui kiffe grave les vins naturels (tiens, pour un peu, je parlerais la "langue des cités", comme l'appelle Wikipédia!).

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Pour évoquer les affres de ce millésime 2014, Henri ne manque pas de rendre hommage à sa fille Emmanuelle : "C'est bien simple, si elle n'avait pas été là avec toute son énergie, sa pugnacité, j'aurais laissé tomber!..." Il faut dire qu'au moment où de grosses pluies sont arrivées et que la vendange menaçait de partir à vau l'eau, celle qui fréquente beaucoup l'Alsace (allez savoir pourquoi!), en délaissant son sud méditerranéen (juste un peu), a organisé un tri particulièrement attentif, en mobilisant les énergies disponibles, afin d'obtenir des volumes quasiment inespérés. Résultat : lors de notre passage, le chiffre total des hectolitres destinés aux élevages divers atteint un niveau très acceptable. Bien joué!... Et en plus, elle nous propose de découvrir un assemblage pinot noir alsacien/grenache provençal, dans sa version 2012, tout à fait passionnant!... Bon sang ne saurait mentir!...

Énergie. Henri Milan pourrait en parler pendant des heures, surtout celle de ses sols et notamment depuis que ERDF a fait disparaître de son paysage une ligne à haute tension qui surplombait vignes et bâtiments!... Pour ce qui est des sols eux-mêmes, il faut souligner la grande variété, allant des graves sablonneuses du Clos aux marnes bleues sur éboulis calcaires du reste du domaine, sur lesquelles se plaisent nombre de cépages.

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Large dégustation pour apprécier une gamme solide qui allie originalité et complexité, impressions renforcées lorsqu'on peut apprécier quelques millésimes moins récents, donnant leur pleine mesure. Beaucoup de plaisir avec Le Grand Blanc et les trois "Papillon" sans soufre ajouté, blanc, rouge et rosé, ce dernier qu'il ne faut surtout pas oublier!... Au sommet ce jour-là, La Carrée, 100% roussanne, pour son ampleur et sa distinction, sans oublier non plus S&X, du grenache ramassé très mur, sur une initiative de Sébastien Xavier, maître de chai.

La clémence de la météo allait nous permettre de prolonger ce moment autour du salon de jardin face au cuvier, à moins que ce ne soit le salon du cuvier face au jardin, histoire d'apprécier comme il se doit quelques huîtres venues de Vendée pour l'occasion, tout en appréciant de multiples cuvées locales!... Ici, nous sommes au top de la région, indiscutablement!...

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~ Domaine de Lauzières ~

Pour l'après-midi, il nous suffisait encore de passer le petit col et de nous laisser glisser sur le versant sud, afin de (re)découvrir un domaine des Alpilles, propriété de Christophe Pillon, originaire de Suisse. Une propriété située au lieu-dit Le Destet, de Mouriès et qui a déjà connu un curieux destin. Le Domaine de Lauzières, que nous avions découvert en 2010 et qui est apparu dans le tome 1 de Tronches de vin, a d'abord vécu au rythme séculaire des successions familiales, au sein de la famille Boyer, propriétaire depuis le XVIè siècle. En 1962, le père Boyer décède et ce sont ses deux filles qui reprennent le flambeau. Trente ans plus tard, Dan Schlaepfer et Gérard Pillon, deux Suisses de la région de Genève, reprennent le domaine. Trente ans plus tard encore, en mai 2012, le second disparaît dans un accident de la circulation, curieuse ironie du sort pour celui qui pratiqua la course automobile au plus haut niveau et participa même aux 24 heures du Mans au début des années 70, passion que son fils Christophe, désormais seul propriétaire du domaine, partage, puisqu'il pilota lui aussi, lors de la célèbre course mancelle en 2002 et 2003.

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Une lumière toute particulière règne au moment de notre arrivée dans le vallon. Il nous suffit de gagner les rochers de la crête la plus proche, pour découvrir un autre vallon planté d'oliviers. La commune de Mouriès a la réputation d'être la première commune oléicole de France, avec ses 80000 oliviers!...

Il y a donc pas moins de vingt-deux ans que Lauzières a changé de mains, mais, malgré les travaux de rénovation des bâtiments et surtout la plantation de petit verdot en lyre, une orientation très innovante pour laquelle on devine tous les efforts à consentir, la diffusion des cuvées du domaine est restée relativement confidentielle. Depuis à peine plus de deux ans, une restructuration est en cours. Si François Marsille côté vigne et Noemi Schudel côté cave sont toujours présents et ont désormais pris leurs marques, l'accueil des visiteurs et les aspects administratifs ont nécessité un élargissement de l'équipe pour le moins nécessaire. Désormais, un responsable commercial s'attache à parcourir les routes de France et de Navarre, tout en renforçant la présence régionale, aspect économique restant essentiel pour les vins du grand Sud-Est, au regard de la fréquentation touristique.

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De plus, les bâtiments ont été complétés et rénovés, mais un projet de nouvelle cave est somme toute dans les cartons. L'orientation vers la biodynamie est bien confirmée et l'on est toujours surpris par le chai d'élevage contenant de très nombreux oeufs en béton de chez Nomblot, présents depuis les années Schlaepfer-Pillon.

Côté vins, une jolie gamme Sine Nomine, dont un très beau blanc, complétée des séries Équinoxe et Solstice, le tout en AOP Baux-de-Provence ou IGP Alpilles, sauf Sine Nomine rouge en Vin de France, du fait de sa forte proportion de petit verdot (80% en 2010). A noter également, une nouvelle cuvée, Perséphone, du nom de la déesse de la renaissance du printemps, fille de Zeus et de Demeter, avec 80% de syrah et 20% de grenache noir, dans un style très sudiste, mais avec un bel allant.

Renaissance. Un terme qui convient assez bien, pour le moment, à ce domaine dont on peut attendre qu'il prenne sa place parmi les référents de la région, fort de son incomparable écologie, où toute la biodiversité locale est protégée. Gardera-t-il aussi son originalité, en entretenant et en cultivant la production pour le moins singulière d'une cuvée de petit verdot?... Il faut l'espérer, même si quelques années encore sont sans doute nécessaires, au regard des a-priori circulant à propos de ce cépage. Il existe pourtant d'autres rares exemples, comme celui, sur les rives de la Garonne, que nous évoquerons ici-même prochainement.

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Après cette journée quelque peu contrastée, belle soirée gourmande au Croque Chou, à Verquières, oùDan Folz et son épouse nous avaient concocté un joli dîner, arrosé d'un Alsace de Patrick Meyer et d'un Hautes-Côtes de Nuits d'Emmanuel Giboulot, deux exemples de la très belle carte des vins disponibles en ce lieu. Une nuit réparatrice sur cela et nous pouvions, au petit matin, prendre la direction d'un domaine figurant dans notre agenda depuis longtemps, avec l'envie (et le pressentiment) de découvrir un lieu hors du commun.

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~ Domaine de Sulauze ~

Un ensemble pour le moins éclectique au coeur de la Crau, cette steppe, autrement appelée coussoul, où les moutons partagent leur territoire avec de gros galets ronds. Sulauze, ce n'est pas moins de 500 ha au total, toutes activités comprises. Guillaume et Karina Lefèvre s'y sont installés en 2004, sur à peu près 80 ha, dont une petite trentaine de vignes, une dizaine de blé et d'orge, quelques oliviers encore très jeunes et un potager. Dans cet ensemble, le foin de la Crau humide, premier à obtenir la distinction d'AOC, a désormais une grande renommée. Il est utilisé pour les bêtes du domaine bien sur, mais la deuxième coupe est destinée à Roquefort et ses fromages, tandis que la première est achetée par les écuries de courses de Chantilly!... En quittant le domaine, nous pourrons apercevoir les bêtes du deuxième plus grand élevage de taureaux de combat... sans nécessairement éprouver le besoin de franchir la clôture!...

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Lors de notre passage, c'était la fin de la campagne de vendanges 2014, plutôt longue et éprouvante. Guillaume s'affaire encore à quelque remontage dans le cuvier. Le couple se doit d'être passionné pour gérer sereinement l'ensemble, mais la vie dans un tel environnement, comprenant bâtiments anciens assez remarquables (chapelle, crypte troglodyte, salle fénière, pigeonnier et autre four à pain) et vignes protégées par une gestion biologique intégrale, mérite sans doute d'être vécue, pour ceux qui savent retrousser leurs manches.

Dégustation de quelques jus récents, notamment le rosé, Pomponette, une couleur très présente au domaine, pour lequel le vigneron dit pratiquer des vinifications "à la volée", prenant les raisins et les encuvant dans l'ordre dans lequel ils se présentent. La gamme se complète d'un joli blanc, Galinette et de trois rouges, Lauze, Les Amis et Liane, pour lesquels cabernet sauvignon, syrah, mourvèdre et grenache proposent des styles différents, mais toujours porteurs d'une remarquable fraîcheur. D'autres cuvées sont de temps à autre disponibles, comme le pétillant naturel, exemple de légèreté fruitée et suave, ou encore ce blanc de macération en cours d'élevage, ou le vermentino passerillé et au final moelleux, dont les grappes sèchent sous le plafond du cuvier.

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Il est presque normal de quitter à regret un tel environnement, en pensant aux dix heures d'autoroute qui nous attendaient, d'autant que la chaleur était toujours d'actualité et que Karina nous prépara un succulent repas pour l'occasion. Au passage et en me remémorant l'image des "toros" si paisibles dans leur paysage, juste une pensée pour Lucien Clergue, remarquable photographe originaire d'Arles, où il créa les Rencontres Internationales de la Photographie, immense rendez-vous pour les passionnés de cet art. Et, en même temps, emporter quelques belles images d'une jolie escapade, dans toute sa diversité, en rappelant que rendre visite aux vignerons reste essentiel, car c'est le seul moyen concret de capter leur créativité, comme le démontre cette virée en Provence, région que l'on aurait vite rangée, pourtant et à tort, parmi les soi-disant "homogènes", n'ayant plus rien pour nous surprendre. Heureusement, il n'en est rien!...

Château Massereau, à Barsac (33)

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L'article du printemps dernier, paru dans une célèbre revue viticole, cherchant à nous démontrer que quelques irréductibles girondins pourraient bien se transformer en révolutionnaires de la dive bouteille, a sans doute fait long feu dans le landerneau local. Cependant, l'initiative révèle qu'un tant soit peu de curiosité peut nous mettre sur la piste de véritables révélations. Loin de l'intelligentsia bordelaise, qui a tendance à nous laisser entendre que, sans elle point de salut, forts de leur libre arbitre intact et de leurs convictions, certains domaines et châteaux proposent de remarquables vins, comme ceux de la famille Chaigneau, à Barsac.

013De prime abord, on peut penser que cette famille, originaire d'un petit village du nord de la Vendée, est somme toute installée là depuis plusieurs générations, se passant le relais pour entretenir le domaine et la flamme. En fait, il n'en est rien, puisque sous l'impulsion de l'un des fils, Jean-François, désirant devenir vigneron au moment où l'avenir doit se dessiner, toute la famille s'est mise en quête d'une propriété, pour ne franchir le portail de Massereau qu'en 2000. Une façon pour le moins singulière de prendre pied dans le troisième millénaire!... Très vite, le second fils, Philippe, a pris le parti et la charge de s'occuper des aspects commerciaux et promotionnels du cru.

Un joli château dans la campagne sauternaise, construit sur des bases très anciennes et souterraines, avec des apports successifs de tours et autres constructions, s'étant étalés du XVIè au XVIIIè siècle. Contemporain des règnes d'Henri III, Henri IV et Louis XIII, Jean Louis de Nogaret de La Valette, alias le Duc d'Epernon, en fait un élégant relai de chasse, lui qui est résident du proche château de Cadillac.

Beaucoup plus près de nous, Massereau a connu plusieurs propriétaires depuis 1986, dont la famille Castéjà (les vignes de Doisy-Védrines sont contiguës à celles du domaine), un couple de Suisses également présents du côté de St Emilion et Jean-Paul Lafragette, ex-propriétaire de Château Loudenne, dans le Médoc, désormais bien connu dans la région pour ses déboires judiciaires.

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Le domaine, c'est aujourd'hui une petit dizaine d'hectares, dont 1 ha 10 environ qui coulent de la terrasse du château jusqu'au Ciron, avec même les traces d'un ancien port, dit de Barsac, utiliséà une époque déjà ancienne, pour la très recherchée pierre, visible sur nombre de façades de la région. La proximité de la rivière est un gage de production de raisins botrytisés, dans le sens confit-rôti, comme c'est le cas pour le M de Massereau, obtenu après une cueillette grain par grain (avec une pince à cornichons si nécessaire!) et huit à douze tries successives. Utilisation d'un petit pressoir à cliquet pour une presse très longue, puis fermentation et élevage en barriques neuves. La production moyenne, sur les dix dernières années, se situe aux environs de 10 hl (quatre barriques et demie), avec des années nettement plus basses, favorables à la production d'une seconde cuvée, La Pachère, comme ce fut le cas notamment les années paires, entre 2002 et 2008. Pas de trace de sauvignon ici et les Barsac-Sauternes sont composés de 85% de sémillon, avec un complément de muscadelle. Notons que certains millésimes sont venus, dit-on, bousculer la hiérarchie locale, lors de dégustations récentes.

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Pas de Graves blancs, mais 1 ha 88 destinés à la production de Graves rouges, parfois hors du commun. Encépagement classique pour les cuvées d'assemblage : cabernet sauvignon, cabernet franc, merlot, petit verdot et le très rare merlot à queue rouge, en lieu et place du malbec. Peut-être encore plus que les Sauternes, les rouges du domaine évoquent l'attachement de la famille à la production (et à la dégustation) de vins dits de garde. Les deux fils ont étéélevés dans cette tradition des Bordeaux qu'il fallait savoir attendre, même si Philippe semble dire que, parfois, il pourrait en être autrement... Le Graves rouge est construit dans cet esprit et 2009 illustre cela parfaitement, mais d'autres millésimes sont disponibles. Une dominante cabernet qui oscille entre 50 et 55% (CS 40% et CF 10%), associéà 30 à 35% de merlot et 10 à 15% de petit verdot. Une expression qui se veut typique des vins issus des sols d'argile rouge, reposant sur la roche mère calcaire, avec finesse, élégance et densité.

018Mais, le véritable révélateur de la passion du vigneron pour un travail attentif et tourné vers la qualité (et la rareté!), ce sont les cuvées Socrate (prénom de l'ancêtre) et Eliott (le dernier représentant de la nouvelle génération), toutes deux issues de ce même terroir des Graves. Un process que l'on ne s'attend pas à trouver dans le Bordelais, ou si peu!... Socrate est un assemblage des cinq cépages cités plus haut. Vendanges très sélectives, égrappage et foulage manuels, puis passage en barriques neuves ouvertes et debout. Brassage et pigeage manuels pendant la fermentation alcoolique, puis fermentation malolactique dans ces mêmes fûts. Écoulages par gravité vers le petit chai d'élevage, où sont réunies des barriques neuves (entre un tiers et 40%), mais aussi d'un et deux vins, pour une durée totale de 20 à 24 mois (moins pour le 2013!). Travail d'orfèvre!... Au final, les vins sont ni filtrés, ni collés (aucune utilisation de techniques oenologiques modernes!), pas de levurage et très peu de soufre (le vigneron précise que ses vins ne dépassent pas 60 de soufre total pour les rouges, toutes cuvées comprises).

Régime identique (vinification intégrale) pour la cuvée Eliott (600 bouteilles), dont la dégustation est une véritable révélation. Il s'agit là, en effet, d'un vin 100% petit verdot. Le millésime 2009 a passé 22 mois en barriques, mais il est pourtant très modérément boisé, au nez comme en bouche. Robe noire intense, des fruits noirs au nez, du zan, une touche de menthol, immense!... Incrachable!... Environ 15,5° naturels, ce qui laisse une idée du niveau de maturité recherché. Les jus flirtent, certaines années, avec les 16°, mais seulement 13,8° en 2014!... Quand même!... Quelque chose qui nous inspire cette réflexion : et si nos GCC voulaient se donner la peine... Pour Jean-François Chaigneau, l'étonnement aussi de voir tous ces vignerons de la région poussant les merlots au maximum, alors que, de toute évidence, ils ne sont pas faits pour ça!...

Mais, ce n'est pas tout! Le domaine compte aussi un peu moins de six hectares en Bordeaux Supérieur, sur un îlot comptant une douzaine d'hectares à l'origine, dont 1 ha 50 arrachés depuis peu. Là encore, une démarche précise, cohérente et... attentive au marché. Une première cuvée sur une base de merlot (60%) associée aux deux cabernets et à un soupçon de petit verdot qui, après une cuvaison de quatre à six semaines en cuves ciment, est élevé de douze à quatorze mois en cuve inox. Une autre, la Cuvée K, à dominante cabernet cette fois, est entonnée début décembre pour douze à dix-huit mois, selon le millésime. On est là dans tout ce que Bordeaux peut offrir de traditionnel, mais avec une expression sincère et bien construire. Enfin, à peine 5000 bouteilles de Cuvée X (40% CS, 10% CF et 50% merlot), élaborée sans sulfites ajoutés, un vin naturel qui s'offre sur le fruit et la dynamique propre à nombre de ces vins. A découvrir absolument!...

