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Channel: La Pipette aux quatre vins
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Trilogie salonnesque parisienne

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Pas moins de trois salons en quarante-huit heures, en cette fin avril, au coeur de Paris, c'était tentant!... De plus, deux d'entre eux avaient pris position dans les arrondissements du XIè et du XXè, ceux de ma prime enfance. Belleville, Ménilmontant, pour l'enfant de Charonne, comment dire... ne point y prendre part, non mais, tu détonnes!... Une fin de semaine, lundi compris, entre Pâques et 1er Mai. Entre procession romaine et défilé entre Nation et Bastille. Ça tombe bien, vignerons et amateurs se sont précipités dans ces lieux divers et variés, pour défiler verre en main, processionnellement, parce que le vin le vaut bien!...

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Après, il reste à s'organiser, aspect indispensable des choses. Se munir de quelques tickets de métro-bus, mettre en poche un petit guide de Paris pratique ou activer Google sur son téléphone. Arrivée tardive dans la Capitale en ce samedi soir, ça bouge partout! Rien à voir avec les places supposées centrales de nos petites préfectures de province. Rendez-vous à Bastille, pour aller dîner, malgré l'heure, à deux pas de la Rue de la Roquette, au restaurant Volver, rue Keller. Une adresse évoquée, voilà peu, dans l'émission dominicale "On va déguster", sur France Inter. Un endroit incontournable pour celui qui veut apprécier une succulente entrecôte de la Pampa!... Ah, la vache!... Un régal! Le resto catégorie cantine, façon coeur de Buenos Aires. Guère plus d'une vingtaine de couverts et encore, deux grandes tables à partager. Une télé diffuse un match de foot. On s'attend à voir surgir le cousin de Maradona de derrière le bar. Des maillots sous verre, comme des reliques, Boca Juniors, River Plate, Independiente... Et ce steak, ma doué!... Petite sauce chimichurri, sans doute (je ne suis pas un spécialiste). Et je ne vous parle pas du dessert, un fondant au chocolat coeur de dulce de leche!... Les babines, on s'en lèche, d'ailleurs!... Côté vin, un Pinot Noir Oak Cask 2012 de Trapiche, from Mendoza, pour rester en phase, avec l'hémisphère sud. Bienvenido!... Une heure du mat'! Ça bouge toujours dans le quartier. Ça parle plus fort aussi, non?... Un taxi passe. Hep!...

004Le lendemain, c'est dimanche. Il pleut sur le Quai de Seine. Quelques arbres m'empêchent de voir la mer le bassin, mais ce ne sont pas des palmiers, à peine des platanes. A qui se fier?... Pas vraiment le temps d'une grasse matinée, il faut que je file à un anniversaire : les 30 ans du Rouge & du Blanc, avec 30 jeunes vignerons venus de toute la France, mais pas que. Ça se passe àLa Cartonnerie, dans le XIè, aux confins du Xè et du XXè, entre les métros Goncourt et Belleville, trois-quatre stations depuis Stalingrad. A onze heures pétantes, je suis face au n°12 de la rue Deguerry. Les fidèles de la paroisse St Joseph des Nations, qui sépare cette rue de la rue Darboy (ça ne s'invente pas!), se présentent pour la messe dominicale. Dans les locaux en partie rénovés de cet ancien atelier de fonderie de la fin du XIXè siècle, reconvertie en manufacture de cartons dans les années 50 et jusqu'en 2002, les vignerons finissent de s'installer. Avec tous ces canons, ça va cartonner!... Un endroit un peu hors du temps, avec une superbe verrière centrale, un site que l'on imagine aisément dédié aux tournages de fictions diverses. Pour un peu, on verrait surgir les Brigades du Tigre dans leur torpédo pétaradante!... M'sieur Clemenceau!... Ah, d'ailleurs... Non, c'est François Morel qui virevolte d'un espace à l'autre. En place!... Trois petites salles, de part et d'autre de la verrière, on peut craindre une forte affluence. Yaïr Tabor et Jean-Marc Gatteron soulignent que j'ai peut-être fait le bon choix, en venant si tôt. Tôt?! Mais, c'est juste la bonne heure!... Ces jeunes (et moins jeunes) talents sont connus des amateurs, du moins ceux qui fréquentent les salons de l'hiver. Mais, une bonne partie ne quittent guère leur vignoble et il est fort agréable de les retrouver là : Cyril Dubrey, Julien Guillot, Pablo Höcht, Cyril Fahl, Marjorie Gallet, Jean-Yves Péron, Jérémie Mourat et Jérémie Huchet ou encore Fabien Jouves. Toutes les régions sont (bien) représentées et on devine que nombre de Parisiens peuvent ainsi faire de passionnantes découvertes. De plus, une présence étrangère (Autriche, Espagne, Grèce et Italie) vient compléter le plateau, ce qui tend à rappeler que les passionnés qui furent à l'origine de la revue et ceux qui sont venus les rejoindre depuis quelques années, ont toujours voulu insister sur "l'universalité" du monde de la vigne et du vin, soulignant trimestre après trimestre, que les vignerons passionnants n'étaient pas une spécialité franco-française. "Être au plus près du vin, avec un mélange - le plus juste possible - de passion dans l'approche et d'esprit critique dans l'analyse, en toute indépendance, sans complaisance injustifiable ni agressivité injustifiée." C'était là, la présentation originelle de la démarche de ces pionniers, en 1983. Et de préciser aujourd'hui : "Les 30 années à venir seront un combat pour les vins de terroir dignes de ce nom, plus que jamais et Le Rouge & le Blanc - avec sa bande de guetteurs et goûteurs de vins - en sera. Qu'on se le dise!" En tout cas, l'occasion de rappeler aussi, à quel point cette indispensable revue inspira sans doute nombre de blogueurs du 3è millénaire, prêts à les rejoindre dans leur passion, verre en main, dans les vignes éparses, plus ou moins lointaines et jusqu'au coeur de Paris!...

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Le temps d'avaler une sorte de hamburger au lieu jaune et aneth frais préparé par le team d'Antony Cointre (vous ici!), sans oublier les spécialités gourmandes du Sud-Ouest du Domaine de Saint Géry, j'opte pour une petite marche à pieds afin de rejoindre La Bellevilloise, rue Boyer, quasiment en haut de la côte de Ménilmontant, à deux pas supplémentaires de la rue des Pyrénées. C'est bien là et non pas 89è Rue d'une grande métropole nord-américaine, que se déroule Sous les pavés, la vigne!évènement parisien qui a pris des allures d'incontournable dès sa première organisation en 2013. Il faut dire qu'Antonin Iommi-Amunategui, alias AIA pour les intimes, déjà coupable d'un blog à succès, No Wine is innocent, ou NWII, a tout (bien) fait pour proposer une affiche complète et cohérente. Tout d'abord, 50 vignerons venus d'un peu tous les horizons, "des artisans-vignerons et leurs vins actuels, naturels, commercialisés hors des circuits de la grande distribution, parfois chahutés par l'administration", que ce soit en France ou en Italie.

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Aux côtés de ces producteurs talentueux, quelques auteurs passionnés, comme Michel Tolmer, qui dédicace encore et toujours, parfois jusqu'au bout de la nuit, son désormais célèbre Petit traité de dégustation, Mimi, Fifi et Glouglou, ou encore Isabelle Saporta, journaliste et chroniqueuse, couverture, cheveux et regard noirs, déjà auteure de quelques livres pour le moins polémiques sur le sujet sensible de l'agriculture intensive et qui, avec son dernier pavé (arrachéà l'affiche du salon!) dans la mare (le marigot, diront certains), Vino Business, fait quelques vagues sur les plages trop tranquilles du vignoble bordelais, au point que certains lui promettent un ressac revanchard (parfois en termes pour le moins insultants)!... Pas encore lu le bouquin, mais suis quasiment sur d'y entrevoir tout ce qui illustre et fait Bordeaux aujourd'hui, au-delà même de St Emilion : certains jours, un paternalisme "soumitif", d'autres, une soif d'expansion que seuls, quelques conseillers fiscaux et patrimoniaux, à la solde de divers fonds de pension "exotiques", peuvent vraiment comprendre et admettre, au final, un rêve de puissance permettant aux plus grands de la région de s'exonérer, peut-être un jour, du carcan des règlements qu'ils feignent de suivre à la lettre et de louer. Gageons qu'Isabelle Saporta ne tardera guère à trouver d'autres pistes d'investigation, même si certains tenants d'un égocentrisme narcissique à la bordelaise ne lui dérouleront pas le tapis rouge la prochaine fois!... Heureusement, il y avait là, sur le parquet de la Bellevilloise, Gombaude-Guillot, Lamery, Les Trois Petiotes et les Closeries des Moussis, autant d'exemples démontrant que l'on peut voir les choses autrement, même sur les bords de la Garonne et sur les rives de l'estuaire de la Gironde!...

014Sous les pavés, le vin donc, aussi. L'Ardèche bien représentée, avec les Azzoni, Oustric et Bock notamment. Et à propos de bocks, des bières également, dont la célèbre Cantillon, venue dans les valises de Patrick "Bock" Böttcher, histoire de reformater les papilles, si nécessaire. Pour cela, il y avait aussi le nectar d'abricots du Clos des Cîmes. Beaujolais, Bourgogne, Champagne, Languedoc, Val de Loire, Roussillon et même Italie comptaient de belles délégations et les visiteurs (très nombreux le dimanche après-midi!) ne déléguaient pas leurs compétences pour apprécier les nombreux canons. Chacun pouvait faire une pause auprès des auteurs disposés à d'éventuelles dédicaces, avec parmi ceux-ci Ophélie Neiman, sans oublier Aurélie Portier et Guillaume Nicolas-Brion, avec leurs "Dix façons de préparer la peau", aux célèbres Éditions de l'Epure, maison avisée, s'il en est, en matière de choix éditoriaux, option cuisine et cave.

Dans l'optique d'être éclectique, le salon proposait aussi, le dimanche un débat : "Désobéissance civile dans le vignoble : résistance ou délit?" vaste sujet de réflexion, avec comme participants principaux Emmanuel Giboulot et Jonathan Nossiter, le premier ayant eu maille à partir avec la justice pour avoir refusé d'utiliser certains produits de traitement imposés par les autorités locales bourguignonnes et le second pour évoquer et présenter (en avant-première le lundi soir) son nouveau film "Naturel resistance", tourné auprès de vignerons italiens très engagés pour la défense des vins naturels. N'ayant pu assister finalement ni à l'un ni à l'autre (on notera que le film était projeté au cinéma Étoile-Lilas, Place du Maquis du Vercors!), je ne suis pas à même d'en faire état largement? Peut-être, trouverez-vous quelques échos ici ou ?...

Indiscutablement, une réussite que ce salon sur les hauts de Ménilmuche, puisque les vignerons en redemandent. Il faut dire que le panel est bien choisi, permettant aux uns et aux autres de faire quelques belles découvertes, les occasions "nationales à dimension humaine" de se croiser n'étant pas si nombreuses que cela. Là, un Ardéchois pouvait consacrer un peu de temps pour (re)découvrir Bordeaux. Un Catalan trouvait la Loire au bout de sa rangée. Les Beaujolais n'avaient plus à franchir les Alpes pour apprécier quelques nectars italiens!... Bien joué!...

Figurez-vous qu'en plus, en descendant au métro Ménilmontant, vous pouviez sauter dans une rame de la ligne 2, Nation-Étoile, descendre à Pigalle, trouver la rue Frochot et découvrir au n°2, le Cercle Central, un cercle de jeux transformé, en ce dernier lundi d'avril, en salon dédié aux vins de Loire, Les Affranchis, proposé par Laetitia Laure. Pas moins de 35 vignerons ligériens et avec un tel plateau, il y a matière à la franchir, la Loire, dans les deux sens, pour une bonne virée de galerne!... Palsambleu!... Comment ignorer tous ces Muscadets : Jo Landron et ses béquilles (ça va mieux, merci!), Frédéric Niger Van Herck et ses cuvées amphorisées (difficile de n'en citer qu'une, on se régale!) ou encore Marc Pesnot et ses nouvelles cuvées expérimentales, voire Jérôme Bretaudeau et Jacques Carroget (que je ne suis pas encore allé voir, mais ça va venir!). Des Chinon, des Anjou, des Savennières, sans oublier Bourgueil, Vouvray, Saumur et même la Sologne et l'Orléanais!... Toujours un plaisir de déguster en compagnie d'Etienne Courtois. Juste à ses côtés, Reynald Héaulé, pas ménagé par la météo depuis quelques années, avouant qu'il s'en est fallu de peu qu'il n'abandonne, voilà peu...

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Un peu à bout de souffle et les papilles chahutées, après quelques bonnes heures sur le pont, la perspective de retrouver le métro qui, cette fois par la ligne 12, Porte de la Chapelle-Mairie d'Issy, va me déposer au bout du tapis (pas celui du Multicolore!) roulant de Montparn' et dans le hall des grandes lignes, m'incite à quitter ce lieu, jadis Cercle des Arts et Lettres, devenu lieu de pratique du poker et autres jeux. Son vitrail superbe, le bois, le laiton, le cuir évoquent un peu le décor d'un paquebot des années folles. Quelque chose qui vous invite à la rêverie, au point de vous donner envie d'organiser de telles manifestations dans un port, quelque part sur la côte atlantique... Alors, vignerons et amateurs, êtes-vous prêts à changer d'horizon?... Dans le TGV, je saisis mon livre de chevet actuel : "L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea", de Romain Puértolas, aux Éditions Le Dilettante. Pas de doute, autant de salons à ne pas aborder en dilettante, quel que soit le côté du lit à clous où on se trouve!...


Domaine Danjou-Banessy, à Espira de l'Agly

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Que de changements au domaine, en à peine quelques années!... Au cours de deux passages précédents, en mars 2008 et fin 2009, nous avions pu découvrir quelques petites merveilles proposées par ce domaine familial, bien ancré sur les berges de l'Agly quasi-maritime, très différent du Haut-Fenouillèdes. En novembre 2011, lors d'un passage du vigneron, cette fois, au Chai Carlina, à St Jean de Monts, bien connu des ReVeVineurs, nous prenions connaissance du chambardement en cours au domaine : nouvelles cuvées de terroir, mise à disposition de quelques trésors, option rancios, etc... Depuis, Benoît Danjou a indiscutablement pris confiance (la paternité récente?), lancé de lourds travaux au niveau des bâtiments, continuéà sillonner la campagne environnante pour découvrir de nouveaux terroirs, projeté de futurs aménagements, en vue de partager sa terre catalane avec ses amis, le tout, bien soutenu par son épouse, aidé d'autre part par Sébastien, son prof d'anglais de frère (en "double activité" aménagée grâce à un proviseur arrangeant!) et boosté par quelques jolis succès et commentaires flatteurs, ici ou là, sans qu'il n'en perde pour autant la tête!...

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Nous voilà partis pour un tour d'horizon des parcelles et terroirs. Certains semblent abordables pour le commun des véhicules, mais Benoît nous invite à prendre place dans un 4x4 collector qui laisse à penser que les chemins à emprunter ne sont pas tous carrossables... Le vigneron veut nous montrer ses dernières découvertes situées dans un endroit hors du commun : Les Escounils. Des parcelles dans la forêt, à flanc de montagne, comme une langue de terre gagnée depuis des lustres sur la végétation, des terrasses successives, des banquettes, un terme qui convient peut-être mieux, le tout orienté nord-ouest/sud-est. Pas besoin d'être devin pour imaginer à quel point ces terres sont exceptionnelles. Au total, douze hectares de très vieilles vignes, lâchés par un grand domaine de la région et repris par trois vignerons du cru, dont Benoît Danjou.

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Des grenaches blancs et gris, comme cette parcelle de 80 ares et de plus de 90 ans (ci-dessus). De nombreux manquants certes, mais une bonne reprise de la vie, grâce notamment à la biodynamie (quelques essais en cours) et le travail d'un sol argileux, ou la roche calcaire affleure parfois. Nous sommes là entre 200 et 250 mètres d'altitude. Certaines des dites banquettes sont plantées de muscat, dont certains non taillés depuis deux ans. L'objectif, pour ces zones, est de racheter la terre, arracher, semer des céréales et ensuite replanter, lorsque le temps sera venu, parce que ce sol semble être excellent pour les blancs, avec une forte minéralité probable, même pour les rouges, présents par complantation des trois grenaches notamment. Ici, on trouve trace de schiste en plus du calcaire, mais aussi de grès rose, avec quelques chênes-lièges en bordure de la forêt et moins de pins. On note aussi la présence de galets ronds ayant peut-être glissé dans la pente, au fil des siècles et millénaires. En fait, la démonstration de toute la variété des sols d'Espira de l'Agly, ce qui incite le vigneron à travailler à la parcelle, avec désormais pas moins de dix à douze cuvées, "histoire de faire plaisir à l'imprimeur!..."

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Le domaine compte actuellement une vingtaine d'hectares, dont trois à quatre en fermage (un hectare sous les Truffières). Parmi cet ensemble, pas moins de six à sept hectares de muscat, base historique de bien des entités de la région. Aujourd'hui, 90% des raisins de ce cépage sont destinés au négoce. Le vigneron avoue qu'il se demande s'il consomme lui-même, en famille, plus d'une bouteille de Muscat de Rivesaltes par an!...

Après avoir découvert le secteur dit des Terres Noires, au nord-ouest du village, en compagnie de Lucien Salani, retour dans cette même partie de la commune, qui offre quelques micro-terroirs et autant de nectars. C'est dans le bas du coteau que se situe le secteur de La Truffière (1 ha). Des sols argileux sur un socle calcaire. Nous sommes là juste à la limite d'une zone de schistes et de calcaire qui se chevauchent dans le sous-sol. Ce dernier réserve quelques surprises, si l'on en croit le chasseur de trésors que Benoit a croisé là un jour, armé de sa poële à frire (un détecteur de métaux, bien sur), qui disait avoir trouvé là nombre de pièces romaines. Il semble qu'un cimetière romain soit identifié ici, en profondeur, non loin d'une voie romaine passant jadis dans ce paysage.

038Au sud de la petite route, la parcelle de carignan complanté, Les Myrs (1 ha), reprise en fermage, donne de grands espoirs aux deux frères Danjou, avec des sols de schistes et de marnes. En face, La Truffière, avec 33 ares de carignan gris (La Truffière blanc), carignan noir et grenache (La Truffière rouge), cuvées connues pour leur finale saline et leur tension. Les grenache n'ont pas moins de 60 ou 70 ans, les carignan noirs au moins 80, dont la plupart sont dans la famille depuis plusieurs générations.

Autres vignes familiales sur les mamelons proches, L'Estaca, 55 ares de grenache noir (80 à 90%) complanté, sur des marnes et du schiste (présence de mica et d'éléments ferrugineux). Dans la contre pente, orientée nord-ouest, L'Espurna, 55 ares de cinsault, sur un sol très sec, avec une majorité de quartz. Pendant quatre ans, Benoît a tenté de planter pour combler les manquants, mais ici, rien ne pousse!...

Nous continuons à grimper dans le coteau. On y trouve de vieux muscats, âgés au moins d'une soixantaine d'années, chose plutôt rare pour un cépage qui est souvent arraché dès qu'il atteint trente ans. A proximité d'un petit mas, restauré dans quelques années sans doute, pour permettre aux clients du domaine de goûter... le paysage et quelques cuvées autour de quelques grillades, une parcelle qui pourrait relever d'un conservatoire des variétés rares de vigne : 300 pieds de jaumet (ou jaoumet), appelé aussi la Madeleine de Jacques ou le St Jacques. Un cépage pour le moins prime, puisqu'il mûrit à la mi-juillet, le saint se fêtant le 25 de ce mois. En fait, le premier raisin de bouche cultivé en France, sur échalas, avant même le chasselas de Moissac. Particularité de ce cépage, il prend bien l'oxydation. A prévoir donc au domaine avant longtemps, un essai de vin de voile, comme il se doit, pour ce passionné d'oxydatifs et de rancios!...

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Les parcelles de maccabeu les plus hautes dans la pente ont été arrachées. Pas de plantations programmées là, mais peut-être seulement quelques semailles. A terme, elles pourraient être dédiées au rêve qui se construit doucement dans l'esprit de Benoît Danjou : une exploitation viticole qui s'orienterait vers une polyculture vivrière!... Ici, il se pourrait bien qu'on trouve avant longtemps quelques vaches de l'Albera, la massanaise, dont on a retrouvé quelques rares spécimens non loin de Banyuls. Une race, abandonnée au profit de la charolaise produisant le double de viande, mais qui est tout à fait adaptée au climat et à la sécheresse de la région. Et qui, quelque part, porte toute la fiertésanc e or, aspect des choses auquel le vigneron d'Espira ne peut rester insensible.

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Au final, il est intéressant à plus d'un titre de découvrir tout l'aspect géologique (du moins, pour ce qui est des sols) et les composantes terriennes du travail et des choix d'un vigneron. Benoit Danjou admet volontiers que s'il était à Calce, par exemple il aurait sans doute une autre vue des choses, parce que là-bas, il faut jouer avec la pluralité des sols dans certaines parcelles. Ici, on peut, d'après lui, jouer et tenter d'optimiser le duo terroir-cépage, faire valoir son identité, notion très recherchée de nos jours, notamment parce que ses ancêtres, à force d'obervations, ont déterminé ce qu'était la meilleure option, parmi de multiples possibles.

Le domaine est certifié bio depuis trois ou quatre ans (label Ecocert), sans que ce soit affiché sur la contre-étiquette. "Cela n'a pas changé grand chose pour nous, au domaine. On l'a fait un peu sous la pression de certains importateurs qui aiment produire des documents sur le sujet. Et puis, de toute façon, c'est bien ceux qui sont en chimie qui devraient le mettre sur l'étiquette!..."

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En dégustant le premier vin, Coste 2012, un 100% maccabeu bien armé pour être une belle mise en bouche, nous évoquons avec les deux frères la grosse évolution commerciale du domaine en quelques années. Voilà peu, Danjou-Banessy était surtout connu dans les P-O, un peu à Lyon et sur quelques tables à Paris. Désormais, les cuvées, au volume très limité parfois, ont franchi quelques frontières, mais plutôt vers des pays limitrophes, surtout parce que Benoit et Sébastien tiennent à un bilan carbone le plus positif possible. Ils sont désormais bien diffusés en France, sauf dans le Grand Ouest, qui est un peu le parent pauvre. Tant pis pour les amateurs et les gastronomes bretons et ligériens!... Il faut savoir que les Danjou sont très attachés également à la qualité des relations qu'ils peuvent avoir avec leurs diffuseurs. Certains ne manquent pas de participer aux vendanges et sont devenus des amis. Pas question de laisser partir les cuvées du domaine dans n'importe quelles mains!...

056Lors de cette séance de régalade, c'est l'occasion, pour Benoît Danjou, de faire une sorte de profession de foi, la sienne, celle qui le porte chaque jour. Ce jeune homme a du carignan catalan dans les veines, n'en doutons pas!... "Le plus souvent, les grenache sont vinifiés en vendanges entière et les carignan égrappés. Mais, il n'y a pas de recette type, on s'adapte au millésime! Parfois, tout est non égrappé, une autre fois, on égrappe partiellement. Le grain est important, mais la rafle aussi. Pendant les vendanges, on goûte tout, tous les jours! On est présents dans toutes les parcelles. On y passe énormément de temps, mais on croque le raisin!... Quand on le croque ce raisin, c'est sucré, forcément. Or, le sucre annihile tous les arômes. Donc, on sépare la pellicule, les pépins et la pulpe, c'est important!..." Ce qu'on appelle peut-être des pré-vendanges chirurgicales?...

"Il faut goûter tout séparé. Dans la pulpe, on va avoir la densité du vin. Dans la pellicule, ce sera la qualité des tannins. Les pépins, quant à eux, on ne les croque pratiquement pas. On s'est aperçu, contre l'avis des oenologues, que lorsque le pépin est marron chez nous, en visuel sans le goûter, le grain est déjà en surmaturité et d'est trop tard!... Ces oenologues prônent encore dans le département, de récolter à maturité phénollique, terme inventé par les scientifiques et à contre-courant de ce qu'on veut faire au domaine!... La maturité phénollique d'un grenache noir en 2006 se situait à 17°, dans certains endroits! Ce n'est plus de la maturité, mais de la surmaturité, avec des arômes de Maury, de Rivesaltes ou de Banyuls, ce n'est plus un rouge!..."

"On a déjà vinifié des vins secs à 17 ou 18° même, avec au final, aucun sucre. Qui peut dire que tel ou tel fruit est mûr?... Je ne dis jamais ça. Je dis seulement : ce raisin, il me plaît, c'est avec ça que je veux faire mon vin et on va aller le cueillir dès demain! Pour moi, un vin rouge, c'est du fruit rouge! On s'accroche trop à certaines choses dans le sud. Après, il y a toute la complexité d'un terroir derrière, mais pour moi, ce n'est pas du fruit noir compoté. Les goûts, ça reste subjectif. Certains vont préférer des peaux plus acidulées, d'autres plus sucrées, mais nous, on fait nos vins avec nos sens. On goûte avec méthode et on prend une décision. Ce n'est pas du hasard!"

057De plus, Benoît nous l'avoue : "2012, c'est un des plus beaux millésimes que j'ai eu la chance de faire!"La Truffièreblanc est déjà abordable et d'une belle pureté. On passe ensuite au "ploussard catalan"!... Les Myrs 2012, dont c'est le premier millésime. Un vin qui a passé quatorze mois en fûts anciens. Un carignan très très vieux, pour lequel une extrémité de la parcelle est en marcottage, l'ensemble se passant fort bien de soufre. Selon le vigneron, un carignan travailléà contre-courant de nombre de ceux qu'on trouve dans le sud, ni robuste, ni lourd. Une belle touche florale, un croquant qui propose une belle acidité. Des sols avec moins de calcaire cependant et plus de schistes ferriques. De la griotte, pour une belle pureté de fruit. Voilà un carignan qui pinote!...

Un travail en levures indigènes bien sur, aucune filtration même sur les blancs, ces dernières ayant très vite été abandonnées après un seul essai, il y a près de dix ans!... A suivre, Espurna 2011, le nom catalan de l'étincelle provoquée par la pioche sur le quartz, du cinsault dans un autre style, plus sudiste sur ce millésime, entre fruits rouges et noirs, après un élevage de 22 mois dans un seul demi-muids. Plus de richesse, de matière, même s'il ne s'agit que d'infusion, en mouillant le chapeau, lors des vinifications et plus du tout d'extraction. Cette matière qui se fait à la vigne, le credo du vigneron. Celui-ci qui s'offusque parfois, lorsqu'il entend dire des vins du Languedoc-Roussillon que ce sont des rouges qui tâchent. "Pour ce qui est du Roussillon en tout cas, dans la vallée de l'Agly, la roche-mère affleure dans les vignes, on est en contact avec le minéral et cela doit équilibrer les forces, avec la climatologie qu'on a. C'est bien le but!..."

Parmi les nouveautés, Les Mirandes 2011, une cuvée d'exception, genre explosive! Une vigne de syrah plantée près d'une carrière de roc de mirande, une roche quasi basaltique, un schiste plein de petits mica, dont on garnit les ballasts des voies ferrées. Pendant les travaux à la cave, les ouvriers y ont laissé quelques perceuses, les mûrs étant parsemés de cette roche indestructible. Ca goûte du diable!... Du fumé, de l'encre de seiche, du graphite!... Ma doué!... Selon le vigneron, une parenté quasi certaine avec certains St Joseph sur granite, même si on n'a pas encore trouvé trace de cette roche sur la parcelle.