019Enfin et même si la dégustation en était impossible lors de notre passage, une autre cuvée vedette (mais n'apparaissant même pas au tarif, tant elle est rare!) s'est faite une certaine réputation auprès des fidèles clients du domaine, n'imaginant pas un seul instant céder une partie, même réduite, de leur dotation!... Le rosé - que dis-je? - le Clairet, dont le dernier millésime est en cours d'élevage (mais, ne le répétez pas!). D'assez vieilles vignes de cabernet sauvignon et de merlot, dont la vendange subit une macération pelliculaire, puis une fermentation en barriques âgées de trois ans, avec bâtonnage. Élevage sur lies pendant six mois environ (avec bâtonnage dégressif), si bien qu'un très léger sulfitage n'intervient que deux mois avant la mise. Tous ceux qui ont dégusté cette petite merveille de "claret" sont presque prêts, dit-on, à faire allégeance à la couronne d'Angleterre, comme on peut le voir ici!... C'est dire!...

Un domaine à découvrir donc, aussi parce que Jean-François Chaigneau n'est pas homme à pratiquer la langue de bois et encore moins l'esbroufe. Il observe ce qui se passe autour de lui, dans sa région d'adoption, fait des choix, tout en appréhendant bien ce qui est important pour le bon équilibre de son domaine. Certes, il ne revendique pas de label bio, parce qu'au seul cuivre, qui selon lui n'est pas forcément la panacée vis-à-vis des sols, il préfère l'emploi de produits de contact à base de cuivre, mais aussi de zinc qui lui, n'est pas reconnu par l'agriculture biologique. Depuis trois ans, il a fait le choix de la confusion sexuelle, avec de bons résultats même si, selon lui, il faudrait qu'elle soit pratiquée plus largement à proximité. Enfin, il a opté pour le travail des sols, afin de s'interdire tout mode de désherbage chimique, bien entendu. Tous les travaux sur les pieds de vigne eux-même, au fil des saisons, sont manuels, jusqu'à la récolte réclamant toujours un tri attentif, quel que soit le raisin et sa destinée. Au chai, aucun intrant ne franchit le portail et le domaine revendique plutôt fortement la production de "vins naturels". Tout n'est cependant pas figé et parmi les objectifs actuels, figure l'achat de petites cuves en bois de trente ou cinquante hectolitres, en vue d'élevages encore plus attentifs, au moyen de contenants préservant l'authenticité du raison et l'expression du terroir dont il est issu.

020Le Château Massereau avance et notamment à l'export, plus particulièrement vers les pays anglo-saxons. Rappelons que certaines cuvées sont produites en faible quantité et que, même si elles sont proposées aux particuliers à un tarif plutôt élevé (de 95 à 115 euros pour Socrate, Eliott et le Sauternes, les premières cuvées se situant aux environs de 10 à 15 euros, y compris le Clairet), elles ne manqueront pas de prendre avant longtemps une quasi dimension patrimoniale : des Bordeaux authentiques, mais rares. La famille Chaigneau va-t-elle révolutionner Bordeaux pour autant?... Peut-être pas, mais ses vins ne manqueront pas d'interpeller les amateurs, qui seront avisés de ne pas forcément se tourner, en toutes circonstances, vers d'autres étiquettes pompeuses et immuables, dont la calligraphie dorée, souvent dotée d'une part de vétusté soigneusement entretenue, nous berce parfois (souvent?) d'illusions.

Au moment où, pour bon nombre d'amateurs, l'achat en primeur de grands crus bordelais devient impossible (surtout quand il s'agit de se fier à des notes de pseudo experts et que parfois, les propriétaires préfèrent se concentrer sur des marchés lointains!), il est donc envisageable de choisir une autre voie. Non loin de là, un autre domaine des Landes girondines et sauternaises a franchi un palier encore plus extrême, du point de vue des tarifs s'entend, ne se destinant qu'à l'Asie et la Russie et ne cherchant même pas, semble-t-il, la moindre forme de confrontation avec ses pairs. Après un premier rendez-vous remis, nous espérons pouvoir l'évoquer ici dans quelques semaines.

Instantanés de salons ligériens

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A la croisée de novembre et décembre, on s'attend parfois à ce que la douceur d'une arrière-saison automnale laisse place aux premiers frimas. C'est bien ce qu'annonçait la météo nationale pour ce dernier week-end de novembre, mais pourtant, les deux salons de cette fin de semaine se déroulaient par des températures des plus modérées et agréables.

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Avant de flâner au bord du Layon le dimanche (notez à quel point son niveau est bas pour la saison, très loin des dramatiques hauteurs d'eau des fleuves côtiers du Sud-Est, ces derniers jours), il était bon également de passer par Saumur et plus exactement la commune voisine de Bagneux, où se déroulait la première édition de Saumur So Bio, réunissant une bonne vingtaine de vignerons du cru, défendant la pratique d'une agriculture biologique, au coeur des appellations Saumur et Saumur-Champigny.

Était-ce le fait que ce salon se déroulât dans les locaux d'un ancien domaine viticole appelé Domaine de la Bergère qui valut aux organisateurs un premier coup de semonces, sorte plutôt triviale de réponses des bergers à la bergère, avant même l'ouverture des festivités, ou l'organisation simultanée d'un autre salon regroupant des productions plus conventionnelles dans cette noble ville de Saumur, toujours est-il que les commentaires parus sur Saumur Kiosque, suite à la petite conférence de presse des organisateurs de Saumur So Bio, ont contribuéà mettre le feu aux poudres, ce qui en soi n'est pas forcément anachronique, dans une ville qui compte (ou comptait) nombre d'artilleurs et de blindés en tous genres!... En joue, Saumur bio, feu!...

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A l'ouverture de cette néanmoins très sympathique manifestation, on pouvait deviner chez certains des organisateurs et responsables de la toute nouvelle association, que les propos tenus par quelques-uns de leurs "collègues" et voisins risquaient de laisser quelques traces, à l'heure où il arrive qu'on partage un p'tit blanc, toutes agricultures confondues, aux rares comptoirs encore ouverts dans les villages du Saumurois. D'autres ne pouvaient manquer de rappeler à cette occasion que cette virulence verbale et souvent écrite sous couvert de pseudo divers et variés, traduisait bien ce qui sépare encore les tenants de méthodes traditionnelles, de ceux qui militent, parfois fermement, pour une approche plus saine et attentive de la viticulture. Les premiers s'estimant injustement attaqués, les seconds rappelant à quel point les instances locales revêtent parfois les habits de despotes intolérants, voire tourmenteurs. Alors, maladresse verbale ou réactions épidermiques déplacées, chacun reste juge et filons déguster!...

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Saumur So Bio réunissait donc quelques talents de la région, certains vus et bus lors de diverses manifestations passées ou habituelles, puisqu'on trouvait là notamment quelques référents régionaux comme Philippe Gourdon et Thierry Germain par exemples, ou encore Éric Dubois, du célèbre Clos Cristal et bien sur des jeunes vignerons, qui se sont attaqués depuis quelques années déjà, à la face nord de la notoriété, non sans connaître de belles réussites et proposer ainsi de non moins belles quilles!...

Il faut citer làAymeric Hillaire, du Domaine Mélaric, qui proposait Billes de Roche et Cerisaie, tant en blanc qu'en rouge, dans les millésimes 2011 et 2012, ainsi qu'un joli liquoreux 2011, dans le genre confidentiel et remarquable. Un président de So Bio à la hauteur!... Citons encore Antoine Sanzay, qui n'hésitait pas à mimer pour l'assistance la butte des Poyeux façon tai-chi, entre un verre de La Haye Dampierre 2013 et des Poyeux 2012, dans le genre cabernet franc qui peuvent aisément vous mettre dans un état second.

005Non loin de là, c'est Adrien Pire, frère jumeau de Guillaume, qui représente le Château de Fosse Sèche en ce samedi, avec Arcane 2013 et Eolithe 2011, toujours au top. Adrien, qui semble avoir pris ses marques à l'occasion de ces salons, où il faut parfois composer avec des clients potentiels aux connaissances diverses et variées, voire aux à priori quelque peu tenaces.

Lorsque le monde se presse dans cet ancien caveau de pierre blanche, sorte de couloir de correspondance (presque façon métro parisien) entre les époques viniques, il faut quand même prendre le temps de dialoguer avec Xavier Caillard, qui est toujours à Brézé, dans ses Jardins Esméraldins, mais qui va sans doute glisser avant longtemps vers l'ouest du Saumurois, pour se rapprocher de la frontière angevine. Une évolution importante, que nous pourrons sans doute évoquer sur pièce, dans quelques temps. En attendant, on se régale avec la trilogie des blancs secs, 2001, 2000 et 1999, sans oublier le 2001 liquoreux, qui oscille entre art liquide et magie des saveurs, avec son élevage de neuf années!... Le rouge 2003 est absolument au top (s'il vous en reste, tentez quelque chose avec une jolie préparation de foie de veau par exemple!), alors que le 2006, plutôt dans une phase de retrait, risque d'être tout simplement étonnant dans quelques années!...

On peut aussi citer les cuvées du Chateau Yvonne, de Mathieu Vallée, dont le parcellaire Le Gory 2011, Saumur blanc sous l'influence de l'élevage à ce stade, mais au potentiel intéressant, ou encore les vins de Loïc Terquem, installé depuis début 2009, sur les quatre hectares de La Folie Lucé, avec notamment L'Ecart 2013, un Saumur blanc issu de 37 ares d'un sol argilo-calcaire. Ultime découverte du jour, les vins de Gil Caborderie, installé depuis février 2012, du côté de Doué la Fontaine, dont nous aurons l'occasion de découvrir vignes et domaine avant longtemps.

020Du côté de St Aubin de Luigné, les Anges Vins donnaient rendez-vous à leurs fans ligériens pour la neuvième année consécutive (attention à la 10è en 2015!). Malgré les absences des Cousin, Leroy, Bernaudeau et autre Angeli pour diverses raisons, dont parfois le manque de stock, il y avait là matière à découvrir quelques cuvées récentes de la région du Layon. En plus de ces quelques absences, notons aussi la présence de la nouvelle génération à la table des Ménard, ainsi qu'à celle des Mosse, sans oublier Charly Robineau (et sa calculatrice téléphonique infaillible!) qui oeuvrait pour sa part à celle du Domaine de Bablut, Christophe Daviau se contentant, pour un dimanche, de jouer le rôle de manipulateur de diable, le moment venu. Rappelons au passage que cette dégustation-vente, à quelques semaines des fêtes, permet aux vignerons de rencontrer leurs clients et d'écouler des quantités non négligeables de flacons, ce qui tend à démontrer que cette manifestation atteint bien, au moins, l'un de ses buts.

Nous avons donc pu y croiser Toby Bainbridge qui proposait deux 2014 dans le genre tonique et frais : le grolleau Rouge aux Lèvres et le pet' nat' rosé La Danseuse. Le plus angevin des Britanniques ayant, semble-t-il, trouvé son rythme de croisière en précisant sa feuille de route (en anglais, the roadmap!), lui ouvrant petit à petit son horizon et préservant au passage son humour so british. Une gamme sincère et fraîche en toutes circonstances à ne pas oublier.

De son côté, Jean-Christophe Garnier propose toujours une série originale et spontanée, avec une gamme aromatique et un style que les amateurs connaissent bien désormais. A suivre, La Roche-Bézigon 2013, rencontre des deux rives du Layon et La Roche 2012, deux jolis blancs, puis le pet' nat' 2009 disponible depuis l'été dernier, ainsi qu'un assemblage rouge de gamay et de pineau d'Aunis.

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A l'extrémité de la même rangée, non loin de la cuisine, où bouillonne doucement la soupe incontournable et irremplaçable de Mileine Oosterlinck, Didier Chaffardon propose une série colorée qui ne manque pas d'étonner. Le vigneron s'amuse souvent des réactions de ses interlocuteurs-dégustateurs, tout en appréciant la visite de ce qu'il convient d'appeler ses "fans"!... Au programme, Douze heures angevignes, L'Ailé faon rose d'un jour, Le Rouzé 2012, Clopin Clopant 2013, catégorie grolleau tonique, L'Incrédule 2012, à la longue cuvaison de sept mois et la stupéfiante Confiturine 2011, sorte d'ovni (objet vinique non identifié!), titrant moins de 1° (non, il ne s'agit pas d'une erreur de frappe!) et totalisant pas moins de 550 gr de sucres résiduels!... Les plus inconditionnels, dit-on, en tartinent leur tranche de cake à l'heure du thé (oh my god!) !... Mais, cela ne tient-il pas désormais de la légende chaffardonesque?... Allez savoir!...

016Passage ensuite à la table du Domaine de Juchepie, oùEddy Oosterlinck propose toujours une remarquable série de chenins, du plus sec, Les Monts 2011, aux plus moelleux, La Passion 2010 qui ne manque jamais d'étonner, ainsi que Quintessence 2011, objet de toute l'attention des passionnés, ne manquant pas, quant à eux, de profiter longuement du moment. Ce qui est aussi l'occasion pour le vigneron de Faye d'Anjou d'évoquer ses nouvelles plantations sur un coteau "historique du Layon" défriché, donnant beaucoup d'espoirs (avec aussi la perspective de voir son fils se joindre à l'aventure d'ici quelques années), mais également de faire part de son désarroi face à la présence de drosophila suzukii, la mouche qui fait le buzz, détruisant parfois la vendange en cours de concentration en sucre et destinée à la production de liquoreux. Résultat au domaine, les raisins restants sont toujours sur pieds ou à terre et ce n'est malheureusemnt pas la première fois!... Comme avec d'autres producteurs, Eddy se met à espérer un hiver rigoureux pouvant peut-être enrayer le phénomène, voire permettre un rééquilibrage naturel de la chaîne alimentaire, alors même que l'identification d'un prédateur de l'insecte n'est pas avérée à ce jour. Dans le vignoble, il semble que l'on passe, en cette fin d'année, de la crainte pour l'avenir, d'une production très irrégulière de liquoreux (mais faut-il qu'elle soit nécessairement annuelle? diront certains, tentant de positiver, au regard de la demande de ce type de cuvées...), au déni, chez d'autres, de l'existence même du problème, alors qu'une réponse à l'aide de produits phytosanitaires (qu'ils soient naturels ou de synthèse) n'est pas annoncée pour l'avenir immédiat. On serait tenté imprudemment peut-être de s'en réjouir, mais c'est sans doute sans compter sur l'efficacité de quelques apprentis-sorciers de laboratoires de la chimie moderne!... Gageons qu'il conviendra certainement d'être vigilant, lorsque certains annonceront qu'ils connaissent la réponse au problème, forcément la panacée!...

019Après la dégustation d'un bol de soupe pour Madame PhR et d'un traditionnel sandwich au boudin noir pour ma part, transition plutôt fulgurante avec les cuvées toujours très nature de Babass : Brutal (en liaison avec les sudistes de La Sorga), Roc Cab' et Groll'n Roll, le tout dans les versions récentes et disponibles. A ses côtés, Jean-François Chéné et les cuvées de son domaine, La Coulée d'Ambrosia. Le vigneron de Beaulieu exprime aisément à quel point sa production correspond pleinement à sa sensibilité personnelle et à l'idée qu'il découvrit un jour, une autre façon de faire du vin, loin des canons de l'oenologie moderne certes (comme d'aucuns n'ont pas manqué de lui dire certains jours!), mais beaucoup plus proche de la construction de cuvées sur le fil parfois, mais expressives et intenses. La série proposée - Boit sans Soif 2012 (grolleau), Les Joues Rouges ou Panier de Fruits 2012, L'O2 fruits 2010 et Aphrodite 2009, sorte de vin de voile venu d'ailleurs, ou le plus jurassique des vins du Layon, illustre bien les intentions du vigneron. A revoir impérativement avant longtemps, sur pièce.

On n'oubliera pas la très cohérente série du Domaine de Bablut, ni le trio proposé par Stephan PZ, dont Un bout de chenin 2013, toujours égal à lui-même, dans le genre droit et frais, ainsi que Le Gué des Mûriers 2013 (grolleau) et La Pièce de la Barrière 2012, un cabernet franc angevin absolument sans soufre, de Bruno Rochard. Enfin, rendez-vous est désormais quasiment pris avec Benoît Courault, afin de découvrir quelques parcelles produisant et proposant une gamme connaissant de plus en plus de fans, comme, par exemple, le liquoreux étonnant La Faîne 2010, qui s'élève sans nul doute au niveau des Rouliers et autre Gilbourg, fers de lance du domaine.

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Agréable promenade en Layon donc, sous le soleil exactement, avant même que l'hiver ne daigne séjourner dans notre région... Avec d'autres salons, de Bruxellesà Paris ou de Rablay sur Layon à St Julien l'Ars, autant d'occasions de croiser le verre, en attendant les plus grands rendez-vous de Montpellier et d'Angers ou Saumur, fin janvier et début février 2015. D'ici là, belles fêtes de fin d'année à toutes et tous, visiteurs salonesques!... Portez-vous bien, abusez des bonnes choses, mais toujours avec modération!...

Bonne Année 2015

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Ne le répétez pas, mais en fait, je vous écris de mon bureau... Je veux dire, sur mon lieu de travail... Pour un peu, j'aurais honte, mais à peine!... Privilège de "privilégié" dans l'âge mûr, allez-vous penser?... Peut-être... Pour tout dire, cela fait trente huit ans que je bosse pour la même entreprise, une grande, option téléphonie. Je ne vous dis pas ça pour vous raconter ma vie, mais sans doute un peu parce que depuis peu, j'ai opté pour un TPS, un temps partiel senior. Une fin de carrière en pente douce pour quelqu'un qui n'a jamais vraiment voulu faire carrière... Résultat : il me faut être présent (et continuer d'oeuvrer pour la bonne cause du haut débit pour tous, quand même!) les trois premiers jours de chaque semaine. Mes week-ends ont doublé de volume, mes envies de passer à autre chose aussi...

10409355_10205403724350536_718785808316973181_nToujours face à mes trois écrans pendant trois jours et ce, dans une "cellule" de quatre personnes qui n'est jamais au complet, pour cause de TPS à géométrie variable, selon le choix des individus, mais aussi de télétravail, plutôt une bonne idée en soi, mais assez peu utilisée dans notre beau pays, pour cause de désocialisation prévisible et supposée des masses laborieuses!... Ben oui, c'est sur, il vaut mieux être trois ou quatre à se faire la gueule entre quatre mûrs, avec vue imprenable sur le parking d'entreprise, plutôt qu'améliorer sa productivité (les études le démontrent) dans un environnement agréable, ou qui nous convient parce que notre et quotidien. Tiens, justement, en ce 31 décembre, nous devrions être trois!... J'avais oublié de consulter le planning!...

Passer à autre chose. Je vous parlerais volontiers de mes projets, mais j'ai toujours cette réticence (superstition due à des racines celtes, vous croyez?) qui me suggère de ne les évoquer vraiment (et publiquement) qu'à partir d'un stade que l'on pourra qualifier de concret. Mais aussi, parce que j'ai envie d'en parler avec le talent de Flemming Jensen, un Danois du Danemark, auteur du "Petit traité des privilèges de l'homme mûr et autres réflexions nocturnes". Manière de philosopher sur le monde qui l'entoure, en ouvrant la porte de son frigo, au milieu de la nuit!... Mais, je n'ai pas le talent ni la plume de Mister Jensen. Envie néanmoins de reprendre une tête de chapitre de son livre, sur le péché et la culpabilité : "Adam n'a pas mangé la pomme pour la pomme en elle-même. Mais parce que c'était interdit. Si c'est le serpent qui avait été interdit, il aurait manger le serpent". Genre d'idée qui décoiffe quelque peu, au moment de passer à table pour le traditionnel réveillon et pour revenir aux nourritures terrestres!... Pommes rôties pour accompagner le boudin blanc truffé ou serpent grillé dans la cheminée?... Où sont vraiment nos interdits?... Depuis des millénaires, nous croquons dedans impunément!... Comment voulez-vous que ça marche?...

En attendant, je m'interdis donc (dis donc!) de vous parler de mon projet, notre projet. En fait, je l'espère un rien anachronique, avec une sorte de quête hors du temps, voire limite anticonsumériste. Je rêve, me direz-vous? Et je pourrais bien être rattrapé par la patrouille de nos logiques actuelles, façon troisième millénaire. Mais, c'est une manière de cultiver mon jardin secret...

J'en profite donc, alors que 2015 arrive à grands pas, pour vous souhaiter que la nouvelle année vous permette de réaliser vos projets, de conforter ceux qui ont déjà vu le jour et ce, dans la sérénité apportée par une bonne santé vous préservant, ainsi que tous vos proches. Au passage, je céderais à une forme primaire d'autopromotion, en espérant pour Eva, Antonin, Guillaume, Olivier, Patrick et moi-même (on n'est jamais si bien servi...), sans oublier Marie et Sabine, une franche réussite àTronches de vin n°2, le contre-guide qu'il vous faut, au moment de parcourir les vignes et qui paraîtra dans toutes les bonnes librairies le 13 mars prochain, pour le meilleur et le meilleur du vin.

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Bonne Année 2015, partez à la conquête de vos rêves. N'hésitez pas à nous en parler, ne serait-ce qu'au moyen d'un petit selfie (un égoportrait, comme on dit au Québec!) posté du bout du Monde. Et prenez soin de vous. Hé, la Terre tourne! Résistez, résistez à la tentation de ne rien faire, même si c'est doux, quand tout s'agite autour de vous. Pour vous et pour les autres.


De vigne en Charlie...

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7 janvier. A 18h, il fait nuit comme un 7 janvier. Les radios ont des larmes aux mots, des sanglots aux tournures de phrases. Trente minutes plus tôt, Philippe Val, co-fondateur de Charlie Hebdo nous explique, bouleversé, la voix chevrotante, qu'il ne va pas bien... Je me demande si nous ne sommes pas un certain nombre comme cela ce soir. Il fait frisquet, mais il ne pleut pas. Du coup, on file Place Nap'! Et même s'il avait plu... Je passe chercher Horta, aussi parce qu'elle fait partie de notre vie et que notre vie, p..., ne doit pas se fermer. On retrouve quelques amis, certains venus avec enfants, petits-enfants. Je ne sais pas si nous sommes bien un millier (selon le décompte de la presse locale), mais quelle importance?... On devine rapidement que nous ne sommes pas tous du même avis, électoralement parlant, mais ce n'est pas vraiment l'heure de se compter. Le maire parle peu, invite au silence, au recueillement, puis à quelques minutes d'applaudissements, "pour qu'on se souvienne que de grands artistes sont partis". Sans doute des artistes libres, mais si menacés, au point que... Nous sommes sans doute nombreux à penser qu'il faut reprendre le flambeau, avec nos modestes moyens, ceux d'un blog qui se veut libre aussi, ceux d'un micro d'une radio locale qui nous est ouvert... C'est une véritable chance, que de vivre au coeur de nos démocraties et quelque part, de contribuer à les animer!... A 20h, avec les Petits Saignants, nous avons décidé de nous appeler tous les trois Charlie, pendant toute la durée de l'émission, même si nous avons un peu de mal à nous dénouer. On essaie d'envoyer quelques vannes, parce que, ne l'oublions pas, de grands caricaturistes et humoristes ont été assassinés aujourd'hui. Sur la place, Napoléon est peut-être aussi Charlie ce soir, à moins que ce ne soit son cheval?... Un lampadaire brille comme un phare (je suis un piètre photographe, même en activant "scène de nuit", c'est dire!), il ne nous reste qu'à le suivre. Je suis Charlie. Même si je n'étais pas un très fidèle lecteur de Charlie Hebdo, en gardant quelques numéros "historiques" cependant. Mais, que celui qui n'a jamais rigolé en découvrant la une de l'hebdo, aujourd'hui menacé, me jette la première gomme, le premier taille-crayon!...

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Figurez-vous qu'en ce 7 janvier, j'avais envie de vous parler d'une récente trouvaille, faite dans un carton poussiéreux. Un livre, presque une bande dessinée. Papier jauni, gaufré, la "nouvelle édition", millésimée 1949, tirée dans sa version "définitive et posthume" (sic!) à trois mille exemplaires. Celui-ci porte le numéro 1447. Son titre : De vigne en chai, dessins animés par J. Jacques Roussau (re-sic!), aux Éditions Delmas, sises (en 1949!) à Bordeaux, Place Saint Christoly. Plus de quatre-vingt-dix pages parcheminées d'une belle écriture à l'encre bordeaux, avec superbes pleins et déliés. Toute la passion de l'amateur de vin est passée en revue avec des chapitres successivement dédiés au cep de vigne, à la barrique, à la bouteille, au bouchon, à l'étiquette, à la capsule, au paillon (eh oui!) et sans oublier la caisse.

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Ce soir, j'ai envie de faire appel à tous les virtuoses de Photoshop et autres outils de l'informatique et des médias. Vous pouvez, à votre guise, modifier le titre sur la photo ci-dessus, pour qu'elle devienne De vigne en Charlie... Je ne manquerai pas de publier vos tentatives, toutes plus remarquables les unes que les autres, j'en suis certain, en attendant de pouvoir, de nouveau, croiser le verre!... Quant au dessin ci-dessous, je veux y voir encore Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski, attablés autour d'une nouvelle bouteille à découvrir. Ne cherchez pas Bernard Maris (mais que va devenir Dominique Seux sur France Inter, chaque vendredi matin?!), il est redescendu sur le nuage au-dessous, pour aller chercher un deuxième flacon!...

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Et si on passait à autre chose...

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Au creux de l'hiver, le 1er décembre dernier, j'ai eu une sorte de flash, quelque chose qui me disait que je vivais là, le premier jour du reste de ma vie. C'est peut-être parce que la soudaineté de ce choix de nouveau statut professionnel et du coup, son côté incontournable et définitif me permettait de franchir une nouvelle porte. Mais aussi, sans doute, parce que la passion que j'essaie de partager - vins, vignes et vigneron(ne)s - appelle sans cesse à se tourner vers d'autres horizons.

A mon âge et en espérant que la vie me permette d'entamer encore plus loin la découverte de ce nouveau millénaire, j'ai une pensée pour une, voire deux générations de celles et ceux qui m'ont précédé. Un certain nombre d'entre eux ont cessé leurs activités professionnelles à l'âge que j'ai aujourd'hui et même un peu plus jeunes. Mais, c'était il y a trente ou quarante ans, à une époque où la pénibilité ou la rudesse de certaines tâches n'étaient pas montrées du doigt et assimilées à de supposés privilèges. De plus, cette génération, celle de mes parents, oncles et tantes, avait eu vingt ans entre 1940 et 1945. Prisonniers pendant de longues années en Allemagne, loin de leurs familles ou victimes de toutes sortes de privations pendant l'Occupation, voire combattants engagés dans une lutte acharnée sur divers champs de bataille, ils franchirent ce cap, parfois sanglant, de leur jeunesse, certains de sourire à la vie qu'il allait leur être donné de vivre et de partager, en traversant, clopin-clopant parfois, le baby boom et les Trente Glorieuses. Et que dire encore de ce grand-père qui passa plus de deux ans de cette même jeunesse dans les tranchées de Verdun ou de la Marne, un vendéen taiseux, dont je compris (mais un peu tard!) qu'il allait me manquer, au moment même où il expira sous mes yeux. Reposez tous en paix!...

Alors, au moment même où mon avenir professionnel s'inscrit dans un semblant de pré-retraite, comme on disait naguère, je vais prendre une sorte de virage, parce que la vie mérite d'être vécue pleine et forte, avec juste ce qu'il faut d'intensité, laissant la place, certains jours, à la découverte, au partage et à l'envie de continuer à parcourir le monde, à croiser des regards étonnés, qui brillent des reflets d'un vin que l'on vient de verser. Il ne nous reste donc plus qu'à croiser le verre au nom de la vie!...

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Je devine que certains voient là l'expression d'une forme d'idéal. Et d'aucuns pour me rappeler que l'idéalisme ne fait pas bon ménage avec la rentabilitééconomique. "Qu'avez-vous à proposer de plus que les autres?..." me demande ma conseillère cécéiste. Ce que les autres n'ont pas!... D'où cette idée de tenter d'être un "alter-caviste". Petite boutique, petit volume, petit stock, renouvellement saisonnier et une grosse envie de susciter la curiosité, convaincre que l'on peut découvrir, même dans nos contrées lointaines, ces cuvées rares, voire introuvables. Je sais que les réalités ne vont cesser de me poursuivre, au moins pendant quelques temps. C'est toute la difficulté du challenge. Mais, nous avons quelques atouts, comme ceux liés à ce qui doit être une activité d'appoint et la volonté de s'appuyer sur nos rêves d'indépendance et d'originalité.

Sans oublier l'envie de faire aimer le vin comme une sorte de totem culturel, de toutes les cultures et pas seulement franco-française. Tous les vins sont égaux en droit... d'accéder à votre table et à celle de votre entourage!... Ils racontent tous une histoire, celle d'hommes ou de femmes, qui parfois entrent en résistance contre des logiques économiques, sociales et sociétales pour le moins frustrantes. C'est aussi ce qui nous anime et c'est une façon de rejoindre... naturellement cette résistance. "Le vin est une question politique!" clame Antonin Iommi-Amunategui, qui propose No wine is innocent, élu Blog de l'année par la Revue du Vin de France (qui l'eut cru?) et par ailleurs co-auteur (avec Eva, Olivier, Patrick, Guillaume et votre serviteur) du guide Tronches de vin, le guide des vins qu'ont d'la gueule (dont le numéro 2 paraitra le 13 mars prochain). Alors, entrez en politique!...

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Voici donc ce qui n'est qu'une esquisse. Une boutique dans la ville. Le nom, une marque à déposer, n'a pas encore pignon sur web. Un site dédié est à l'étude. Concrètement, jardin, grands arbres et massifs divers sont là, tout proches, de l'autre côté de la rue La Fayette (nous voilà!). J'y inviterai volontiers les Languedociens François Aubry ou Ludovic Engelvin, afin de partager quelques-uns de leurs flacons, en même temps que leurs brebis pourraient pâturer sur les greens de la Mairie voisine!... Pas certains que cela plaise à tout le monde!... Pourtant, eux qui viennent des Terrasses du Larzac ou qui fréquentent le Causse ou le Mont Aigoual, ne manqueraient pas de rappeler les grandes heures post-soixante-huitardes et la présence des moutons sous la Tour Eiffel!... Et puis, avec la Place Napoléon à deux pas, les animaux sont un peu chez eux!...

Alors, Olivier Cousin, retour des Indes, avec ses chevaux?... Ou encore Christophe Landry, le Margalais, avec ses vaches jersiaises, voire les massanaises des Albères, ou albera, venues de Banyuls?... Je devine aisément que les cuvées d'Alice Brun, de Mollans sur Ouvèze, accompagnées de délicieux chèvres frais ou plus secs, venant en droite ligne de la montagne de Séderon, ne vous laisseront pas indifférents. Ni les abricots du Clos des Cîmes, lorsque l'été sera venu. La pêche à pied vous passionne, nulle marée du siècle ne vous échappe?... Alors, il vous faut les nectars made in Muscadet de Vincent, Marc, Fred et les autres, pour transcender ces saveurs marines.

Un mélange de passion et d'enthousiasme nous porte. Passe-t-on, avec toute la sérénité voulue, du statut d'amateur à celui de caviste, même si l'oenophilie partagée et l'oenotourisme peuvent apparaître comme des étapes dans un process d'évolution?... Accordez-moi encore quelques semaines pour être à même de le confirmer. Histoire que je prépare comme il se doit quelques cartes d'invitation et que le rêve devienne intégralement réalité. 

Julien Braud, la nouvelle vague en Muscadet

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Début février glacial. En cette matinée, àMonnières, il fait froid à fendre l'amphibolite!... Pour un peu, le village serait jumelé d'office avec Mouthe, aimable localité jurassienne*, que dis-je? du Haut-Doubs, qui détient nombre de records de basses températures, là où le mercure des thermomètres gèle, dit-on, comme en janvier 1985, mais peut-être cela tient-il de la légende?... Cet hiver froid est plutôt le bienvenu pour les vignerons, qui ne craignent pas de passer des journées dehors à tailler, plutôt que subir la pluie.

Peut-être quelques amateurs et assimilés ont-ils déjà eu vent des premières cuvées proposées par Julien Braud?... Voire quelques pros, récemment, lors de la Levée de la Loire et ceux qui fréquentent, de temps à autres, la belle restauration nantaise, comme Les Chants d'Avril. Pourtant, ce membre de la nouvelle vague du Muscadet, n'en est qu'au tout début de son histoire, mais la passion qui l'anime va certainement lui permettre de rejoindre très vite les référents du vignoble local (si ce n'est déjà le cas!) et peut-être même, d'être un des leaders de la génération montante.

002Le Muscadet, que l'on dit parfois maritime, au regard de la proximité de l'Océan Atlantique et de son influence climatique, n'est pas loin de déborder de belles cuvées à découvrir et à mettre en valeur. Et tout cela avec le melon B, ou melon de Bourgogne, fils du gouais blanc et du pinot noir (comme nombre de cépages de la famille des Noiriens), introduit sur les coteaux de la Loire dès 1635, semble-t-il et plus certainement après 1709 et son hiver glacial, au cours duquel la mer gela et les vignes aussi!... (Et à Mouthe, quelle température fit-il cette année-là?...) Une variété de vigne adaptée à la région, ainsi qu'à ses sols et sous-sols, comme tend à le démontrer ce travail assez récent, permettant désormais de délimiter des Crus Communaux (Le Pallet, Clisson, Gorges, puis en cours de certification, Château-Thébaud, Monnières-St Fiacre, Mouzillon-Tillières, Goulaine, voire Vallet et La Haye-Fouassière), où granite, gneiss, orthogneiss, gabbro et amphibolite influent sur la dimension organoleptique des jus, avant même le travail des vignerons et l'influence de l'élevage.

Les premières cuvées de Julien ne manquèrent pas d'interpeller Vincent Caillé, vigneron monnièrois lui aussi. Il faut dire que leurs parents se croisèrent souvent, puisque leurs caves respectives étaient naguère voisines, au coeur du village. Julien Braud y est resté, puisqu'il dispose là d'un local et de quelques cuves souterraines aux dimensions raisonnables, celles du domaine familial n'ayant jamais atteint les volumes (100 hl!) apparus voilà quelques décennies dans le secteur.