Estaca 2011 (le piquet ou le tuteur en catalan) : de l'infusion encore, mais souvent, de la vendange entière foulée aux pieds par le vigneron (qui n'aime guère les macérations carboniques, sauf pendant l'été, sous la tonnelle, lorsqu'elles viennent du Beaujolais!), dans une petite cuve, dans laquelle le contenu des petites caisses de raisins est introduit petit à petit, pour éviter toute trituration et l'astringence qui peut en découler. Infusion de deux à trois semaines, puis les jus écoulés par gravité dans un demi-muids (dans les très bonnes années, une barrique de 500 litres et une autre de 228 litres en plus), soit 5 à 7 hl sur un demi-hectare!... Du grenache à 90%, avec une belle structure tannique due aux rafles, à la fois aérien et robuste. Des notes de fraises écrasées, marqueur habituel du cru et un soupçon de pétale de rose. Du grand art!...

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Et de grands vins de gastronomie aussi, point important qu'il ne faut pas négliger pour les vins de ce domaine, qui ont désormais leur place sur les plus grandes tables et les cartes des vins les plus réputées. Avec Benoît Danjou, on devine que nous sommes là en présence d'un vigneron qui sait prendre ce succès récent (coup de coeur de la Revue du Vin de France pour le millésime 2008!) avec ce qu'il faut de recul. Inutile de céder à un dithyrambe par nature excessif, ce ne serait pas la meilleure façon de le mettre à l'aise. Mais, il sera sans doute le plus heureux des vignerons, si vous prenez un peu de temps pour découvrir ses vignes en sa compagnie. De toute façon, il sait bien, question de gènes sans doute, que son métier est très exposéà divers risques, notamment les plus naturels et qu'il faut donc sans cesse se remettre en question, chercher de nouvelles voies, explorer. Ça tombe bien, le Roussillon est un formidable terrain de jeu pour ce genre d'explorateur. N'hésitez pas à vous mettre dans ses pas!...

Loïc Roure, bienvenue au Jajakistan!...

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Direction le Haut-Fenouillèdes!... Ou presque. En tout cas, la haute vallée de l'Agly. En clair, le Jajakistan!... Lansac, Rasiguères (où nous avons rendez-vous), Planèzes, au nord de la retenue d'eau du barrage sur l'Agly, Cassagnes, à l'est du lac, le tout entre Latour de France et les Corbières. Cette contrée a reçu son surnom de la bouche de Cyril Fahl, semble-t-il, lorsqu'il a vu débarqué un soir de 2003, chez Jean-Louis Tribouley, ce grand escogriffe coiffé d'un couvre-chef pachtoune, façon Massoud, originaire de St Étienne (42), passé par un café-restaurant de la Drôme ou encore les bureaux d'Amnesty International, à Lyon et travaillant alors chez Gérald Oustric, en Ardèche. Il a gardé le souvenir de quelques vacances estivales et familiales, naguère, à Espira de l'Agly et revient dans la région pour voir s'il n'y aurait pas quelques vignes disponibles dans le secteur...

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Un copain caviste parisien lui suggère de se rendre à Lesquerde, où il y a peut-être quelque chose à faire... Lors d'un repas chez Jean-François Nicq, à Montesquieu des Albères, il croise Bruno Duchêne, juste arrivé, lui aussi, à Banyuls. D'ailleurs, pour ces derniers, 2002 était le premier millésime en P-O. Seul Jacques de Chancel est installé depuis 2001 à Latour de France et encore, n'est-t-il pas inscrit dans leur sens du bio pour son Domaine de l'Ausseil. Loïc Roure apprend à cette occasion que Chapoutier vend des vignes en bio depuis quatre ans dans ce village. Bruno lui conseille de passer voir son ami Jean-Louis Tribouley, qui pourra sans doute lui en dire plus. Pour ce dernier, comme pour Cyril Fahl, 2002 est aussi le premier millésime. Le futur vigneron revient plutôt sceptique de sa découverte des vignes de Chapoutier... Il dîne alors avec les deux vignerons de Latour, qui le mettent alors sur la piste de quelques parcelles, qui leur avaient été proposés au moment de leurs installations respectives. Au bout de la nuit, il repart avec quelques extraits de cadastre et lève le poing, certains que son futur est né sous ce ciel noir et étoilé du Roussillon : OUAIS!... Bienvenue au Jajakistan!...

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Un territoire aux contours parfois sévères, lorsqu'on le contemple à cette époque de l'année, au sortir de l'hiver et au moment où les vignes taillées court (plus ou moins!) laissent apparaître les sols secs et souvent désherbés, malheureusement, comme ceux qui sont dans le giron de la Cave de Caramany qui impose, dit-on, à ses vignerons, des traitements chimiques pour bénéficier de l'appellation village. Une route, une piste plutôt, en lacets, nous conduit sur les hauts de Rasiguères, histoire d'embrasser le paysage. Sur les flancs des coteaux, de la vigne avec des expositions opposées. Et sur cette sorte de plateau, à 340 m d'altitude environ, du grenache planté en 1966 sur un sol de schiste et de grès. On aperçoit, de l'autre côté de la vallée, un ensemble de parcelles de carignan, grenache, syrah ou maccabeu, partagé avec d'autres vignerons, exposé nord, sur des gneiss et sur la commune de Cassagne. Une zone que Loïc Roure apprécie particulièrement pour ses rendements réguliers, ses vins frais, l'absence de stress hydrique et le fait que le secteur ne soit pas exposéà la grêle, phénomène pour le moins récurent par ici. Le seul problème que lui connaisse le vigneron, c'est la quasi permanence de la présence du vent, compliquant les traitements printaniers notamment.

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Ici, à Rasiguères, en 2012, deux hectares distincts de vigne ont subi la grêle à trois reprises, en avril, mai et juin!... Au final, guère plus de trois hectolitres produits. Cette année-là, ce n'est pas moins de 4 ha 20 qui ont été grêlés à 100%!... Si on ajoute les conséquences d'une forte coulure en 2013, les deux derniers millésimes ne sont donc pas sans conséquence, puisque ce sont les deux plus mauvais depuis cinquante ans, pour le département des Pyrénées-Orientales, devenu le moins productif de France, rapport surface/production, selon une annonce officielle récente!... Heureusement, 2011 avait été une très belle année (la plus belle en volumes depuis cinquante ans d'ailleurs!), mais la météo locale est pour le moins génératrice de stress, quand on sait que certains évènements climatiques extrêmes peuvent survenir, comme cette grêle estivale qui ravagea une bonne partie du vignoble de Lesquerde en 2010.

084Le Domaine du Possible compte donc actuellement une dizaine d'hectares répartis dans la région, sur des terroirs allant de l'argilo-calcaire, au schiste et aux arènes granitiques de Lensac et Lesquerde. Pas toujours très simple de composer avec des parcelles se situant aussi bien à Caudiès de Fenouillèdes (4 ha) qu'à Tautavel (fermage qu'il abandonne cette année), situées à près de vingt kilomètres de part et d'autre de la cave de Lansac. Lors de son installation en 2003, Loïc avoue qu'il avait parfois opté pour des "rougnes", ces vieilles vignes au bout du rouleau qu'il vaut mieux ignorer. Il a donc arraché depuis 2 ha 20, tant à Latour de France qu'à Montner.

Nous découvrons ensuite, cependant, un secteur où se trouvent des vignes largement centenaires, puisque plantées en 1900. Du grenache gris, du carignan noir et, plus haut dans la pente, du maccabeu. On trouve làégalement des syrahs sur échalas, âgées de 35 ans environ, qui ne produisent guère plus de quarante caisses de raisins chaque année!... Il faut dire que la pente est forte et le sol pour le moins aride. Mais, ces dernières ne sont jamais malades et ne nécessitent que deux poudrages par an. "Par-fait!..." Peu de végétation trouve sa place ici, si ce n'est ce qu'on appelle les "pinceaux" dans la région, sorte de touffe d'herbe fine sans racinaire, qui ne concurrence donc pas la vigne dans ces zones sèches. Par contre, on y trouve aussi des séneçons du Cap, sorte d'engeance végétale, arrivée en France, naguère, par les tanneries du Tarn important des toisons venant d'Afrique du Sud et contenant des graines de cette herbe, qui n'a pas manqué d'essaimer dans tout le sud de la France, surtout quand aucun désherbage n'est pratiqué. Deux, peut-être trois floraisons par an, inutile de dire qu'il faut les arracher, d'autant que la plante sécrète un suc toxique qui, lorsqu'il tombe au sol, empêche toute végétation de pousser. Seul vertu qu'on peut lui reconnaître, l'attirence de pucerons, dont elle est parfois envahie et donc, dans la logique d'une chaîne alimentaire cohérente, l'arrivée de colonies de coccinelles s'y attaquant. La vie animale est bien faite, pour peu qu'on la respecte.

085Les installations du domaine sont situées à Lansac, dans les locaux à priori confortables de l'ex-cave coopérative communale. Ceux-ci ont été libérés peu de temps avant l'arrivée du vigneron, du fait des regroupements par étapes successives, en vigueur dans la région. Ainsi, la cave de Planèzes-Rasiguères intègre également Lansac, voire Bellesta et Cassagne, avec les conséquences qu'on peut deviner sur la disparition de certains domaines et l'abandon de vignes. La cave est partagée avec Edouard Laffitte (Domaine Le Bout du Monde), qui y vinifie également ses cuvées. Ils ont en commun un projet d'aménagement extérieur, en vue d'un meilleur stockage de tout le matériel, ce qui permettra ensuite d'optimiser les locaux, afin qu'ils conviennent mieux à la production des diverses cuvées proposées par les deux vignerons. Une étape qui se déroulera en douceur, une fois la période électorale passée... forcément quelque peu animée, comme dans nombre de villages de France!... Pour un peu d'ailleurs, Loïc Roure aurait pu endosser le costume de maire, suite aux demandes de quelques habitants de Lansac, mais la raison l'a emporté et peut-être aussi une réflexion personnelle qui lui a permis de se projeter dans l'avenir. Non qu'il ait le moindre regret d'avoir fait tous ces choix pour le Haut-Fenouillèdes, mais il avoue aujourd'hui (sans être sous l'emprise d'une quelconque substance!) que, si c'était à refaire, il irait s'installer directement à Banyuls, notamment pour la qualité de vie, même si les mauvaises langues disent parfois que c'est une zone dangereuse pour les couples, ajoute-t-il en riant!... N'empêche que nous apprenons au passage qu'il a mis quelques billes dans le projet en cours (managé par Bruno Duchêne, voir par ailleurs) au coeur de la cité banyulencque, avec l'idée sans doute de tourner une page, quand le temps sera venu.

088Entre un week-end festif, à l'occasion des 50 ans de Jean-Louis Tribouley la semaine précédente et la perspective du suivant, non moins fatigant sans doute, à Marseille, à l'occasion de La Remise, Loïc Roure a procédéà quelques mises partielles de cuvées 2013, ce qui nous permet de découvrir les vins du dernier millésime. Tout d'abord, Charivari 2013, 100% carignan venu des gneiss de Cassagne, en macération carbonique et un joli équilibre, s'appuyant sur les 12,23° affichés! A peine une petite pointe métallique (la carbo!) due à la proximité de la mise et qui doit se remettre en place rapidement. A suivre, Tout bu or not tout bu 2013, issue d'un "faux négoce en partie vrai!" Grenache et mourvèdre en semi-carbonique, un tiers, voire un quart de la cuve étant foulé, plus ou moins refroidie, selon les éventuelles difficultés rencontrées lors des fermentations pour telle ou telle parcelle. A noter que pour Couma aco, il s'agit de parcelles très précoces de syrah de Rasiguères et de syrah de Tautavel, le tout égrappé, l'exposition sud-ouest en coteau imposant des vendanges à 14° dès la fin août et la mise à l'écart des rafles. Cette année cependant, des vendanges ont pris fin les 7 et 8 octobre, avec des carignans ramassés à 12,2° sur les hauteurs de Cassagne. Pour les rouges, pas de soutirage, mais souvent de petites "aérations" en cours de fermentation, en prenant et en réinjectant du jus dans le bas de la cuve. Presque à chaque fois, les pressurages se font alors qu'il reste quelques sucres et les malos se font également sur sucres, mais cet aspect-là est désormais maîtrisé. A noter que le vigneron estime parfois que ses vins manquent... d'un supplément d'âme et, pour cela, il a décidé d'élever une partie des jus dans deux barriques et ce pour chaque cuvée, jusqu'à l'assemblage définitif. A suivre!...

Pour les blancs, Loïc fait part de sa perplexité depuis 2009, sauf pour 2013 s'annonçant plus à sa convenance. Quelque chose qui s'est inversé par rapport aux premières années, au cours desquelles, estime-t-il, ils étaient mieux réussis que les rouges... Évolution de sa propre perception?... Comparaison avec d'autres?... Il faut dire qu'il totalise à peine plus d'1 ha 20 de cépages blancs (20 ares à Lansac et à Rasiguères, 56 ares à Latour et 15 à Caudiès). En 2011, il a du jeté les 3/4 des volumes et encore n'a-t-il pas mis le reste sur le marché!... Depuis deux ans, il utilise un pressoir du type Vaslin et pratique un débourbage attentif, phase qui ne pouvait se faire avec le pressoir vertical utilisé auparavant. En 2013, carignan gris et maccabeu (près de 70%) ont été assemblés à la cuve pour la première fois, puis passés en barriques à la fin des sucres, il y a juste un mois. Les jus sont secs et sans la moindre volatile.

091Nous passons ensuite à la cuvée Le Fruit du Hasard 2013, élevée en barriques uniquement et qui, pour le moment, doit se remettre de deux oxygénations successives après la mise en barriques et la mise en bouteilles partielle. Caudiès 2013 se compose de syrah (souvent destinées à C'est pas la mer à boire) et de carignan égrappés, plus un peu de grenache cette année, le tout issu de marnes schisteuses plus profondes et sur des zones plus plates. L'objectif, en venant dans ce village proche des Corbières, n'était autre que de "faire du volume". Or, depuis deux ans, alors que les bios peuvent espérer 35 hl/ha et les autres entre 40 et 55 hl/ha, on est loin du compte!... De la même façon, les achats de raisins pour la partie négoce se sont avérés très limités en 2013, vu les conditions du millésime. Ainsi, à Vença, sur les quatre à cinq tonnes espérées de grenache et syrah sur argilo-calcaire, guère plus d'1,8 t au final. Sur Latour de France, 660 kg au lieu de trois tonnes et rien d'autre à Caudiès. Heureusement, quelques volumes étaient disponibles chez des vignerons en bio à Montner. La gamme sera donc moindre que d'autres années, il faut bien faire le dos rond en ces temps difficiles et l'espoir de produire 25 hl/ha chaque année difficile à satisfaire.

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Si nombre d'amateurs connaissent les "vins plaisir" de Loïc Roure, on ne sait pas toujours à quel point le Domaine du Possible se gère parfois sur le fil, du fait, notamment, des conditions climatiques. De plus, le vigneron, connu pour son humour rieur et son sens de l'auto-dérision, apparaît aussi très exigeant avec sa production. Quelques succès, au fil des années, ne l'ont pas installé dans une auto-satisfaction pérenne, loin s'en faut!... Aujourd'hui, on devine qu'il admet une marge de progression certaine dans ses vinifications et ses choix en la matière. Il a aussi sans doute besoin de se recentrer sur ses meilleures parcelles, plutôt que de courir le vignoble du Haut-Roussillon. Pour lui, le temps est peut-être venu de faire quelques petits pas déterminants, parce qu'il sait mieux où il va et que les grandes lignes sont tracées. "J'ai parfois un peu de mal à choisir entre fromage ou dessert, mais pour les choses les plus importantes, je n'ai jamais eu de mal à trancher!..." Au fait, le Jajakistan est-il exposé aux secousses telluriques de toutes sortes?...

Vendredis du vin # 66 : une recette goûteuse!...

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Ce mois-ci, c'est Iris Rutz-Rudel, de Lisson Estate, qui nous convie à une rafale de tramontane!... La Présidente à vie des Vendredis du Vin prend la route 66, au guidon de sa Harley, à l'occasion des VdV #66!... Vrooomm!... C'est un peu pour être tous, en quelques sortes, les Hell's Angela Mwine, si j'ose dire!...

vdv-logo[1]Le Roussillon, c'est l'occasion de piocher dans une offre des plus larges : blancs secs sudistes, mais exprimant la "minéralité" des multiples terroirs de la région, rouges souvent capiteux, mais dont la "typicité" s'élargit vers des notes de fruits frais, quand la surmaturité n'est pas recherchée et bien sur, tous les vins doux naturels (pour un peu, on aurait oublié que le N de VDN signifiait naturel, n'en déplaise à certains!) en mode réducteur ou oxydatif.

Bref, une belle occasion aussi de se lancer dans la recherche d'un accord met-vin original, mais goûteux. Pour cela, il faut d'abord se rendre au marché, avec une petite idée derrière la tête et notamment le choix, avant toute chose, du flacon destiné au dîner, en l'occurence, un Banyuls blanc Les Escoumes, du Domaine de la Casa Blanca, dont les locaux sont situés sur les hauteurs de Banyuls. C'est simple, c'est une maison blanche adossée à la colline...

Quelque chose me titille ce matin-là : lapin, poire, gorgonzola... Surprise, le web ne manque pas de recettes alliant ces trois ingrédients!... Un beau lapin, donc, bio de préférence, coupé en morceaux (non, je ne prends pas la tête, Madame PhR va pousser des cris!), des poires même si ce n'est plus trop la saison, des conférences pour l'occasion et du Gorgonzola de chez Sacha, à l'Opéra des Fromages. La marchande de fruits et légumes me permet de trouver de la sauge fraîche - parfait! - et finalement, le soir même, je trouve au Chai Carlina (que j'évoque à dessein en ce week-end de l'Ascension...) les dix centilitres de Porto blanc qu'il me fallait également!...

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Histoire de pimenter la recette, si l'on peut dire, puisqu'elle est plutôt composer d'une association de douceurs, le plat est accompagné d'asperges des bois (ornithogalum pirenaicum, ou aspergette, à ne pas confondre avec l'asperge sauvage, asparagus acutifolius, comme vous le préciseront tous les spécialistes!) de saison, ce qui en fait une recette printanière, alors qu'on pourrait penser, de prime abord, qu'elle est plutôt automnale.

Madame PhR, rentrant en ce dimanche d'une escapade en randonnée dans les Bardenas Reales (non, ses absences ne m'inspirent pas, ce sont ses retours, mauvaises langues que vous êtes!...), apprécie cet accord met-vin comme il se doit et s'étonne au passage que le Banyuls s'évapore à ce point dans les verres!... Grandeur des arômes et saveurs et décadence gourmande!...

Carnet d'adresses en Catalogne française

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Le Roussillon prend volontiers cette appellation de Catalogne française!... Le coeur de la région et les plus catalans de ses habitants rêvent sans doute du jour où la Catalogne espagnole jouira d'une plus grande autonomie, qui pourrait éventuellement permettre aux Pyrénées-Orientales de faire sécession, sans avoir à prendre les armes, bien sûr, que celles de la parole, du dialogue et de la foi en une identité particulière franco-espagnole, mais catalane d'abord. Notez qu'au-delà des Catalans eux-mêmes, il est possible de croiser parfois des vignerons anglo-saxons, ou d'autres venus de l'hémisphère sud, qui ne manquent pas de vous faire remarquer qu'une IGP Côtes Catalanes est souvent davantage porteuse, dans l'esprit de certains acheteurs, qu'une AOP Côtes-du-Roussillon-Villages, n'en déplaise aux tenants d'appellations fourre-tout qui, faut-il le rappeler, ne nous préserve guère de l'emploi de produits de toutes sortes, voire (et c'est bien de cela dont il faudra parler un jour!) impose le désherbage chimique, comme c'est le cas de certains villages, par le biais de décisions de syndicats locaux.

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La région, parlons des P-O cette fois, offre un large panel de vignobles, de vignerons et de vins à découvrir. Pour nombre de visiteurs estivaux, l'offre attendue se limite au rosé acheté en vrac, pour accompagner les grillades, ou au muscat que l'on propose à l'apéro, mais juste lorsqu'on est sur la terrasse du mobil-home, dans un camping front de mer d'Argelès-Plage et que la partie de pétanque sous les acacias se termine. Sachant que le département, comme la plupart, est né en 1789, sur la base d'un territoire et d'une dimension permettant de se rendre en moins d'une journée de cheval au chef-lieu, les visiteurs souhaitant découvrir toutes les facettes du vignoble peuvent s'inspirer de cela, pour faire le choix d'un hébergement plus ou moins identifiées. Rappelons qu'il n'est pas simple aujourd'hui, de contourner Perpignan au galop, par les chemins de traverse!...

Suggestion de gîte donc, pour un séjour agréable : le Mas Bazan, situéà Alenya, pile-poil entre la capitale départementale et la mer, entre Saleilles, St Nazaire et St Cyprien, plutôt situé dans la zone maraîchère. Un mas viticole restauré, datant du XIXè siècle, qui propose aussi une table d'hôtes agréable, si vous n'optez pas pour les quelques possibilités que l'on trouve dans le coin (bar à vins, restaurants...), qui méritent aussi le détour. Et lorsque vous quittez les lieux, au bout du chemin, vue imprenable sur le Canigou, comme une présence dans le paysage...

029Le planning de rendez-vous, préparéà l'avance, souffre parfois de quelques décalages ou contretemps inévitables. Cependant, les réseaux sociaux, pour peu que vous restiez en ligne, vous permettent parfois de combler agréablement un début d'après-midi. Frédérique Barriol-Montès, du Domaine La Casenove, à Trouillas, nous a repérés sur son radar facebookien et nous propose gentiment de passer au Mas Gaubert. Là encore, une grande maison catalane typique, mais aussi une grosse quarantaine d'hectares sur les argiles et les premières terrasses des Aspres. Un domaine viticole très ancien et une propriété dans la famille d'Étienne Montès depuis 1569, que ce dernier a rejoints à la fin des années 80, après une carrière de photo-reporter de l'Agence Gamma, couvrant les plus grands évènements sur la planète, en Amérique du Sud et Centrale notamment. La Casenove, peut-on l'expliquer comme cela, semble souffrir d'une sorte de déficit d'image depuis quelques années... Cela tient-il à sa production récente, à quelques commentaires parus dans la presse spécialisée ou à une sortie du listing des domaines à la mode?... Au final, malgré trois apparitions dans le célèbre Carnet de vigne, de Sylvie Augereau, on en oublie de l'inscrire sur notre carnet de route et c'est dommage!...

Frédérique nous accueille donc pendant qu'Étienne se remet d'une journée à la vigne et se change. Une belle série d'une dizaine de cuvées nous attend. Deux blancs tout d'abord, dont Les Clares Petites 2013, assemblage de grenache blanc et de roussanne doté d'une belle fraîcheur et d'un bon allant. Même duo de cépages dans des proportions voisines, mais issu de plus vieilles vignes, pour Les Clares 2007, dont le volume et le gras sont sans doute dus à la fermentation et l'élevage d'un an en barriques faites de bois baltes, notamment des chênes lituaniens. Un vin qui mérite toute notre attention, tant il s'ouvre sur une expression originale.

028Le premier rouge, La Colomina 2011, se compose de 50% de carignan planté en 1955, de grenache, de syrah en proportions voisines et de 10% de mourvèdre. Élevage en cuve uniquement et joli caractère sudiste avec de subtiles notes fruitées, mais néanmoins une bonne structure, peut-être sous l'influence des sols argileux du domaine. Un plus de puissance pour La Garrigue 2010 (40% carignan, 40% syrah et 20% grenache), apportée sans doute par quatre semaines de macération et des notes de fruits mûrs et d'épices apportant une belle cohérence aromatique. Grosse impression ensuite avec Torrespeyres 2004, assemblage de 50% de syrah élevée longuement en barriques et 50% de carignan de cuve. Le vin, qu'il a fallu attendre, avec quelques années de patient élevage, s'ouvre sur un très beau bouquet d'arômes tertiaires et une structure trouvant son équilibre entre puissance et intensité acidulée. Une très belle confirmation, quelques jours plus tard, avec un carré d'agneau pascal!... Une fois encore, le vin démontre tout l'intérêt de la patience qu'il faut avoir parfois. Ultime rouge de la soirée, la Cuvée Commandant François Jaubert 2010, 100% syrah trentenaire issue d'argiles sur terrasses. Intensité et droiture qui confinent à une sorte d'austérité. Un vin droit dans ses bottes d'officier de cavalerie, que quelques campagnes vont certainement dérider!... Noir, des bottes au plafond, mais la poussière du temps va sans doute patiner cette cuvée haut de gamme. Enfin, impossible d'écarter les VDN du domaine. En premier lieu, le Rivesaltes rouge 2007, 100% grenache noir égrappé. Muté ensuite à 1035 de densité avec 5 à 6% d'alcool, la macération, au total, s'étend sur un mois et demi. Ensuite, élevage en milieu réducteur pendant deux années. Beaucoup d'ampleur et une invitation aux desserts chocolatés, notamment. Pour finir, le Rivesaltes ambré 15/10 2002, élevé lui en milieu oxydatif pendant plus ou moins dix ans, selon les millésimes. Un très beau volume et une complexité aromatique toute catalane, pour ce vin délectable, qui peut vous porter à table, pour peu qu'on cherche et trouve les accords adéquats. Nous quittons cette demeure que l'on imagine aisément chargée d'histoire(s), séduits par une gamme qui n'avait, ce jour-là, rien à cacher, tant elle se livrait sur un profil séducteur et gourmand. Et charmés par l'accueil de Frédérique et Étienne Montès, dont nous aurons plaisir à retrouver les vins sur notre table avant longtemps.

013Au rayon des bonnes tables, trois adresses à signaler dont une confirmation, mais d'autres, indiscutablement, pourraient intégrer la rubrique. En premier lieu, jolie découverte à St André, chez Laurent et Martine Brozetti, venus depuis peu dans la région, en provenance du Haut-Doubs : La Table de Cuisine, au coeur du village. De très jolies associations de saveurs et de goûts, une petite pointe jurassienne, sur la carte des vins surtout, mais parfois aussi dans les plats proposés. A ne pas manquer, si vous passer dans la région, mais pensez à réserver, guère plus de vingt couverts servis simultanément. Cuisine du marché, sélection attentive de bons produits, j'en connais qui pourraient en faire leur cantine!...

Passage à Calce et pause de midi au Presbytère, sur la place du village, au pied du clocher, juste à côté de la cave de Jean-Philippe Padié, tout prêt de celle de Thomas Teibert et quelques autres représentants de "l'école de Calce"!... Prenez votre temps, vous êtes dans l'oeil du cyclone!... Un peu le quartier général des vignerons du cru, qui viennent le jour de notre passage, boire un verre et saluer le nouveau maire tout juste élu. En fait, le bistrot de la Place de la République est devenu un "restaurant multiservices" : dépôt de pain, bureau de poste... On y trouve aussi le journal, du gaz et l'épicerie courante. Mais, il reste un restaurant, façon brasserie où l'on se régale et où chacun trouve plat du jour à son appétit, comme cette superbe côte de cochon noir appréciée ce jour-là.

060A Perpignan, au coeur de la ville, à une ou deux rues de la gare, l'endroit dont toute la région parle!... Le Garriane, pour Garry, aux fourneaux, australien doté d'une belle expérience dans de multiples étoilés de la planète et Ariane qui nous laisse faire les découvertes, avant de nous guider sur le chemin des trouvailles de son compagnon en cuisine. Le midi, un joli menu variant avec les saisons est proposé et le soir, c'est un menu-dégustation, avec neuf fruits (et légumes) de l'imagination débordante du chef.