Le jeune homme, âgé de 28 ans, au terme de ses études d'ingénieur viti-vini effectuées en alternance dans le Lyonnais et d'un apprentissage en Beaujolais, dans un domaine de Romanèche-Thorins, terre du cru de Moulin à Vent, revient au bercail pour les vendanges 2009. Quelque chose de logique, puisque Monnières et sa terre natale étaient connues jadis pour être le "pays des moulins"! Pendant trois ans, il travaille avec ses parents sur le domaine familial - Domaine du Fief aux Dames - où se succédèrent cinq générations, plutôt dans un mode conventionnel. Mais, Julien exprime alors, en 2012, sa volonté de travailler en bio, tout en cherchant à distinguer les terroirs. Il propose donc de reprendre trois hectares, tout en continuant à travailler à mi-temps avec son père. Il acquière en plus quelques parcelles qui étaient en fermage et reprend deux hectares, du côté du Moulin de la Justice, à un vigneron cessant son activité. Soit un total de 7,8 ha aujourd'hui, dont 5,5 ha en production pour le millésime 2014. Notez que certaines parcelles, plantées en 1936, représentent un véritable patrimoine, mais elles devront néanmoins être arrachées et replantées avant longtemps.

003Découverte des premières vignes dans le secteur de la Croix Barré, à quelques encablures seulement du bourg. Ce coteau légèrement bombé est connu pour être celui des Quarterons. Un site que Julien Braud affectionne particulièrement, avec ces vignes familiales datant des années 50, où il espère prélever des greffons, en vue de futures massales. Nous sommes ici sur le gabbro du Pallet (le village sur l'autre rive, en face), à gros grains et plus filtrant, par opposition au gabbro de Gorges et ses sols plus "argilisés", s'apparentant plus à l'altération des gneiss du secteur. Une butte rive gauche de la Sèvre Nantaise, bien ventilée et séparant le bourg de la rivière. Jadis, les moulins étaient alignés jusqu'à La Minière. Au total, pas moins de deux à trois hectares sur ce coteau, friche voisine comprise, sur laquelle, il ne manquera pas de planter quelques céréales, avant de faire "remonter" quelques droits. En effet, dans le village même, quelques petites parcelles, dont certaines sur des amphibolites, seront sans doute arrachées à moyen terme. Cette roche métamorphique, rendue désormais célèbre par Jo Landron, n'est pas affleurante ici et donc, les sols sont beaucoup plus riches. Conséquence, les vins sont résolument sur le fruit et ne permettent, selon le vigneron, que la production d'une bulle.

Inutile de préciser à quel point Julien est attaché aux notions de terroir. A la roche bien sur, mais aussi à la structure des sols qui conditionne beaucoup de choses. "Lorsqu'ils sont plus ou moins argilisés et plus ou moins sableux, cela influe énormément sur l'écoulement des eaux, la réserve utile en eau des terrains, mais aussi en azote et autres nutriments, avant même de parler d'expositions ou des vents dominants."

006Avant de passer à l'ouest du village, afin de découvrir le secteur des Jeunetais, petite visite à deux des vedettes locales : Othello et Volcan. Le premier est un superbe Percheron gris de treize ans, le second est un Breton brun de six ans, déjà impatient de travailler, même s'il a encore tout à apprendre (avec Frédéric Carlier dans la Creuse) ou presque, volontiers dominant. Ils sont pour l'heure dans un pré pentu dominant un méandre de la Sèvre et ils n'ont pas manqué d'interpeller les habitants de la commune!... Pensez donc, travailler avec le cheval dans le Muscadet!... Certains ont du se frotter les yeux!... C'est l'épouse de Julien, Apolline, passionnée de chevaux, qui lui a transmis le virus. Et depuis, le vigneron travaille les sols et peut constater à quel point il va pouvoir limiter le tassement de ceux-ci.

Ensuite, traversée de Monnières pour rejoindre le plateau des Jeunetais, non loin du Moulin de la Justice. Cette très belle parcelle donnant sur La Hallopière et dans laquelle le rocher affleure, est séparée par un chemin, des Grandes et Petites Herses où là, ce sont plutôt des gneiss altérés qui dominent, pouvant donner une bonne unité d'expression. Notez que si le vigneron appuie sur ces parcelles et leur identité, c'est que la tendance est à proposer avant longtemps des cuvées parcellaires, afin de conforter ce travail de fond. Une démarche quelque peu contrariée en 2012, puisque pour ses premières vendanges sur trois hectares, il ne récolta que 15 hl/ha en moyenne!... "On ne perd pas de clients, puisqu'on en n'a pas, mais, c'est quand même l'angoisse..."

A la vigne, au-delà du travail du cheval, Julien Braud souhaite mettre l'accent sur certaines phases essentielles à ses yeux, comme la pratique d'une taille redonnant un bon équilibre aux ceps et d'un ébourgeonnage attentif. Il utilise nombre de tisanes et décoctions, voire quelques préparations biodynamiques, sans pour cela, la moindre revendication jusqu'à maintenant.

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Il n'est que de déguster les jus du millésime 2014 prélevés sur cuves souterraines, pour constater que le jeune vigneron de Monnières a déjà trouvé son style. Jusqu'ici, les mises des deux premières années ont été pratiquées en novembre, mais Julien va proposer, dès les prochains mois, une cuvée 2014 dite de printemps, genre pur jus de gneiss (duo de vignes des Barres et du Fay d'Homme, sur des gneiss plus altérés, situées dans le village), avec juste ce qu'il faut de fruits blancs (poire) et de fraîcheur, ce qui ne manquera pas d'agrémenter nos dégustations printanières de coquillages, marée du siècle oblige!... Les Jeunetais (dont le style s'exprime le plus souvent sur le pain grillé) et Les Quarterons (souvent anisés, voire mentholés à terme) associent pour l'instant des arômes citronnés et une jolie touche saline, soutenue par une belle acidité.

L'emploi des sulfites ajoutés est limité le plus possible, par une pratique régulière de la dégustation en cours d'élevage et par une grande rigueur (tri attentif lors des vendanges) lors des fermentations. La seconde fermentation, dite malolactique, est en principe bloquée (elle s'est cependant faite en 2014, du fait des pH hauts, épisode ni gênant, ni recherché) et un très léger sulfitage intervient lors des mises, précédées parfois d'une très légère filtration sur plaques.

Les Jeunetais 2013 expriment tout leur potentiel, avec de très beaux amers en finale. Partis pour dix-huit mois d'élevage sur lies, Julien n'en fera la mise qu'à l'été 2015 sans doute, lorsqu'il aura le sentiment que le vin est absolument en place. Les Quarterons 2013 disposent d'un beau volume et d'une mâche étonnante. Un équilibre et une expression aromatique qui devraient s'affiner encore, puisque ce jus, qui composera le futur "Monnières-St Fiacre", est parti pour trente mois d'élevage et seule la dégustation indiquera dans quelques temps, si cette phase mérite d'être prolongée six mois supplémentaires. N'oubliez pas de réserver, on ne le répétera pas!...

Des blancs donc, mais aussi bientôt des rouges!... Du moins, un rouge, puisque Julien Braud a aussi planté 69 ares de pinot noir sur des gabbro très peu altérés, mais aussi sur des gneiss. A priori, l'idée est de proposer une jolie cuvée sur le fruit et on est presque déjà impatients de la découvrir, tant le jeune homme, amateur de vins droits et rectilignes a, de toute évidence, une forte capacitéàétonner les amateurs. Il fait donc, au passage, la démonstration qu'il est au coeur d'une région en mouvement, avec quelques acteurs volontiers innovants. Il cite d'ailleurs parmi ceux-ci, Manu Landron et sa compagne Marion, installés sur Le Pallet, mais dont les vignes se situent sur La Haye Fouassière pour l'essentiel, ou encore Rémi Sedes, sur les Coteaux d'Ancenis et Jacques Février, à Oudon, autant de vignerons que nous ne manquerons de découvrir in situ avant longtemps. La nouvelle vague nantaise, n'en doutons pas!...

*: Notez qu'il existe une autre commune du nom de Monnières... dans le Jura!

Tronches de vin 2 : gare aux récidivinistes!...

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Ne poussez pas, il y en aura pour tout le monde!... Du moins, on l'espère!... En ce vendredi 13 février, veille de la St Valentin et à vingt-huit jours (oui, oui, plus que quatre semaines!) du vendredi 13 mars 2015, nous pouvons annoncer, rappeler plutôt, que Tronches de vin n°2 sera enfin disponible!... Chacun l'aura compris, nous avons fait tout notre possible, avec nos co-éditrices préférées, Sabine Bucquet-Grenet, des Éditions de l'Epure* et Marie Rocher, pour que les augures nous soient favorables, du moins au niveau des dates!... Non que nous craignions, de prime abord, quelque chat noir ou signe défavorable de nos superstitions refoulées, mais après tout, ça ne mange pas de pain!... C'était aussi, sans doute, parce que nous avions dans un coin de notre mémoire (pas seulement olfactive), le souvenir des difficultés rencontrées avant la parution du premier Tronches de vin. Vous vous souvenez peut-être : le but, c'est le chemin!... D'ailleurs, pour nous conforter dans cette recherche de l'absolu protecteur, nous n'avons pas lésiné sur les moyens, puisque, après tirage au sort, c'est Guillaume Nicolas-Brion, membre de la bande des six, qui s'est vu chargé de sillonner le monde pendant un an, afin de déposer quelques offrandes aux divinités locales, du Bassin méditerranéen à l'Amérique centrale. Avec ça, si on ne double pas le premier tirage de 3000 exemplaires dès le premier mois!...

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J'entends d'ici les rotatives!... Pour info, ce sont celles de Art & Caractère, implantée à Lavaur, non loin de Toulouse et pas loin non plus de Gaillac. TdV 2 ne manquera donc pas de pétillance, mais pas que. De douceur enjôleuse et de caractère mature aussi. Aura-t-il un accent rocailleux du grand Sud-Ouest?... Ah, les poncifs ont la vie dure!... Néanmoins, on appréciera au passage la devise de l'imprimeur qui nous va bien : "Un univers à part, où le projet chemine jusqu'à son terme, quel que soit son point de départ, s'enrichissant du talent et de l'implication de chacun." Pas étonnant que ce soit les chouchous de Sabine!...

Parlons de la "bande des six"évoquée plus haut. En effet, le "club des cinq" du numéro 1 s'est élargi d'une unité, avec ce renfort venu d'Outre-Quiévrain, en la personne de Patrick Böttcher, pas peu fier et impatient de se soumettre avec plaisir aux longues séances de dédicace, qui ne manqueront pas de se dérouler dans les brasseries wallonnes, voire flamandes, mais certainement au moins, chez Cantillon, au coeur de Brusselles, qui ne manquera pas de brusseler, quand le temps sera venu. Patrick, prompt renfort avant que d'arriver au port (sicilien certainement, à moins qu'un imbarcadero des lacs transalpins...), c'est aussi pour éviter un Waterloo éditorial (même pas peur!) et conforter notre offensive vers l'Alsace et l'Italie, d'ores et déjà alliées en Résistance Naturelle, comme nous le suggère Jonathan Nossiter dans son dernier film, cinéaste célèbre qui se trouve être d'ailleurs, l'auteur de la préface de TdV 2. Le monde au naturel est bien fait!...

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Renfort ès-notoriété aussi, en la personne d'Antonin Iommi-Ammunategui, le plus basco-latino-américain d'entre nous, puisque passé en un éclair du statut de "poil à gratter du web vinique 2.0"à celui de star des médias, option arsenic et vieilles dentelles, ayant accepté après mûre réflexion, le très envié titre de Meilleur Blog de l'année 2014, attribué par une célèbre revue spécialisée dans le conformisme vinique, ébranlée cependant, certains jours et récemment, par les fines bulles et la pointe de volatile (pour peu qu'elles soient quasiment indécelables, pffuuii, vade retro Satanas!). C'est du second degré, bien sûr! (je précise cela au passage, puisque depuis peu, B&D me suivent sur Twitter!).

Là-bas, dans les lointaines montagnes de l'Est, Olivier "Olif" Grosjean veille toujours sur l'origine du vin, comme s'il s'agissait du monde... Et ses goûts vont toujours vers ces cuvées, ces canettes et ces bolées, capables de l'étonner et de donner l'instant plaisir, surtout lorsqu'il s'adonne au ski de fond, sur les pistes de rêve de la Transjurassienne et autres sites labellisés du skating pontissalien. Lorsque le Moscou-Paris s'installe et que les paysages du Haut-Doubs s'illuminent de soleil et de bleu (de Gex), vous ne manquerez pas de le voir filer dans la trace, rejoignant au bout du suspense son épouse Catherine, franchissant parfois la ligne avant lui, parce qu'ayant refusé cette ultime pause Comté-Loirette, au milieu des sapins!... Il est l'auteur, pour l'essentiel, des Brèves de Tronches, nouveautéà découvrir dans TdV 2, rubrique qu'il composa au creux de l'hiver (à moins que ce ne fut l'été...), entre deux déneigements sportifs de sa terrasse, envahie chaque semaine de plusieurs mètres de neige!... Au printemps, pas de doute, Olif est en forme, prêt à croiser le verre avec les visiteurs de moult salons. Ultime précision : il fait parfois beau et chaud dans le département du Doubs (les joutes électorales n'y sont pour rien!) ou du Jura et les vins de cette contrée ne vous laissent pas forcément de glace!...

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Pas de doute, Eva Robineau ne nous aurait jamais laissés tomber!... Et ce, malgré son nouveau statut de chef d'entreprise. Celle que l'on surnomme désormais Flying Railway Eva (pour ses allers-retours tégévinesques entre Angers et Paris) ne manquerait pour rien au monde l'invitation de quelques cavistes parisiens aux soirées gourmando-vineuses qui animent la Capitale!... Pour vos éventuelles futures demandes de dédicaces (pas en mariage, ce n'est plus open, la date étant d'ores et déjà fixée, désolé!), il vous faudra peut-être vous glisser dans la Salle des Pas Perdus, au bout du quai 20 de la Gare Montparnasse, qu'elle connaît désormais au moins aussi bien que le clavier de son iPhone 6, à moins qu'elle n'en soit déjà au 7!... Notez que rares sont ceux qui peuvent affirmer qu'elle a bien le mot twitter tatoué au bas du dos, comme le précise TdV 2, mais tout porte à le croire. Enfin, lorsque les circonstances l'y obligent, elle est aisément volontaire pour stocker dans sa cave quelques cartons de bouteilles de ses amis et ce, sans même de prélèvement au titre de quelque gabelle. Forcément, on l'aime!...

Enfin, pour ma part, ayant déjàévoqué ici-même nos projets, me permettant de passer de l'autre côté du miroir (ou du tire-bouchon) avant bien longtemps, quel ne fut pas notre plaisir (Madame PhR et Horta peuvent en témoigner, pour peu que l'on s'installe non loin d'une rivière ou d'un plan d'eau!) depuis la sortie de TdV 1 de charger la voiture pour les vacances, de poser notre tente au coeur des vignobles lointains et de découvrir quelques vignerons innovants et passionnés, que vous pourrez identifier prochainement. Au fil des quelques 280 pages de notre nouvel opus, vous croiserez 120 de ces vignerons de douze pays, plus la France, soit treize (on a tout fait, vous dis-je!), certains installés ou présents sur les salons depuis peu et d'autres beaucoup plus connus, indiscutables tronches du vin cependant, dont la notoriété et la passion se voient notamment confortées aujourd'hui par le passage de relais, la transmission à leur descendance, gage de leur passion indéfectible, voire de tronchité pérenne (je sais, les néologismes débridés mériteraient quelques guillemets).

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Voilà, Tronches de Vin 2 est en route!... Vous pouvez d'ores et déjà lui faire une petite place sur votre table de chevet ou dans le vide-poche de votre berline. Michel Tolmer nous a surpris par sa couverture colorée et quelque peu printanière. Féminine aussi, non pas pour illustrer une supposée parité, mais bien parce que le monde du vin est désormais peuplé de femmes à tous les niveaux de la production, de la vigne au chai, mais aussi de la dégustation ou de la promotion. Qui s'étonnerait encore aujourd'hui de croiser le regard (et le verre) avec une femme dans une cave, un bar à vins ou la salle d'un restaurant faisant appel aux talents d'une sommelière?... Mais, prenez garde quand même, à qualifier le nectar qu'elle vous proposera alors de "vin féminin", vous pourriez aisément risquer d'être accusé de sexisme de bas étage!...

Bien sûr, nous attendons désormais vos avis, comme nous le faisions en 2013!... Beaucoup de ceux qui avaient été exprimés alors par nos lecteurs nous avaient touchés, même s'il y avait bien quelques absents dans notre première liste (il y en aura encore!) et que parfois, les photos étaient quelque peu celles... d'amateurs (nous avons fait des efforts cette fois). Mais, nous revendiquons toujours ce statut qui nous pousse à parcourir tous les vignobles, avec nos sensibilités nuancées, nos perceptions parfois différentes, nos débats aussi, verre en main et tout ce qui nous rapproche et nous étonne dans ce monde des vins, de la vigne et des vignerons. Bonne lecture, les récidivinistes, quant à eux, sont parés!...

*: notez que ce même 13 mars 2015, sort également Trente nuances de gros rouge, de Philippe Quesnot, des récits truculents à ne pas manquer, pour chasser le... grey de notre monde!...

Vendredi 13, un bon plan pour le week-end : Tronches de vin 2!...