On se régale, ça va sans dire!... Même les seconds de certaines grandes tables locales viennent dîner lorsqu'ils sont libres! Prenez garde cependant, c'est tout petit et cela tient dans la salle d'un ancien petit bar de quartier, donc, il est indispensable de réserver, ou vous avez de la chance!... Notez que la carte des vins (natures ou assimilés) est bien fournie, tant en blancs qu'en rouges. En cette soirée, au cours de laquelle Benoît Danjou nous accompagne, nous avons opté pour un blanc de Foradori, Fontanasanta 2011, un Manzoni bianco venu en droite ligne des Dolomites.

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Pour finir, ou presque, n'oublions pas d'évoquer pleinement notre passage à Calce. Alors même que nous dégustons en compagnie de Thomas Teibert, dans la cave qui a vu quelques talents locaux faire leurs premières armes, voilà que Jean-Philippe Padié nous rejoint, pour nous préciser qu'il est pris dans une sorte de tourbillon de la vie. En fait, il rentre chez lui peu avant midi, pour faire son sac, sauter dans sa voiture qui va l'emmener à Toulouse, puis un avion pour Paris et un long courrier pour Montréal, où il ne va pas pour exercer ses talents de flyng winemaker, mais à l'invitation de son importateur québécois. Quel enfer, cette vie de vigneron!... Il nous laisse, de ce fait, entre les mains de sa jeune collaboratrice, chargée de nous faire apprécier les cuvées du millésime 2013.

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Où l'on apprend que pour Calice 2013, ce sont cette fois des vignes d'une vingtaine d'années qui composent la cuvée, au lieu de vignes de quarante ans habituellement, mais on retrouve la fraîcheur et le fruit. Le Tourbillon de la Vie, dont 2013 est le second millésime, est une jolie cuvée de négoce, composéà 100% de maccabeu sur granites, avec une belle tonicité et un caractère franc et agréable. En appréciant les autres cuvées en cours d'élevage - Fleur de Cailloux, Petit Taureau... - nous apprenons qu'il n'y aura pas de Ciel Liquide cette année, pour cause de sangliers dévastateurs et un peu trop gourmands de raisins gorgés de sucre!... Mais, décidément, les vins du domaine restent toujours une belle piste à suivre, un ballon à saisir, parce que JPP sait mouiller le maillot!...

012Ultime information, plus en terme de perspective que de note destinée à votre agenda ou carnet d'adresses, un message récent de Benoît Danjou, qui nous signale la première manifestation autour du rancio sec, une journée importante pour lui, qui est le Président des Rancios secs du Roussillon : Be Ranci!... Voici le texte écrit par Jean Lhéritier pour l'occasion  : "Les rancios secs reviennent de loin" :

"Le pays catalan a ses traditions. Le petit tonneau de vieux rancio de qualité, hérité du grand-père, en fait partie. C'est la « bota del reco ». Le rancio sec appartient à une famille de vins que l'on retrouve sur l'arc méditerranéen, de Montpellier à Alicante : des vins non ouillés, à oxydation maîtrisée, à très long élevage, à fort potentiel de vieillissement. Mais, élément le plus ancien de notre patrimoine, ce vin ciselé par le temps était pourtant menacé d'extinction à l'orée des années 1980, faute d'existence légale. A le commercialiser, il ne restait que 4 ou 5 producteurs sur la Côte Vermeille et 2 en Roussillon. Réduit au statut peu valorisant de vin de table, il ne pouvait même pas dire son nom. Devant cette situation, Slow Food a engagé un programme pour en faire une sentinelle, c'est à dire un produit à sauvegarder et à promouvoir au nom de la biodiversité et du patrimoine. A partir de 2004, le rancio sec s'est organisé en association (celle qui propose aujourd'hui Be Ranci !).Les producteurs ont pu entamer une démarche d'IGP, auprès de l'INAO, qui a abouti en 2012 ! Nos vins sont donc aujourd'hui IGP Vins de pays des Côtes catalanes, mention rancio sec, ou bien  IGP Vins de pays de la Côte Vermeille, toujours mention rancio sec. Parallèlement, de nombreuses dégustations ont été assurées depuis 10 ans dans des salons (Aux Origines du Goût à Montpellier, Eurogusto à Tours, Salone del gusto à Turin...). La dernière en date de ces présentations a été l'invitation de 19 producteurs au Mas Marroch, superbe lieu où les frères Roca, du Celler de Can Roca, accueillent leurs manifestations prestigieuses. Enfin, le lundi 2 juin, plus de 20 vignerons investissent, à Perpignan, la belle galerie d'art contemporain Acentmètresducentredumonde."

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"Ainsi, tout comme le vin jaune est la perle des vins du Jura, le rancio sec peut devenir le fleuron de la viticulture catalane. Il peut en quelques années forger sa notoriété, enrichir et rendre plus attractif le patrimoine de notre pays catalan. En revendiquant son identité, le rancio sec catalan peut se projeter des oubliettes de l'histoire à la plus excitante modernité." En attendant peut-être, de se retrouver à Banyuls, à l'Ascension 2015?... Affaire à suivre!...

Gérard Marula, au coeur du pays de Rabelais

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Une grande silhouette au pays de Rabelais, pas gargantuesque pour deux sous, ni pantagruélique non plus d'ailleurs!... Gérard, si ce n'était sa casquette vissée sur son crâne, on le verrait volontiers coiffé d'un grand chapeau, en Don Quichotte du Véron. Il ne faut pas le prendre cependant pour une sorte d'idéaliste rêveur (même s'il rêve parfois d'un idéal meilleur!), qui s'attaquerait aux moulins à vent de la région, il garde les pieds sur terre, même si, à Thizay, il est au coeur du pays de Rabelais et que les plus proches communes sont Lerné et Seuilly (où se situe La Devinière, maison natale de l'écrivain). Cela ne parle qu'aux lettrés et/ou lecteurs du célèbre auteur tourangeau, puisque c'est de la première que partit l'armée de fouaciers du roi Picrochole, pour attaquer les bergers de la seconde, où se trouvait les troupes de Grandgousier. La seule avant-garde, dit-on, "comptait seize mille quatorze arquebusiers et trente mille et onze aventuriers"!...

007Il ne reste que quelques vestiges des châteaux moyenâgeux de la région, mais c'est au Pissot, rive gauche de la Vienne que Gérard Marula est installé depuis 2005 (il se qualifie volontiers de "jeune vigneron"!), dans un petit village de maisons et caves troglodytes surplombant la route de Saumur. Naguère, on dénombrait là cinq foyers et quatre puits et les habitants vivaient en quasi autarcie, pratiquant une polyculture on ne peut plus classique pour la région.

Une compagne, Nadine, artiste plasticienne et angevine, contribue à ce que ses débuts, en tant que vigneron, se fassent chez Jo Pithon, au coeur du Layon. Au cours de ses investigations pour trouver vignes et cave, il rencontre Etienne de Bonnanventure, du Château de Coulaine, qui lui propose de travailler avec lui, à Beaumont en Véron. Cependant, dans son contrat, une clause lui permet d'avoir quelques arpents de son côté. Il commence sur cinquante ares et aujourd'hui, il dispose de trois hectares, surface un peu juste à ses yeux. Il espère trouver bientôt cinquante ares de plus, afin d'arriver à un seuil satisfaisant. Il avoue que les deux derniers millésimes, 2012 et 2013, ont démontré la fragilitééconomique de son modèle et, pour tout dire, si 2014 devait montrer le même profil, il serait tout bonnement contraint d'arrêter. Certes, sa petite entreprise est dotée d'une bonne souplesse, mais l'hermétisme des banques à son encontre (il n'est pas si "jeune vigneron" que ça, à leurs yeux!) ne lui donne guère d'options possibles. La liberté d'action s'accorde-t-elle avec la loi du marché?... (vous avez quatre heures). Notons que 95% des vins produits par le domaine sont destinés à la restauration (il figure même de façon exclusive, pour ce qui est des Ligériens, sur la carte de quelque étoilé parisien!) et aux bars à vins.

001Le jour de notre passage, Gérard Marula attend la visite de cavistes flamands, mais il ne sait trop où ils en sont de leur voyage, si bien que nous ne pouvons nous rendre dans les vignes. Celles-ci sont situées, pour partie, à Beaumont en Véron, en AOC Chinon, sur des sables éoliens en coteaux, avec très peu d'argile et sur plateau, avec la roche mère affleurante. Le tout, à guère plus de trois kilomètres à vol d'oiseau, mais il faut franchir la rivière et un pont pour gagner l'autre rive, ce qui complique les choses et augmente les distances. Le reste est implanté sur la commune de Lerné, à deux kilomètres environ, en AOC Touraine, sur des argiles et des sols plus vieux, aux confins de l'Indre-et-Loire, de la Vienne et du Maine-et-Loire. Dans ce dernier secteur, avant le phylloxera, plus de 50% des terres étaient en vigne, mais depuis, ce sont les céréales qui dominent, grâce à la généreuse PAC européenne!... Une partie de l'appellation qui s'en trouve délaissée, sorte d'enclave à peine reconnue, alors qu'elle dispose du même cépage dominant que Chinon, Bourgueil, St Nicolas de Bourgueil et Saumur-Champigny, à savoir le cabernet franc, ainsi que du chenin. En blanc, la dernière évolution et les dernières décisions encouragent la plantation de sauvignon, au détriment de ce dernier, avec lequel il n'est plus possible de proposer des vins tranquilles, puisque ce cépage est désormais réservé aux vins de base pour la bulle régionale. De plus, les monocépages en rouge et rosé ne sont plus autorisés. L'AOC Touraine-Coteaux-de-Seuilly, espérée pendant plusieurs années, a finalement été retoquée et les responsables du syndicat tourangeau ont conseillé aux vignerons concernés de se rapprocher de l'appellation Chinon. Ceci est désormais acté et devrait être officialisé en 2016 ou 2017, peut-être avant, au grand dam cependant des vignerons qui ont planté du sauvignon...

marula02La dégustation débute par le fruit d'une nouvelle parcelle, dont 2013 est le premier millésime : Que votre joie demeure, sorte d'hommage à Jean Giono plutôt qu'à Bach. Du cabernet repris en fermage sur Beaumont en Véron et une terre ayant subi les traitements chimiques depuis longtemps. Ceci combiné aux conditions du millésime fait qu'au final, la matière est légère (11°), tout comme la robe du vin, qui évoque davantage, selon le vigneron, "un Tavel d'Eric Pfifferling plutôt qu'un cabernet chinonais!" Quelques précautions ont été prises pour la protection de l'ensemble, mais nous en avons là, néanmoins, un cabernet frais et... joyeux

Fer de lance du domaine actuellement, le Clos de Baconnelle, dans sa version 2012 en AOC Chinon, est doté d'un bel équilibre et d'une expression nette et gourmande, malgré une mise récente. Un clos qui a souvent subi les foudres des participants aux dégustations d'agréments du cru : refusé en 2008, non produit en 2009, suite à la perte d'une cuve, refusé encore pour acescence en 2010 et 2011, malgré des analyses démontrant que le vin est nettement en dessous de la norme, en matière de volatile!... Fermez le ban!...

Le blanc, la cuvée Ange 2011, est d'une extrême rareté puisque jusqu'en 2013, elle n'était issue que d'une vigne de dix ares. A l'avenir, ce sont vingt-deux ares de sols pauvres sur Lerné qui permettront de satisfaire les amateurs, au-delà peut-être des trois barriques produites, en moyenne, annuellement. Souvent, de grosses tensions et en 2011, presque 15° potentiel!... Un vin qui ne pourra qu'honorer bientôt son entrée en appellation Chinon.

008En attendant de pouvoir découvrir, dans d'autres circonstances, ce vin mis en bouteilles en février dernier, le Clos de Baconnelle 2011 montre tout son potentiel de garde, avec une expression sur la puissance, mais gardant une franche originalité. Guère plus de 2 à 3000 bouteilles de cette cuvée sont proposées chaque année, il ne faut guère tergiverser, si vous souhaitez conserver quelques flacons pour l'avenir!... Faut-il rappeler que les cabernets de Touraine ont un potentiel de garde non négligeable, d'autant que le vigneron de Thizay, recherche plutôt la matière, au travers de vendanges assez tardives (fin octobre parfois!), mais en privilégiant une photosynthèse optimale.

En rouge, la gamme se complétait jusqu'à maintenant de deux autres cuvées provenant aussi des argiles de Lerné : Les Gruches et le Haut Midi. Désormais, la seconde disparaît en l'état et 2011 en était le dernier millésime. En effet, Gérard Marula a parfois évoqué, avec ses confrères et ses amis surtout, les relations difficiles avec son propriétaire, qui n'a jamais compris que son fermier refuse l'utilisation d'herbicides en tous genres!... Si bien qu'il a décidé d'abandonner ce fermage sur 1,5 ha, ce qui va impliquer une forme de "restructuration" du domaine, vu la proportion de vignes que représente cette parcelle. Cette cuvée laissera cependant quelques beaux souvenirs aux amateurs, de par sa composition même, puisque issue d'une complantation de cabernet franc, cabernet sauvignon, grolleau et même parfois (accidentellement!) de trois rangs de chenins (10 ares), le tout ramassé en même temps.

005Les Gruches 2010, en AOC Touraine également, est une expression de cabernet franc plutôt singulière, associant complexité aromatique et une certaine forme d'austérité, selon certains. Un flacon que l'on aura plaisir à conserver cependant, histoire de mesurer les conséquences de vendanges particulières : le raisin fut ramassé le 22 octobre, alors qu'un gel survint dans la nuit du 21 au 22, avec pour conséquence immédiate, les difficultés que l'on imagine pour la cueillette matinale (raisins à 3 ou 4°), mais surtout la perte significative de matière colorante.

Singularité. C'est peut-être le premier qualificatif que l'on peut employer pour l'homme et ses vins de Chinon et Touraine. Malgré que, depuis déjà quelques temps, les amateurs, voire même peut-on dire, les fans du domaine soient pluriels. Vigneron singulier aussi, parce que sur Chinon, il est pratiquement le seul à suivre le chemin d'un autre cabernet franc, où le poivron n'est pas la règle. D'autres vignerons du cru, à l'image de quelques-uns de Bourgueil ou St Nicolas, vont-ils suivre ses pas?... Il faut dire que les Chinonais (et certains amateurs parfois) vivent encore avec le souvenir de quelques grands millésimes, comme 1989 et 1990 (je vous parle d'un temps...), dont certaines cuvées de vieilles vignes démontrèrent la grandeur quelque peu épisodique du couple cépage-terroir tourangeau. Oui, parfois, l'ensemble peut être grand. Mais, s'ils sont devenus fans, ceux qui ouvrent parfois les flacons proposés par Gérard Marula, c'est qu'ils ont découvert que le temps ouvre souvent vers d'autres perspectives. Donnez six, huit ou dix ans (parfois plus!) à quelque Haut-Midi ou Clos de Baconnelle et vous intégrez un autre espace-temps, ne pouvant que vous ouvrir les yeux sur ce qu'étaient sans doute, jadis, les cabernets de Touraine et du Pays de Véron. Ne cherchons pas plus loin les raisons qui ont sans doute illuminé Rabelais, lorsqu'il créa les personnages légendaires de Gargantua et Pantagruel!... Et apprécions aujourd'hui comme il se doit les bouteilles de ce "facteur de vins", en relisant, joyeux, quelque récit de bataille des guerres picrocholines.

La troisième photo de l'article est issue du blog www.ideemiam.com

Xavier Courant, Domaine de l'Oubliée, à Bourgueil

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Virée en Touraine. Un rendez-vous annulé?... Qu'à cela ne tienne, un autre pour le remplacer! Il faut dire que les options à Bourgueil ne sont pas rares, même si le coeur tourangeau - Chinon, Bourgueil, St Nicolas de Bourgueil - n'a pas vraiment entamé, d'un même élan, sa "révolution culturelle", culturale plutôt, à l'image d'autres appellations ligériennes, où la poussée du bio, voire du "nature" a fait quelques émules, même si cela se traduit davantage par le dynamisme de certains vignerons, acteurs également, à leurs heures, des réseaux sociaux. Dans ce petit village de St Patrice, entamons notre Bourgueillothérapie!...

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Xavier Courant fut naguère caviste (Vignes et Saveurs) en Région Parisienne, à Fontainebleau. Il est aussi cinéphile et les noms de ses cuvées, reprenant les titres de films de Bertrand Blier, en témoignent. Mais, il ne s'est pas fait de cinéma, le jour où il a décidé de passer de l'autre côté de la caméra. Le script n'était pas écrit d'avance, néanmoins, il fallait déjà trouver un titre. Ce fut le Domaine de l'Oubliée.

Cette petite commune, sise entre Tours et Langeais, est connue dans la région pour quelques évènements survenus au cours de l'Eté 42été 44, lorsque quelques membres de l'Armée des Ombres prirent le chemin de l'Allemagne, peu de temps après Le Jour le plus long. Les acteurs de La Bataille du Rail ne pouvaient plus rien pour eux, même si quelques avions alliés, bombardant Le Train dans la gare du village, permirent à de très rares Francs-Tireurs de jouer la fille de l'air et le rôle envié, à ce moment-là, d'Un condamnéà mort s'est échappé.

Le vigneron de St Patrice peaufine son radioguidage par téléphone, afin que nous le trouvions sans peine, sur les hauteurs du petit bourg. Une clairière entre le cimetière et les bois, mais pas de Rencontre du 3è typeà craindre. Nous pénétrons sur une parcelle de 70 ares faisant partie d'un ensemble sur le premier coteau de l'appellation Bourgueil (Touraine en blanc). Ce secteur a inspiré Xavier dans sa recherche d'un nom de domaine, puisqu'il était quelque peu délaissé depuis plus de cinquante ans, lorsque nombre de vignerons du secteur ont préféré planter sur les sables et graviers, dans la plaine, à l'heure d'une franche mécanisation. D'ailleurs, si l'on en croit le cadastre local, pas moins de huit propriétaires se sont partagés naguère cette parcelle, ce qui laisse supposer à quel point la vigne n'était qu'une culture d'appoint aux céréales diverses et cultures maraîchères, ne comptant souvent, au final, que pour une consommation familiale.

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Au total, le domaine compte environ six hectares, avec une diversité de sols et terroirs de bon aloi, pour celui qui veut proposer la "gamme tourangelle", nom que l'on peut donner aux vins nuancés, selon qu'ils viennent des coteaux ou des terres alluvionnaires. Ici même, sur le coteau de St Patrice, un peu plus de deux hectares sur des argiles à silex, avec une couche sableuse plus ou moins importante et une roche mère calcaire très en profondeur et peu influente. A noter, deux autres "spots", dont un d'1 ha 80 sur des sables d'alluvions, appelés ici "graves moites", puis 1 ha 20 sur argilo-calcaire, au bord de la route de Bourgueil. Enfin, sur la route de St Michel sur Loire, une parcelle rectangulaire de 75 ares, gagnée naguère sur la forêt et plantée en 2004 de chenin. Celle-ci est, de plus, clôturée afin d'éviter le passage des chevreuils gourmands de jeunes pousses printanières et de raisins sucrés au moment des vendanges. Dans les parcelles boisées bordant les vignes, souvent composées de bouleaux, on trouve aisément de vieux pieux en ardoise et même des fils, témoignant de la présence de breton, le cabernet franc tel qu'on le nommait jadis sur les bords de la Loire ou de grolleau, selon les endroits. En y regardant de plus près, on remarque même des lianes s'enroulant autour de certains troncs, ce qui ne manque pas de rappeler à quel point la vigne est une liane vivace et pour le moins résistante.

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Le vigneron de St Patrice s'est installé en 2009 et a pu sélectionner ses parcelles dans un ensemble qui comptait environ dix-huit hectares, le GAEC Chasle-Ménard, dont les deux associés s'étaient séparés en 2008. Avec sa volonté de travailler en bio, il reprend ces vignes en conventionnel "pas trop lourd", où seul le cavaillon était désherbé. A noter que Hervé Ménard a conservé deux hectares à Bourgueil et il est aussi prestataire dans la région, travaillant les sols avec son cheval.

Lors de sa formation, Xavier, qui a failli un temps s'installer en Aubance, à St Jean des Mauvrets, est passé par la Vendée et le Domaine Saint Nicolas, cher à Thierry Michon, à Brem sur Mer, mais aussi chez Romain Guiberteau, dans le Saumurois. Dans la préparation très pragmatique de son installation, le choix des vignes fut complété par la récupération du chai du domaine, vite agrémenté d'un bâtiment de stockage et d'élevage des plus rationnels. De quoi produire sereinement et faire face aux premières échéances. Heureusement, l'aventure débute par des millésimes comme 2009 et 2010, voire 2011 qui ne se sont pas révélés comme les plus compliqués de l'histoire. "On avait du vin! L'espace d'un instant, je me suis mis à croire que c'était un métier facile!..." s'amuse le vigneron. Bien sur, depuis, les choses se sont un peu gâtées, pour qui veut maintenir une production et un rendement permettant de faire face aux échéances inévitables, inhérentes à la création d'un nouveau domaine. "Je visais 35 hl/ha de moyenne, mais déjà en 2011, on tombe à 23. Pour 2012 et 2013, on descend à 17 hl/ha!... Et le dernier est très léger... Désormais, j'en suis à espérer pour 2014 un retour au niveau de 2011..."

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La gamme du Domaine de l'Oubliée a, de toute évidence, été composée avec soins, un peu comme si les goûts et papilles du caviste avaient mis le vigneron sur les rails. Le chenin, Existe en blanc 2012, mis en bouteille en décembre dernier, est droit et sincère. Deux passages dans la parcelle, pressurage, débourbage rapide, puis passage en barriques, deux venant de Montlouis et la troisième de Bourgogne. Le premier rouge, Merci la vie 2013 est voluptueux et pleine de fraîcheur fruitée. Une sorte d'hymne à la vie et aux plaisirs simples de la table qu'on partage avec des amis de passage. Des vignes quadragénaires, une partie des raisins vinifiés en macération carbonique et une moitiéégrappée, un joli cabernet!... Deux autres rouges ensuite, plus complexes et plus ambitieux : Tenue de soirée 2011 et Notre histoire 2010, traduisant davantage l'impact des terroirs nuancés de l'appellation (bas de coteau limono-argileux pour le premier et coteau argilo-siliceux avec placage de sables éoliens pour le second), et qui démontre bien tout le potentiel du cépage, dans les millésimes proposant un équilibre satisfaisant et permettant de plus, de mener des élevages (macération de quatre semaines et élevages de moins d'un an en barriques non neuves) optimisant la qualité recherchée dès la vendange.

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Xavier Courant n'est sans doute pas homme à faire du bruit, à s'agiter et à parler pour ne rien dire. Indiscutablement, il a opté pour laisser la parole à ses vins. Même si les derniers millésimes étaient autant de chausse-trappes, il a pu mesurer le potentiel de ces vins de cabernet franc et de Bourgueil. S'il ne sera pas le premier à en démontrer la grandeur dans les grandes années, il a quelques belles cartes à jouer et déjà quelques professionnels l'ont bien compris, puisque certaines cuvées figurent en bonne place sur de belles cartes des vins. De plus, il s'est aussi orienté vers l'export (USA, Allemagne, Belgique, Suisse...) et, sans beaucoup de bruit, trouve sa place dans le paysage des amateurs de cabernet ligérien. Il ne pouvait en être autrement, avec ces vins sincères, francs, juste accompagnés par un vigneron désireux d'y intégrer son ressenti, sa sensibilité, plutôt que tout le savoir d'un apprentissage encore récent et une histoire qui reste àécrire pour l'essentiel, comme un scénario guidé par quelques images, plutôt que par un dialogue se voulant achevé avant même les premiers tours de manivelle. Alors, moteur!...

Patrick Maurel, Terres du Pic, au Mas de Londres

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Les vignes de Terres du Pic sont dans une sorte de canyon surplombé par la falaise calcaire du Pic Saint Loup et l'éperon rocheux de l'Hortus. Mais ici, les diligences passent sans encombre sur la piste qui serpente dans la végétation languedocienne. Depuis déjà longtemps, Patrick Maurel a déposé ses plumes de chef local et effacé ses peintures de guerre sur son visage. Au coeur de l'AOC Pic Saint Loup, il s'amuse de voir ses congénères évoquer le terroir, se soumettre aux bifurcations réglementaires du syndicat local exigeant la plantation toujours plus importante de syrah, s'orienter vers encore plus de méthodes de conduite des vignes et de vinification calquées sur quelque vignoble supposé prestigieux ou lointain. Il est le descendant de quatre générations de vignerons respectueux de leur nature environnante et se fait fort de mener son domaine de manière équilibrée. Ici, la complétude agricole est recherchée et, pour l'essentiel, atteinte. Les moutons, les vaches et le potager sont aussi importants que le carignan ou l'oeillade, ancêtre du cinsault et les vins ont le caractère du cru.

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Le vigneron de Terres du Pic est volontairement en marge de ses congénères du cru. Pas nécessairement pour vivre en ermite dans la maison familiale, dont les plus anciennes parties remontent au XIIè siècle, mais parce qu'il a adopté un mode de vie qui s'éloigne de la logique économique de notre époque. Plusieurs générations ont vécu là d'une polyculture permettant de rester en contact et d'accompagner la nature environnante. Ici, toutes sortes de fruits sont cultivés. Moutons, vaches et volailles diverses font parties du décor. Et il n'est pas rare de voir le paysan du Mas de Londres user du troc dans ses relations de proximité.

Patrick Maurel et son épouse ont repris le domaine dans les années 90. Guère plus de 5 ha 50 au total. Une petite parcelle de carignan à proximité de la maison, mais l'essentiel, à sept ou huit kilomètres, sur les contreforts du Pic Saint Loup, sur des éboulis calcaires, au milieu de la garrigue, entre 200 et 300 mètres d'altitude. Parfois des vignes centenaires et une bonne proportion d'oeillade, ancêtre du cinsault dit-on, représentant les trois quarts de l'ensemble. Un raisin à la peau fine, avec peu de pépins, que l'on consomme parfois à table.

016Quatre vins sont proposés chaque année, de manière quelque peu immuable pour satisfaire une clientèle de fidèles, qui ne manquent pas de passer au domaine régulièrement. Tous les volumes sont vendus en un semestre et pas un flacon ne franchit les frontières. Les revendeurs sont rares, pour les 20000 bouteilles issues des 22000 pieds de vigne, selon les estimations du vigneron, qui parfois, pourrait adopter comme devise le célèbre proverbe : pour vivre heureux, vivons cachés.

L'oeillade, travaillée sur la fraîcheur et le fruit, compose le rosé de pressurage - Cuvée des Brumes - et le premier rouge - L'Or du Puits. La troisième - Cuvée Les Courrèges - est construite sur le seul carignan, dans un mode vin de garde, comme la quatrième - Lune montante - où les deux cépages sont associés. En fait, quelques cépages méconnus et éparses entrent aussi dans la composition.

A la vigne, le vigneron du Pic s'est vite rapproché de la biodynamie, mais l'agriculture biologique est la règle depuis bien longtemps. Tisanes, décoctions et macérations diverses, ainsi que les algues et l'argile ont fait oublier tous les produits issus de l'oenologie moderne. Patrick Maurel revendique la production de vins 100% naturels, sans levures exogènes, ni soufre. Na-tu-rels!... Ce qui vaut d'ailleurs à toutes ces cuvées d'être proposées en Vin de France, même si elles sont toutes produites sur l'aire d'appellation Pic Saint Loup.

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"C'est l'oenologue qui fait le vin que le consommateur veut!... L'AOC est dévalorisée aujourd'hui, à coups d'engrais, de systémiques, de désherbants et de levures. Et tous mes voisins ne parlent que de terroir, de vins minéraux! C'est la mode... Comment peut-on d'ailleurs définir cette minéralité?..."

A la place, Patrick Maurel évoque volontiers ce qui lui permet de produire des vins frais et toniques. Entre Pic Saint Loup et Hortus, les nuits sont fraîches et les maturités phénoliques se situent le plus souvent entre 12 et 13°. De plus, certains années, le vigneron n'utilise pas de cuivre et donc de fongicide, protégeant à priori les populations de levures indigènes.