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On espérait un p'tit air printanier et une p'tite brise légère qui porterait des effluves aériennes de fleur et de fruit, jusqu'au coeur des librairies, les bonnes (comme Agora, rue Clemenceau, à La Roche sur Yon), qui proposent à partir d'aujourd'hui Tronches de vin 2, le guide des vins qu'ont d'la gueule (toujours aux Éditions de l'Epure, avec Marie Rocher, co-éditrice), mais il faudra peut-être se résoudre à revêtir une petite polaire avant d'aller apprécier le contenu du second opus de "l'anti-guide" ou du "contre-guide", surtout si vous aviez pensé un instant le découvrir confortablement installé sur un banc du jardin public le plus proche de chez vous ou sur le granite d'un autre banc, au pied d'un calvaire breton ou face à la mer, pour exemples. Après tout, le printemps, ce n'est que vendredi prochain, même si c'est un peu aujourd'hui quand même, dans les coeurs et dans les verres!... Ça tombe bien finalement, nous pourrons sans doute l'apprécier comme il se doit, au coeur même du Jura!...

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Photo : Patrick Ximenes, Lecture d'un contre jour
www.regardsparisiens.fr

Pour avoir quelques avis sur le sujet, tenter de forger votre opinion de prime abord, vous pouvez aussi consulter quelques parutions récentes, voire quelques unes. Il y en aura peut-être d'autres et bien sur, n'hésitez pas à nous donner votre avis. En plus des journaux divers, vous pouvez aussi écouter la radio, comme par exemple, La Première RTBF, en Belgique, au cours de l'émission Bientôt à table, demain 14 mars, à 11h, au cours de laquelle interviendra notre inestimable renfort venu d'Outre-Quiévrain, Patrick Böttcher lui-même!... Voire même Graffiti Urban Radio, ce soir entre 17 et 18h, où votre serviteur aura le plaisir de s'exprimer sur le sujet, en attendant la prochaine émission des Petits Saignants, mercredi prochain, à partir de 20h.

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Au passage et puisque ce vendredi 13 est un peu hors norme, vous pouvez faire d'une pierre deux coups, lors de votre passage dans votre librairie préférée, puisque paraît aujourd'hui également, toujours aux Éditions de l'Epure, Trente nuances de gros rouge, de Philippe Quesnot, de Glougueule, un des complices de Michel Tolmer, auteur quant à lui des couvertures de TdV 1 & 2. Une saine lecture que les hommes (et les femmes) de glou ne peuvent pas manquer!... Allez, que diable! Un peu de truculence pour votre week-end!... Sans oublier d'ouvrir quelques canons!... A votre bonne santé!...

Rémi Sédès, vigneron en Coteaux d'Ancenis (44)

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Il était une fois un musicien que l'intermittence incita, certains jours, à passer en continu, option nature et vigne. Non pour évacuer cependant, l'idée d'un projet alternatif. Rémi Sédès a voulu vivre son projet, intensément, dans toutes ses phases, toutes plus déterminantes les unes que les autres. Originaire du Jura, où il compte d'ailleurs quelques cousins vignerons à Château-Châlon, mais ayant toujours vécu à Paris, il se destine dans sa jeunesse à de sérieuses études agronomiques, mais le rythme endiablé des prépas le sort des rails. Il opte alors pour ce qu'il qualifie lui-même de vie de bohème...

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Les photos de Rémi et de ses chevaux sont de Pierre Darmangeat

Accordéoniste, il se glisse dans un petit groupe de l'Est, Les Tontons Zingueurs et forme aussi un duo avec son pote rom Juliano, Les Chavorés (les jeunes en français). Il gravite ensuite autour de la compagnie du Tire Laine, dans le quartier populaire lillois de Wazemmes. Quand la musique est bonne... On devine à quel point ces moments ont développé chez Rémi, une grande sensibilité et un goût pour les rencontres qui comptent.

En 2004, il tourne la page et commence à s'intéresser au vin. Il quitte alors le Nord, un peu comme Stéphane Derenoncourt a pu le faire naguère et met le cap sur le Nord... Libournais. Il apprend et se forme dans les vignes, souvent conduites en conventionnel "où on laboure parfois pour faire propre" à St Emilion, Fronsac, dans l'Entre-Deux-Mers, à la Cave coopérative de Guîtres et finalement en Côtes de Francs, au Château Le Puy.

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D'autres rencontres l'amènent à Nantes en 2010 et il travaille alors pendant deux ans chez Vincent Caillé, à Monnières, où il découvre vraiment le bio. De fil en aiguilles et de cep en sillons, il construit son désir de s'installer, même s'il faut partir de zéro. Il met la barre assez haute, puisque certes, avant tout, il lui paraît évident de pratiquer une viticulture bio, mais opte aussitôt pour la traction animale dès la reprise. C'est Jacques Carroget, producteur quasi incontournable de vins naturels en Pays Nantais, qui va alors lui proposer de reprendre 2 ha 50 sur la commune de St Herblon, en Coteaux d'Ancenis, rive droite de la Loire. Le défi est lancé, du coup, avec ses quelques économies, il acquiert, unique investissement, une superbe jument percheronne, Tocade des Forges, du célèbre élevage ornais. Comble de bonheur, il s'avère vite que celle-ci est pleine et depuis, la pouliche Céleste forme avec sa mère un duo équin qui ne manque pas d'étonner dans le paysage du nord de la Loire-Atlantique. "Je dis parfois que j'ai choisi Tocade, mais je me demande si, au final, ce n'est pas l'inverse!..." Coup de foudre?... Allez savoir! Désirant se familiariser avec le travail et la jument, certain de développer une indispensable complicité, il découvre l'univers fascinant du cheval et n'hésite pas à se former chez Frédéric Carlier, dans la Creuse, ferme école également fréquentée par le couple angevin Debout-Bertin ou encore Julien Braud, de Monnières lui aussi.

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Les vignes du domaine sont donc composées de deux îlots. Le premier ici-même, repris en mars 2013, des jeunes vignes adolescentes de gamay, en pleine forme, selon le vigneron, sur un terroir de micro-granite. Le second de 1 ha 50 de vieilles vignes, à une quinzaine de kilomètres, du côté d'Oudon, sur un beau coteau en Muscadet-Coteaux de la Loire. L'enthousiasme du début est vite bousculé par les premières difficultés, mais la prise de conscience, après dix ans de salariat, s'impose. Pour s'installer sans emprunter, grâce à un réseau fort, il propose une pré-vente de bouteilles par souscription du millésime 2013, ce qui lui permet d'acheter des cuves et lui dégage une petite trésorerie, afin notamment de payer les premiers vendangeurs. Mais, il convient de faire face, afin de proposer un millésime 2014 convaincant. De plus, il vient juste d'être papa d'un petit Noé et, habitant à Rezé, dans la proche banlieue nantaise, il ne s'épargne pas les trajets en train, même s'il a désormais opté pour quelques nuits passées en mobile-home sur l'autre rive de la Loire, chez un copain qui fait du fromage de chèvre et lui permet aussi de laisser Tocade et Céleste au pré.

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L'an dernier, il a du se résoudre à emprunter le tracteur de la CUMA pour les travaux à la vigne et bien faire connaissance avec elles. Mais, en 2015, l'essentiel se fera au cheval, jument et pouliche devant réintégrer le pré voisin au plus vite, au terme de la taille en cours. Le début d'année n'en sera pas moins rythmé par les journées obligatoires, auxquelles on se doit d'assister à la Chambre d'Agriculture de Loire-Atlantique, lorsqu'on sollicite quelques aides. Une formation qui ne manque pas de surprendre Rémi d'ailleurs, lui qui se retrouve au sein d'un groupe de stagiaires composé surtout de producteurs de lait (une "caste" très puissante en L-A!), ce qui fait de lui une sorte d'OVNI dans une session intitulée : "Placer votre projet dans le contexte actuel." Et pour cela, il n'entend parler que du prix du lait! Colère!...

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Pour produire ses premières cuvées, il a eu la chance de trouver un local au coeur d'un hameau voisin, Les Baux (mais pas de Provence!) dans lequel il a pu installer ses cuves et où il ne manquera pas d'aménager un petit caveau de dégustation avant longtemps. Cette sorte de grange ancienne est devenue un cuvier isolé un peu par l'entremise du hasard. Alors qu'il cherche un moyen économique de réaliser cette isolation indispensable, il croise la route d'une entreprise de démolition s'évertuant alors à démanteler les chambres froides d'un Leclerc de la région. Il en récupère les portes, qui vont lui permettre d'habiller la charpente du bâtiment. Qui dit mieux?... Mais, l'imagination et la débrouille animent la réflexion du vigneron. Il va ainsi confectionner avec du chêne de récupération, un chapeau de cuve dont le poids lui permet de rester immergé le temps voulu et ainsi, éviter tout pompage et toute aération inopportune. Plutôt ingénieux!...

Nous découvrons ensuite les cuvées millésimées 2014 en cours d'élevage. Le Blanc tout d'abord, le Muscadet, s'il passe l'agrément, sans trace de soufre à ce stade. Il reste encore un peu de sucres résiduels (15 gr environ), mais il est franc et net, avec un bon potentiel et de la matière. Le rosé 2014 (Tocade en 2013) ensuite : il reste aussi quelques sucres, +/- 9 gr, le tout issu d'un pressurage de gamay, comme il se doit, avec une très jolie gamme d'arômes. Ça goûte et c'est toujours sans soufre!... En rouge, il y aura sans doute deux cuvées (raisins ramassés les 1er et 9 octobre), dont une sélection issue du haut de la parcelle, où la roche affleure. C'est de cette partie que provient Trait Gamay 2013, sans soufre non plus, dotée notamment d'une épatante finale saline, dans un style gamay sur granite, mâtiné de saveurs océanes!... Très encourageant!... Egalement disponibles, quelques flacons de la Cuvée Noë 2013, le premier rouge de la gamme. Rémi Sédès ne fait pas du zéro soufre un dogme absolu et tient aussi à assumer son statut de débutant recherchant un équilibre satisfaisant, tant à la vigne, où le but est de favoriser la vie grâce aux labours plutôt que de désherber, qu'au cuvier, où il ajoutera deux grammes de soufre sans scrupules avant la mise, si le doute s'installe.

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Néanmoins, il apprécie comme il se doit le travail du GAB 44 (Groupement des Agriculteurs Biologiques de Loire-Atlantique) et notamment celui de Nathalie Dallemagne, chargée de mission "viticulture et oenologie naturelle" au sein du CAB (Coordination Agrobiologique des Pays de la Loire). Cette dernière contribue, par un appui technique énorme, à informer les vignerons de l'évolution de leurs cuves en cours d'élevage. Des prélèvements, des observations attentives au microscope grâce à un "labo itinérant" permettant aux vignerons de faire instantanément le point des levures et bactéries présentes dans les moûts et dans les vins. Sans oublier les analyses de pH, potentiel redox, oxygène dissous. Suivent une interprétation et d'éventuelles préconisations, en clair, tout ce qu'il faut pour éviter aux producteurs des prises de tête et démontrer, si c'est encore nécessaire, que les vins naturels ne sont pas forcément issus d'un empirisme dogmatique aux relents ravageurs!...

 

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Rémi Sédès, un nom à suivre, un vigneron que vous pouvez inscrire sur vos tablettes!... Au milieu d'autres, vous pourrez le rencontrer à l'occasion de la 1ère édition de MOB (melon of bourgogne), le Festival du Vignoble Nantais, qui se déroulera le samedi 25 avril prochain à La Baule-Escoublac (Centre des Congrès Atlantia, 21, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny) de 10h à 19h, une initiative grand public proposée par Beehind, cher àChloé Guéret, avec l'aide de l'Association des Vignes de Nantes et du Garage à Vins. Pas moins d'une trentaine de vignerons seront présents, les Landron (père, fils et même cousin!), Pesnot, Braud, Bretaudeau, Caillé, Orieux, Chevalier pour ne citer que ceux-là!... Un évènement, ni plus ni moins!... A vos agendas!...

Muscadet : Manu Landron et Marion Pescheux : bon sang ne saurait mentir!...

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Lors d'un précédent passage chez Jo Landron, nous avions appris que son fils, Manuel, revenait au pays, après avoir parcouru une partie de l'hémisphère sud, option Nouvelle-Zélande et Chili, puis séjourné en Touraine. Jo aurait-il décidé de céder les manettes du ou des Domaines Landron?... Que nenni!... Certes, quelques jolies parcelles sont déjà une sorte d'héritage, mais Manu Landron et Marion Pescheux volent désormais de leurs propres ailes, comme s'ils s'étaient jetés, avec un deltaplane biplace, du château d'eau de Bellevue, pour un survol du vignoble de La Haye Fouassière, dont ils sont natifs tous les deux. A moins qu'ils ne se parent des ailes de Jonathan Livingston, au pays où l'on entend et où l'on voit parfois des goélands, rappelant à tout un chacun que la mer océane est proche. Voler de ses propres ailes, transgresser quelques certitudes du vignoble local et mener une existence hors du commun où les difficultés peuvent mettre en évidence et souligner les matins où"l'or d'un soleil tout neuf tremble sur les rides d'une mer paisible!..."

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A l'échelle du vignoble nantais, 7 ha 50, c'est plutôt un timbre poste, certains diront (notamment les banquiers du cru) presque un confetti!... Mais, pour Manu et Marion, même pas peur!... Il faut dire que Jo, pas mécontent au passage de réduire la voilure, dit-on, a sélectionné pour son fils une sorte de melting-pot de terroirs, façon terrain de jeu, afin de se forger une expérience. Terrain de jeu, façon de parler bien sûr et pour ce qui est du pot, à l'image des énormes cuves que l'on trouve parfois dans le sous-sol du vignoble, c'est raté!... En effet, à ce stade, le jeune couple s'imagine mal composer des muscadets d'assemblage, recette pour le moins classique dans les environs. Résultat, pas moins de neuf cuvées de parcellaires sont disponibles : quatre muscadets (ou vins de France?), deux pet' nat' (blanc et rosé), un rosé tranquille, un rouge issu de vieilles vignes et une folle blanche!... Fermez le ban!...

010Leur installation remonte à décembre 2013. Bien sur, ils ont pu faire quelques essais en vraie grandeur sur un hectare du domaine familial, mais ils travaillaient à ce moment là en Touraine et ce, depuis deux ans passés chez Xavier Weisskopf, puis Lise et Bertand Jousset, du côté de Montlouis. Même s'il ont encore en mémoire leur passage au Chili, chez Louis-Antoine Luyt (en mode wwoofing, selon Manu!), il est temps d'avancer plus concrètement.

Nous avons donc rendez-vous au pied du château d'eau pour un petit tour de vignes. Marion nous accueille et nous rejoignons Manu, occupéà tailler dans les parcelles situées au pied de ce monolithe de béton joliment décoré (ce n'est pas toujours le cas!), cette sorte d'amer des vignes, que l'on aperçoit aisément à la ronde. L'après-midi avance et, avant longtemps, ce dernier devra passer chez la nourrice, pour retrouver Ael, représentant de la plus récente génération de Landron.

Il y a là 2 ha 50 destinés à la production d'un Muscadet, mais aussi de l'un des pet' nat'. Un secteur, La Croix Moriceau, qui a donné du fil à retordre au duo, en 2014, avec une présence importante de ver de la grappe. Un phénomène mis en évidence, à priori, du fait de l'absence de haies par ici et donc de prédateurs, alors qu'ailleurs, rien que de très normal. Sur le versant sud, côté Sèvre Nantaise, un îlot sur le coteau du Breil, secteur sur orthogneiss, avec un peu de silice, mais aussi les 70 ares environ du Petit Mortier Gobin (PMG!), fleuron bichonné du domaine, planté dans les années 70 ou 80, avec son cocktail d'orthogneiss là encore, mais aussi de grès et de l'argile en surface.

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Marion évoque chaque parcelle avec passion et détermination. Avec Manu, on devine que l'histoire s'appuie sur des ressentis déjà anciens (tout est relatif, vu leur âge!), confortés par l'ouverture sur le monde, la richesse d'une découverte d'autres vignobles de la planète et une forte sensibilitéà la nature. La jeune hayonnaise (c'est le nom des habitants de La Haye Fouassière) était, voilà quelques années, étudiante en histoire. Elle rencontre Manu un jour de vendanges et... Bacchus fit le reste!... Très vite pourtant, le jeune vigneron part pour un an, comme prévu, aux antipodes, en Aotearoa, le pays du long nuage blanc... Du coup, la jeune femme rate son année de fac, doit opter pour autre chose du côté de Caen, idée qu'elle n'apprécie guère. Désespoir, sortez vos mouchoirs!... Le temps d'une conversation téléphonique, qui lui permet de croire à la possibilité de trouver du travail au pays des All Blacks et la voilà dans un long courrier en vol pour l'hémisphère sud!... Aah, l'amoûûr!... A peine deux dizaines d'heures de voyage et elle se retrouve en Central Otago, dans un domaine en biodynamie, Felton Road, ce qui ne manquera pas d'être déterminant. D'ailleurs, dès leur retour du Chili, elle entamera une formation pour adultes, du côté d'Amboise.

Petit détour sur l'autre versant du coteau, du côté de la voie ferrée, avec notamment une parcelle de 40 ares entourée de maisons ou presque, sur gneiss et orthogneiss. Non loin de là, un autre carré sur amphibolite (ben oui, quand même!), mais pas forcément pour "copier" la cuvée vedette de papa!... D'ailleurs, Manu ne dispose pas des mêmes bacchantes que Jo, à peine une barbe naissante!... Il faut bien se construire une image, lorsqu'on commence à fréquenter les salons : après la Dive cet hiver, bientôt Vini Circus (11 et 12 avril, à Guipel), puis à suivre le salon Rue 89 des vins, Sous les pavés la vigne! cher à l'ami Antonin, les 3 et 4 mai prochains, sans oublier MOB, à La Baule, le samedi 25 avril. Notez aussi qu'une parcelle de gamay, en Coteaux d'Ancenis, vient compléter l'ensemble, histoire d'avoir toutes les cordes à leur arc, sans oublier une friche de 60 ares bientôt disponible à la plantation. Folle blanche?... Pinot noir?... A suivre!...