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En 2013, les vendanges se sont prolongées sur tout le mois de septembre. Du fait de cet étalement, la cueillette a pu se dérouler en famille, en plusieurs passages et en toute sérénité. Pour ce millésime, les vins ont plus de couleur que les 2012 et peut-être un supplément d'âme, tant ils paraissent équilibrés et homogènes. Comme pour ponctuer une série d'années qui permettent de mettre en valeur les vins de cette région.

Patrick Maurel, du haut de son double mètre, sait prendre de la hauteur lorsqu'on parle des vins du Languedoc, modernes et désormais, souvent élevés au rang de rivaux de ceux d'autres régions. Ici, pas de place pour la démesure et l'architecture quasi délirante. Depuis quelques mois, le couple Maurel restaure le vieux mas et y vit. Il propose aussi un gîte et réserve certaines pièces à quelques amis.

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Marcher sur les dalles polies par les siècles et découvrir les voûtes en arc participe au charme de l'ensemble. L'été, on apprécie volontiers l'ombre et la fraîcheur de cette maison. En plus, vous pourrez aussi goûter une jolie série de vins. Terres du Pic, une étape à ne pas oublier lors d'un prochain séjour.


Ludovic Engelvin, l'espontaneo gardois

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C'est l'histoire d'un jeune vigneron, berger à ses heures. Nîmois d'origine et donc aussi amateur de tauromachie. Un caractère sanguin, appréciant parfois le frisson que la vie peut procurer et sans lequel toute production, à ses yeux semble-t-il, ne peut être vraiment achevée. S'il peint, c'est avec ses tripes. S'il jouait de la musique, il en serait de même. Pour ses vins, il revendique une sorte de filiation avec Dagueneau et Jayer, c'est dire!... Pas question de copier qui que ce soit, mais le temps passé auprès du premier et les souvenirs de dégustations de vins du second ont tissé une sorte de trame qui le guide. Vins de soif, arrache-coeur, au sens vianesque du terme, où la fantaisie et l'émotion se coltinent et parfois vin d'exception destiné aux plus grandes tables, que voilà une production singulière!...

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Ludovic Engelvin ne saurait dissocier ses vignes de ses brebis et inversement. En arrivant dans le petit village de Vic le Fesq, nous comprenons vite, ce matin-là, que le vigneron-berger a d'autres préoccupations que d'éventuelles conséquences d'un orage sur sa vigne. La veille, pendant la nuit, des "loups à deux pattes" ont pénétré dans l'enclos réservé au troupeau et ont tenté de voler une brebis. Ils n'y sont pas parvenus, mais les bêtes sont choquées et l'une d'elles est blessée. A l'heure qu'il est, en ce samedi matin, il ne sait pas s'il pourra la sauver... Il a du rapatrier provisoirement le troupeau dans le village, mais est en passe de trouver une solution, grâce à un éleveur de chèvres voisin. Bientôt, il disposera d'un patou, chien de montagne des Pyrénées, qui pourra s'occuper des prédateurs de toutes sortes.

Cette passion débute un peu par hasard, un soir qu'il découvre une brebis au bord de la route. Il la soigne et la sauve. Quelques temps plus tard, il trouve des rayolles, race endémique de la région nîmoise et jusqu'au Mont Aigoual. Il fait désormais partie d'une association d'une vingtaine d'éleveurs, qui en possèdent au total environ 2000. Dès l'an prochain, il rejoindra par les drailles, ce grand troupeau en estive, au coeur du Parc National des Cévennes. La rayolle, une race à viande, très rustique et vivant au grand air toute l'année. L'objectif est de créer sa propre lignée pour contribuer à développer la race et commercialiser de la viande, dont la qualité est déjà vivement recherchée.

026Pour le moment, elles sont destinées à entretenir les vignes et à les fumer naturellement. Notez qu'elles sont déplacées selon une méthode donnée : elles mangent à certains endroits et en fonction de ce qu'elles ingèrent, digèrent et rejettent, elles favorisent certaines plantes plutôt que d'autres, contribuant à préserver un bon équilibre dans l'écosystème local.

Le berger de Vic le Fesq y voit certainement des compagnes, tant ses débuts de vigneron furent ardus. Une activité de sommelier (à l'Oustau de Baumanière notamment) après une formation classique (BEP, Bac Pro et BTS), un projet "quelque peu utopique" pour tenter de changer les cartes de la restauration rapide, puis pendant quatre ans, caviste à proximité de sa ville natale. En parallèle, il prend trente ares en fermage en 2010 et vinifie la première année de façon très... artisanale. En 2013, il finit par vendre sa boutique et s'installe dans le village. "Mes débuts ici furent quelque peu rock'n'roll!..." Il prend possession de locaux très rustiques qu'il loue (néanmoins superbes et ouvrant la perspective d'une belle restauration) et vit pour le moins à la dure. Il passe trois mois d'hiver dans la cave, un an et demi dans ce qui fait office de bureau, sans eau, sans commodités et... sans avoir de quoi manger!... Il n'a alors pas de vin à vendre et se nourrit des oeufs de ses poules, qui font désormais partie du projet global, avec d'autres volailles sélectionnées. Grâce à un jeune berger, il apprend même à tuer les moutons, afin de disposer d'un peu de viande, sans barbarie et pour tout récupérer : épaules et gigots pour lui, le sang pour les poules, les abats pour son border collie d'à peine plus d'un an, Blast et même les os concassés pour les vignes.

034Aujourd'hui, le vigneron dispose de six hectares sur trois communes gardoises, dont Souvignargues et Aujargues, dans le secteur de Sommières. Là, deux hectares de vieilles vignes de grenache de 50 à 60 ans, travaillés au cheval uniquement et quatre hectares achetés à Vic, des jeunes vignes de grenache, mais aussi un hectare de mourvèdre au milieu de la parcelle, dite Clos de l'Hallucination, que l'on pourrait considéré là presque accidentellement, si ce n'était que les rangs de ce cépage sont plantés sur une superbe veine d'argile bleue.

Objectif du moment : tout passer au cheval (après une formation programmée). Quant au Clos, déjà entouré de grillage surtout destinéà empêcher les intrusions d'animaux sauvages, une partie de friches est dédiée aux ovins et un espace va accueillir diverses volailles rustiques. Densité typique de la région : 5555 pieds/hectare. La biodynamie est une base du mode de culture choisi, mais sans carcan, incluant de nombreux essais de diverses tisanes. Pour ce qui est du travail du sol, il laisse désormais le "ticket de métro", selon l'expression parfois utilisée chez les vignerons qui entretiennent un ruban d'herbe dans le rang. Parmi les essais en cours, sur l'une des parcelles : dernier traitement le 14 juillet 2013, travail au cheval, passage des brebis, taille très tardive, au point que la fleur est en cours lors de notre passage (28 juin dernier). Vendanges probables fin octobre. Le but avoué est de "tenter d'influencer sur le végétal, volontairement, lui rendre la vie un poil plus difficile et augmenter le caractère sauvage du vin!"

Toutes les vignes du domaine sont en AOC Coteaux-du-Languedoc, mais comme il n'y a pas de syrah, les cuvées étaient présentées jusqu'à maintenant en Vin de Pays du Gard. Désormais, elles sont toutes en Vin de France et la labellisation bio est en cours.

035Si, parmi les stages qu'il a pu effectuer lors de sa formation, celui qui l'a conduit en Rioja a failli le convaincre de chercher une autre voie que celle du vin, une rencontre et une émotion gustative ont largement contribuéà développer sa passion. Tout d'abord, lors d'un repas, un Vosne-Romanée Cros Parantoux 1988 de Henri Jayer le fait quasiment pénétrer dans un monde inconnu!... Comme une sorte de vin référent, dont l'équilibre se grave dans la mémoire, mais son voeu de rencontrer le vigneron bourguignon ne sera pas exaucé, celui-ci décédant brutalement lors des vendanges 2006. Autrement, c'est un maître de stage qui a sans doute contribuéà renforcer sa confiance et à asseoir ses convictions. Plus encore qu'un stage, ce sont plusieurs séjours chez Didier Dagueneau, dont il estime qu'il est un pur produit, qui l'ont forgé. "J'ai pas fait l'armée, mais j'ai fait Dagueneau!... Il m'a tout montré, le bon et le mauvais. Il ne m'a pas épargné, mais je pense que cela m'a servi..." Il évoque à demi-mots certaines soirées festives, mais plutôt les difficultés du millésime 2006, pour lequel, le grand maître ès-sauvignon poussa son stagiaire dans ses derniers retranchements.

Les locaux, aussi rustiques soient-ils, permettent à Ludovic Engelvin d'organiser au mieux les vinifications et élevages. Depuis 2012, l'ensemble des interventions, y compris les mises en bouteilles, se font en utilisant la gravité. C'était une des priorités du vigneron d'abolir l'emploi de toute pompe. Dans le cuvier des vinifications, se prolonge l'élevage des jus issus de jeunes vignes, soit notamment ceux destinés aux cuvées Même Si (qui a failli s'appeler Best of the coulure en 2013!) et Cru~Elles en rouge, The Radiant en rosé et Espontaneo en blanc. De l'autre côté de la coursive, où se déroulent les mises, les vieux grenaches sont élevés en barriques non neuves. Ils vont composer deux cuvées, dont nous dégustons quelques lots. Pour certains, il semble que la fermentation malolactique sont encore en cours. Lors des phases successives, le vigneron pratique sans la moindre analyse, que ce soit pour les maturités, au cours des vinifications ou pendant l'élevage. Pour éviter, à ses yeux, toute forme d'influence sur ses propres choix, les seules analyses sont pratiquées lorsque les malos sont terminées. Une grosse sélection s'impose donc au final, avant la mise et ce qui est écarté part à la vinaigrerie.

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Ludovic Engelvin n'est guère partisan des macérations carboniques. De plus, il ne procède à aucun sulfitage avant la mise. D'une façon générale, il n'aime guère les vins trop massifs. Pour les rouges du Languedoc, il préfère la fraîcheur. Les lots dégustés sont dotés pour la plupart d'une belle acidité, une tension, répondant parfaitement à la prise de bois, somme toute assez relative. Les deux cuvées issues de vieilles vignes sont produites, bon an mal an, à +/-1000 bouteilles. La première alimente la thématique actuelle, Vilaine, alors que la seconde est destinée à un vin d'exception, Les Vieux Ronsard, que les Britanniques ont adopté dès son apparition en 2011, millésime pour lequel la France n'a disposé que de 36 bouteilles!... Il faut dire que les trois quarts de la production du domaine sont destinés aux marchés étrangers : États-Unis, Belgique, Autriche, Norvège, Japon, Angleterre bien sur et peut-être bientôt Danemark. Heureusement, quelques cavistes et grandes tables de notre beau pays font preuve d'une certaine perspicacité!...

042Pour ce qui est des Vieux Ronsard, il s'agit donc d'une sélection dont le millésime 2013 sera mis en bouteilles au printemps 2015, malgré 80% de raisins en moins, du fait d'une coulure record. Issue de vieilles vignes plantées après le gel de 1956 sur des argiles sableuses et exposées plein nord, la cuvée se compose de raisins éraflés ou pas, selon le millésime. Cette année, quatre barriques et une amphore historique prêtée par un collectionneur de la région, lui sont en principe destinées. Si tout va bien, jusqu'au bout!... Cette année, à noter aussi cette fameuse cuvée Même Si, assemblage à 50/50 de jus élevés en cuve et en barrique, en provenance de jeunes vignes du Clos de l'Hallucination, qui devrait sortir à l'automne prochain. Des grenaches bien sur, mais qui atteignent (et dépassent?) les 16°!... Et à la dégustation, un équilibre irréprochable, une sorte de densité, qui semble concentrer l'acidité et le fruit gourmand du vin. Superbe!...

Découverte ensuite des vins disponibles en bouteilles : The Radiant, un rosé composé de 80% de mourvèdre et de 20% de grenache, élevé en cuve, avec une belle dynamique et une jolie structure. Puis ensuite, Cru~Elles, 60% grenache et 40% mourvèdre, des jeunes vignes du Clos pour l'essentiel et des jus élevés en cuves, pour trouver une expression sur le fruit. Enfin, une des cuvées vedettes du domaine, Espontaneo, dont la version 2010 a permis au vigneron de se faire connaître, puisque ce fut la seule cuvée proposée dans ce millésime. Un peu arrivée par accident, avec l'absolue nécessité d'avoir quelque chose à vendre au plus vite et du fait des caractéristiques de la vendange. Ludovic eut l'idée de faire ce grenache noir de pressurage, qui fut ensuite élevé quelques mois en cuve. Le succès fut au rendez-vous et les cavistes et bars à vins (comme le Saint Bonheur, à St Bauzille de Putois, qui nous mit sur la piste du vigneron) réclament ce blanc hors normes, issu d'un sol argilo-calcaire contribuant sans doute à la tonicité et à l'originalité de la cuvée.

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Le choix du nom de cette dernière cuvée, Espontaneo, n'est bien sur pas un hasard. C'est le nom que donnent les aficionados, amateurs de corridas, à un apprenti torero qui surgit dans l'arène, face à un taureau destinéà un torero vedette et ainsi, combattre à sa place. On dit que le grand El Cordobés lui-même, se fit connaître ainsi à Madrid, en 1957, même s'il ne put revêtir son habit de lumières que deux ans plus tard. Ludovic Engelvin est lui aussi entré dans l'arène!... Mais lui a sauté dans le ruedo réunissant les vignerons passionnés de ces vins naturels, qui tendent à sublimer les goûts et à stimuler les papilles des amateurs. Sa muleta est quelque peu rapiécée et son épée de bois, lui préférant sans doute le tire-bouchon et ainsi, croiser le verre avec quelques amis comme Matthieu Barret, J-C Abbatucci, Athénaïs de Béru, Fanny Sabre ou Luc-Marie Michel, autant de vigneron(ne)s qu'il croise lors de quelques rares salons. Il est seul au domaine, même si un agent s'occupe de la commercialisation, une secrétaire le seconde pour tous les papiers, un prestataire intervient, jusqu'à maintenant, pour la traction animale et qu'un ami plasticien travaille avec lui sur un aspect qui le touche beaucoup : l'Art et le Vin. Et qu'il exprime notamment par le biais des étiquettes. Pas de doute, voilà un débutant spontané qui va en étonner plus d'un!...

Axel Prüfer, Le Temps des Cerises, au Mas Blanc

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Cela fait dix ans que Axel Prüfer s'est installé au Mas Blanc, à La Tour sur Orb. Lorsqu'on est dans la région, il faut l'inscrire sur ses tablettes. Incontournable. Pour certains amateurs, il en va de même du Chai Christine Cannac, à Bédarieux. "Ce serait quasiment une faute professionnelle de ne pas y passer!..." m'a-t-on soufflé peu avant notre départ. En sortant de chez François Aubry, à Brenas, nous n'avons que quelques kilomètres à parcourir pour aller y apprécier quelques verres et un succulent jarret aux lentilles. A proximité, sur la terrasse, quelques personnes partagent un verre autour d'une barrique, en goûtant la douceur de la soirée. Tiens! Mais, c'est Axel Prüfer!... Inutile d'user du portable, rendez-vous est pris pour le lendemain!...

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Dans ces derniers jours de juin, la chaleur est là. C'est aussi la période des fêtes de fin d'année dans toutes les écoles. Axel a promis à ses enfants qu'il serait présent pour le spectacle auquel ils participent. Pas question de rater ça, cette fois!... Mais, il reste un peu de temps pour déguster et évoquer son parcours. Un personnage un brin lunaire, Axel! Avec sans doute des traits de caractère qui lui donnent une sorte de résonance romantique. mais, c'est peut-être la pointe d'accent allemand qu'il a gardée, qui y contribue. Quelqu'un qui ne manque pas de caractère, tout bonnement néanmoins et que l'on devine fidèle à ses idées et à ses engagements, au-delà de supposés idéaux.

Il est au coeur du Languedoc depuis dix ans, mais en France depuis 1998. Ces quelques années intermédiaires, semées de découvertes et de rencontres diverses, ont peut-être aussi participé de cette sorte de légende qui flotte autour de lui. Sans doute, parce qu'il ne parlait que la langue de Goethe à son arrivée et que quelques traductions approximatives (nous ne sommes pas si nombreux que cela, à bien pratiquer l'allemand en France!) de ses explications en ont fait une sorte de héros moderne, qu'il ne cherchait pas àêtre.

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C'est neuf ans après la chute du Mur de Berlin qu'il gagne la France, alors que la réunification allemande actée depuis déjà longtemps, n'empêche pas la Bundeswehr de réunir ses jeunes gens sous les drapeaux, afin qu'ils effectuent leur service militaire. Une idée qu'Axel Prüfer ne supporte guère et il met cap au sud et à l'ouest avec sa compagne qu'il connaît depuis longtemps, puisqu'ils étaient dans la même classe depuis l'âge de sept ans!... De plus, celle-ci a déjà eu l'occasion de découvrir la région et l'escapade estivale devient définitive. Néanmoins, il évoque volontiers ses souvenirs d'une enfance heureuse en RDA, sur la base des fondamentaux de la solidarité, grâce au communisme ou au socialisme de l'époque. Je vous parle là d'un temps... Le temps des cerises, en fait!...

En 2002-2003, il vinifie sa première cuvée avec l'aide de Jean-François Nicq, qui est encore à Estézargues, après avoir trouvé quelques arpents de vignes. L'option du "tout nature" est pour lui comme une évidence, ainsi qu'une vinification en macération carbonique, méthode adoptée et confirmée désormais.

014"Vous ne pouvez pas vous tromper, le nom du domaine est marqué en gros sur le portail!..." L'humour est quasiment une constante chez Axel Prüfer. Il nous propose très vite de déguster quelques échantillons et notamment le blanc, La Peur du rouge 2010, qui a tout ce qu'il faut pour jeter le trouble sur les papilles des amateurs!... En fait, depuis son installation, le vigneron n'a fait que des rouges (trois dès ses débuts), à l'exception d'une tentative "foirée" sur une base de chardonnay et d'une cuvée de viognier en 2007, qu'il destinait en premier lieu à la cuisine!... Mais, le choix de la carbo en fait un vin pour le moins tannique et il reste caché, jusqu'à ce qu'une redécouverte tardive ne le remette sur le marché.

Mais, en 2010, il trouve une petite annonce dans un journal local : "Vigne à vendre sur le causse." Le prix demandé est pour le moins prohibitif, voire dissuasif, puisqu'il atteint deux fois le prix d'un hectare de l'AOC Faugères, alors que nous sommes là en Vin de table! Mais, le couple habite à proximité et Axel se disait depuis quelques temps, qu'un jour peut-être... Il fait donc le forcing auprès des propriétaires et enlève l'affaire, alors même que d'autres candidats, désireux sans doute d'arracher la vigne et faire construire, en lieu et place du vieux mazet en ruines, font de la surenchère.

018Il faut dire que le jeu en vaut la chandelle, tant le lieu est magique ("nous avons toujours cherché des vignes avec une jolie vue..." humour!) et nous n'avons pas besoin de trop insister, pour qu'Axel nous amène sur place, malgré le risque d'être en retard, car cela lui permet, au passage, de vérifier la présence d'éventuelles traces d'oïdium. Il y a là deux hectares de chardonnay, à 450 m d'altitude. Le sol? Du calcaire, rien que du calcaire, sur un sous-sol argileux, sur le causse de Bédarieux, dont les pierres sèches ont été régulièrement extraites, au point d'entourer le clos de murs de deux mètres de hauteur et d'épaisseur. Au début, le vigneron pense que cette vigne, plantée à 2,50m, pourra être surgreffée, avec du terret ou du picpoul, mais le manque de temps et de moyens a remis cela à plus tard. Ici, le vent dominant vient du nord. Anciennement, la parcelle du bas était réservée aux bêtes, dans le cadre d'une polyculture classique dans la région. Elle fut ensuite plantée de blé et on identifie aisément, d'ailleurs, une aire de battage devant le mazet.

Pour ce 2010, les vendanges ont débuté vers le 18 ou le 20 août, puis se sont prolongées chaque week-end. Les deux premières cueillettes traitées en presse directe et les dernières en macération carbonique de cinq à six semaines, sauf l'ultime ramassage, qui avait atteint le stade de la vendange tardive. "Le chardonnay n'a rien a faire dans le sud! Même à cette altitude, il perd son acidité. Analytiquement, pour ce vin, il n'y a pas d'acidité, ce sont les tannins qui délivrent une sorte d'acidité tactile. Ça ne vaut pas la Loire (humour toujours!), mais je suis très content lorsque les gens n'identifient pas le chardonnay!..." On y trouve des notes exotiques (litchi), après que la trame aromatique fut plus florale au début, selon le vigneron. En 2012, avec la surmaturité, c'était plus sur la mangue et l'ananas. En revanche, en 2011, les jus issus de la fin de la cueillette ont permis la production d'un pet' nat'.

022Le domaine compte actuellement sept hectares et quatre personnes y interviennent. Jusqu'à maintenant, toutes les interventions étaient manuelles, mais il se trouve que l'avant-veille de notre passage, Axel Prüfer a apposé sa signature en bas d'un bon de commande pour son premier tracteur, avec l'espoir notamment d'optimiser les traitements et de soulager son dos, lui qui est désormais libéré des affres et des souffrances d'une hernie discale.

Les premières vignes se situaient à Colombières. Un fermage dont le vigneron dispose toujours. Essentiellement, du carignan, plus une bande de grenache sur les granite-quartz de l'ancien lit de l'Orb, avec non loin de là, la montagne du Caroux qui, avec ses mille mètres d'altitude, bloque les entrées maritimes, ce qui fait qu'on ne craint guère la sécheresse dans le secteur. Les deux cépages, vinifiés ensemble, composaient depuis l'origine la cuvée Avanti Popolo, bien connue des amateurs. Tout prêt de cette parcelle, une autre sur des terrasses de schiste, plantée àégalité de carignan, de grenache et de cinsault vinifiés ensemble, malgré les différences de maturité et destinés à la cuvée Fou du Roi. Ce choix de vinification est sans doute né d'une conversation avec Olivier Cousin, celui-ci évoquant les méthodes ligériennes anciennes, pour lesquelles les tris à la vigne n'étaient pas alors le mode privilégié de vendanges. "C'est sans doute ce qui fait le charme de ce vin!"

009A noter aussi une autre cuvée, Les Lendemains qui chantent, issu d'un grenache planté sur le causse et sur granite-quartz, à 450 m d'altitude également et exposé nord, avec pour conséquence évidente, des vendanges très tardives, puisqu'elles se déroulent souvent début octobre, ce qui est très tard pour la région. Entre temps, était apparue la cuvée Un pas de côté, mais Axel s'est séparé de ces vignes plutôt difficile... Plantée sur des sables granitiques, mais dans un endroit plus chaud, vers le pont de Tarassac, en suivant la vallée qui mène à Olargues, elle laisse au vigneron des souvenirs douloureux de fracture de côtes et de traitements laborieux avec la brouette à sulfater. La version 2007 était issue de grenache, puis ensuite ce fut une association de grenache et de merlot. Seule réelle satisfaction, avoir pu céder cette parcelle à un domaine en bio et qui propose des vins nature.

A propos de ce type de vins, les amateurs et certains professionnels ont souvent dit que Axel Prüfer proposait parfois des cuvées quelque peu... rock'n'roll!... Une augure qu'il accepte volontiers, même si les soucis rencontrés parfois ne sont en rien volontaires. Il précise avoir fait quelques essais de sulfitage "raisonnable" (20, maxi 30 mg, plutôt que les 80 inacceptables, voire plus!) jusqu'en 2008, essais qu'il a vite estimés peu efficaces. En revanche, il s'est toujours interdit d'utiliser des enzymes, mais il lui est arrivé, naguère, de doper les levures, lorsque les vinifications patinaient quelque peu, non sans l'avoir signalé au passage.

019Quelqu'un frappe au portail. C'est François Aubry qui vient se mêler à la dégustation en cours. Il tombe bien, puisqu'en tant que vigneron nature labellisé de la région, il va pouvoir apprécier avec nous quelques OVNI, comprenez bien objets viniques non identifiés!... En premier lieu, Fatal Brutal 2013. Quelque chose de spécial, sur une base de raisins de table (ceux qui se trouvent au sommet du clos, sur le causse et qui seront peut-être un jour surgreffés avec du cinsault... ou de l'oeillade - private joke), mais il ne restait pas assez de volume pour faire un pressoir. Il a fallu ajouter un peu de carignan égrappéà la main et le tout est passé sur les marcs des carbos de grenache. Une recette non approuvée par les canons de l'oenologie moderne!... Un jus de raisin qui atteint les 7,5°, catégorie plaisir immédiat!... Ça se glougloute grave!... Pour le millésime précédent, il s'agissait de Brutal Fatal, en provenance du secteur de Colombières, qui va encore très bien.

Deux exemples de cuvées qui illustrent en même temps le travail et la personnalité d'Axel Prüfer, un vigneron volontiers rieur, façon pince sans rire parfois, mais qui, dans la minute suivante, peut vous faire part avec force, de toutes ses convictions en matière de pratiques viticoles et vinicoles. De par son engagement déjà ancien, il reste attaché au devenir de l'AVN (Association des Vins Naturels) et attentif au développement, parfois exponentiel, de certains salons et regroupement de vignerons, comme La Remise, même s'il ne peut que se réjouir de l'apparition de domaines, travaillant respectueux de l'environnement et de la santé des producteurs et des consommateurs. En à peine une dizaine d'années, le voilà devenu une sorte de référent, dans le style des vins proposés, avec quelques autres dans le Roussillon, le Rhône et l'Ardèche, par exemple. Pour notre plus grand plaisir.

Luc-Marie Michel, Domaine Zélige-Caravent, à Corconne (30)

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Ça y est!... Nous savons enfin ce que signifie le nom de ce domaine!... Zélige-Caravent. Peut-être Luc-Marie Michel avait-il déjà eu l'opportunité de nous l'expliquer, mais notre mémoire s'était sans doute fixée sur les arômes et la texture des cuvées du domaine, plutôt que sur l'étymologie nominale?... Rien à voir avec des patronymes familiaux donc, mais un nom qui trouve ses racines sur d'autres rives de la Méditerranée. Le zellige (avec deux l et signifiant faïence en arabe) est un carreau décoré, façon mosaïque, que l'on retrouve dans l'architecture berbère. On imagine aisément le rapprochement avec la mosaïque de parcelles de vignes, mais c'est plutôt la gravette, ce cailloutis calcaire, typique du cru, qui a inspiré le vigneron, sommé un jour par sa compagne de trouver un nom pour le moins... créatif. La créativité, l'un des moteurs essentiels de Marie Michel!... Caravent ressemble pour le moins à une contraction, pour tous ceux qui composent la caravane portée par le vent, à moins que notre imaginaire ne doive se transporter dans un caravansérail, où les pèlerins, sur une longue piste d'un quelconque désert, viennent trouver refuge, lorsque le vent souffle en tempête. A Corconne, ils font donc étape, tout en sachant que leur soif sera étanchée!... Vous n'êtes pas obligés, cependant, de vous présenter à la porte de la maison de Luc et Marie habillés en hommes bleus du désert, pour découvrir les oasis réunies sous ce nom de domaine. Les habitants du lieu ne tarderont pas, quelle que soit votre tenue, à vous mettre sur la bonne piste.

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Zélige-Caravent, c'est un domaine de Pic-Saint-Loup de 13 ha et vingt-deux parcelles réparties sur une dizaine d'îlots et autant d'expressions. "Un peu comme la peinture et toutes ses couleurs..." nous suggère Marie. Luc, lors d'une découverte partielle des vignes, nous donne quelques explications, à propos de la géologie particulière de la zone. En fait, nous sommes là sur la faille des Matelles. Celle-ci suit tout le causse dominant la vallée et traverse les villages de St Mathieu de Tréviers, Valflaunès, Lauret, Claret et Corconne. Au final, une zone de 200 ha environ, recouverte de la fameuse gravette, descendue par les trois derniers talwegs du causse, sorte d'éventails dans la pente. En dessous des argiles rouges composant un sol très homogène et très profond (de trois à six mètres) sert de support à cette gravette. Conséquence de la présence de cette dernière : même en cas de fortes pluies, l'eau est évacuée immédiatement, comme à travers une matière filtrante, alors que le sous-sol conserve un peu d'eau. Notez au passage que nous avons là, de ce fait, des sols très faciles à travailler... lorsqu'ils sont frais. Donc, un terroir, somme toute, supposé facile pour la chronologie du travail annuel, réclamant cependant une observation attentive, ce qui permet au vigneron d'opter pour des choix moins conventionnels.

025Ainsi, lors de son installation, quelques conseils amicaux lui suggéraient de tailler des zones les moins gélives vers les plus gélives, choix on ne peut plus logique, du moins sur le papier. Après réflexion et observation, Luc Michel estime désormais qu'il vaut mieux tailler le plus tôt ce qui mûrit le plus tard, donc, dans l'ordre, le mourvèdre, puis le grenache et le carignan. Enfin, en dernier, le cinsault et la syrah, dans le but avoué de retarder le cycle de maturité, ce qui doit permettre d'étaler les vendanges entre le 1er et le 15 septembre, puis, dans une seconde phase, le reste vers la fin septembre ou le début octobre. Bien sur, tout cela, c'est sur le papier!... Le millésime 2012 le démontre, puisque ce fut un véritable chamboule-tout et le grenache fut rentré le premier!...

La passion de Luc-Marie Michel lui vient sans doute d'un grand-père, fils de maraîcher, qui avait gardé deux ou trois hectares de vigne pour faire du vin, après la retraite. La maison au coeur du village est celle de sa grand-mère, où il a passé les étés de sa jeunesse. Souvenirs de vendanges... Mais, si quelques gènes le poussent dans cette direction, il ne peut faire part, à cette époque-là, de son voeu d'être vigneron, à une famille qui voit en lui un ténor du barreau montpelliérain, un brillant architecte ou un chirurgien émérite. Il fait donc une première carrière dans une agence de communication, travaillant notamment pour Cachou-Lajaunie, dont personne n'a oublié le célèbre spot, les Laboratoires Pierre Fabre, voire la Région et le Département. Mais, le troisième millénaire se profile et il estime qu'il faut tourner la page. Il commence par racheter quelques vignes à un vigneron du cru, puis d'autres qu'il avait déjà en fermage pour ce dernier, lorsqu'il cesse complètement son activité.

019Nous sommes alors en 2000 et jusqu'en 2005, il va livrer ses raisins à la cave coopérative locale, bien connue pour ses rosés de cinsault, mais dans la perspective de vinifier lui-même en cave particulière et de créer un domaine. Au-delà de sa formation de base, il découvre la viticulture et s'interroge, jusqu'au jour où il assiste à une conférence de Nicolas Joly, parlant de la biodynamie et évoquant les non-sens de l'agriculture productiviste.

Presque une dizaine d'années à forger son expérience, à exercer son métier avec toute sa sensibilité. Il s'appuie sur la diversité des cépages et des millésimes de façon très pragmatique. Les premières vinifications sont très artisanales, mais un égrappage soigné est la règle de même que les cuvaisons par variété de raisins, lorsque ceux-ci sont à bonne maturité, avec aucun passage sous bois (même si un grand foudre tout neuf est attendu fin juillet au domaine!). Les assemblages sont composés en fonction des qualités du millésime. Parfois, le cinsault, très apprécié, est largement majoritaire. De nouvelles cuvées apparaissent de temps en temps, d'autres sont éphémères, au grand dam de certains importateurs qui, en plus, voient aussi apparaître de nouvelles étiquettes (artistiques et superbes d'ailleurs!).

Un tournant s'est présenté en 2012 et il a, semble-t-il, été bien maîtrisé. Il s'agit de la cuvée Ikebana 2012, le premier vin co-fermenté. Les circonstances et les maturités de l'année ont permis un assemblage dès la cuve et les quatre cépages, cinsault, grenache, carignan et syrah dans des proportions voisines ont donc subi les fermentations, puis l'élevage ensemble. Au final, le résultat très encourageant influe indiscutablement sur l'orientation à venir. Le vigneron se défend d'en faire une recette définitive, mais il se trouve que 2013 a rendu l'expérience à plus grande échelle possible, si bien que même si les assemblages ne sont pas arrêtés à ce jour, aucune cuve n'est actuellement monocépage, pour les élevages en cours. Il y a là, dans les cuviers, des duos carignan-syrah, syrah-cinsault, carignan-cinsault, etc... Notez aussi qu'une grande proportion de la vendange n'est plus égrappée. Zélige-Caravent a de quoi nous surprendre, à l'avenir!...

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Au-delà de cette évolution, le champ d'action de Luc Michel s'élargit avec le vaste horizon des cépages du sud. Ainsi, alors qu'une parcelle plantée d'aramon et de cinsault était vendangée tout en même temps, le premier va sans doute être mis en évidence à l'avenir. Pas impossible que de la counoise apparaisse également, mais aussi d'autres cépages rares. Le domaine compte aussi du mourvèdre, de l'alicante bouchet (notamment pour un joli rosé 2012, quatre hectolitres issus de ce seul cépage et d'une saignée de moins de deux heures), une jeune vigne de roussanne, dont les oiseaux sont friands, du chasan (mariage du chardonnay et du listan) qui a donné la cuvée Un poco agitato, une centaine de pieds disséminés au milieu des rouges d'un cépage blanc à baies roses et, sans doute avant très longtemps, de la clairette et/ou du carignan blanc.

Parmi les parcelles découvertes lors de notre visite, une syrah plantée en 1992. Au passage, le vigneron précise qu'il a pratiquement abandonné partout le cordon de Royat et qu'il a adopté le gobelet pour tous les cépages, y compris la syrah. Le grand chantier à venir est de tout passer sur échalas, processus qui est juste commencé.

032Les dernières années rassurent les vignerons de la région, avec 2013, joli millésime généreux et 2014 qui, lors de notre passage fin juin, permettait toujours de limiter les traitements, avec une utilisation de soufre et de cuivre au plus bas. De plus, si on notait une bonne avance au débourrement (15 jours à trois semaines), les températures plutôt basses qui ont suivi ont freiné l'ardeur de la vigne. Un peu de temps sec, puis quelques ondées régulières ont fait que la plante a atteint un bon rythme de croisière, limitant au passage la pression des maladies. Mais, Luc Michel le rappelle : "Tant qu'on n'est pas en septembre, il n'y a pas de vérité!"

Après le très joli velours d'Ikebana 2012, nous pouvons apprécier Velvet 2011, composé presque exclusivement de syrah, dont 10% de vendange entière, alors que la version 2010 avait gardé toute ses rafles, offrant un vin très droit, qui fut diversement apprécié, malgré ses indéniables qualités organoleptiques.

A suivre, le très beau Nuit d'Encre 2006, de l'alicante bouchet, à peine additionné d'un soupçon de grenache et Fleuve Amour 2012, dans un style sudiste des plus séducteurs (carignan-grenache).

Un domaine qui a donc proposé depuis une dizaine d'années des vins réguliers, intenses, qui atteignent parfois une autre dimension, un supplément d'âme avec le temps. Des vins qui ont trouvé leur place, comme le vigneron l'a fait dans cette région du Pic Saint Loup. Une appellation qui ne manque pas d'interpeller le couple Michel désormais, du fait notamment de cette décision du syndicat local, d'augmenter la proportion de syrah, sorte de dérive motivée sans doute par ceux qui espèrent suivre les traces de quelques gros domaines de la zone, forts de quelques succès d'estime sous d'autres cieux. Autant de destinations que Luc et Marie Michel connaissent désormais, car leurs fans sont aussi américains, japonais, canadiens, suisses, danois, italiens ou belges, pour ne citer que ceux-là.

Pour les rencontrer, hormis la possibilité de vous rendre chez eux, àCorconne, il ne reste que quelques rares salons : les Greniers Saint Jean, en février, à Angers (sauf en 2014!), Millésime Bio, à Montpellier, en tant que régionaux de l'étape, Fornovo di Taro, près de Parme, à la Toussaint, pour Vini di Vignaioli qu'ils apprécient en famille, ainsi que, tous les trois ou quatre ans, un off de Vinitaly, avec Renaissance des Appellations. Mais, il vous reste cependant une petite semaine, jusqu'au 31 juillet, pour vous rendre au Domaine Zélige-Caravent, afin d'apprécier une balade artistique land'art, entre les vignes et les oliviers, intitulée Des pieds et des mains. Une dimension artistique de cette activité de vigneron, à laquelle certains domaines du Grand Sud-Est sont désormais sensibles et c'est peut-être ce qui pouvait arriver de mieux, à tous ceux qui aiment croiser le verre.

La Paulée de l'Anjou noir : 3èédition façon 4G!...

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Non, il ne s'agit pas de faire la promotion d'un quelconque opérateur téléphonique, mais, à l'occasion de ce troisième rendez-vous angevin autour des vins de l'Anjou noir, la journée était placée sous le signe de la lettre G. Non, pas du point G (comme Gräfenberg, qui est aussi un cru réputé du RheinGau, où l'on trouve un rieslinG très apprécié du Domaine Robert Weil)! J'en connais qui ne manqueront pas de poser la question!...

Pas eu le temps de vérifier donc, lequel des fournisseurs d'accès de notre paysaGe cuivroptique était le plus performant à Savennières (même si j'ai ma petite idée sur la question, que je ne rendrais pas publique, au risque de pratiquer une forme de délit d'initié!) mais, en ce 28 juillet (que nous n'écrirons pas avec un G pour cette fois), il y avait donc au moins quatre G dans notre paysaGe et un peu plus de quatre vins.

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FiGurez-vous, qu'en ce mois de juillet 2014, Savennières, désormais élevée au ranG de Petite Cité de Caractère des Pays de la Loire (où les habitants n'en manque pas, dit-on parfois!), célèbre le 800è anniversaire de la bataille de La Roche aux Moines (ses cuvées valent bien de livrer bataille, selon les viGnerons du cru!), dont le déroulement, le 2 juillet 1214, ressemble un peu à un remarquable coup de bluff (terme que nous empruntons à nos désormais amis anGlais), tenté et réussi par Guillaume des Roches (le premier G du jour), Sénéchal d'Anjou qui, en quelques heures, apporta à Louis, fils du roi de France, le renfort de quatre mille hommes, à la veille du combat, ce qui suffit à Jean sans Terre, roi d'AnGleterre, pour prendre la décision de fuir pendant la nuit et repasser la Loire sans combattre, abandonnant ses lourdes machines de sièGe, destinées à prendre d'assaut les places fortes. Ce qui ne manqua pas d'avoir des conséquences positives pour le royaume de France, sur le déroulement de la bataille de Bouvines, quelques jours plus tard. C'est un peu comme si huit Chabal composaient le pack français, mettant en fuite celui du XV de la Rose!... Mais, PSA est-il Philippe AuGuste?... Palsambleu!...

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Foin de diGression et revenons à nos moutons!... L'un des maîtres-mots de la journée, c'est Géologie, le second G, chacun l'aura compris. Il faut dire que les orGanisateurs de ces Paulées annuelles peuvent compter sur l'amicale participation de celui qu'on pourrait surnommer le Génie anGevin des roches, à savoir Fabrice Redois, GéoloGue et maître de conférence à l'université d'AnGers, qui n'a pas son pareil pour vous faire aimer les cailloux. Il n'est pas rare qu'il vous incite à passer sur votre joue, une pierre ramassée sur le chemin, afin de vérifier qu'elle n'est pas coupante ou à utiliser votre salive, afin de mieux apprécier ses teintes, sa brillance ou sa face polie.

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Avant que nous ne quittions les berGes de la Guillemette, le bras de la Loire séparant l'île de Béhuard du Closel, il nous précisa donc que l'unité de terroir que nous allions découvrir était communément appelée l'unité de St GeorGes sur Loire. Au passaGe, il ajouta que notre première étape nous conduirait à l'éGlise de Savennières, "l'une des plus anciennes de l'Anjou", selon la méthode adoptée par nombre de GéoloGues, de rechercher les monuments les plus anciens d'un lieu ou d'un villaGe, afin de saisir quelques informations, Grâce aux matériaux utilisés pour leur construction, fût-elle très ancienne. En quelques dizaines de mètres, la troupe composée d'une centaine de personnes déambula jusqu'à la petite place, avec en main, son document de rando, comprenant notamment une carte des faciès GéoloGiques des appellations locales.

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Quittant le villaGe et prenant pied sur le GR3e (le troisième G du jour, pour cette matinée de randonnée), chacun prenait son rythme, en s'attachant à identifier les Grès schisteux du chemin, à moins qu'il ne s'aGisse de schiste Gréseux!... Il s'en est fallu de peu que nous n'ayons à faire à du métaGrauwacke, comme sur la rive gauche!... Ce chemin est bordé par un très beau mur de pierres de schiste, dont il convient d'évaluer la Granulométrie, afin de classer définitivement les échantillons. Indiscutablement, une phase où l'oeil d'un expert est indispensable. Sur la droite du chemn, dans la pente, n'oubliez pas de contempler l'affleurement de feuillets de schiste, ou schistes ardoisiers, forme la plus connue de cette roche, souvent amie de la viGne pour sa structure permettant aux racines de plonGer plus profondément.

018Nous finissons par GaGner le plateau, qui se définit comme tel, selon Fabrice Redois, notre Guide du jour : "Un plateau, c'est plat et c'est haut!" Irrésistible, cette définition! Sous nos pieds cependant, une terre plus léGère, une des composantes essentielles des terroirs de Savennières : les sables éoliens, particulièrement identifiables dans cette parcelle proche, désherbées avec application par un viGneron dont nous tairons le nom!... Nous apprenons au passaGe que ces sables étaient donc transportés par le vent, lorsque la réGion se situait dans un désert Glacial, voilà quelques centaines de millions d'années, permettant parfois aux roches locales d'être polies, presque vitrifiées, comme il est parfois permis de le constater.

Ayant atteint le sommet, à quelques 65 m d'altitude (alors que la bourGade se situe à 17 m, bel effort!), nous passons au moulin du Gué (le quatrième G), dont nous apprenons que l'orthoGraphe ne semble pas adapté. En effet, un Gué est en principe destinéà franchir une rivière, en bas d'une pente, or, comme nous sommes sur une hauteur, la bâtisse devrait plutôt s'appeler le moulin du Guet, maison du Guetteur surveillant la contrée, celle-ci étant d'ailleurs parcourue, pendant les Guerres de Vendée, par des troupes tantôt bleues, tantôt blanches. Et ce sont justement les ailes des moulins qui, par leur position donnée par le meunier, siGnalait la présence de troupes ou la nécessité de se rassembler. Comptions-nous, en cette journée et parmi les visiteurs, des descendants de quelques Chouans?... Allez savoir!...

Sitôt passé le moulin, nous pouvions au moins faire une halte, afin de nous abreuver d'un verre d'eau (certains faisant remarquer qu'un verre de Savennières eut été apprécié!), arrêt de quelques minutes qui nous permettait de converser avec Jacques Auxiette, Président de la réGion des Pays de la Loire, ne pouvant que conforter les orGanisateurs, dans leurs tentatives pour promouvoir les vins du cru et, en même temps, fédérer les viGnerons de l'Anjou noir. Il confiait au passaGe être amateur de vin à ses heures et surtout avoir une épouse, pour qui Savennières n'avait aucun secret!...

019La déambulation nous ramenait au Château des Vaults à travers quelques viGnes, appartenant au Domaine du Closel. Evelyne de Pontbriand expliquait d'ailleurs que la parcelle côté villaGe avait nécessité plusieurs traitements cette année et en réclamait un autre prochainement, alors que celle située de l'autre côté du chemin, destinée àêtre arrachée dans les prochaines semaines et donc non traitée, ne montrait pas la moindre trace de mildiou!... Oh, raGe!... Franchissons la passerelle pour observer d'autres affleurements de schiste, traversons le jardin (Garden, grâce à une efficace traduction simultanée, pour tous ceux venus d'Outre-Manche et les anGlo-saxons présents!) et il ne restait plus qu'à apprécier la soixantaine de vins proposés à la déGustation, par une petite trentaine de domaines, séance apéritive pour le moins intéressante, avant le repas servi autour de cochons Grillés dans le sous-bois et sous des toiles préservant les visiteurs des fortes averses, qui survinrent, coups de tonnerre compris, en ce début d'après-midi!...

Un survol rapide, verre en main, mais quelques échantillons bien appréciés, comme la cuvée Ephata 2012, du Clos de l'Elu, du chenin élevé huit mois en amphores, puis sept mois en cuve, un type d'élevaGe qui pourrait en inspirer d'autres dans la réGion... Mais encore, Les Zersilles 2010, de Patrick Baudoin, ce dernier rappelant à l'occasion, l'existence confirmée depuis quelques mois d'un Grand Cru Quarts-de-Chaume, là-haut sur la rive Gauche! Parmi les autres vins déGustés, La Roche BéziGon 2012 de Jean-Christophe Garnier ou encore Le Berceau des Fées 2013, de Tessa Laroche, cuvée issue des jeunes viGnes sur la Roche aux Moines, sans oublier celles du Domaine de Juchepie, ou encore d'Eric MorGat.

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Le repas a pu se dérouler dans une aGréable ambiance de travail, qui sied à ce Genre de manifestation, avec force maGnums et flacons juste sortis de la cave de la plupart des participants, quelques MorGon et autres BourGueil, voire ce Côtes-du-GJura 2007 de chez Macle, qui, à mon sens et si ma mémoire est bonne, est un 100% chardonnay, même si d'aucuns pensaient y trouver une petite proportion de savaGnin!... Il ne nous manquait finalement que l'expertise d'Olivier Grosjean, alias Olif, Grand maître ès-Jura, mais biGrement amateur de chenin à ses heures!...

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Je ne résiste pas à vous présenter au passaGe la nouvelle carte du viGnoble de Savennières, très différente de la carte GéoloGique bien connue pour les sous-sols. Il s'aGit là de toutes les unités de terroir de base de l'appellation, tirée des travaux de René Morlat et de son équipe de l'INRA. Un outil que viGnerons et amateurs ne peuvent iGnorer!...

Belle journée donc, qui aura aussi permis aux Petits SaiGnants de faire quelques interviews, de capter une ambiance, autant d'échos que nous retrouverons à la rentrée, lors de l'émission qui est diffusée, rappelons-le, chaque mardi sur les coups de 21h et sur Graffiti Urban Radio.

Cette 3èédition, certains l'auront peut-être trouvée un peu trop saponarienne, mais la cité de la rive droite fait bien partie de l'Anjou noir. Charlotte Carsin, présidente de l'association de La Paulée de l'Anjou noir, ne peut que se réjouir du bon déroulement de la journée, mais elle n'est pas femme à iGnorer la difficulté de pérenniser cette manifestation, se devant de fédérer le plus possible les viGnerons concernés. Certes, il y avait bien cette fois quelques absents et il ne nous appartient pas de dire s'ils ont tort ou raison, mais à titre personnel et sans connaître à coup sur toutes les raisons qui ont motivé ses absences, il semble que la force des idées, en cette année 2014, a provoqué un clivaGe tout aussi fort, qui, s'il se confirmait, mettrait en péril cette initiative récente, née en 2012 de l'idée d'un viGneron sincère, Jo Pithon, souhaitant croiser le verre avec tous ceux qui se destinent à produire bon. Alors, par St Georges, rendez-vous en 2015?...

Frédéric Porro et Stéphanie Ponson, à Argelliers (34)

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Au moment de partir en vacances, une conversation téléphonique permet àVincenzo Schipani, vino-pro-am calabrais bien connu, de l'Ardèche au Ventoux et au Pic Saint Loup, de me faire quelques suggestions de visites, à l'occasion de notre séjour en Languedoc. Des noms connus, parfois déjà listés et d'autres moins. De ceux pour qui la discrétion reste une constante au quotidien, additionnée d'une part non négligeable d'humilité, au regard des difficultés du métier de vigneron et d'une expérience accumulée au fil des ans et des vendanges. Même si, en l'occurrence, Stéphanie Ponson et Frédéric Porro essaient de pratiquer, chaque année, des mini-vinifications "laboratoire", afin d'accumuler du vécu en accéléré, agrémenter la consommation familiale et amicale (sans nécessairement que les amis deviennent des cobayes!) et contribuer à développer le Mas des Agrunelles, l'entité viticole que le couple a véritablement en commun.

016Comme d'autres accidentés de la vie, le quotidien de Frédéric Porro a basculé le jour d'un crash en moto, en 1984. Lui qui courrait et survolait les terrains de moto-cross de France et de Navarre, s'est retrouvé un jour dans un fauteuil roulant, cherchant à contrer ce destin et à rester maître de sa vie. Changer de cap, faire face, remonter la pente en quelques sortes. Dans les années 90, il s'intéresse aux vins, surtout en tant qu'amateur et déguste beaucoup de cuvées du Languedoc et de la Vallée du Rhône, par proximité si l'on peut dire, puisqu'il a vécu vingt-sept ans à Rochegude, commune voisine de Suze la Rousse. Ces diverses dégustations finissent par le laisser perplexe, tant il a l'impression de se trouver en présence de vins souvent alcooleux et très extraits, fruits d'une mode éphémère, comme il en apparaît de temps en temps. En 1999, il décide donc de suivre une formation viti-oeno et cherche au final à s'installer... mais sans vigne!...

Hasard du destin, il découvre un jour une carte météo diffusée par l'ACH 34, Association Climatologique de l'Hérault. Cette carte montre notamment les variantes thermiques pour le département. Or, le village d'Argelliers se situent au coeur d'une sorte de goutte froide qui, entre Pic Saint Loup et Aniane, offre des conditions quasi bourguignonnes.

Carte meteo

Pour résumer, il y pleut un peu plus qu'ailleurs, du moins vis à vis des environs immédiats et il y fait plus froid, avec des amplitudes thermiques très importantes entre le jour et la nuit. En effet, cette petite région se trouve à l'abri, tant du mistral que de la tramontane et les brassages d'air sont rares. Ainsi, en 2013, deux parcelles ont gelé le 28 mai!... D'ailleurs, on ne trouve ici ni oliviers, ni fruitiers, c'est dire!... Quelque peu atypique pour le Languedoc!... Sur le papier, c'est peut être tentant, mais l'histoire de la viticulture locale démontre que cela peut ressembler à un véritable défit. Dès les premières années de crise, c'est ici que furent arrachées les premières vignes, pour cause de rendements insuffisants pour les caves coopératives. Pour l'essentiel donc, une garrigue boisée sur du calcaire et des argiles, avec quelques parcelles dispersées, des petits îlots de cinquante ares à un hectare. La maison est une ancienne bergerie au bord d'une draille, au milieu d'une terre à moutons et à charbon de bois. Rude!...

015L'installation de Frédéric Porro remonte à 2000, avec pour objectif de proposer des vins buvables, faciles d'accès, sans être standardisés et issus d'une sélection de terroirs intéressants. Autres orientations : pas de macération carbonique, peu de sulfites sur les blancs et des vinifications sans sulfites pour les rouges. Quelques risques donc et parfois des volumes perdus, comme en 2009 et 2012, ou pour ce rosé 2013, qui leur échappe.

Pour avoir le statut d'agriculteur, il doit obéir à quelques exigences et acheter des vignes engagées en cave coopérative. Il n'en a pas moins pour objectif de produire une cuvée d'exception, La Marèle, qui aujourd'hui, mobilise 4 ha 30 de vignes de cépages divers.

De son côté, Stéphanie Ponson a travaillé notamment chez Didier Barral, avant de reprendre le domaine familial en 2004, le Mas Nicot, dont huit hectares sont destinés à une production en bouteilles en cave particulière, alors que les quatorze autres approvisionnent le négoce local. Frédéric arrache quelques arpents, replante ailleurs et finalement, au cours de ces premières années, multiplie avec sa compagne, ces fameuses expériences de vinifications, dans quatre ou cinq petites cuves, leur permettant d'acquérir un indispensable vécu, au moment d'arrêter quelques choix. En 2005, toutes les vignes sont sorties de la coopérative et peu de temps après, le couple créé une Sarl, principalement pour des raisons légales, le Mas des Agrunelles, sur un ensemble de 17 ha. Au début, deux cuvées sont proposées : une 100% carignan et une autre sur la base de l'AOC. Puis, petit à petit, quatre rouges vont composer la gamme : le premier 100% cinsault, le second 100% carignan, un troisième en AOC encore (syrah, grenache et carignan), plus un Vin de Pays, pour lequel du cabernet sauvignon complète l'assemblage précédent.

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La gamme est complétée par des blancs, dont Barbaste 2012 (gelée blanche en occitan), qui réunit de la roussanne issue d'une parcelle très calcaire, de la marsanne sur argiles gélives et du chardonnay sur une zone calcaire subissant souvent le gel également, malgré une taille tardive, fin avril. Pour ce dernier cépage, une partie des jus est fermentée en barriques. Autres blancs, Fleur Blanche, mais surtout Camp de Lèbre 2011, un pur carignan blanc, fermenté et élevé en cuve uniquement, avec une jolie matière dynamique à souhait. Une plantation assez récente, avec des bois trouvés à Faugères, Brignac, près de Clermont l'Hérault ou chez Xavier Ledogar, le tout dans des sols sur calcaires jurassiques, parcourus de petites failles comblées par des marnes ocres, assez riches et typiques des sols de garrigue du secteur. Du côté Mas Nicot, deux blancs encore, avec, en plus d'une première entrée de gamme, la cuvée La Valière 2012, 100% viognier, restituant joliment un terroir très frais à base d'argilo-calcaire plus profond. Pas plus de 11,5°à 12° en moyenne, un pH assez bas, mais une acidité totale élevée et surtout une expression originale, nuancée et délicate, qui ne cherche pas à copier les viogniers du Rhône. Particularité de la parcelle, elle est complantée avec du cinsault. En effet, dans les années 80, une tentative de surgreffage de ce cépage en viognier n'a pas été totalement couronnée de succès et, avec le temps, les deux variétés voisinent sans difficulté, mais sont vinifiées séparément.

013Le pendant rouge de La Valière, c'est la cuvée Les Mauves 2012, du cinsault vendangé en caissettes, éraflé (presque toujours), encuvé chapeau fermé. Un pigeur pneumatique dont on use délicatement et peu de remontages. Les fermentations durent +/- trente cinq jours. Objectif : permettre au raisin de s'exprimer et au terroir de restituer son originalité.

A suivre, une cuvée 100% carignan, Cariño 2011, puis Les Hauts de Perry 2010, pour le Mas Nicot, avec une dominante de syrah venant d'un plateau, plus grenache et mourvèdre, ce dernier d'une vigne orientée plein sud, mais nettement plus bas en altitude. Enfin, le haut de gamme de Frédéric, La Marèle 2010, une cuvée limitée à environ trois mille bouteilles et un assemblage de syrah, carignan, un peu de cabernet sauvignon et sans doute du mourvèdre un jour. Élevage en barriques de douze à treize mois, puis soutirage progressif des contenants, l'ensemble étant élevé en cuve pendant un an avant la mise et conservé en bouteilles. Le tout vient de parcelles sur calcaire pur, avec des expositions nord ou nord-ouest, d'où une sensation de fraîcheur s'appuyant sur une acidité soutenue.