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Pour ce qui est des installations, pas facile de trouver une cave tout à fait adéquate et libre dans le Muscadet!... Finalement, c'est dans la commune voisine du Pallet que le couple a trouvé en même temps un logement familial, le siège du domaine Complémen'Terre et un espace permettant les vinifications. De grandes cuves souterraines bien sûr (l'ancien propriétaire vendait à la citerne!), mais une seule sert pour les débourbages. Et donc, une série de petites cuves aériennes, dont on fait le tour, afin de découvrir les jus 2014, puis les toutes récentes mises. Parmi ces dernières, la Folle blanche 2014 de Château Gaillard, étiquetée 68ares, à cause de la surface du petit cru avant tout, mais peut-être un peu aussi, pour son caractère printanier voire novateur (vous avez dit révolutionnaire?...) et ses 10,8° natures. C'est vif à souhait, follement tonique! En fait, ça respire le joli mois de mai avant l'heure!... Et le tout en zéro sulfite et illustrant parfaitement les vins de l'année : "hyper stables, malo partout, des fermentations qui se sont bien passées et une qualité de jus globalement superbe!..."

On goûte également La Croix Moriceau, Le Petit Mortier Gobin et Le Breil, comme autant de jalons que l'on va apprendre à identifier au fil des millésimes. Parfois, les mises récentes tendent la finale, d'autres cuvées peuvent encore attendre. Une autre façon de lire les muscadets. Nolem, quant à elle, est l'union de deux parcelles (histoire d'être l'exception qui confirme la règle) Les Landes et Les Ratelles, le tout passé en barriques. Le gamay rosé répond au doux nom bretonnisant de Ker Ma, alors que les pet'nat' portent les noms de Potion Mama Rosé et Potion Mama Blanc. Pour le gamay rouge, l'étiquette identifie tout simplement La Bouteille Rouge.

De la nouveauté donc, au coeur du Muscadet!... Et une volonté de faire bon, sans forcément partager toutes les conventions locales. Manu Landron et Marion Pescheux proposent des vins qu'ils aiment. Certes, ils ne sont pas insensibles à la notion de cru, qui se développe en Pays Nantais, mais certains aspects, comme bloquer les malos avec le soufre, ce n'est pas leur tasse de thé!... Ils entendent les suggestions des uns et des autres (Marc Pesnot leur souffle parfois : "Vous faites pas ch..., mettez tout en vin de France!"), mais ils semblent avoir les pieds sur terre. Ils veulent certes se laisser guider par leur instinct, mais savent que les réalités, économiques notamment, rattrapent les imprudents par trop rêveurs. Et peut-être avant longtemps, opter pour une évolution vers la polyculture. En effet, la soeur de Manu élève des brebis et produit des fromages dans la Sarthe, avec l'espoir de trouver des terres au pays, mais ce n'est pas simple... Et pourquoi pas des arbres fruitiers, du miel, un potager?... Indiscutablement, cette nouvelle génération veut faire bouger les choses et c'est tant mieux!...


Le Jura dans le vert

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Lorsqu'on habite près de l'Atlantique, il faut une bonne dose de motivations diverses pour traverser le pays, parfois par des routes incertaines, voire dangereuses, à l'image de cette satanée RN 79, entre Montmarault et Mâcon, sur laquelle d'énormes véhicules immatriculés dans diverses contrées parfois lointaines (Bulgarie, Lettonie, Pologne...) et organisés en convois qu'il est impossible de dépasser, ondulent sur une route truffée de radars. Voyager d'ouest en est (ou inversement) par cette deux voies dite rapide est devenu une gageure. Heureusement, notre trajectoire avait une finale gourmande des plus attractives!...

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A peine arrivés dans la noble ville olifienne de Pontarlier, direction la montagne et L'Auberge des Montagnards, à Chaon, au bout du lac de St Point, où Walter n'a pas son pareil pour proposer les "meilleures grenouilles du Haut-Doubs"!... La saison est courte, les grenouilles rousses sortent du bois en mars, pour la période de reproduction, envahissent parfois les petites routes de montagne et bon nombre d'entre elles finissent... dans les assiettes des gourmands. Déglacées au vin jaune avant le terme de la cuisson, c'est un régal!...

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Le lendemain, cap sur Arbois et le Domaine de la Pinte, où se déroule la 5èédition du salon des vignerons bio du Jura, Le Nez dans le Vert qui, en à peine quelques années, a atteint une notoriété et une renommée que peuvent lui envier d'autres organisateurs de salons. Trente-six vignerons et domaines représentés et au moins autant d'importateurs venus de pays divers et variés, avec notamment une importante colonie danoise (hip, hip, hip, Jura!) et autres Nordiques (le ski de fond y serait-il pour quelque chose?...), Suisses, Hollandais, Britanniques, sans oublier une nombreuse participation japonaise, de l'incontournable et sympathique Yoshio ItoàRyota Yamashita, remarquable sculpteur de barriques, qui sévit dans tous les vignobles et que nous retrouverons d'ailleurs lors de Vini Circus prochainement. Une présence internationale qui ne manque pas d'interpeler, puisque quasi équivalente, semble-t-il, à celle que l'on rencontre fin janvier et début février, à Montpellier ou Angers, ce qui laisse supposer à quel point les vins du Jura possèdent, à eux seuls, une force d'attraction hors du commun.

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Mais, avant même de monter à la Pinte, petite halte à Arbois, histoire de saluer Stéphane Planche, aux Jardins de St Vincent et passage quasi obligé (gourmandise oblige!) chez Hirsinger, célèbre chocolatier arboisien que personne ne peut ignorer, lors d'un séjour dans la région. De plus, il se trouve qu'Edouard Hirsinger nous invite pour le lendemain matin, afin de découvrir son laboratoire, nous permettant au passage d'assister au nappage et à l'ultime préparation de la gamme de printemps des chocolats de la maison. Slurpique, forcément!...

Ce qui est plutôt remarquable avec Le Nez dans le Vert, ce n'est pas nécessairement l'affluence record du dimanche ouvert au grand public (1041 entrées!) et même pas les 400 personnes attendues pour la matinée du lundi dédiée aux professionnels, mais bien plus cette sorte de confraternité qui anime la manifestation. Ici, on peut déguster aussi bien avec Stéphane Tissot, Fanfan Ganevat, Pascal Clairet et autre Philippe Bornard, que l'on peut classer parmi les poids lourds de la région (même s'ils ne tirent pas tous dans la même catégorie!), qu'avec des jeunes prêts à suivre leurs aînés sur les chemins de crêtes du succès. On peut citer là Jean-Baptiste Menigoz, Raphaël Monnier, Kenjiro Kagami, Etienne Thiébaud ou encore Valentin Morel, ce dernier pouvant endosser cette année le rôle de révélation du salon. Autres jolies séries également auprès de Fabrice Dodane, du Domaine de St Pierre, Philippe Chatillon, ou encore Renaud Bruyère et Adeline Houillon.

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Mais, le véritable régional de l'étape, c'est indiscutablement celui pour qui les vignerons du cru ont une tendresse particulière et les vigneronnes, les yeux de Chimène!... Je veux parler bien sûr de Pierre Overnoy, grand maître ès-vins du Jura et habitant de Pupillin, village qu'il est aisé de rejoindre à partir de la Pinte, puisque juste situé au bout de ce chemin de vignes qui franchit la colline. Un Pierre Overnoy qui ne manque pas de parcourir le salon verre en main, non pas pour adouber quelque émule, mais plutôt pour échanger quelques bons mots, en appréciant sans doute la multiplicité des tendances et des goûts, tout en constatant au passage les progrès, que chacun confirmera, pour les vins de son pays.

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Et à l'heure (du repas) oùEmmanuel Houillon sort quelques nectars de derrière les fagots, pour peu que le ciel soit bleu et ne finisse par s'embraser d'une lumière intense, on peut se dire que le crépuscule du Jura n'est pas pour demain, surtout lorsqu'on constate au hasard des barriques de l'expo, à quel point certaines cuvées sont rares, voire même parfois l'embarras (à peine!) des vignerons, forcés d'avouer qu'ils n'ont rien à vendre jusqu'aux futures mises!...

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Vous avez dit dynamisme?... Une marque régionale que l'on trouvait aussi au travers des futurs lecteurs de Tronches de vin 2, qui se sont littéralement jetés sur les exemplaires proposés par la Nouvelle Librairie Polinoise, partenaire de la manifestation arboisienne, ce qui nous valu, à Olif et moi-même, de devoir dégainer le stylo entre deux dégustations, pour formuler quelques dédicaces personnalisées (bien sûr!) et ainsi, ménager nos organismes assaillis de divers nectars. Pas de doute, nous reviendrons en Jura, sans oublier les huîtres sauvages de Noirmoutier, afin de les apprécier, le soir venu, sur la terrasse du Domaine de la Pinte, un verre de vin jaune à la main. Un must absolu!... Ne faites plus l'impasse! Dans le Jura, tous les feux sont au vert!...

Philippe Jambon, vigneron à Chasselas (71)

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Un petit village sur la ligne de partage entre Bourgogne et Beaujolais. Dans le département de Saône et Loire (71), mais bordé par celui du Rhône (69). Ici, on peut produire du Beaujolais, mais aussi du Mâcon ou du Saint Véran. Pour un peu, ce serait la capitale du Passe-Tout-Grains!... Guère plus de 170 habitants de nos jours pour ce qui fut jadis, dit-on, un relais sur la voie romaine de Lutèce à Lugdunum. Plus tard, Louis XIV était semble-t-il friand des vins de Chasselas et un char à boeufs faisait des allers-retours jusqu'à Versailles, voyage que quelques jeunes du village rééditèrent d'ailleurs en 1965, histoire de commémorer cette aventure.

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Chasselas, cela évoque bien sur le cépage, que d'aucuns imaginent volontiers, originaire de cette petite localitéà la fois presque centrale en France et proche de la Suisse, où il tient souvent la vedette. Après tout, comment pourrait-il en être autrement?... Mais, on prête parfois à cette variété de raisin des origines bien plus lointaines : Liban, Egypte antique, Constantinople?... Comme d'autres ici, Philippe Jambon a souvent entendu parler de ces "légendes", mais à sa connaissance, il y a déjà bien longtemps que ce cépage a disparu de la contrée, contrairement à la Nièvre et à l'appellation Pouilly sur Loire. A moins qu'en cherchant bien, dans les bois de Roche Noire, qui surplombent le vignoble...

Ce qui fait l'une des particularités de la commune viticole de Chasselas, c'est son entrelacs de terroirs. En effet, on pourrait penser que les sols granitiques du Beaujolais et ceux de Bourgogne, où domine le calcaire puissent être rigoureusement séparés dans un vallon par une rivière, mais en fait, il n'en est rien. Ainsi, des parcelles se côtoient dans ce que le vigneron de Chasselas appelle un "chahut-bahut géologique et même volcanique", comme le chantait Guy Béart en 1969!... Avec en plus le manganèse, qui parsème les terres de Creuse Noire et parfois, noircit l'eau des robinets, si l'on en croit le site officiel de la commune!...

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Philippe Jambon est installé ici depuis 1997, après un passage par la restauration et même la sommellerie. Originaire du Haut-Beaujolais, à 15 kms de Chasselas, au-dessus de Villié-Morgon, il ressent l'envie d'être dans la vigne dès l'âge de quinze ans, mais ses parents n'ont pas de vignes. Il devra patienter jusqu'à l'année de son installation et que la surenchère des années 90 se calme, pour dégotter son premier hectare (50 ares à Balmont et 50 sur le plateau) sur la commune voisine de Leynes. A partir de 2003, il reprend plusieurs parcelles sur un coteau sud-sud-est, à proximité des Ganivets, afin de disposer d'un ensemble cohérent. Au total, près de 2 ha 50 d'un seul tenant, dans une bonne pente et au final, actuellement 4 ha 50 environ.

Le choix de ces vignes a surtout été motivé par la volonté de disposer d'un îlot abrité, protégé, notamment de la "pollution raisonnée" pratiquée par certains de ses voisins, même si parmi les plus jeunes, il est permis d'espérer, parfois un changement de cap... Il ne faut cependant pas généraliser, car la nouvelle génération obéit parfois à une logique curieuse. Alors que nombre de parcelles de gamay sont arrachées dans le secteur, il n'est pas rare cependant de voir de nouvelles plantations de chardonnay, d'aligoté, voire même de pinot noir, afin de répondre aux débouchés nouveaux et encouragés vers le crémant de Bourgogne. Mais, il faut savoir aussi qu'une vigne en Beaujolais-Villages s'échange actuellement aux environs de 5000 euros/hectare, alors qu'en St Véran ou Pouilly-Fuissé, le prix est parfois multiplié par trente ou cinquante!...

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Toutes les vignes du domaine sont enherbées et plantées uniquement de gamay âgé de 45 ans environ, désormais taillé en Guyot-Poussard. Elles sont donc situées pour la plupart sur un coteau assez marqué, qui ne facilite pas le travail du sol effectué au treuil, tant pour les trente ares de La Grande Bruyère que pour Les Ganivets. A l'origine (et ce fut une des raisons de leur achat), c'est la biodynamie qui y était pratiquée, même si désormais, Philippe Jambon se contente d'agriculture biologique. Elles étaient naguère sulfatées par Pierre Boyat, au moyen d'un enjambeur à trois roues, ce qui avait déjà un caractère... sportif et n'était pas forcément sans conséquences, au regard de l'espacement des rangs. Depuis quelques temps, Philippe a procédéà l'arrachage de deux rangs sur six, ce qui lui permet de passer au tracteur "fermier". Néanmoins, même s'il n'y a pas à craindre de dévers, la méthode n'est pas sans danger, ce que le vigneron exorcise avec humour : "Je vais sûrement mourir de quelque chose, mais si ce n'est pas avant l'heure, en tracteur, ça m'arrange!..."

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La discussion se prolonge à la cave située sous la maison ancienne, tout près de l'église romane du Clunisois. Si bien que Philippe Jambon s'y perd parfois quelque peu avec toutes ces barriques, dans lesquelles sont contenus plusieurs millésimes. Il faut dire que le vigneron chasseloutis (c'est le nom des habitants de Chasselas!) ne semble pas avoir vécu des années de rêve parmi les plus récentes. Mais, c'est bien pour cela qu'il porte un soin attentif à l'élevage, en le prolongeant comme il se doit. Selon lui, le millésime 2014 ne restera pas dans les annales : stress hydrique en mai-juin, puis de la pluie façon hallebardes en juillet, avec ensuite, une plutôt bonne fin de saison. Celui-ci fait suite à 2013 qui manquait de couleur et était doté d'une acidité importante, avec au début, un manque d'énergie notoire!... "C'est que si on n'arrive pas à y boire, on n'y vend pas!..." Heureusement, l'échantillon regroupant Balmont et la petite vigne de Baltaille se refait la cerise, pour composer à terme la cuvée Allez les verres!!!à moins que ce soit tout Roche Noire!...

affiche_2015_pour_blog__1_A suivre, Leynes 2012, pas moins de cinq barriques issues des trois hectares sur cette commune!... Et donc pas plus de trois hectolitres à l'hectare de rendement, résultat de l'année funeste au cours de laquelle trois semaines d'un gel d'hiver impitoyable, en février, faillit réduire le vignoble à néant, ou presque. Après trente mois d'élevage, le vin retrouve une certaine harmonie, selon le vigneron. Son fruit de départ étant de qualité et préservé, une mise printanière est plus que probable.

Suivent les blancs, jolis cocktails pour lesquels il faut patienter... Certains  fûts contiennent les 2012 et 2013, additionnés de petits volumes de 2009, 10 et 11 et inversement. Des compositions au feeling côtoyant quelques essais parfois imposés par les volumes réduits du fait des trois années - 2008, 2009 et 2010 - au cours desquelles la grêle a fait les dégâts qu'on imagine aisément.

Viennent ensuite notamment le 2011 de Jambonblanchard, grâce à l'achat de raisins chez Guy Blanchard depuis 2008, qui peine encore à finir ses sucres, ce qui perturbe quelque peu les sensations, puis le 2009 doté d'une grosse maturité, où là, les sucres semblent terminés, "à moins que ce soit la mémoire du sucre, selon une expression de Claude Courtois". Des blancs à mettre à table, même peut-être avec du boeuf, voire une fondue bourguignonne au vin blanc!... Grosse sensation encore avec le 2006, qui fermentait encore voilà quelques mois, mais qui est désormais sec. A suivre!... Même si l'on soupçonne que ces vins naturels ne sont pas à mettre entre toutes les papilles du jour au lendemain et qu'il faut les conduire au terme voulu, surtout s'ils partent pour le Japon ou pour San Francisco, comme c'est le cas d'une bonne proportion des vins du domaine. Règle incontournable pour Philippe Jambon : tous sucres réducteurs épuisés et malo finie avant la mise. Au-delà de la technique et des choix, une rigueur qui ne ternit pas la dimension artisanale, voire artistique, en tout cas culturelle, au sens noble et agricole du terme, donnée ici, ce qu'il convient de soutenir et de rappeler, même si et parce qu'elle est trop souvent évacuée dans notre vignoble actuel.

Autant de découvertes et de suggestions que les amateurs pourront retrouver àLeynes, les 18 et 19 avril prochains, à l'occasion de la 6èédition de la Biojoleynes, où pas moins de vingt-cinq vignerons en bio et biodynamie seront réunis, sans oublier l'ami Olif, présent pour dédicacer quelques Tronches de vin, auprès de la librairie mâconnaise Le Cadran Lunaire. A ne pas manquer si vous êtes dans la région ce week-end là!... Cette jolie manifestation suivant d'une petite semaine celles qui se dérouleront le 13 avril, au Château de Pizay, à savoir la Biojolaise, la Beaujoloise et la Beaujol'art, sans oublier le petit dernier, Beauj'all'wines, soit pas moins de 140 vignerons!... Suivez la piste des vignerons du Beaujolais, ils ont les moyens de vous surprendre et de vous les faire aimer!...

Hervé Ravera, vigneron à Marchampt (69)

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Marchampt, dans la montagne beaujolaise, n'est pas le plus connu des villages du Rhône viticole, mais fait partie de la trentaine de communes composant l'appellation Beaujolais-Villages dans le département du Rhône (plus les huit de Saône-et-Loire). Un peu plus de quatre cents habitants, une altitude se situant à peu près à quatre cents mètres, une viticulture largement traditionnelle (et conventionnelle), mais aussi un des vignerons, Gérard Belaïd, parmi les plus anciennement installés en agriculture biologique dans la région. Un pionnier, si l'on peut dire!... Mais, c'est aussi dans ce village, au lieu-dit Laval, que l'on peut rencontrer Hervé Ravera, qui a créé son domaine, Le Grain de Sénevé, en 2007, pour voir aboutir une reconversion vécue comme la réalisation d'un rêve, avec la force de la foi en soi, parabole oblige. Et la dégustation récente d'une de ses cuvées, 500 mètres 2011, nous a démontré, si c'est encore nécessaire, que souvent, le talent n'attend pas le nombre des années passées derrière le cheval, même si l'oeuvre grandit et se construit avec le temps!...

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Dans une autre vie, Hervéétait infirmier. Son épouse est quant à elle sage-femme et le couple compte une belle volée de quatre jeunes enfants. De l'occupation, assurément!... Il n'est pas forcément aisé de trouver quelques parcelles, mais quand on en dégotte, qui plus est dans la montagne des Grobis (nom des habitants de Marchampt!), on admet difficilement de devoir faire trop souvent des kilomètres pour travailler les sols, traiter, vendanger... Mais, au final, la maison au coeur du petit hameau perché dans la pente, s'est avérée disponible et a pu être achetée par les Ravera. L'histoire devenait résolument cohérente...

Deux parcelles de vigne d'un total de deux hectares, 60 ares au-dessus et 1 ha 40 en dessous, uniquement plantées de gamay en gobelet, âgés d'une quinzaine d'années environ, pour les plus jeunes. En haut, la plus récente plantation a deux ou trois ans. Les ceps y sont un peu plus écartés que la norme et perpendiculaires à la pente, permettant ainsi au vigneron de passer dans les deux sens avec le cheval, ce qui représente une bonne économie d'énergie. Ici, on trouvait avant des vignes à bout de souffle (pour le moment, c'est nous qui le sommes, en attaquant la forte pente à pied!) avec beaucoup de plants américains, d'où la nécessité de remanier le vignoble dès le départ. Un peu plus haut encore, des surfaces naguère arrachées, où l'on trouve maintenant une plantation d'arbres fruitiers. Et peut-être bientôt des céréales?...

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Nous admirons le paysage sous nos yeux, malgré la météo hivernale. Non loin de là, au lieu-dit Le Fay, où se situent les chambres et la table d'hôte de Valérie et Roger Parseihian (Les Fées du Fay), en cette matinée de la fin mars, il a neigé, à plus de 600 mètres d'altitude. Marchampt a compté pas moins de trois cent hectares de vignes voilà seulement une dizaine d'années, mais désormais, il n'y en a plus guère que cent vingt. Ce n'est pas le cas dans tous les villages de la région, mais ici, une attention particulière semble être portée à la reprise des friches et des vignes abandonnées, un jeune agriculteur du cru remettant des vaches sur les coteaux. De plus, un éleveur (élevage laitier) de la commune voisine permet à quelques génisses de passer la crête pendant six mois et ainsi venir paître sur le versant sud de ce qui pourrait être un ancien volcan.

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Avant de s'installer, Hervé Revera a suivi une formation d'un an au CFPPA de Mâcon-Davayé, où il a même passé un Bac, puis a ensuite travaillé un an et demi chez Marc Guillemot, à Quintaine. Il a également sollicitéJean-Loup Cannelle, installé dans le Doubs, spécialiste en formation cheval et qui se déplace dans les fermes. Un aspect indispensable, puisque si le vigneron de Laval réalise désormais presque tous les travaux avec son cheval, répondant au nom exotico-musical de Reggae Night, il avoue avoir fait le choix de l'utilisation du cheval quelque peu à reculons. En effet, les pentes imposent ici de faire appel au treuil et Hervé, travaillant seul, ne pouvant mettre en oeuvre la méthode, du se résoudre à opter pour la solution équine, notamment pour répondre à son objectif d'une viticulture éco-biologique. Il ne le regrette pas, mais les premiers temps furent parfois difficiles, même si son compagnon à quatre pattes (de caractère!) bénéficie de près herbeux tout proches.

Autre intérêt séduisant de l'habitation, le large cuvier, même s'il ne fut pas utilisé entre 2003 et 2007. En effet, il offre presque la possibilité, dans sa configuration ancienne et actuelle, de travailler avec la gravité, ce que le vigneron ne manquera certainement pas d'exploiter à l'avenir, moyennant quelques petits aménagements. Au coeur de l'espace vinification, un très ancien pressoir vertical américain, ayant appartenu au grand-père de Christian Ducroux.

Depuis le début, selon les années, une ou deux cuvées (pour séparer le haut du bas) sont proposées : 500 mètres et Le Grain de Sénevé, avec une démarche résolument sans soufre (sauf circonstances le réclamant) et la dégustation démontre leur dynamique et leur spontanéité. Indiscutablement, Hervé Ravera a trouvé le chemin pour mettre en valeur les jus issus de ses parcelles. Vous pourrez également les retrouver les 18 et 19 avril prochains, à l'occasion de la Biojoleynes, en compagnie d'une belle équipe de vignerons bio et naturels.

Trois nuances de Graves rouges

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Les plus perspicaces d'entre vous ne manqueront pas de me faire remarquer que je suis de passage à Bordeaux après la bataille!... La bataille des primeurs s'entend. En cette semaine quatorze de l'année quinze de notre nouveau millénaire, à cheval sur mars et avril, au cours de laquelle, comme chaque année, certains ont couru de châteaux en caveaux, plus sensibles, parfois, à l'épaisseur de graviers blancs des allées, qu'à la qualité intrinsèque des tanins ou à l'expression aromatique du millésime, en quête d'un pseudo graal vinique que l'on n'atteint jamais!... Pensez donc, des vins qui ont à peine plus de six mois de barriques!... Ces dernières identifiées parfois au moyen d'initiales (celles des tonneliers), dont les fabricants prennent bonne note, lorsqu'il faut conseiller les vignerons. Avec leur expérience des bois de chêne et des chauffes, ils collationnent les informations et savent désormais dresser le portrait "papillin" (à ne pas confondre avec Pupillin) des plus grands spécialistes en la matière, ceux-là même qui attribuent les notes si déterminantes, au moment de fixer les prix. Bancal, vous avez dit bancal?... Certains évoquent les effets d'une nouvelle chasse au dahu!... Pas faux!...

001Une trilogie de domaines à voir ou revoir, en cette éclatante matinée d'avril. Jacques Dupont dit, à propos de cette semaine :"C'est celle des minibus Mercédès, des voitures noires et des hommes tristes". Je revendique le deuxième critère, mais pour le reste, juste une petite berline, dont la moitié arrière est réservée à ma fidèle Horta (qui adore ces virées dans les vignes!) et des vignerons qui ne manquent pas d'humour, en plus d'avoir des choses à dire.

Première étape au Château Mirebeau, de Cyril Dubrey et son épouse Florence. Un couple que nous avions laissé"à la plage de Martillac", en juillet 2012, quelques mois avant son apparition dans Tronches de vin n°1. Cyril est de ces vignerons passionnés qui ne craignent pas d'évoquer les changements de cap et d'orientation, qui font souvent la vie d'un domaine. Parfois cependant, ils sont tus, de peur que le visiteur ne prenne cela pour une forme d'inconstance, dans une activité pour laquelle, certains amateurs et/ou consommateurs, préfèrent une continuité affichée, même au-delà des générations se succédant aux commandes. Ainsi, le vigneron de Mirebeau évoquait naguère sans la moindre crainte, le choix fait début 2005, de la biodynamie, un tournant culturel, au-delà même de l'option culturale.

Mais, dix ans plus tard, si la "plage" est toujours là (les quatre hectares de la propriété sont coupés en deux par l'ancien rivage situant le Mouvement burdigalien, vieux de 21 millions d'années), point de mangrove, ni de palétuviers, mais de l'herbe!...

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En effet, comme souvent, les excès climatiques sont porteurs d'informations et peuvent générer certaines décisions. Ainsi, jusqu'à il y a trois ans, Cyril Dubrey pratiquait les quatre façons mais, s'il fait désormais appel à un prestataire pour pratiquer les labours au cheval (qu'il ne souhaite pas utiliser dans sa com', a contrario de quelques illustres voisins, suivez mon regard!...), il n'en recherche pas moins à optimiser la méthode. Tontes et passages du chenillard viennent donc compléter le travail. Une évolution fondamentale, pour un vigneron qui avait à coeur, jusqu'en 2012, de présenter des vignes dites propres. "Mais depuis, j'ai pris 2013 sur la figure!..." Et là, il convient de rappeler quelques caractéristiques de l'année : 1200 mm de pluie, au lieu de 800 pour une année normale, deux fois 105 mm en deux jours, en juin, au moment de Vinexpo (certains se souviennent de soirées festives bien arrosées pendant la semaine!), au point que des amis américains du couple, présents en France à ce moment-là, évoquaient ce qui se murmurait déjà outre-atlantique (mais pas en France, grand dieu!), à savoir que 2013 était un millésime mort-né!...

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Conséquence quasi immédiate, à Mirebeau, on prend la décision de faire des économies : moins de travail, moins de produits, puisqu'on peut affirmer sans crainte, qu'il n'y a pas eu d'aussi mauvais millésime depuis certaines années 50!... Résultat, quatre barriques seulement de 2013!... Toujours est-il que Cyril, ne supportant plus de voir ses terres érodées de la sorte, se dit que sur des sols assez riches, il ne faut pas avoir peur de l'herbe et comprend mieux ce que les anciens propriétaires faisaient. De plus, les quatre façons ayant tendance, selon lui, à maintenir l'humidité et donc, à compliquer la gestion du mildiou sur des terres assez lourdes (argile), sans parler de la stagnation de l'eau, parfois, en bout de rang, il se fait fort de positiver la présence de l'herbe alors que, de son propre aveu, il pensait le contraire voilà peu. C'est ce qu'on peut appeler une remise en question!...

008Après donc une demi-récolte en 2012, une quasi impasse en 2013, voilà que 2014 se présente sous de biens meilleurs augures. Pas la moindre trace de mildiou pendant le cycle végétatif et pas moins de quatre-vingt barriques, soit environ 190 hl pour composer le Pessac-Léognan du domaine (pas d'éclaircissage et 45 hl/ha environ)!... Cyril et Florence ne boudent pas leur plaisir, d'autant que fermentation et élevage se sont déroulés au mieux. Si bien que, si l'assemblage se fait en principe à la sortie des malos, ils ont pu cette année respecter les lots, par cuves de vinification et donc par terroirs. D'où une dégustation passionnante et l'éventualité d'une analyse nuancée, pour les vignerons eux-mêmes.

Quatre lots à découvrir. Cyril pratique d'une façon originale : il assemble, dans un même verre, un peu de vin issu de trois barriques voisines, donc pas de fût PhR (après les inévitables RP naguère?) pour brouiller les pistes. Le premier lot, du merlot âgé d'une dizaine d'années, issu de la partie haute du vignoble, en barriques neuves de chez Darnajou depuis le mois de décembre et soutiré la semaine précédente : une bouche plutôt gourmande, avec une dominante aromatique sur l'eucalyptus et le cèdre. Le second vient des vignes de merlot du bas de la propriété, âgées de vingt ans. Des barriques neuves également et un caractère plus vibrant, avec une belle finale délicatement saline, une tendance plus serrée. Cyril préfère évoquer la "cristallinité" du vin, plutôt que sa "minéralité". Le troisième, du merlot encore, provient de barriques d'un et deux vins, doté d'une belle dynamique. Enfin, le cabernet sauvignon, assemblé dans la cuve avec un peu de petit verdot et de carménère, séjourne dans des fûts de trois et quatre ans. On est tenté de lui trouver un caractère plus austère, plus fermé. Notez qu'à ce stade, il n'y a guère plus de 30 mg de soufre total et l'ensemble se situant dans une moyenne de 13°. Du beau travail!... Le vigneron veut y voir le retour accordé par la vigne, pour le travail exigé par les années précédentes.

Pour finir, retour sur la version 2012, en bouteille depuis près d'un an. Stupeur!... Nous pénétrons un autre monde!... Le nez explosif suggère le mourvèdre, voire quelques nuances évoquant les grands Bandol. Près de 90% de merlot très mûr (le reste de cabernet sauvignon), ramassé entre 13° et 17° dès le début octobre, soit parfois, deux semaines avant la plupart des GCC de l'appellation. Le tout fut assemblé dans une même cuve trois jours seulement après la vendange et la malo terminée au bout d'un mois, malgré les conditions hors norme du millésime, à contre courant des préceptes de tout manuel d'oenologie. Trois voix pour, deux contre lors de la dégustation d'agrément en Pessac-Léognan, ouf!... Un phénomène!... Étonnez-vous!...

012A Pujols sur Ciron, nous retrouvons Vincent Quirac, au n°19 bis du Bourg, ainsi que dans Tronches de vin n°2. Nuances de Graves, nuances de vignerons. En voici un qui, avec ses deux hectares, n'a pas pour objectif de bousculer les hiérarchies, d'intégrer les classements. Il a surtout envie de faire les vins qu'il aime et quand ses quelques clients les apprécient aussi, tout va pour le mieux.

Certains jours, il se surprend à regretter le désert qu'il arpentait naguère, mais point de nostalgie. D'autant que désormais, il tire des bords avec quelques amis, dès les premiers beaux jours, sur le bleu du bassin d'Arcachon, sans perdre de vue le sable blond de la dune du Pyla. D'autres fois, si la météo est de la partie, c'est en montagne qu'il se carapate. Si vous l'interrogez sur son activité, Vincent pourrait bien vous répondre qu'il est une sorte de vigneron des petites surfaces et des grands espaces.

Il revient sans aigreur particulière, malgré la traversée plutôt douloureuse d'un fait météorologique, sur la grêle qui ravagea ses vignes en octobre 2013, juste avant de vendanger. Tout ce qu'il parvint à ramasser n'était qu'une sorte de bouillie, dont il tira le Vin de Grêle, avec représentation d'un grêlon sur l'étiquette. Il avoue d'ailleurs ne pas être vraiment fan de cette cuvée, mais elle a un indéniable succès. On se console comme on peut!... Bien sûr, nombre de vignerons bien avant lui, ont fait le constat que la grêle n'est pas sans conséquence sur la plante et ce, pendant deux ans. Vincent opta donc pour une taille courte début 2014, afin de laisser la plante se remettre, mais constata ensuite que les vignes sont restées très timides jusqu'à la fin du cycle. Et donc, au final, guère plus de 14 hl de rouges produits en 2014 (autant qu'en 2013), au lieu de 33 hl en 2012!... Si bien que le vigneron de Pujols ne peut plus guère satisfaire toute la demande, un aspect des choses auquel il ne s'attendait guère lorsqu'il a débuté!...

011Le merlot 2014 est donc encore en cuve (mise prévue fin avril 2015). Il est issu de vignes de sept ans. Ramassé tôt, les raisins sont passés par une macération carbonique ("qui a un peu foiré, comme d'hab!..."), l'ensemble se situant entre 11,5° et 12°. "Depuis 2012, j'ai tendance à faire des vins de moins en moins concentrés, un peu par choix et par goût personnel, mais aussi parce qu'ils plaisent de plus en plus..."

Au rayon des vins qui plaisent, rappelons le Sauternes 2010 du domaine, qui avait connu un franc succès. Il est désormais rejoint par le 2011, doté d'une belle dynamique et d'un équilibre qui ravira les amateurs, y compris ceux qui acceptent l'idée de le servir à table. En 2014, point de gros volume non plus, côté moelleux et liquoreux, puisqu'il compte sept hectolitres de Graves Supérieures, issus des dernières tries, mais guère plus de trois hectos de Sauternes, récoltés sur un hectare au total, puisqu'il disposait cette année pour la première fois, de la deuxième petite parcelle, véritable jardin, au coeur de Preignac. Du Sauternes de jardin, ce n'est pas donnéà tout le monde!... Ce Sauternes, avec ses 125g de sucres résiduels, se situe dans la moyenne, alors que le Graves Supérieures, 55g de SR, composé d'une dominante de sémillon, avec une touche de muscadelle et de sauvignon, a un joli potentiel de vin que l'on partage volontiers à l'apéritif. Du genre de ceux qui vous permettent de prendre le contre-pied de quelque marque un peu trop établie dans le paysage...