Une gamme très large donc et pas moins d'une douzaine de cuvées bien positionnées, sur un total de 28 ha dont se chargent trois personnes, y compris Frédéric, grâce à un tracteur adapté et un fauteuil quatre roues motrices, pour quelques travaux en vigne. Ce dernier admet volontiers une expérience relative, sans vécu familial, mais il essaie de composer avec son organisme et sa sensibilité, qu'il tente de garder en éveil tout au long des saisons. Pour lui, il vaut mieux s'imprégner du vent, des senteurs qu'il véhicule, de la texture d'une terre, de la faune locale, de la chaleur d'une journée d'été, plutôt que de chercher à imprimer sa patte sur des cuvées si diverses soient-elles. Cuvées qu'il souhaite équilibrées et cohérentes, au travers d'assemblages de duos cépages-terroirs, en évitant une quelconque "marque Porro", comme on le dit parfois de célèbres vignerons rhodaniens, partis sous des cieux lointains, pour faire triompher un supposé style apprécié du plus grand nombre.

En quelques années, Stéphanie et Frédéric progressent sur tous les points qui leur semblent importants. Ils font face et apprennent de tous les excès de la météo, comme les 400 mm de précipitations lors des vendanges 2002, ou les millésimes pluvieux comme 1999 et 2004. Ils ont toujours en tête cette carte agro-climatique à l'échelle de Winkler, qui est un peu à l'origine de la création du domaine et qui, au final, leur donne beaucoup d'espoirs. Bien sur, tout n'y est pas inscrit, autrement qu'en filigrane peut-être, sur le contenu des millésimes et des années. Il y aura encore des 2013, avec ses vingt sept jours consécutifs de vendanges et la cueillette des carignan blancs et ugni blancs repoussée au 28 octobre!... Mais, ils semblent avoir trouver tous les deux un chemin dans la garrigue leur permettant d'avancer. Ils n'ont guère l'habitude de recevoir des visiteurs de passage, mais vous pouvez sortir des sentiers battus du Languedoc, d'autres étiquettes et d'autres parcelles de vigne, arrachées à la nature environnante, vous y attendent.

François Aubry, La Fontude, à Brénas (34)

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Quelque part, au bout du monde!... Brénas, petit village de cinquante âmes, porte d'entrée au levant du Haut-Languedoc. 450 mètres d'altitude en moyenne, beaucoup plus de brebis et de moutons que d'habitants, des châtaigniers, des céréales, des grands espaces... Nous avons rendez-vous avec François Aubry, au Mas Blanc. Dans le paysage, on aperçoit parfois les ruines d'anciens châteaux : Malavieille, Lauzières... Ces derniers servaient de péage, coupant la vallée en deux, entre le diocèse de Béziers et celui de Montpellier, découpage toujours en vigueur de nos jours. Entre Octon et Mérifons d'une part, où l'eau était rare et Brénas d'autre part, avec ses bonnes terres et  ses grands domaines. Jadis, ce dernier village était riche, avec moutons, châtaignes et céréales diverses. Un peu le pays de cocagne, vis-à-vis de ses voisins, connus surtout pour leurs terres à moutons, exploitées pour satisfaire l'industrie lainière de Lodève et la manufacture royale de Villeneuvette, près de Clermont l'Hérault. Tout ça avant que le lac de Salagou n'inverse peut-être la tendance de nos jours...

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François Aubry a rencontré sa compagne, Sophie Valin, sur le campus de la faculté de Montpellier. Lui est originaire du Centre et c'est l'environnement, la gestion des espaces naturels qui l'intéressent alors. Elle, parisienne, aspire à devenir vétérinaire. Diplôme en poches, ils passent par la Tunisie d'abord, puis la Bretagne, dans la presqu'île de Rhuys. Mais, avec un père bourguignon et une mère alsacienne, François a la vigne dans ses gènes, ou du moins dans la tête. Sophie souhaitant d'autre part se rapprocher de ses parents, venus s'installer dans la région, à l'heure de la retraite, ils prennent la direction du Languedoc.

En 2003, ils saisissent donc une opportunité de changer d'activité... et de région. Ils créent La Fontude. Le projet, sur une trentaine d'hectares, comprend la gestion d'une forêt, l'élevage de brebis et la production de vins issus de l'agriculture biologique (qui deviendront "naturels" très vite), en récupérant quelques parcelles de vignes. La vingtaine de brebis, toujours en plein air, participant à l'entretien de l'ensemble, notamment par l'apport de fumures indispensables, avec deux postulats de base : des animaux pour les vignes (récupérées en chimie pure et dure!) et pas de tracteur.

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Côté vignes, au début, guère plus de 1,5 ha, pour atteindre 5 ha aujourd'hui. Pour la plupart, des vieilles vignes (il y en a beaucoup à vendre en 2003, début de la crise viticole, quand les coopérateurs se maintenant tant bien que mal, restructurent leurs domaines et cèdent les vignes les moins productives, ou celles qui sont en Vin de Pays), certaines plantées en 1980 (grenache), voire en 1957, après le grand gel de 1956, pour d'autres et le plus souvent des cépages tels qu'aramon et terret bourret, voués à l'arrachage primé et destinés aux transferts de droits, pratique peu connue, mais assez active en Languedoc-Roussillon. Pour information, le système, quelque peu pervers, prévoyait au début des années 2000, des primes de l'ordre de 9000 euros/hectare pour arracher les parcelles, mais avec l'obligation de replanter cinq ans après. Bien sur, la replantation n'intervenait que rarement, faute de trésorerie suffisante à la date voulue et c'est là qu'interviennent les courtiers en droits, proposant notamment des transferts de ceux-ci vers le Bordelais!... Parfois, les nouvelles plantations étaient aussitôt cédées à vil prix. Pour illustrer l'évolution du vignoble de la région, en Terrasses du Larzac, reconnues officiellement par l'INAO depuis le 26 juin dernier, il y avait en 1993, à Octon, quarante-cinq coopérateurs et aucune cave particulière, alors qu'aujourd'hui, on dénombre dix domaines "indépendants" et moins de dix alimentant la coopérative.

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Le Mas Blanc, c'est un vieux hameau, daté du XVIIIè siècle pour l'essentiel, mais bâti sur des constructions apparues au fil des siècles et ce, depuis le XVè sans doute. Une des difficultés principales, pour ceux venus s'installer dans la région, c'est de disposer de locaux adaptés. Ainsi, pendant deux ans, les vinifications se déroulent à bonne distance, dans une vieille écurie qu'on leur prête et ce jusqu'en 2005, année de la construction d'un bâtiment aux mûrs assemblés de bottes de paille, sur un proche terrain acheté, par chance, avec la maison.

Au début de l'aventure, les vignes sont toutes situées sur Brénas et Mérifons, dans le bas de la vallée. Petit à petit, les parcelles et la surface sont devenues plus importantes sur Octon. Ceci s'expliquant notamment par les années plus sèches (2003 à 2007) et la particularité de cette zone du Salagou, la seule en France où l'irrigation est autorisée en AOC, pour des vignes en production. En effet, celles-ci sont plantées sur des plateaux, d'anciennes terrasses volcaniques, sur un sol de galets de basalte, d'un à dix mètres d'épaisseur et sur un sous-sol de ruffe, selon le terme local, qui donne à la terre sa couleur rouge. La plante ne pouvant trouver d'eau en profondeur, les vignerons et les maraîchers du site, sur une soixantaine d'hectares en bio, peuvent utiliser les différentes méthodes d'arrosage, du goutte à goutte au matériel divers d'aspersion, depuis que le lac existe, soit une quarantaine d'années. François Aubry use pour sa part d'asperseurs qu'il déplace pendant la nuit le plus souvent, provoquant l'équivalent d'orages (30 à 40 mm en douze heures), pendant la période du 14 juillet au 15 août, comme c'était souvent le cas naguère.

050Si les vignes sont en bio et enherbées depuis le début, il leur a fallu six à sept ans pour trouver leur équilibre et mieux se défendre des maladies. Une part d'herbe reste pendant l'été, mais les sols sont griffés au moyen d'une chenillette, plutôt que résolument labourés. Depuis l'hiver dernier, notez le passage progressif à la traction animale, sur certaines parcelles, grâce à un voisin et ami produisant par ailleurs de la spiruline (pionnier en France et leader européen en la matière!), passionné par le travail des chevaux. Deux jeunes femmes se sont également installées dans la région depuis peu, afin de proposer cette sorte de prestation, mais il s'avère que le travail des ruffes est parfois compliqué. Ce sont ce qu'on appelle ici des "terres du dimanche", dans le sens qu'elles sont parfois trop mouillées le samedi et trop sèches le lundi, mais qu'il n'est pas aisé de demander à un prestataire d'intervenir lors de son repos dominical!...

La dégustation nous permet d'apprécier les cuvées dans les millésimes 2012 et 2013, 10è et 11è vendanges, les deux plus belles années, de l'aveu même du vigneron - qui ne craint pas d'être taxé de producteur anachronique dans le contexte national - tant en qualité qu'en quantité et ce, depuis son installation. Jour de Fête 2013, 100% terret bourret planté dans ce secteur du Salagou, appelé Clos de l'Arnède par les coopérateurs locaux. Un hectare dans une zone partagée avec le Mas des Chimères, de Guilhem Dardé, dont 50 ares dédiés à la production de foin. Avec ce cépage, François Aubry atteint ce qui lui semble un rendement apportant les qualités et l'équilibre voulus au vin final, grâce à des vignes plus généreuses, lui permettant de presser moins fort. A titre de comparaison néanmoins, ce sont environ 2,5 tonnes de raisins qui sont ramassées ici, alors que le viticulteur précédent, sur la même parcelle, atteignait les sept tonnes!...

Une autre parcelle de terret compose la cuvée Amarèl, avec une majorité de carignan cependant, le tout assemblé en raisins et subissant une vinification traditionnelle. Foulé, égrappé, macération d'une semaine, écoulé et passé en barriques, dans lesquelles se déroule la fin de fermentation. Les jus restent sur les lies, parfois, un soutirage est nécessaire. Selon les années, léger sulfitage, tout comme pour le blanc (10 mg à la mise), même si en 2013, les deux cuvées ne seront pas sulfitées. Un très joli équilibre obtenu par un élevage, tendance oxydative, en demi-muids de plusieurs années, entre le carignan volontiers réducteur et le terret. Une association qui semble bien plaire au vigneron, au point qu'il ajoutera sans doute un peu de grenache au duo, lors des prochaines vendanges.

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Entremonde 2012à suivre, là encore un assemblage en raisins et égrappé, avec 50% de carignan, plus de l'arramon, du grenache et un peu de cinsault. Les deux premiers sont assemblés dans une cuve, puis un peu de jus du cinsault et le grenache pour finir. Macération de quatre à six semaines selon les raisins et l'année. Toute l'expression d'un terroir, les deux premières parcelles achetées dans le fond de la vallée, avec une tendance associant des arômes floraux et balsamiques, sorte de typicité d'un sol composé de galets de grès rose et de quartz, un peu comme en Alsace, par exemple.

Enfin, une parcelle de cinsault, parfois en macération carbonique, toute entière dédiée à la cuvée Fontitude. En 2013, une petite proportion de grenache et de carignan est associée au "pinot languedocien".

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François Aubry est pour beaucoup d'amateurs, un chantre des vins naturels. Mais aussi, quelqu'un qui sait où il va, composant cependant avec la nature et les éléments. Pour lui, tout est question d'équilibre et sur ses étiquettes, il n'a pas oublié d'apposer le portrait d'une de ses brebis. Équilibre de l'écosystème, équilibre dans sa vie, entre la vigne et le vin d'une part, la faune et la flore d'autre part, le tout se connectant. Bien connu de nombreux cavistes parisiens, davantage que dans sa propre région, si ce n'est la Cave St Martin, à Roquebrun ou au Chai Christine Cannac, à Bédarieux (il a vendu quelques quilles à Montpellier, alors qu'il était déjà présent dans moult wine bars à Tokyo!), notez qu'il fréquente aussi peu de salons et plutôt ceux qui réunissent la face nature des vins. Si vous séjournez dans la région, vous pouvez aussi lui rendre visite, en toute simplicité, ou le croiser, chaque jeudi soir de l'été, sur le marché d'Octon, aux côtés d'autres vignerons du cru d'ailleurs, comme Guilhem Dardé ou encore Graeme Angus. Au Salagou finalement, il y a tout!...

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Escapade valaisanne

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Le Valais viticole a battu, cet été, quelques records en matière de pluviométrie estivale. Ce vignoble de montagne, dont on doit rappeler qu'il bénéficie d'un climat sec (on dit parfois que les statistiques sont proches de celles de Marseille ou d'Alger!), a subi un pic de pluie qui n'a certainement pas manqué d'inquiéter sur les coteaux, de Martigny à Sierre et de Sion à Fully. Heureusement, les premiers jours de septembre sont en train de remettre du baume au coeur des vignerons du cru et parfois du Grand Cru. Comme dirait l'ami Olif, qui nous avait concocté l'essentiel du menu de cette journée : "C'est quand même beau, le Valais!"

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Puisqu'il s'agissait pour nous de franchir le col de la Forclaz (pas à bicyclettes, rassurez-vous!), autant franchir également la douane (presque) désertée du Châtelard dès le matin et prévoir ainsi un rendez-vous chez une vigneronne valaisanne que nous n'avions pas vue depuis plusieurs années. Marie-Bernard Gillioz est en effet installée, selon les termes même de la municipalité locale, dans un "écrin résidentiel", Grimisuat, sur les hauteurs de Sion, aux limites des communes d'Arbaz et d'Ayent.

~ Marie-Bernard Gillioz : "Dans ma vigne, il y a des cactus!"

C'est en 1992, alors même que nous découvrions en France les nectars de Marie-Thérèse Chappaz, que Marie-Bernard Gillioz lançait ses premières vendanges, comme le début d'une nouvelle aventure. Plus tard, en 2011, Libération.fr titrait sur son blog goûtu : "Une Suissesse peut en cacher une autre", citant les deux vigneronnes dans un quasi même éloge. Une célèbre revue consacrée au vin et à la dégustation, illustrant son site d'une bannière publicitaire dédiée aux 3 Suisses, aurait tendance à nous rappeler que d'autres représentantes de la viticulture du Rhône helvète interpellent régulièrement les amateurs, comme Fabienne Cottagnoud, mais aussi Madeleine Gay, par exemples, toutes membres passionnées d'une sorte de Team Viti Valaisan, autant de fortes personnalités, mais ne faut-il pas un caractère bien trempé, pour se faire une place au soleil, dans ce monde souvent macho?...

007Dans les starting-blocks, en vue de débuter sa 22è vendange (22 ans, l'âge de sa troisième fille), Marie-Bernard Gillioz n'a aucune peine à jeter un oeil dans le rétro de la création et de la vie de son domaine, créé de toute pièce, au terme de sa formation. Les premières années lui permirent de composer son patrimoine viticole, avec 1 ha d'abord, puis 50 ares de plus. Assez vite, elle passa à 3, puis 4 ha, le tout sur deux appellations voisines, Sion et St Léonard, avec leurs sols de schistes, les "brisés", le plus souvent, parfois des loess ou des éboulis calcaires et, pour l'essentiel, sur de vertigineuses terrasses, les parchets. Quelques terroirs de renom sont représentés, comme Corbassières et Mont d'Orge.

A ce stade et avec une telle surface aussi dispersée, elle se rendit compte que le travail nécessaire et exigeant risquait de lui jouer un mauvais tour... Trop de retard en permanence, une vie personnelle et sociale perturbée... Pour celle qui n'hésite pas à prendre la mer ou à partir en "expédition lointaine" afin de se régénérer, une randonnée estivale comme le Tour des Combins, lui permit alors de réfléchir posément. "Au retour, après une semaine, je savais ce que je devais faire." Elle cède alors quelques parcelles, revenant à 3 ha 35 environ, puis finalement 3 ha 60 aujourd'hui, après la reprise de quelques micro parcelles proches des siennes. Une forme de restructuration salutaire.

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Marie-Bernard Gillioz est aussi connue pour être passionnée de botanique et l'écosystème de ses vignes est pour elle une priorité. Elle fut naguère présidente de Vitival, l'association des viticulteurs valaisans en production intégrée et a adopté la méthode. Elle précise néanmoins que certaines de ses parcelles sont "en biodiversité", contrôlées pour cela et labellisées Vinatura. Parmi les contraintes imposées par ce label, il convient d'utiliser moins d'eau, moins d'intrants divers et moins de cuivre à l'hectare. Autant d'exigences qui ne font pas de ses raisins, des fruits issus de vignes en agriculture biologique, mais surtout parce qu'aux yeux de la vigneronne, les labels bios autorisent pour la plupart l'utilisation de produits très près des vendanges, ce qui a tendance à la laisser perplexe... Cette année, elle a cessé les traitements cuivre et soufre au 25 juillet, malgré les conditions météo particulières du millésime et espère que ses raisins vont tenir. D'une façon générale, son libre-arbitre revendiqué se limite à sauver la récolte, en employant un produit de synthèse, en cas d'attaque importante d'oïdium par exemple, comme ce fut le cas, voilà quelques années, sur le cornalin. A noter que Marie-Bernard n'emploie aucun engrais et laisse l'herbe pousser dans ses parcelles, ce qui, cette année, a apporté un surcroît de travail important.

005Bien sur, on ne peut passer sous silence la parcelle fétiche de la vigneronne de Grimisuat, Corbassières. 800 m² de chasselas, ou Fendant, sur un total de 1600 environ et pas moins de onze terrasses tortueuses (mais qui n'ont jamais tué personne, fort heureusement!), avec des mûrs de pierres sèches et des escaliers qui s'enroulent autour des rochers. Il faut un coeur gros comme ça, pour porter les caissettes sur son dos, lors des vendanges! Les porteurs sont bien assurés et surtout bien chaussés! Car, en effet, pas moins de cent quatre espèces végétales ont été recensées là, en 2010, au point que le Musée valaisan de la Vigne et du Vin proposa cette année-là, l'exposition "Dans ma vigne, il y a des cactus". Aie, aie, aie! Ouille! Hue! Un jardin extraordinaire, où les espèces menacées ne sont pas rares : l'Ephèdre de Suisse, le Muflier des champs ou encore l'Onoporde acanthe. Une parcelle ancienne (au moins soixante ans) coincée dans les rochers, en pleine ville de Sion. On y accède par un petit tunnel, encombré des stocks de lubrifiants divers du garage voisin, le long de la route cantonale de Conthey. Et soudain, le grand jour, un coin de paradis! Et gare aux épines des cactus! Les botanistes, archéologues, biologistes et constructeurs de mûrs en pierres sèches qui viennent ici, en restent bouche bée. Et Marie-Bernard sait se faire toute petite ici, face à cette nature qui se veut libre.

En attendant de découvrir ce lieu un rien magique une autre fois, découverte au caveau illustré, de quelques cuvées disponibles du domaine. Actuellement, on en compte pas moins de seize en bouteilles et d'autres sont encore en cuves. Pas moins de trois Fendant sont proposés, un pour chaque appellation et Corbassières, pour lequel il est aisé de trouver une manière de supplément d'âme... Autre cuvée vedette, cela va de soi en Valais, la Petite Arvine 2013, dont Marie-Bernard n'est pas peu fière, surtout parce que c'est le cinquième millésime consécutif qu'elle parvient à la produire sèche. Et ce, malgré le succès commercial des arvines contenant des sucres résiduels flatteurs, sorte de dérive qui atteint désormais les Fendant, y compris ceux que l'on consommait naguère, à la bonne franquette, pour leur perlant inimitable (mais pas toujours naturel). A noter que pour l'arvine, la fermentation malolactique est évitée, alors que ce n'est pas toujours le cas pour les trois Fendant.

006Autre blanc, d'assemblage cette fois, Orpin blanc, avec un duo de petite arvine et d'ermitage (la marsanne en France). Le plus souvent, un premier tri de ces deux cépages, ramassés tôt et pressés ensemble, dans le but de laisser les raisins restants se concentrer, en vue de vendanges plus tardives. Le tout est élevé en barriques. Parfois, la cueillette est si tardive qu'il faut protéger les raisons au moyen de filets. Ce fut notamment le cas pour l'ermitage, en 2010, finalement ramassé en février 2011, élevé en barriques jusqu'au début 2013, histoire de saluer comme il se doit les vingt ans de la cave. C'est la très rare cuvée Ephedra.

Du côté des rouges, l'Humagne 2013, plantée à proximité de la petite arvine et vendangée le 30 octobre, pour une mise en juin dernier, offre une jolie expression sur les petits fruits rouges et noirs. Toujours en cuves, le Cornalin de Sion 2013 sera en bouteille à l'automne, tandis que la Syrah de St Léonard 2013, issue de schistes moins profonds, est dotée d'un beau potentiel, ce qui caractérise globalement le millésime. A noter aussi, une cuvée d'assemblage, Garance, qui réunit chaque année les "soldes" de trois cépages rouges, humagne, cornalin et pinot noir. A noter, de plus, que l'utilisation de SO2 se limite à quelques petites doses à différentes étapes, mais seulement à partir de la deuxième fermentation. Les blancs sont plutôt protégés dès le pressurage.

Jolie série, quoi qu'il en soit, même si le timing du jour (et la raison des voyageurs en automobiles) nous impose(nt) de regagner Sion au plus vite, afin d'apprécier la table de Damien Germanier, qui a ouvert son restaurant au 33, rue du Scex, à l'été 2013, le tout en compagnie du couple Grosjean, ayant délaissé sa bonne ville de Pontarlier pour la journée. Une belle adresse pour une étape gourmande et une formule ouvrant de jolies perspectives, avec notamment une poêlée de chanterelles et de pieds de mouton du Pays aux artichauts, ou encore joue de porc confite et poitrine rôtie, laquées à l'orientale, choux-fleurs rôtis. Et j'évoque à peine le parfait glacé comme une piña colada et le sacristain à la menthe du dessert. Digestion dans les vignes oblige!...

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~ Marc Balzan : Chèrouche, le Valais au naturel ~

Il nous suffisait presque de remonter la côte, pour atteindre Argnou. La route serpente à flancs de coteaux. Une maison vigneronne, construite en 1984, à 504 mètres d'altitude, au bout d'une impasse, le chemin de Brohenne, séparant Chèrouche (sous le rocher, en patois valaisan) et Ste Madeleine, avec vue imprenable sur le coteau sur de St Léonard et la partie orientale de la ville de Sion. Marc Balzan, Français, Savoyard même et Andrea Grossmann, native de la région de Zurich, sont arrivés là en 2010, un peu par hasard. Depuis 2004 et même bien avant, Marc est passé par Genève, pour y être sommelier, puis caviste et enfin, suivre une formation en viticulture et oenologie. Il trouve un emploi dans le canton de Vaud, à Villeneuve, puis chez un vigneron valaisan (Mythopia), parmi les précurseurs en matière de biodynamie et même de vinification naturelle dans la région.

011Très vite, il vient au couple l'envie de produire des vins naturels, ce qui n'est pas sans interpeller dans le Valais. On peut presque parler d'exception! Après avoir compté jusqu'à 2 ha 30 de vignes situées à Fully (pas moins de trente minutes par la route!), Marc a gardé 0,4 ha sur les hauts de cette commune (plutôt des jeunes vignes et de nombreux cépages, lui permettant de proposer de nombreuses "spécialités", selon le terme employé en Suisse viticole), auxquels il faut ajouter 0,7 ha dans son village d'Argnou (Ayent) et notamment le coteau proche de la maison, planté de gamay et de pinot noir, composant la Dôle du domaine, dont on remarquera qu'elle est produite à 12 hl/ha en moyenne, ceci s'expliquant en partie par le fait que les vignes ne sont pas arrosées, même si le vigneron dispose des asperseurs (et paye l'eau qu'il ne fait pas couler!), contrairement aux pratiques de tous ses voisins, qui ne craignent pas les inconvénients de la méthode (sols pentus et ravinés). Pour information, il pleut en Valais environ 400 mm/an, alors qu'à Lausanne, c'est plutôt 1500 à 2000!... Bon an, mal an, il dispose d'environ 26 à 27 hectolitres de vin, ce qui ne l'empêche pas de proposer moult cuvées. A noter qu'il devrait rentrer du Fendant à l'occasion des vendanges 2014, des raisins issus d'une parcelle en bio, produits par deux vignerons installés dans le bas de la combe proche (Voos, selon le nom local), mais non encaveurs à ce jour. Un système que la législation suisse permet sur la base des "quotas" de production. Il est possible d'atteindre un rendement de 1 kg/m², au regard de ses parcelles, or Marc Balzan ne dépasse guère 400gr/m², ce qui lui laisse une marge de manoeuvre pour acheter des raisins. Un système que de nombreux vignerons français verraient d'un bon oeil et qui leur permettrait d'éviter l'adoption de statuts divers et variés.

Il fait presque chaud, malgré l'altitude et nous nous installons à l'extérieur, mais à l'ombre, pour une dégustation quasi exhaustive des cuvées disponibles, voire de quelques indisponibles. C'est un pétillant naturel (comment dit-on pet' nat' en patois valaisan?) à base de merlot, qui nous sert de mise en bouche, apte, qui plus est, à stimuler notre digestion. Type de vin extrêmement rare chez nos voisins suisses.

012Nous passons ensuite en revue les différents blancs, tous issus du terroir de Fully, sur des sols composés de dépôts éoliens (loess) sur fond granitique et d'éboulis calcaire. De très jolis vins, en premier lieu, avec le Chardonnay 2011 (mise en août 2012) ou, dans un autre style, le Chardonnay 2010, dont l'élevage s'est avéré plus long. Désormais, Marc essaie de garder les blancs deux hivers. Il faut noter la particularité de ces cuvées, dont les raisins subissent une petite macération sur peaux. La récolte se déroule vers la mi-octobre, ramassée en caissettes, foulée aux pieds, puis laissée dans un bac (pas plus de 12° dans la cave à cette époque de l'année), pour que "ça grouge toute la nuit"!... Le lendemain matin, pressurage des raisins entiers pendant six à sept heures, d'où ces incomparables arômes de peau et cette légère astringence, voire tanicité. En fait, tous les blancs du domaine suivent le même régime, ce qui leur donne une singularité gourmande et délectable, en même temps qu'un reflet original et une nuance de robe, que ne manqueront pas de remarquer les amateurs, au moment de mettre ces flacons à table, car il faut y voir de très beaux vins de gastronomie.

A suivre, un Sauvignon 2011 de montagne, dans sa plus originale expression. Un sauvignon venu de France semble-t-il, sur une parcelle de 1000 m², où le vigneron ne garde qu'une seule grappe par bois. Au final, guère plus de cent vingt bouteilles (de 50cl) chaque année, ce qui laisse une idée de l'extrême rareté de tels flacons. Le vin se situe à 13,2, soit légèrement au-dessus de la moyenne des degrés, au moment de la vendange, que le vigneron estime aux environs de 95° Oeclsle, soit 12,5°. Notez également que les rendements sont de 11 à 12 hl/ha, soit 400g/m², comme indiqué plus haut.

015Nous découvrons ensuite le Paien (ou savagnin) 2012, qui enchante Olif, celui-ci admettant au passage, qu'il n'a pas de souvenir d'un savagnin valaisan si proche de ceux de son Jura préféré. C'est tout dire!... Très belle Petite Arvine 2012, cépage qualifié de sensible par le vigneron, un écho que l'on perçoit régulièrement, dans la bouche des producteurs locaux. Pas plus de cent litres de vin au final, depuis plusieurs années, d'autant que cette dernière est récoltée après un premier gel. Enfin, découverte de Grisgris 2011, un pinot gris structuré et intense, qui a mis du temps à se faire, mais qui s'exprime joliment et longuement. Le "Vin de Noël" selon Marc, une cuvée qui vaut tous les cadeaux de fin d'année et qui mérite une belle gastronomie elle aussi. Enfin,Disette2012, un subtil trio de pinot gris, de chardonnay et de sauvignon assemblés au pressoir, vignes travaillées par le propriétaire, ne dépassant pas 10 hl/ha et vendange vinifiée et élevée par Marc.

La série des rouges se révèle tout aussi passionnante. En premier lieu, la Dôle 2011, élevée depuis peu, par le vigneron, au rang de "cru monopole Ste Marie-Madeleine", du nom de la chapelle toute proche, rejoignant ainsi les Romanée Conti, Coulée de Serrant et autre Château Grillet!... Place à l'humour!... Suivent, le Pinot noir Le Clos 2011, la Syrah Persane 2011, puis enfin le Merlot Grand Raye 2010 et 2011, montrant tous une belle pureté d'expression, une capacité d'évolution intéressante et donnant la sensation de disposer là de la quintessence de cuvées fidèles à chacun des millésimes. On imagine aisément ce que pourrait donner une dégustation verticale de chacun de ces vins. D'ailleurs, le vigneron d'Argnou aime bien, lui aussi, consulter ses archives!...

Un micro-domaine, dont il convient de découvrir le travail. Marc Balzan démontre au passage à quel point il faut construire une gamme, mais surtout qu'il est passionnant de faire avec la matière dont on dispose chaque année. Vouloir nécessairement trouver un style et chercher à le garder, années après années, comporte le risque d'engendrer une forme de monotonie, même si les amateurs se reconnaissent parfois dans une soi-disant typicité, ou la "patte" du vigneron. Pas de doute, la richesse, même en matière de dégustation, est dans la diversité.

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~ Olivier Pittet : investigations au Vieux Pays ~

Pas le plus connu des vignerons-encaveurs de Fully, c'est une certitude, mais certainement un des plus passionnés! Olivier Pittet n'est pas valaisan d'origine, mais il est installé du coté de Martigny et à Fully depuis plusieurs années. C'est aussi plutôt quelqu'un sachant rester sur la réserve, qui fut avant tout amateur de vin et de dégustation, partageant volontiers ses impressions sur les forums dédiés aux vins, apparus sur Internet, au début du troisième millénaire. Peut-être, certains de ses interlocuteurs se sont parfois amusés, lorsqu'il évoquait l'idée et son envie de trouver quelques parcelles et de produire de jolies cuvées. Mais, c'était sans compter son abnégation, portée par une véritable passion pour la vigne.

024Son premier millésime est officiellement 2006, même s'il disposait de quelques parcelles dès 2004, mais pour le moins dispersées, sur les coteaux (parfois hauts et pentus!) de Fully. Au total, actuellement, 6500 m² de vignes. Nous découvrons un ensemble de 2300 m², un peu au-dessus du coeur du vieux village, qu'il a pu réunir par trois achats successifs. C'est la première forme d'investigation qu'Olivier a organisé au fil des premières années, afin de rechercher des parchets parfois ceints de murs proches des siens.

Ici, les rendements peuvent être importants, puisque les gobelets à la valaisanne sont plantés à 17000 pieds/hectare au bas mot, système qu'Olivier trouve idéal pour ce qui est de l'insolation, malgré qu'il soit dispendieux en main d'oeuvre et qu'il convient de juguler les vignes. Les sols des parcelles du vigneron de Fully sont enherbés (malgré l'inconvénient de la concurrence sur les très jeunes plans) et l'herbe tondue, sans que les sols ne soient travaillés, d'une part parce qu'il n'est pas équipé, mais aussi pour préserver la pente naturelle. Inconvénient de taille, nous sommes là dans une zone qui subit des traitements par hélicoptère, pour lesquels Olivier ne désespère pas d'obtenir le non survol de ses parcelles, du fait de la surface qu'elles représentent désormais. Notez que depuis peu, ce mode de traitement utilise des produits homologués en bio, sur pas moins de 45 ha environ, dans la région de Fully.

Dans la partie que nous parcourons, Olivier Pittet s'est empressé d'arracher le pinot noir existant pour planter de la durize, un cépage rouge, spécialité de Fully et Leytron notamment, qui lui donne bon espoir de proposer des cuvées originales dès l'année prochaine 2015, peut-être dans l'esprit de ce qu'on appelait naguère le "rouge de Fullly". Dans la parcelle voisine, le vigneron procède par surgreffage. Dans quelques temps et pour certains cépages dès 2014, la gamme s'appuyant actuellement sur chasselas, gamay, arvine, ermitage et pinot gris, sera complétée par de la durize donc, mais aussi du païen et de la syrah.

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Autre aspect de la passion du vigneron, celle-ci faisant de lui une sorte de Sherlock Holmes des vignes, sa recherche assidue de la grosse arvine. Pour cela, il a arpenté toutes les vignes de Fully dès 2008, pour constater que, pour les producteurs locaux, ce cépage quasi endémique était considéré comme passé par pertes et profits de la viticulture moderne. Certes, quelques survivants, sous forme de treille le plus souvent, étaient encore identifiables, mais personne n'imaginait que cette variété participait, même modestement, de la réputation des vins valaisans. Au terme de cette période de prospection, Olivier Pittet identifie une soixantaine de pieds, parfois dans des parcelles de petite arvine. Il informe alors les instances locales, certain que chacun des responsables voudra soutenir la renaissance d'un tel patrimoine, mais cela ne viendra que plus tard (2012), après la parution du livre de José Vouillamoz et Giulio Moriando, Origine des cépages valaisans et valdôtains, qui déclenchera alors, l'intérêt d'un groupement de vignerons. Mais, entre temps, en 2010, Olivier a arraché une vigne de chasselas et planté de la grosse arvine, dont il avait fait, de sa propre initiative, multiplier les plants par un pépiniériste, non sans obtenir une autorisation spéciale, puisque la variété n'apparessait plus au catalogue des cépages locaux!... Quatre ans plus tard, le vigneron de Fully s'apprête à valider le fait qu'il soit bien le nouveau pionnier en matière de grosse arvine, en vendangeant ses premières grappes. Dès 2015, les tout premiers flacons ne manqueront pas d'interpeller ses congénères et certainement les amateurs de vins du Valais.

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Vu la météo du jour, nous préférerons la petite terrasse sous la tonnelle à tout autre carnotzet (le caveau de dégustation, en patois valaisan), afin d'apprécier quelques cuvées du domaine. Tout commence par un beau Fendant 2012, "passé par un vieux pressoir vertical que j'aime beaucoup, dans le sens qu'on a la matière à bout de bras... même si c'est parfois laborieux avec quelques rebêchages..."Élevage à suivre sur lies fines pendant un an, mise en bouteilles sans filtration, non chaptalisé bien sur, levures indigènes uniquement. Un peu l'antithèse des vins de ce type dans la région.

019Belle Petite Arvine 2012, assemblage de trois parcelles situées dans des secteurs différents, pressurées en grappes entières, très peu de debourbage, levures indigènes. Longue fermentation jusqu'en février, très loin des habitudes souvent express du Valais. "J'ai eu la chance de l'obtenir sèche, ce qui n'est pas évident avec ce cépage capricieux, tant à la vigne qu'au cours des vinifications. Ici, la malo est faite."Élevage en barriques usagées qui viennent de chez sa voisine, Marie-Thérèse Chappaz. Olivier y trouve une légère marque du bois, mais c'est somme toute très relatif.

Le troisième blanc, c'est Ocres 2012, dont la teinte et les reflets suggèrent un pressurage de rouge. En fait, un assemblage de 30% de gamay pressuré, de la marsanne (ou ermitage), du pinot gris et un peu d'arvine et de savagnin (ou païen). Très joli vin, sorte de passetoutgrain, comme le suggère Olif!... Dans un registre aromatique très original, avec une belle richesse. L'élevage en fûts apporte du volume et une belle longueur, que le gamay et l'arvine tendent à dynamiser. Des vins d'un très beau millésime, indiscutablement, et Olivier précise que 2013 est de la même veine. Le pays a été largement épargné, vis à vis d'autres vignobles européens. Les maturités étaient très tardives, mais la patience fut récompensée. Du côté des rouges, le seul Gamay, que l'on peut découvrir dans les millésimes 2012, puis 2010, en attendant durize et syrah à venir. Le plus souvent, 100% gamay, si ce n'était quelques grappes de cépages blancs. Encore une très belle personnalité et un beau dynamisme en bouche.

Une belle découverte donc, que ce vigneron sensible et attentif à son environnement, ce qui s'explique aussi par sa formation en agrobiologie, dans le cadre de ce qui est l'équivent de l'INRA en Suisse, puis par son passage dans une école d'ingénieurs en gestion de la nature. S'installant en Valais, ce genre de postes étant largement comblés, il a finalement trouver un emploi dans le tertiaire, à Martigny, où un aménagement du temps de travail, du type temps partiel annualisé, lui permet de faire face aux différents travaux de la vigne et du vin.

Au final, pour une même journée, trois approches pour une même viticulture régionale. Des approches différentes, même si les sensibilités des uns et des autres suivent certains fils identiques. De toute évidence, ces encaveurs proposent les vins qu'ils aiment, même s'ils n'ont pas le même vécu et le même recul, démontrant là, à eux trois que la sincérité et les convictions nous entraînent, nous autres amateurs, sur des chemins passionnants, de par leur variété. La diversité prouve encore que la volonté de certains, de tenter d'uniformiser, ne serait-ce que leur propre production, millésimes après millésimes, n'est pas l'option dont on rêve, verre en main. Mais, nous sommes bon nombre à le savoir déjà...


Vendanges 2014 : en short et en marcel?...

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La météo de la première quinzaine de septembre a donné du baume au coeur de bien des vignerons!... A y regarder de plus près, pas partout et le point d'interrogation dans le titre est donc de rigueur!... Si la Vendée, avec quelques autres contrées, n'a pas vu la moindre goutte d'eau depuis le 1er du mois, d'autres sont en train de battre de nouveaux records, en matière de pluviométrie!... Les journées en vigilance orange s'additionnent en Ardèche, Gard, Drôme, Hérault, Aude ou Bouches-du-Rhône, avec le retour des épisodes cévenoles. Pour la dernière huitaine du mois, un petit répit est annoncé dans toutes nos contrées, avec un retour du nordet salvateur, mais la bascule en octobre pourrait s'avérer difficile... Il va falloir foncer... quand cela s'avère possible et opportun!

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Les premiers échos nous viennent de Bordeaux et du coeur du Médoc. C'est Vincent Ginestet, du Château Boston, qui nous montre qu'il aborde (le 13 septembre) la période serein et confiant : "Bonjour de Margaux. A cet instant, nous n'avons pas encore décidé de la date des vendanges. Pour les merlots, cela devrait commencer vers les 22/25 septembre. Les analyses montrent une belle évolution et les dégustations à la parcelle sont très encourageantes. Les peaux sont belles, encore un peu fermes, le fruit se fait bien sentir et les pépins sont agréables. Même évolution pour les cabernets en très bonne condition. Pour le moment, les conditions sont très favorables, frais la nuit, chaud dans la journée, avec un peu de vent. Nous attendons avec confiance!"

Quelques mots ensuite, le 13 septembre également, de Joan Ramon Escoda, en "Catalogne nature", que je vous livre en franco-catalan dans le texte : "Commen va tout, pour ici en plain vendange. Cette année, c'est increible, beaucoup quantité et aussi bonne sainte. Je suis à la moitier de la récolte. L'anne prochaine, Laureano et moi, nous viendrons à"Vini Circus", nous avons été invités. Et nous sommes très content de venir. Super!!!!!! Je t'envolerai quelques fotos pendant tout la vendange. Santé et une embrassade. JR".

2Toujours Bordeaux et plus particulièrement Pessac-Léognan, avec Cyril Dubrey, du Château Mirebeau, au coeur de Martillac cette fois : "Oui, le beau temps est parmi nous. Mais, le vigneron en veut toujours plus. En attendant, la vendange des sauvignons blancs est terminée, réalisée en jour fruit sous le soleil : sur le jus, superbe acidité, gage de protection naturelle, déjà du pamplemousse. On attend que cela bulle, glougloute, mousse. Pendant quelques jours, on va se croire dans le Nord-Est (pas brésilien) mais champenois! Pour les rouges, il faut serrer les fesses jusqu'aux équinoxes, moment le plus tendu à Bordeaux, mais le potentiel qualitatif est là, en ne ressemblant à aucun millésime auparavant, si ce n'est 2014. Un millésime qui est passé par les cases chronologiques "précocité", "rétropédalage tardif estival", puis "effet turbo chaud été indien". Il est certain qu'une vigne en bonne tension tellurique-solaire est bien armée pour affronter cette climatologie : vive la biodynamie!"

Le 15 septembre, deux retours ligériens, avec Julien Bresteau, de La Grange aux Belles tout d'abord, presque sur le pied de guerre : "Grand nettoyage en ce moment! On démarre lundi 22 pour les premiers gamays et les grolleau les plus précoces, ensuite autout du 25/26, on fera les premiers passages de sec dans les chenins. Voilà pour la première semaine et après, on s'adaptera aux parcelles. Il y a du raisins, c'est sain, espérons que le temps soit là."

Non loin de là et le même jour, Antoine Sanzay, à Varrains, en Saumur-Champigny, croit en son étoile pour 2014 : "Quelques infos du domaine. Pour commencer, j'ai enfin du raisin! Après les deux années compliquées (grêle et gel). Le chenin dans "Les Salles Martin" est sain, aéré. La maturation se déroule bien, nous avons tout pour faire un joli millésime en blanc. Pour le cabernet franc, même chose, les fruits sont sains et mûrissent tranquillement. Je crois beaucoup en cette année."

En revanche, le mardi 16, les premiers échos venant du Grand Sud ne sont pas des plus rassurants. Je reçois ce message assez laconique du Domaine de Trévallon, cher àEloi Dürrbach : "Les vendanges s'avèrent compliquées, car il pleut souvent et il faut beaucoup trier." Le vigneron des Baux et de St Étienne du Grès n'est certes pas homme à s'épancher et à s'étendre en circonvolutions verbales, mais on devine qu'il fait quelque peu grise mine... A suivre!

sans-titreDeux jours plus tard, le 18, d'autres nouvelles nous arrivent d'Anjou, avec Christine Ménard, du Domaine des Sablonnettes, à Rablay sur Layon : "Pour notre plus grand bonheur, l'été indien s'est installée dans la région, avec des grosses chaleurs - 29° - et un ciel bleu à faire rêver! L'état sanitaire est très beau, les raisins bien avancés : nous avons fait un petit peu de groslot et chenin sec cette semaine. A suivre! La météo de la semaine prochaine est annoncée très belle aussi, avec des températures autour de 21°."

Tout près de là, à Beaulieu sur Layon, en droite ligne des vignes de Babass, Sébastien Dervieux nous envoie "un petit mot rapide! Je vais démarrer lundi prochain dans le grolleau, pour ensuite faire une tentative de pressurage de chenin (vers mercredi) destinéà ma bulle. Si l'essai est concluant, je termine cette cuvée. Viendra ensuite la petite parcelle de chenin (Joseph, Anne, Françoise) en sec... vers la semaine d'après. Enfin, les cabernet pour terminer. Grâce au beau temps, les raisins sont beaux, quelques vers de la grappe nous collent quelques fois des petits foyers de vinaigre, mais bon, par rapport à l'an passé, c'est de la rigolade!... La vigilance sera de mise comme d'habitude... En espérant que les orages de cette fin de semaine ne viendront pas bousculer mon programme (ce matin, il est tombé 4 mm, rien de grave) et surtout que nous n'ayons pas de grêle!..."

177Comme on peut le constater dans ces propos, tous les espoirs sont permis, sous réserve que des nouvelles rassurantes nous arrivent du Grand Sud-Est notamment, voire de régions plus au nord, touchées plusieurs fois par les intempéries pendant l'année. Au cours de cette même semaine, une conversation téléphonique avec Ludovic Engelvin, à Vic le Fesq, dans le Gard, laissait supposer qu'une bonne gestion et un peu de chance allaient être nécessaires pour certains. Pour sa part, il avait déjà tout ramassé depuis le week-end précédent!... Dans les vignes de la région de Sommières, le constat qu'il faisait alors de l'état sanitaire de parcelles alentour avait de quoi inquiéter. Même si tout cela dépend des caractéristiques des sols même, des cépages et des soins apportés aux vignes, tout au long de l'année. De beaux espoirs donc, mais après les deux années passées (sauf pour le Sud-Est justement!), on sent une certaine méfiance de la part des vignerons. Il est aisé de les comprendre!...

Christophe Beau, Domaine Beauthorey, à Corconne (30)

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S'il fallait citer le nom d'un vigneron, pour souligner à quel point il existe des personnages singuliers dans le monde de la viticulture, celui de Christophe Beau serait sans doute parmi les premiers de la liste des sélectionnés!... J'ai bien dit singulier, mais pas du tout exubérant ou excentrique. Si on dit de lui que c'est un citoyen du monde, il pourrait vous répondre, de prime abord, qu'il trouve ce qualificatif quelque peu prétentieux, mais, après réflexion, avec le fourmillement d'images qui ne manqueront pas alors, instantanément, de défiler devant ses yeux, la mention a des chances de lui convenir et de lui plaire. Pourtant, quelle que soit la contrée visitée - du Mexique au Chili, en passant par les USA, le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et l'Asie - il a toujours tenté de se fondre au coeur des sociétés et des collectivités qu'il voulait découvrir. Humanisme, ethnologie ou encore anthropologie, il y a sans doute un peu de tout ça dans les cuvées du vigneron de Corconne.

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Voilà pas moins de trente ans qu'il est installé là et que le Domaine Beauthorey sert de support à son activité languedocienne, devenue au fil des ans et des millésimes, quelque peu partielle ou partagée avec d'autres occupations et motivations. Néanmoins, en tout état de cause, la production de vins vernaculaires. Un terme pour lequel Hervé Bizeul a fait le pari sur son blog, dès 2012, que ce serait le prochain mot à la mode, mais ici, foin des modes, place à une autre réalitééconomique.

"J'ai tendance à dire que je n'ai jamais fait de vin. Je fais des expérimentations du vivant, du technique, du social et de l'économique à travers un alibi qui s'appelle le vin!" Il est possible d'affirmer sans crainte, que le jour où il débarqua à Corconne, il était encore loin d'imaginer qu'il serait vigneron. Néanmoins, il se trouve vite à la tête d'un premier hectare, un peu par hasard et de cinq, dix ans plus tard, en 1995. Aujourd'hui, c'est désormais plutôt six, malgré quelques mésaventures clochemerlesques (lire par exemple son premier livre sur le sujet, La Danse des Ceps, Chronique de vignes en partage, paru en 2009, aux Éditions REPAS), comme il en existe dans nombre de nos jolis villages. Notez que pendant près de vingt-cinq ans, malgré ses choix de l'agriculture biologique et de la biodynamie, il n'évoqua jamais la production de vins dits bio avec ses voisins et néanmoins collègues. Toujours la volonté de s'intégrer et de se mettre à l'écoute, autant que, d'un aspect plus pragmatique, garder la possibilité de solliciter de l'entraide et de l'échange. Construire une tour d'ivoire n'était pas dans les objectifs du vigneron!...

037Six hectares donc, dont deux sur Corconne même et sur la fameuse gravette. Ces vignes sont désormais à la charge de son fils, Victor, bifurquant certains jours, après ses études et son installation en tant que kiné (Domaine Inebriati, avec Hervé Guillard). Les quatre autres hectares sont situés sur Vacquières et des sols plus argilo-calcaire, même si ce genre de nuance de terroir n'est pas la priorité au domaine. Au total, une production de 20000 bouteilles environ, pour trois marques et autant d'entités séparées, au regard de la législation en vigueur. Pour un tiers de cette production annuelle, il s'agit de "vins sur mesure" pour la ligérienne Anne Leclerc-Paillet (Autour de l'Âne) qui, grâce à son activité de négoce, diffuse quelques cuvées gouleyantes à souhait.

Voilà ce qui a toujours fait "l'histoire" de Beauthorey. Le fil directeur de Christophe Beau, de tout temps, ce sont les partenariats au sens large, avec une touche d'économie sociale. L'aspect économique est d'ailleurs central, avec une dimension partenariale. Depuis la fin des années 80, c'est une sorte d'AMAP viticole (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) qui en est le moteur, notamment avec les "Cépatous", système permettant aux amateurs, parfois vendangeurs, de devenir co-propriétaires de ceps de vigne et finançant les besoins annuels... bien mieux qu'une banque!... Cette étape a précédé un partenariat du même genre sur le foncier avec des cavistes parisiens (Le Vin en tête).

Autre aspect important aux yeux du vigneron, le côté paysager de l'organisme agricole, avec une réflexion sur le terroir au sens large, dans une structure qui mêle la vigne, les abeilles, les arbres fruitiers, les légumes, etc... Une dimension qu'il développe au Chili depuis quelques années, avec les vins de Terroir Bogus (du nom de son chien, mort à seize ans en avril dernier, ce qui a valu une grande fête au domaine à la mi-juin, pour saluer l'acteur principal de ses écrits, inspirateur également du calendrier chiens de vignerons, publié voilà quelques années), vins vernaculaires s'il en est, qui ne sont pas destinés à parcourir le monde.

036Au Chili, il est installéà une quinzaine de kilomètres de Valparaiso, dans une sorte de collectivité agricole. Il achète également du raisin, mais la production ne dépasse guère 5000 bouteilles par an. "Là-bas, tout est assez différent. J'ai commencé par un peu me déshabiller de ce que j'ai compris ici... On y trouve une forte tradition viticole, avec notamment des cépages locaux, comme le païs et on y fait des vins dans des cuves en peau de vaches".

Une aventure dans l'hémisphère sud qui l'éloigne beaucoup du Languedoc désormais, où il ne passe guère plus de trois mois par an, au moment de la taille, puis des vendanges. Il faut dire qu'il est libre, Christophe!... Jamais, il n'aurait supporté de se laisser enfermer par une activité unique. Il écrit, il a créé des ONG, ce qui lui permet de garder quatre mois au cours desquels il fait tout autre chose et "de ne pas sombrer dans une sorte d'inertie au quotidien". Il est ainsi devenu un expert en matière de relations avec l'administration et la gestion des formulaires et échéances diverses. Pas impossible d'ailleurs que ses voyages au sein de diverses communautés et contrées, n'aient renforcé son flegme en la matière. On apprend beaucoup à fréquenter l'intrensigence de certaines autorités et cela, dans tous les pays. Néanmoins, il se définit comme paysan-vigneron, mais pas exactement dans les mêmes termes que pour son voisin Patrick Maurel, par exemple, capable de donner une dimension autarcique à son quotidien, ce que Christophe Beau n'aurait pu admettre. Et ce qui n'empêche pas aux deux vignerons de bien s'entendre, sur nombre de sujets.

"Vous auriez peut-être voulu déguster quelques vins?..." Nous voilà verre en main. "Ici, c'est plus facile qu'en Loire! Une année, il m'est arrivé de ne pas aller dans mes vignes entre le 12 juin et le 12 septembre! Pour une plante très domestiquée, ce n'est pas mal d'en arriver là, non?..." Il faut dire que le vigneron n'est pas un partisan des vignes corsetées et se dit peu perfectionniste. La plupart des parcelles sont conduites en gobelet et la plante court sur le sol.

039Un joli blanc pour commencer, issu d'une parcelle d'un hectare, plantée de cinq cépages voilà sept ou huit ans. Selon l'expression du vigneron, tout est ramassé les yeux fermés le même jour, malgré des décalages de maturités parfois importants. En fait, c'est la roussanne, quand elle est surmurie, qui donne le top départ de la cueillette. Fatalement, la clairette est rarement mûre et ce duo est additionné de bourboulenc, grenache et rolle.

D'une façon générale, les assemblages se font à la cuve et très longtemps, les raisins n'ont pas étééraflés. Un choix qui tenait plus à l'ignorance d'une autre alternative, qu'à une option délibérée en matière de vinification. A force de croiser d'autres vignerons, plutôt que les seuls coopérateurs de son village, il a donc élargi ses perspectives viniques.

A suivre, un rouge de 2010, association à parts égales de syrah et de cinsault, puis un autre millésimé 2012, contenant une bonne proportion de grenache, en plus des deux cépages du précédent vin. Enfin, découverte d'Ultime (2012?), issu de vignes contenant dix cépages différents, dont d'éventuels hybrides : carignan, cinsault, aramon, vieux grenaches, alicante, gros noir, terret gris, etc... Pour tous ces rouges, les macérations sont plutôt courtes et on peut ajouter qu'ils sont plutôt faits au feeling, ce qui ne surprendra personne. A noter que pour toutes les cuvées, un peu de soufre est utilisé lors des mises.

Christophe Beau n'est pas un amateur de dégustations structurées. "Je m'y ennuie même, et je préfère les dégustations contées!..." Rappelons néanmoins qu'il est présent en février, à Angers, aux Greniers Saint Jean, mais je crains que nous ne soyons nombreux à n'avoir qu'un souvenir relatif de sa présence discrète. C'est pourtant une occasion de parler de biodynamie avec lui, qu'il pratique depuis longtemps, mais il estime, presque à mots couverts, que son emploi a beaucoup évolué.

038"Elle est devenue parfois très "techniciste", alors qu'elle devrait rester dans le domaine de l'occulte, au sens noble du terme. Son développement a déclenché une sorte d'exploration permanente. Faut-il chauffer l'eau des dynamisations? Faut-il faire ceci ou cela?..." Indiscutablement, sa perception de l'activité de vigneron s'appuie davantage sur la résolution sensible des problèmes plutôt que technique. Pour lui, il y a des choses que l'on perçoit et que l'on transmet, au-delà de la stricte analyse scientifique, comme pour ce paysan chilien qu'on interroge à propos de la décision de lancer la vendange et qui l'explique par le fait que la feuille de vigne, en journée, est plus froide. Variation de nature de la photosynthèse?... Blocage des maturités?... Certains évoqueront un fonctionnement par trop intuitif et pour le moins empirique...

Au final, Christophe Beau se confie quant à ce monde du vin, qu'il connaît maintenant bien. "Une compétition pas toujours saine s'installe. Tout le monde veut son vin, sa petite étiquette et son nom dessus. Ça peut être important à un moment donné, mais, très vite, il y a un piège... L'objectif, c'est bien d'entretenir, de soigner un coin de terre et d'en vivre, pas d'avoir son nom partout... On est tous un peu piégés par ça, même vous les amateurs..."

Une conversation avec le vigneron de Corconne permet quelques moments de poésie, teintée de sensibilité pure - "Le chien est à la vigne, ce que le chat est à l'olivier" - et puis d'autres, plus surprenantes : "Les deux plus grandes boissons du Monde, en dehors de l'eau, c'est le vin de raisins et la coca-cola"!... S'en suit une démonstration de la suprématie du vin de raisins, boisson vivante, sur tous les autres et l'expression d'une forme d'admiration pour l'histoire et les inventeurs de la célèbre "boisson morte non dénuée de magie, à la qualité gustative très bien calée!..." On imagine aisément que ses amis peuvent être surpris, au cours de conversations amicales et de longues soirées verres en mains, même s'il confesse que les vignerons avec lesquels il partage complicité et empathie sont désormais assez rares, si ce n'est Michel Augé ou Jean Delobre, sans oublier son voisin Patrick Maurel. Mais l'homme n'est pas du genre à entretenir un long répertoire d'adresses et des relations superficielles. Pour le découvrir un peu plus, lancez-vous dans la lecture de son second opus dédié au vin : Pour quelques hectares de moins, Tribulations coopératives d'un vigneron nomade, toujours aux Éditions REPAS.