A Barsac, il était intéressant à plus d'un titre de revoir le Château Massereau, cher notamment à Jean-François Chaigneau et à toute la famille. Indiscutablement, des travailleurs, arrivés dans la région au tout début des années 2000, avec des idées bien précises de ce que sont les qualités d'un grand vin. Une famille qui n'a sans doute pas eu le sentiment que l'intégration dans un vignoble traditionnel, tendance historique, est chose facile. Pourtant, il se murmure que certaines dégustations à l'aveugle auraient tendance à bousculer les hiérarchies trop bien établies.

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"2014? De belles maturités! Après 2011, 12 et 13, je signe tout de suite pour un tel millésime!... A la mi-octobre, les 2/3 de nos Sauternes étaient encore sur la vigne! Tout le monde avait fini!... Heureusement, le temps a tenu. Au final, une petite quantité - 7,5 hl - mais superbe!..." Le vigneron ne cache pas sa satisfaction. Le millésime est beau, le travail à la vigne, en août notamment, a porté ses fruits. Guère plus de 32 à 35 hl de rouges, mais de superbes jus ramassés dans le calme, parcelle par parcelle, malgré un début de vendanges le 22 octobre seulement!... A la fin de ce même mois d'octobre, seuls 2 hl étaient rentrés au cuvier, sur les 150 du total. Il y avait de quoi se faire peur!...

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On évoque ce beau millésime en trinquant avec la version 2014 du Clairet, qui fait son retour après une impasse de deux ans. Inutile de préciser qu'il est très attendu et les 2500 bouteilles (et 200 magnums), qui seront disponibles fin avril, sont déjà en grande partie réservées. Si un essai d'une barrique sans soufre a été réalisé (plutôt destinéà la consommation familiale), la cuvée compte guère plus de 30 de soufre total, pour 6 ou 7 de libre, cela plus pour éviter la malo et garder un vin vif, tonique. Mission accomplie!... Une superbe couleur pour ce Clairet, dont les Chaigneau sont de fervents défenseurs, dans une région qui, selon eux, a baissé depuis longtemps pavillon, face aux "blancs perlés du Sud, en mode chimico-levurés"!... Un sujet pour lequel, Philippe Chaigneau, le second frère, en charge de la promotion et de l'activité commerciale, ne décolère pas.

Pour le Sauternes donc, grande qualité de vendange, avec de plus, des fins de fermentations avant Noël!... Une performance, puisque c'est la première fois que cela se produit au domaine. Mais, la dégustation de quelques lots de rouges démontre encore mieux la qualité de l'ensemble. A ce stade, que ce soient des merlots ou des assemblages de cabernet franc et de petit verdot, un mot revient presque systématiquement : fraîcheur. Un maître mot pour Jean-François Chaigneau, un objectif incontournable. Le parc à barriques se compose de 40% de fûts neufs, 40% de fûts d'un vin et 20% de deux vins. Les barriques de trois vins sont destinées au Clairet et à la Cuvée X sans soufre (60% merlot, 30% cabernet et le reste en petit verdot).

La chronologie, verre en main, nous amène à ce qui composera la cuvée Socrate (assemblage de merlot, des deux cabernets et de petit verdot), puis àElliot (100% petit verdot) qui, cette année et à ce stade, fait toute la démonstration du potentiel de ce cépage : une remarquable pureté de fruit rouge (cerise Burlat), tonique et intense à la fois. Une indéniable réussite, que l'on peut être avisé de réserver!...

Massereau, une troisième nuance de Graves rouges qui, pour beaucoup, reste à découvrir. Malgré une présence quelque peu fluctuante à l'export ces dernières années (notamment du fait du marché espagnol qui a chuté), Philippe Chaigneau s'active sur tous les fronts, anglo-saxons notamment et il ne faut pas être devin, ni grand clerc en matière d'exportations, pour prévoir qu'une proportion non négligeable de la production risque de franchir plus largement les frontières avant longtemps. Profitez-en, tant que le domaine fréquente encore quelques manifestations grand public en France, alors même qu'il sera présent à Londres, fin mai, avec l'objectif de séduire un nouveau public.

Escales à Nantes

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A quatre jours d'intervalle, deux occasions de sillonner les rues de la capitale des Pays de la Loire (ben non, pas de Bretagne, c'est encore raté!) pour de bonnes causes : le vin et les voyages maritimes. Pour la seconde, le rendez-vous avec le Biche, c'est un peu ratéégalement, mais ce n'est peut-être que partie remise.

Le mardi d'abord, pour répondre à une invitation de l'appellation Pessac-Léognan, diffusant une information de l'Agence Force 4, agence de com' viti-vini et organisatrice de manifestations, telles que ce salon proposé pour la première fois à Nantes. Un site de plus en plus fréquenté par les Nantais et les autres, quelque part entre Les Machines de l'Île (de Nantes) et le Hangar à bananes, haut lieu de l'animation urbaine locale. Direction la Compagnie des Rivages, tout près de la cale des sous-marins. Ça fleure bon l'ambiance fluvio-maritime!... Mais, point d'embruns au programme, le grand bleu règne sur Nantes!...

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Pas moins d'une quinzaine de châteaux et domaines de la célèbre appellation bordelaise présents pour l'occasion. Et la possibilité de voir et revoir des productions que l'on peut apercevoir, pour certaines, lors des traditionnelles portes ouvertes de début décembre (ou encore le samedi 13 juin prochain, juste avant l'ouverture de Vinexpo, pour le Samedi Blanc) mais cette fois hors les mûrs et loin de la Garonne. Bon, deux jours après le week-end Vini Circus et ses vins naturels, il y a de quoi procéder à une sorte de recalage (ou décalage?) des papilles. Même pas peur!... Mais aussi, peut-être, renforcer nos arguments quant à l'évolution de nos goûts... Qu'est-ce qui fait que nous sommes désormais un certain nombre à dire que l'ennui naquit un jour de l'uniformité, selon la célèbre phrase d'Antoine Houdar de la Motte, à propos des plus renommées AOP bordelaises?...

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Quelques flacons à apprécier donc et quelques conversations de salons aussi, avec parfois, les propriétaires eux-mêmes ou, en tout cas, les responsables commerciaux de ces grands domaines, en terme de surface notamment pour certains. Des châteaux et non des moindres, puisque étaient présents Latour-Martillac, Couhins, Chevalier ou encore Carbonnieux, pour ne citer que ceux-là. Pour ce dernier, Philibert Perrin présente La Croix de Carbonnieux 2012 en blanc et rouge, ainsi que le GCC Carbonnieux dans le même millésime, en insistant sur la "constance" du cru et ses cent hectares. Les deux blancs sont composés invariablement de 70% de sauvignon et de 30% de sémillon, alors que les rouges sont une association de 60% de cabernet sauvignon et de 40% de merlot, si ce n'est que le grand cru contient environ 5% de cabernet franc et 5% de petit verdot. On se dit que l'expérience mériterait d'être vécue, d'une dégustation verticale sur plusieurs millésimes, afin d'en savoir plus de l'évolution de tels vins conceptuels. Au-delà de l'élevage, le grand cru exprime-t-il lui aussi une constance ou d'éventuelles "corrections " de trajectoires?... Bonne question!...

008Autre approche avec Rémi Édange, du Domaine de Chevalier, prompt à décrire avec force détails, voire emphase métaphorique, les soins apportés au moment de la vendange, des blancs notamment, sorte d'intimité recherchée entre le vendangeur et la grappe... Et puis aussi, pour faire part de son étonnement parfois, face aux difficultés qui surviennent à la vigne, au fil des années et à l'inconstance cette fois des rendements. "Avec 10000 pieds/hectare, on devrait atteindre des volumes que la météo capricieuse des derniers millésimes nous empêche d'obtenir! Et dans nos petites entreprises, tout le monde serait content! Du propriétaire-manager qui gère sa société au salarié qui espère une meilleure prime!..." Ma p'tite entreprise connaît parfois la crise!... Un aspect de l'on néglige, verre en main, nous autres amateurs et qui tend peut-être à creuser le fossé entre producteurs et consommateurs. Cela dit, le Domaine de la Solitude, blanc et rouge 2012, puis Chevalier, blanc et rouge 2011 tiennent leur rang, avec une mention pour le grand cru blanc, toujours aussi classieux (exclamation gainsboroïde, comme dit le wiktionnaire!) et d'une dimension peu commune.

Entre ces deux GCC, un autre cru, peu connu, dont les quelques dix hectares sont cernés par des parcelles classées, mais aussi par une nature que la propriétaire, Stella de Sigoyer-Puel, tente de préserver : Château Bardins, à Cadaujac. Un demi-hectare de blanc et le reste en vignes rouges, afin de composer un Pessac-Léognan (2008 et 2010 ici) sur la base de 50% de merlot, 25% de cabernet sauvignon et 25% de cabernet franc. Une approche qui se veut respectueuse de l'environnement, même si l'agriculture biologique est ici remplacée par une certification ISO 14001. Depuis 2005, les levures indigènes sont privilégiées et aucun pesticides, ni produits de synthèse ne sont utilisés. En tout cas, les deux millésimes proposés incitent à une découverte in situ. A suivre!...

002Pas le temps de continuer du côté de Léognan ou de Martillac (parfois, seules les bouteilles sont disponibles sur les tables...), si ce n'est pour saluer Stéphane Savigneux, vigneron au Château d'Eyran, déjà croisé lors des Portes Ouvertes hivernales et dont le rouge 2011 se montre suave et très abordable. Notez que quelques représentants d'autres régions sont également présents mais, pour tout dire, certains ne vont pas forcément nous conduire au ciel... Sauf les nombreux muscadets, représentés par Les Vignes de Nantes pour l'occasion et que nous retrouverons bientôt à La Baule, avec le MOB, d'où l'impasse du jour. En plus des Graves, deux médocains sont là aussi, dont le Château Dillon (lycée de Blanquefort), mais aussi le Château Marquis d'Alesme Becker et Château Labégorce Zédé, respectivement 3è Grand Cru Classé (en 1855) et Cru Bourgeois Supérieur (en 2003) de Margaux. Longue et aimable conversation avec Delphine Dariol-Kolasa à propos de Bordeaux et de tant d'autres choses. A la question du pourquoi de cette plutôt large représentation bordelaise, la directrice commerciale pour ces deux crus répond sans ambages. En fait, il semble que quelques propriétés de la région, notamment de la Rive Gauche, estiment que les fondements de l'organisation commerciale en vigueur à Bordeaux, aient quelque peu éloigné les domaines d'une partie de leur clientèle, en particulier la restauration dite de qualité, avec qui les relations directes n'existent plus. Depuis une ou deux décennies, les prix se sont envolés et la hiérarchie quasi-pyramidale d'intermédiaires n'a guère apporté de clarté, ni de lisibilité. Or, d'aucuns, au vu de leur tarif sur la place de Bordeaux (de 15 à 30 euros HT), estiment qu'ils pourraient être plus présents sur les cartes des vins de belles tables, notamment dans des villes comme Nantes, dont l'attractivité est louée par les Bordelais eux-mêmes, c'est dire!...

010Mais, l'entretien s'élargit à ce qui fait que les amateurs aussi s'esquivent parfois, lorsqu'on évoque les propriétés du Médoc. Combien de ces "crus classés" qui ne valent plus tripette, immuables dans la hiérarchie de 1855, mais en dessous de tout, parfois depuis des années?... Marquis d'Alesme est bien placé pour le savoir, vilipendé par les experts ("le pire classé du Médoc!") avant sa reprise par la famille Perrodo, en 2009. Comme pour d'autres, une rédemption est en cours. Et depuis, les responsables de la commercialisation se démènent pour livrer aux papilles des amateurs (et des professionnels) Labégorce 2007 et Marquis d'Alesme 2010 (plutôt réussi), premiers millésimes du renouveau des deux propriétés. Mais, qu'en est-il du présent et de l'avenir?... Vous le saurez en patientant ou en dégustant dans d'autres circonstances. Ce qui peut paraître curieux, c'est que les "repreneurs" n'imaginent pas un instant s'affranchir de l'immuable : ces façades de pierres blanches sur l'étiquette, ce même graphisme, ces armoiries séculaires qui ne signifient plus grand chose... Et depuis, jusqu'à ces winemakers à la valeur "notoriétale" ajoutée!... Delphine Dariol-Kolasa confie finalement : "Ce n'est pas simple de bouger les lignes de façon significative lorsqu'il y a quarante ou cinquante salariés derrière!... Le bio?... On consulte, notamment pour ce qui est de la biodynamie. Il ne faut pas croire, mais dans le Médoc, on a tous une case verte dans un coin de notre cerveau, parce qu'on devine, on sait bien, qu'une évolution devient incontournable. Ce sont nos clients, notamment aux États-Unis, qui finiront par mettre le doigt là oùça fait mal!..." Pour un peu, verre en main, on se prend à espérer : une sensibilité différente, nuançant la parole d'experts de la finance (droits dans leurs bottes, ne cessant d'évoquer le retour sur investissements immédiat), encourageant la recherche d'une production quasi-artistique, à valeur "culturelle" ajoutée cette fois, la production de parcellaires authentifiant les terroirs (il y a dans le Médoc, des croupes de graves pyréno-garonnaises, presque castelneuviennes, méritant autre chose que des mariages douteux avec quelques clones plantés sur des limons bas de pente!), ou encore la possibilité de vivre les millésimes. La révolution à Bordeaux?... Et pourquoi pas?... Prévenez-moi, que j'y mette un R majuscule!...

Allez, point d'éléphant dans un magasin de jolies bouteilles!... Du coup, la conversation se termine autour des cuvées (bio) du Château d'Estoublon, de Fontvieille, dans l'appellation (toute bio ou presque) des Baux de Provence, présentant quelques jolis vins, dont deux rouges 2009, où syrah, cabernet sauvignon et mourvèdre font bon ménage, se livrant pleinement, pour notre plus grand plaisir.

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Samedi à Nantes, au coeur des vacances de printemps. Les familles se pressent pour voir déambuler l'éléphant des Machines qui, lorsqu'il dresse sa trompe, n'est pas loin de vous asperger, si vous restez dans son rayon d'action!... Depuis quelques jours, il est possible de suivre la navigation, le cabotage plus précisément, du Biche, thonier dundee groisillon (de l'île de Groix, bien sur!), affrété par la plate-forme brestoise de transport à la voile, le TOWT, TransOceanic Wind Transport. Venant de Bordeaux, son arrivée était prévue à 18h, mais finalement, le bateau, sautant l'escale prévue à Paimboeuf, est venu s'amarrer au ponton Nantilus dès 7h du matin, profitant de la marée. A vrai dire, j'aurais bien aimé remonter l'estuaire et le fleuve, pour arriver au coeur de la cité des Ducs de Bretagne à son bord...

11150346_10206396066598472_1630946847565810177_nDans sa cale, point de poisson du large, mais des bouteilles de Bordeaux et de la bière du Devon. Trois jours plus tard, il chargera cinq tonnes de Muscadet et appareillera pour Lorient, Belle-Île, Douarnenez, St Mâlo, puis Brest, Camaret pour enfin regagner Lorient, via Groix. Tout cela dans le cadre du programme Héritages littoraux, lancé par le Conseil Régional de Bretagne, pour renouer avec la tradition ancestrale du transport à la voile de vin destiné notamment au Royaume-Uni et à la Bretagne. Parti de Lorient avec de la bière et des échalotes, le Biche est aussi passé par l'Île d'Yeu. Le tout visant la création du label "Transportéà la voile". Mille milles sans émission de CO2, mille sabords, on est content pour la planète!... On n'en est pas encore au cargo à voiles, mais on avance et c'est tant mieux!...

label-transport-voileEt pour saluer la marine à voile et boire à la santé des marins en escale à Nantes, quoi de mieux qu'un bar à vins où la musique est bonne, bonne, bonne?... Stany Guyot, aux Carafés, convie les amateurs de passage, chaque samedi (parfois le vendredi) à un concert, genre jazz mâtiné de s(a)oul, voire de blues et même parfois franchement manouche. Ce soir, Lisa Urt et Marc Pouplin, le talentueux guitariste nantais. En plus, pas besoin de quitter l'île de Nantes!... Il faut dire aussi que là, il n'y a pas que la musique qui soit bonne. La cuisine et la cave aussi!... Adresse très recommandable donc, pour ceux qui bossent et qui cherchent une cantine sympa le midi, façon bistrot de quartier, ou pour ces matelots qui passent deux ou trois jours à terre. Notez que les aviateurs sont aussi les bienvenus!...

11162458_10206396247642998_6540397309134349532_n   11016960_10206396729455043_4408639277041016859_n   13713_10206396667893504_6713493272065320303_n

Pour l'occasion donc, on se régale de rillettes de sanglier et d'une terrine de foie de volailles au Porto et au Cognac, sans oublier les antipasti et un petit dessert souligné de caramel au beurre salé!... Slurp!... Les flacons du domaine chinonais Jaulin-Plaisantin, un chenin et un cabernet franc, répondent à l'invite à merveille!... Sans oublier, la suggestion du boss pour finir la soirée : un vendanges tardives croate de Vlado Krauthaker, Grasevina 2011 (ou welschriesling), superbe et ultime incitation au voyage. Just a perfect day!...

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