Pierre Boyat, à Leynes (71)

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Descendant de la montagne et des sommets alpins, la traversée de la France, longue et (pas trop) périlleuse peut aisément justifier une étape (faites une pause toutes les deux heures, nous suggèrent les panneaux autoroutiers!) dans les monts du Beaujolais. Nous voici donc sur les hauts de Leynes, à 425 m d'altitude précisément, au lieu-dit Le Bois de Leynes, avec vue imprenable sur d'autres monts, ceux de St Amour et de Juliénas. Tout autour de cette commune, d'autres noms bien connus : Chasselas, St Vérand, Chaintré, Vinzelles, Fuissé... Notez au passage que le vin de St Véran s'écrit bien sans le d final, car c'est l'ancienne orthographe de village (St Véran des vignes) qui fut choisie naguère pour l'appellation, celle-ci s'étendant sur pas moins de huit communes.

002Presque en haut de la côte, sur la gauche, une maison sur sous-sol, bien exposée, avec terrasse sur les vignes, a un profil typique d'habitation dédiée aux jours heureux de la retraite. C'est bien à cela qu'ils pensaient, Pierre Boyat et son épouse, lorsqu'ils décidèrent de la construire mais, ils ont emménagé un peu plus tôt que prévu.

Jusqu'en 2007, ils occupaient en effet la maison voisine, coeur d'un domaine de dix hectares pour lequel ils étaient en fermage (ou métayage), jusqu'au jour où se posa la question du passage en bio. Cela impliquait une légère hausse du prix de vente à la citerne, mais l'acheteur habituel refusa. Ils prirent alors la décision de s'installer sur les quelques vignes familiales, lesquelles basculèrent du même coup en agriculture biologique, après trente années de gestion conventionnelle par le père de Pierre. Et depuis, le voisin a lui aussi franchi le pas du bio!...

Près de la maison, quelques rangs de vigne. Du chardonnay planté en 2003, associéà une autre parcelle située plus bas, pour ce qui pourrait être un Beaujolais-Villages blanc, mais qui reste en Vin de France (cuvée Les Rennes). En effet, le domaine compte quelques parcelles sur St Vérand, Chânes et Chaintré, soit un total de 1,7 ha en production et 1,3 ha de jeunes plantes, dont certaines vont produire en 2014. A peine à quelques pas, du gamay composant la cuvée Bois de Leynes, vendangé le plus souvent avec une semaine de décalage, vis-à-vis des parcelles du bas, toujours plus précoces. Belle exposition sud, faisant face à celles au nord de Juliénas et St Amour... "C'est curieux, là-bas, les coteaux sont plus tardifs, mais ils vendangent toujours avant nous!..." souligne-t-il amusé. De la chaptalisation beaujolaise...

007Cette année, les premiers coups de sécateurs sont pour la mi-septembre et encore, dans les endroits les plus précoces. De mai et juin, le vigneron garde le souvenir d'un printemps sec puis, fin juin, la pluie est arrivée. L'herbe s'est mise à pousser, à pousser... Néanmoins, début septembre, tous les espoirs restaient permis, avec la météo sèche annoncée (et confirmée depuis).

Au domaine, les évolutions sages et réfléchies sont toujours au programme. Le souhait premier de Pierre Boyat, c'est de, semble-t-il, réduire l'impact de l'élevage en barriques, malgré l'aspect positif de la clarification des vins, que permet le contenant. Pour cela, il mise désormais sur l'augmentation des volumes. Justement, il a pu découvrir cet été, une petite annonce dans un magasin, proposant des petits foudres. Affaire vite conclue!... Ils sont désormais dans le sous-sol de sa maison (décidément bien étudiée!) et seront utilisés pour les blancs de la récolte 2014. Profitons-en pour rappeler que le vigneron de Leynes a opté dès 2007, pour la production de "vins nature", avec zéro intrant, donc sans soufre, y compris pour le St Véran, qui a cependant franchi, jusqu'à ce jour, le cap parfois périlleux de la dégustation d'agrément. Pas la moindre des performances, même si Pierre a du mal à croire que ce soit pérenne!...

Toujours sous la maison, un petit coin caveau nous permet de découvrir les cuvées disponibles. Il faut dire que, vu les volumes produits, il n'y a pratiquement pas de stocks des millésimes passés, même récents, si ce n'est en magnums. Le St Véran 2012 est tonique et frais. Il est issu de deux parcelles (dont une plantée en 1983 et la seconde louée à la commune) sur Leynes, dans le village, sur le coteau argilo-calcaire, au bord de la route de Solutré. Élevage d'à peine une année en barriques, mise en bouteilles en août 2013, sans filtration, comme c'est le cas le plus souvent, pour les vins de la maison.

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Un autre blanc ensuite, le plus jurassien des Beaujolais blancs!... Il s'agit de la cuvée Les Rennes 2013, proposé en Vin de France. 75% de chardonnay et 25% de muscat petit grain!... En effet, lors de la plantation d'une parcelle de dix ares, en 2005, le pépiniériste s'est trouvé en rupture de chardonnay, au point qu'il proposa au vigneron, presque contraint et forcé, de compléter de quelques rangs de muscat. Ce cépage fut ramassé"en surmaturité" et l'ensemble a été pressuré simultanément. Deux mises distinctes, pour tenter d'évacuer l'oxydation apparue à la mise, mais, en fait, rien n'y fit! Une touche pour le moins originale, même s'il n'est pas question d'associer ce vin à des fruits de mer et que sa robe évolue rapidement. A noter que le muscat sera dilué en 2014, puisqu'une autre parcelle de jeunes vignes de chardonnay sera associée à l'ensemble.

012Pour les rouges, deux cuvées de gamay, bien sûr. La première, Bois de Leynes 2013, récoltée près de la maison, est assez léger (11°) et d'une couleur peu profonde, conséquences d'une cueillette faite un peu dans l'urgence, au vu des pluies qui s'étaient installées, l'automne dernier. L'apparition de foyers de pourriture avait imposé un tri attentif. Ce vin souple, exprimant un joli fruit acidulé a été mis en bouteilles fin mai dernier et se situe dans un style gouleyant et frais, ne souffrant plus d'aucune trace de réduction.

Le second, Noir de Rouge 2013, mis en bouteilles fin juin ou début juillet, est un assemblage de trois parcelles situées plus bas dans le vignoble, réunies pour remplir une cuve béton. Il est doté d'un petit degré supplémentaire et d'une structure un peu plus affirmée, sans que l'on soit en présence de Beaujolais, comme on a pu en voir certaines années récentes. Pensez néanmoins aux magnums, tant ces deux cuvées sont accessibles et gourmandes dès maintenant, même si le deuxième a un petit potentiel de garde supplémentaire. Par essence même, un vin pour les casse-croûtes de ce bel automne, voire certains plats de la cuisine régionale!...

Pierre Boyat le dit lui-même : "Ce n'est pas toujours simple de composer une gamme avec si peu de vignes. Mais, on a quand même la chance de proposer quatre cuvées!..." Et on comprend mieux l'importance d'une récolte de qualité et de conditions climatiques confortables au moment des vendanges. Des pluies continues, survenant à ce moment crucial, peuvent non seulement réduire à néant les efforts de l'année, mais aussi compliquer sacrément les vinifications, sans parler de l'équilibre économique de si petites structures. Au stade où nous en sommes, fin septembre, gageons que le Beaujolais a retrouvé le sourire, malgré des journées très inquiétantes, plus tôt dans la saison, lorsque la grêle survenait sans crier gare, assommant les uns et épargnant quelques autres, dans une sorte de loterie funeste.

Vendanges 2014 : l'été indien!...

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Un vrai, un bel été indien!... Peut-être pas pour tout le monde!... Comme chacun le sait désormais, le Sud-Est a souffert de nouveau de quelques épisodes cévenols pour le moins actifs : 400 mm de pluie en quelques heures, notamment à l'est de Montpellier, voilà quelques jours!...

Néanmoins, il semble que la perspective de ces précipitations diluviennes ait incité bon nombre de domaines viticoles de la région à forcer l'allure, la plupart finissant les vendanges au cours du dernier week-end de septembre (27 et 28), voire dans la semaine précédente, lorsque cela était possible, notamment vis-à-vis des maturités recherchées. Après cette période intense, au cours de laquelle le vigneron se transforme parfois en manager hyperactif, organisant la cueillette, faisant face à d'éventuelles défaillances du matériel (un pressoir en panne à ce moment-là, cela peut mettre de l'ambiance!), faisant aussi des plans sur la comète (ah, l'année de la comète!) en prenant connaissance des qualités intrinsèques des raisins de l'année, d'aucuns cherchant des similitudes avec quelque millésime antérieur, mais ne les trouvant que rarement, on imagine aisément à quel point on peut être soulagé d'entendre les cuves de fermentations s'activer, alors que la pluie rince la toiture du chai, comme on passe au karcher les sols bétonnés du cuvier après la bataille, pour faire disparaître le sang des vignes. Et même si l'on sait que quelques amis se situant dans des vignobles plus septentrionaux, sont eux entrés, à leur tour, dans cette période de doute et de crispation, source néanmoins d'espoirs en des millésimes meilleurs.

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Et pour évoquer la météo de ce mois de septembre, il n'est que de consulter les statistiques publiées dans le quotidien Ouest-France, le 1er octobre dernier, pour se rendre compte à quel point les vignobles ne sont pas logés à la même enseigne, en cette année 2014. Certes, la seule partie sud du Grand Ouest dispose officiellement de vignes, le reste de la région étant supposé se situer au-delà de la limite nord de la culture de celle-ci, mais les chiffres sont pour le moins éloquents. Avec parfois vingt à trente fois moins de précipitations que la moyenne normale du mois en Pays de la Loire et des écarts de température de trois degrés avec les maximales, on se dit que l'on a là des conditions extrêmes, venant compenser certaines des difficultés du reste de la saison végétative. Même si, plus à l'est, d'autres ligériens n'ont pu sauver que l'essentiel, lorsque certaines périodes de pluie (et/ou de grêle) n'ont apporté que du trop plein, voire de la désolation.

Gageons que ce genre de considérations pourrait bien être à l'ordre du jour de l'Assemblée Générale des Vignerons de Bretagne, qui se déroulera en ce samedi 4 octobre à Vannes (56), tant les parcelles connues, comme celle de Quimper (avec 5 mm au lieu de 86,9 et + 3,5°) ou de Vannes (4,4 mm/60,2 et + 3,3°), ont pu produire dans des conditions exceptionnelles. On peut supposer que celles de St Suliac, non loin de St Mâlo et d'Agon-Coutainville, dans le Cotentin, toutes deux sur les bords de la Manche, sont aussi à même de proposer des cuvées hors normes, façon "millésime du siècle"!...

DSC01543Alors que les premiers retours étaient publiés ici-même, voilà deux semaines, d'autres nouvelles nous parvenaient du vignoble, notamment ligérien, mais pas uniquement. Le samedi 20 septembre, Marc Ollivier, Rémi Branger et Gwénaëlle Croix, pour le Domaine de la Pépière, en Pays Nantais, nous faisaient part de leur confiance : "Quelques petites nouvelles des vendanges entamées depuis déjà une semaine et demie. Pas besoin de faire un dessin : il fait beau, il fait même exceptionnellement beau. Matinées douces et sèches, après-midis chaudes et avec juste ce qu'il faut de vent. Après un mois d'août automnal, froid et arrosé, le soleil de septembre apporte une belle maturité du raisin. Les baies se concentrent et les sucres montent, les acidités restent élevées. Pas de gros orages attendus, nous poursuivons avec confiance. Du point de vue des équilibres, on peut peut-être rapprocher ce millésime de 2004. A suivre! L'équipe de vendangeurs a une belle énergie et l'ambiance est très bonne. Nous poursuivons la semaine prochaine avec notamment deux crus communaux : Clisson et Monnières-St Fiacre".

En provenance de Vouvray, c'est Julien Védel qui nous communique une première tendance ce même 20 septembre. Il travaille au Clos Naudin, avec Philippe Foreau, mais dispose aussi de quelques arpents dans l'appellation tourangelle. "Pour le domaine [Clos Naudin], comme un peu tout le monde en Loire continentale (versus l'Anjou ou le Muscadet, sans pousser jusqu'à Sancerre), la banane est de mise! Du volume, après deux années qui ont mis à mal les stocks, à cause du mildiou et de la grêle et surtout un beau potentiel grâce à ce temps depuis presque un mois, alors que la saison a été chaotique! Un début précoce qui nous a fait craindre le gel, puis un temps maussade, quelques épisodes de pluies abondantes nous obligeant à traiter les onze hectares à dos (le travail du sol intégral a parfois ses inconvénients), mais l'état sanitaire tenait bon jusqu'à ce que "l'été" arrive et ses petites pluies récurrentes, ce qui a occasionné une sortie de mildiou virulente! Les grappes ont vu un peu de rot brun, sans trop impacter la récolte. Par contre, le feuillage a un peu souffert, selon les secteurs. L'état sanitaire est variable, de très sain à quelques foyers de pourriture, les cuvettes avec de la perte à venir et les beaux terroirs avec des départs de noble, qui nous donnent  l'espoir de beaux moelleux/liquoreux. Début le 1er/10 ou le 6 avec une petite équipe, si le temps se maintient au beau, pour se donner le temps de couper tranquillement et d'attendre la concentration. Si l'état sanitaire se dégradait, on renforcerait l'équipe." Il complète ensuite en évoquant son propre domaine : "Chez moi, un peu le même topo avec quelques départs de pourri, dont je me passerais bien, ne voulant faire que des secs comme King Richard [Richard Leroy], toutes proportions gardées évidemment!"

blanc2Quelques jours plus tard, le même Julien nous faisait part d'une évolution soudaine : "La situation se dégrade avec des attaques de pourriture acétique/vinaigre qui font qu'on commence demain pour sauver les trois quarts des parcelles au lieu de lundi. J'ai le même souci et ferais un premier passage samedi. Ce soir, tout entre 12 et 13 de potentiel. Est-ce les fameuses suzukii!?..."

En Anjou cette fois, c'est Christophe Daviau, du Domaine de Bablut, à Brissac-Quincé, qui nous donne une autre tendance, le 21 septembre : "Les vendangeurs sont arrivés... Ce jeudi 18 septembre, les premiers coups de sécateurs ont été donnés! Nous avons commencé par le chardonnay, pour le Crémant de Loire. Ce sera tout pour cette semaine. Nous poursuivrons par le sauvignon blanc qui est particulièrement aromatique (fruits exotiques, muscat), puis par le grolleau destiné au Crémant de Loire et pour Topette, en macération carbonique. Les cabernets et le chenin blanc seront pour plus tard. Actuellement, nous les chouchoutons en fignolant l'effeuillage et en enlevant les verjus (grappes secondaires). Nous suivons leur évolution chaque semaine par des prélèvements réguliers, ce qui nous rend très enthousiastes, car c'est toujours aussi prometteur."

A Savennières, Tessa Laroche nous gratifie d'un message assez laconique le mardi 23 septembre, traduisant aussi l'inquiétude : "Ce week-end, ce fut un peu l'horreur, notamment dimanche!... Beaucoup d'eau en peu de temps et beaucoup de mal à s'égoutter. Mais là, tout rentre dans l'ordre avec le soleil et heureusement, il ne fait pas trop chaud!"

pip1Toujours très attendu, le compte-rendu d'Olivier B (24 septembre), en provenance du Ventoux, du fait notamment de la tendance météo actuelle pour le Grand Sud : "Allo Houston, ici le Ventoux. Pas sûr que l'on vendange en short et en marcel ici, dans le sud-est, tellement la météo se fait capricieuse depuis un moment. Après un printemps et un été relativement favorable au cycle de la vigne, le début septembre plus qu'estival laissait entrevoir une vendange entre 2012 (année classique des vingt dernières) et 2013 tardive. Cinquième année sans cuivre et seulement troi spoudrages sur les roussanne, j'ai finalement craqué et j'ai traité une fois et demi ma surface fin août, pour éviter de perdre trop de feuilles par le mildiou mosaïque".

"Les raisins sont bien plus gros que l'année passée (30% trop petit) à la faveur des orages hebdomadaires des mois de juillet et août. Cela a amené l'ODG a demandé une augmentation de rendement à l'INAO, de 52 à 60 ou 65 en rouge et blanc. Mort de rire quand, cette semaine, on reçoit une autorisation d'enrichissement. Pour moi qui dépasse rarement les 30 hl/ha à la souche présente, ça n'a évidemment aucune incidence. Le souci, c'est que depuis quinze jours, on regarde tomber la pluie au moins deux fois par semaine et à coup de 70 mm par ci, 10 par là, avec peu de vent ensuite. Je ne sais pas bien où cela va nous mener... Les grosses grappes, trop grosses à mon goût, se gorgent d'eau et les degrés potentiels régressent par effet de dilution."

blanc3"J'aimerai que les blancs tiennent jusqu'au 4 octobre (20 septembre habituellement), mais la charge important de grosses grappes entremêlées me laisse pensif... En rouge, c'est la même, certaines grappes restent roses et quand on sait que l'on vendange souvent deux semaines après les blancs, cela nous ramène à 2013, vers le 20 octobre et des vinifs pas terminées avant les tournées et autres salons de novembre. Bref, aucune certitude, mais c'est bien pour que chaque année soit différente que je persiste à aimer cette passion... Yalla, la suite dans une semaine ou trois..."

A suivre, le CR millésimé 2014 de Benoît Tarlant, en provenance de Champagne, le 25 septembre : "C'est bien la première fois que je t'écris sur les vendanges à posteriori. Soit on est en avance, soit tu es en retard... ou bien les deux".

"L'année fut plutôt sereine, les maladies qui, habituellement nous mènent la vie dure, étaient cette année en retrait. Assez peu d'oïdium et pas de mildiou de saison. Il est apparu à la fin sur les brous sans trop de dommage. Et même s'ils ne sont pas passés loin, les Champenois ont évité les gros orages symbolisant l'année et frappant nos confrères plus au sud. Quels que soient les cépages de Champagne, la montre était belle et la constitution des raisins s'est confirmée par la suite. 2014 est une année à raisins. En avoir, c'est bien, qu'ils soient beaux est la finalité".

"Les soins des travaux d'été comme l'écimage, d'effeuillage oriental, de tonte et autres joies estivales étaient particulièrement importantes pour obtenir des raisins sains et mûrs à la fin du cycle, malgré un mois d'août particulièrement frais. Et septembre est apparu avec ses belles journées chaudes (trop?) et ensoleillées. Les vendanges ont battu leur plein au 15 septembre sur toute la Champagne. La chaleur des jours et nuits, la fragilité de certaines baies, le nombre de raisins accrochés et la présence de drosophiles autour des cagettes empêchaient de prendre son temps. C'est donc un rythme soutenu au pressurage qui a permis de rentrer quantité et qualité. Au premier nez, l'expression des jus est franche, sur le fruit, avec du goût et de la netteté. La tenue dans le temps, avec des perceptions acides différentes en fonction des terroirs fera le reste. On testera tout cela après les fermentations, mais vu le potentiel initial et la beauté des raisins, il y a tout pour faire un millésime intéressant."

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Un petit retour àMargaux, avec Vincent Ginestet, qui se lance le 29 septembre : "Nous avons attaqué les merlots ce matin. Les degrés sont bons sans être trop élevés (14°), l'état sanitaire impeccable, pas de botrytis. Les peaux sont à maturité optimale, cela devrait faire de bonnes cuves de merlot! On fait tout pour!..."

Enfin, un petit mot de Catherine Delesvaux, le 30 septembre. Dans le Layon, les perspectives sont très encourageantes : " En cette veille de début de vendanges où le temps semble s'accélérer, tout va pour le mieux, mais nous conservons les doigts croisés. Il peut se passer tellement de choses pendant ces semaines à venir. Beau temps général, des brouillards matinaux depuis la semaine dernière (botrytis cinerea, lève-toi!), nuits à 10°, jour à 24°, soleil, temps sec (sauf lundi matin, mais c'est bien). Que demander de plus?... A suivre donc!... Une pensée pour les collègues que la météo n'a pas épargnés".

Ne reste plus qu'à espérer que la bascule météo qui se profile à l'ouest ne viennent pas trop bousculer les vignerons, dans leur quête du meilleur. A suivre!...

Ivo Ferreira, Domaine de l'Escarpolette, à Arboras (34)

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Fin juin en Languedoc, on peut espérer en temps clément!... Rendez-vous au coeur du village dès le début de la matinée avec Ivo Ferreira, pour découvrir le Domaine de l'Escarpolette. Juste le temps de prendre un café et un croissant sur la place de Montpeyroux, avant l'heure convenue. Un appel au téléphone, c'est Ivo : "Je suis un peu en retard, mais il fallait que je passe dans les vignes, il est tombé de la grêle hier soir... et je ne sais pas ce que cela donne... j'en ai jamais eu..."

018On peut parler de chance sans doute, mais le jeune homme confesse aisément qu'il n'en a pas manqué, de par les rencontres qui ont marqué sa vie de jeune vigneron, même quand il est tombé dans un traquenard, non loin de là, alors qu'il avait oeuvré pendant plusieurs années, avec passion et énergie. "Alors, cette grêle?" Pas très agréable de rendre visite à un vigneron qui aurait juste fait le constat qu'une partie de sa récolte vient de disparaître sous l'orage... "Ben écoute, rien... C'est incroyable!" En fait, la nuée semblait très localisée, même si nous constaterons plus tard dans la journée, qu'elle a quand même fait quelques dégâts au Petit Domaine. De petits grêlons mêlés à la pluie constatés dans le village, ce qui ne pouvait qu'inquiéter les habitants, qui en ont été quitte pour une bonne frayeur. Du coup, nous montons rassurés jusqu'àArboras, la commune voisine, un peu plus haut sur les coteaux.

C'est là qu'Ivo Ferreira retape une vieille maison de village adossée à la garrigue et qui va lui offrir une superbe vue sur le vignoble. Il pourra d'ailleurs surveiller aisément le déplacement des nuées menaçantes et aussi évaluer le risque. Très vite, nous partons pour un petit tour des parcelles, offrant d'apprécier toute leur variété. Certaines proches de friches, sur le coteau, d'autres plus bas, dans la plaine et sur des éboulis calcaire, comme ces cinquante ares de cinsault, la première parcelle trouvée lors de son installation, mais aussi la plus éloignée de la cave, même s'il dispose aussi d'un peu de terret, sur Aniane.

Tout laisse à penser que le vigneron d'Arboras a désormais trouver l'endroit où se poser et ce depuis 2009. C'est d'abord comme sommelier qu'il découvre la restauration dite de qualitéà Paris, puis finalement les vins naturels. Il croise la route de Jean-Marc Brignot, fait les vendanges 2004 dans le Jura et participe aux vinifications du domaine cette même année-là. Il passe l'hiver à Arbois (presque comme une expérience en terre inconnue!) et envisage, dans un premier temps, de faire sa formation viti-oeno à Davayé (71).

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Au final, il décide de rejoindre sa famille dans le Sud-Ouest, certain de laisser la restauration pour le vin. Il opte pour une formation à La Tour Blanche, au coeur du Sauternais, au cours de laquelle il effectue un stage au Château Le Puy, avec Jean-Pierre et Pascal Amoreau, devenus depuis des amis, des maîtres, des exemples... Il y reste quatre ans et demi et y rencontre Céline, sa compagne et cousine de Pascal. D'autres options se présentent à lui (Bourgogne, Champagne...), mais le couple part au Chili pendant trois mois, avec l'idée de s'y installer, sans réussir à chasser l'envie de voyager. Finalement, ils continuent leurs pérégrinations autour de la planète et finissent par revenir dans le Sud-Est, Céline travaillant sur un film de Ridley Scott (c'est une monteuse bien connue dans le cinéma), dans le Lubéron.

Ivo pense alors avoir pris le recul voulu et le temps de réfléchir à son installation. Il enfourche sa moto et part dans le Roussillon, à la recherche de vignes, puis en Corse, où il rencontre Antoine Arena, ce dernier le surprenant quelque peu lorsqu'il lui demande notamment quelques précisions à propos du mildiou, inconnu au domaine!... Il découvre ensuite Montpeyroux, travaillant dans une priopriété de St Jean de Fos, qu'il doit finalement quitter.

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Aujourd'hui, le domaine compte environ quatre hectares et Ivo propose pas moins de cinq rouges et deux blancs, sans oublier "une sorte de Porto, pour faire un semblant de soleira avec mourvèdre et grenache", histoire de garder le fil de ses origines.

La série se décline comme suit : La Petite Crapule, expression de mourvèdre auparavant, devenue un "rouge de pique-nique" vinifié en macération carbonique, composé d'un carignan trentenaire et de jeunes vignes de grenache. A suivre, L'Escarpolette, des vieux carignan, des vieux cinsault et un tout petit peu de syrah, quant à elle vinifiée également en carbo très courte de cinq ou six jours maximum. En quelques sortes, le porte-étendard du domaine. Ensuite, un trio de belles cuvées, sorte de tiercé gagnant de vinifications se voulant originales et non dénuées d'esthétisme, comme le laisse apparaître leur dégustation. Trois exercices de style sur la base de cépage unique : de vieux cinsault pour Jeux de mains, des vénérables carignan pour Les Vieilles et un merlot trentenaire pour L'Enchanteur. Du plaisir d'apprécier la diversité languedocienne des Terrasses du Larzac!...

017Pour les blancs, Ivo a tardé pour en proposer, sans doute en partie pour être certain de trouver son équilibre, lui le funambule, terme identitaire proposé par Olivier Lebaron, sur son blog Show Viniste et qu'il revendique d'ailleurs, certain que chaque année, les vignerons sont souvent sur le fil du rasoir. Le Blanc de l'Escarpolette est-il vraiment blanc, d'ailleurs?... D'aucuns le classeraient volontiers dans la gamme des vins orange. Des blancs de macération certainement, puisqu'une bonne partie des cépages composant la cuvée a suivi ce process : dominante de muscat petits grains, du terret gris, du grenache blanc et un soupçon de grenache gris, avec désormais un petit volume de grenache noir en pressurage direct, pour la Ivo's touch. Du grand art!... Le genre de cuvée avec laquelle on s'enfonce dans son fauteuil surrounded!... Un truc qui vous fait voyager en cinémascope, mieux que Transavia!... On s'attend, de plus, à entendre rugir le lion de la 20th!... En plus, Ivo propose maintenant un autre blanc. Tiens, il aurait pu l'appeler comme ça! Pour l'heure, c'est La Petite Pépé, un blanc de noir 100% grenache, qui ne manquera pas d'inspirer certains de ses confrères et amis du Languedoc, comme François Aubry, par exemple.

Le Domaine de l'Escarpolette fait partie des domaines du Grand Sud-Est qui ont apporté quelque chose d'innovant dans le vignoble, ces dernières années. Les vins portent l'énergie du bonhomme, sa passion et sûrement une partie de ses doutes, parce qu'il n'est pas vigneron à s'appuyer sur des pseudo-certitudes. Peut-être est-il aussi influencé par son approche, même très personnelle, du milieu artistique? Là, rien n'est jamais acquis et l'oeuvre, fut-elle créée avec le coeur et les tripes de l'artiste, ne gagne pas forcément l'estime des passionnés. Mais, Ivo Ferreira ne manque pas d'interpeler ceux qui découvrent ses vins, notamment par la présence de superbes étiquettes originales, sortes de signatures calligraphiées de ses créations. Remarquez, cela tombe bien, puisqu'elles sont justement nées de l'imagination de Marie-Christine Enshaïan, première femme admise dans les ateliers japonais de calligraphie et par ailleurs, spécialiste et restauratrice de tableaux, notamment ceux de Picasso. Pour un peu, on se surprend à effleurer le papier choisi pour les étiquettes... Des vins que l'on touche du bout des doigts, mais que l'on ne déguste pas du bout des lèvres, tant ils nous régalent!... Notez que nous ne sommes pas les seuls, tant cette production franchit désormais les frontières, notamment pour le Japon, où les amateurs, cavistes et restaurateurs le vénèrent quasiment!... Profil de star!...

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