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Channel: La Pipette aux quatre vins
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Bonne Année 2014

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Au terme d'une année, on fait parfois un petit bilan des douze derniers mois. Parce qu'on se dit aussi que certaines choses doivent évoluer, voire résolument changer. On voudrait oublier ce qui a grincé, zapper les jours où on a manqué de courage, jugé les autres trop facilement, manqué de patience avec ceux qu'on aime et qui vous le rendent bien. Bref, on a envie d'être meilleur, de partager plus, d'écouter mieux et... de ne plus avaler toutes les couleuvres que certains agitent sous notre nez!... Et quand se présente une année électorale, chacun aura vite compris ce dont je veux parler en ce Jour de l'An 2014!...

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En Vendée, quand ça nous gratte dans le bas du dos, on passe trois ou quatre textos, on sort la pirogue du garage et on part faire quelques runs le long de la côte, dans les embruns de la houle, entre Les Sables d'Olonne et St Jean de Monts!...

A midi, on grille quelques langoustes sur la plage, avec force citron vert et punch coco. Nos muscles endoloris nous poussent à regagner l'eau tiède. Quelques flacons de Fiefs Vendéens circuleront jusqu'à la nuit. Au coucher du soleil, les surfs glissent sur les vagues... Clic! J'ai rêvé là?...

Quoi qu'il en soit, je vous souhaite à toutes et tous une très belle année 2014 - ia orana i te matahiti api, en tahitien - et une bonne santé. Soyez vous-même en toutes circonstances, en attendant de partager quelques belles heures, verres en main sans doute!...


Château Boston : un Château neuf à Margaux!...

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Voici une autre rencontre que je dois à une conversation avec Christophe Landry, du Château des Graviers, à Arsac. Découvrant en sa compagnie le site exceptionnel du Poujeau de Perrain, où il a implanté quelques parcelles de vigne et installé ses chevaux, ainsi qu'un troupeau de vaches jersaises, je ne manquai pas de lui faire remarquer qu'à mon sens, il ne devait pas exister beaucoup de sites, voire d'écosystèmes, comme celui-là dans le Médoc. Instinctivement, il me répondit par l'affirmative, en m'indiquant qu'à sa connaissance, du côté de Boston, sur la commune de Soussans et non loin du village d'Avensan, chez Vincent Ginestet, il y avait là un autre endroit hors normes.

Ginestet, un nom qui ne peut laisser indifférent tout amateur de vin et de dégustation, surtout parmi les "dinosaures de la bloglousphère", comme les geeks du troisième millénaire aiment à les surnommer, lors des longues soirées passées à croiser le verre. Ginestet, une famille, que dis-je, une dynastie qui s'appuya sur le pionnier et visionnaire Fernand, qui en 1897, s'implantant sur les célèbres Quais de Bacalan, à Bordeaux, impulsa une incroyable histoire familiale, au point que ses descendants devinrent propriétaires de Château Margaux, le Versailles du Médoc dit-on parfois, entre 1950 et 1977.

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Au terme de cette décennie 70 pour le moins difficile, avec des millésimes comme 1972, 1973 et 1974 notamment, les Ginestet doivent se résoudre à vendre la propriété, pour revenir vers des affaires plus pragmatiques et moins prestigieuses. Parmi le patrimoine familial, une entreprise spécialisée dans l'équipement automobile, dont le grand-père de Vincent est propriétaire et dans laquelle celui-ci s'investit, jusqu'à en devenir directeur général jusqu'en 2001.

Mais, Vincent Ginestet se définit avant tout comme un Médocain pur fruit!... De ceux qui marchent dans la campagne en levant les yeux vers le ciel pour observer ce vol d'oiseaux migrateurs ou le regard rivé devant ses chaussures, voire ses bottes, afin d'identifier les traces de lièvre dans la terre brune. Chasseur, pêcheur sans doute, bon vivant, franc du collier, hâbleur parfois, comme savent l'être les Bordelais certains jours, mais nourri de cette atmosphère propre au Médoc, où la pierre blanche de l'Histoire côtoie les palombières et où le bruit fantôme des calèches du XVIIIè sur les pavés de Margaux ou de Palmer, rivalise aisément avec le bruit des hélicoptères utilisés par certains visiteurs prestigieux.

Pourquoi Boston? Que l'on ne prononce pas à la façon de la ville américaine, sauf peut-être sur la Côte Est, qui s'est entichée de ce tout jeune cru. Ici, Vincent Ginestet venait naguère avec son père, pour chasser ou ramasser des champignons, dans ce qui n'était alors qu'une prairie d'une trentaine d'hectares. Mais, les anciens du coin le disaient souvent : "Ici, quand il y avait de la vigne, on faisait bon!..." Et c'est ainsi qu'est né ce superbe projet : planter cabernet et merlot dans cet espace hors normes.

Il s'agit donc là d'un des plus anciens terroirs de Margaux. Un lieu unique, une lentille de graves formée par les dépôts du fleuve ancien, où se concentrèrent de façon assez exceptionnelle, des cailloux venus des Pyrénées pour l'essentiel et un peu du Massif Central. Aujourd'hui, le fleuve est à cinq ou six kilomètres à vol d'oiseau et rien ne laisse supposer que l'on soit sur un terroir à ce point hors du commun... sauf quand on commence à le parcourir à pieds!... Tout autour, au-delà des limites de cette prairie, il n'y a que sable et argile. Nous sommes là aux limites de l'appellation Margaux, dans un secteur reclassé.

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Le fil historique de ce terroir était donc perdu. Pourtant, il apparaissait dans la Guyenne cartographiée de Pierre De Belleyme, à la fin du XVIIIè. Plus tard, il figurait également sur le cadastre napoléonien de 1826. Il faut dire qu'entretemps, en 1814, le Général Palmer s'était porté acquéreur de ce qui allait devenir un 3è GCC en 1855, sur la commune de Cantenac. En 1938, un consortium composé de quatre familles du négoce bordelais (dont les Ginestet) rachète la prestigieuse propriété aux Frères Pereire. Mais, la crise des années 30 et la guerre qui se profile, accélèrent le destin du secteur de Boston, pourtant planté depuis très longtemps, mais qui est jugéà l'écart et un peu lointain du Château Palmer lui-même. L'ensemble est donc vendu à un maquignon, qui s'empresse d'arracher la vigne pour y faire pâturer ses vaches. L'actuel chai du domaine servant alors d'étable.

En faisant l'acquisition de cet espace, au tout début des années 2000, Vincent Ginestet émet l'idée d'y replanter de la vigne. Il consulte notamment le président de l'AOC Margaux de l'époque et sachant la période favorable (révision en cours ou juste terminée, suite à la demande du Château d'Arsac), malgré quelques querelles intestines, il est de la dizaine de viticulteurs du cru qui obtiennent satisfaction et le reclassement de leurs parcelles. Malgré les difficultés pour obtenir des autorisations voulues, le vigneron de Boston plante dès 2002 et 2003. Pas moins de douze hectares devraient composer le cru, c'est l'objectif à moyen terme. Aujourd'hui, une partie de l'ensemble est exploitée par le Château Durfort-Vivens (2è GCC) de Gonzague Lurton. De plus, Vincent Ginestet, voulant financer sa croissance en toute indépendance et en dépit de son bon sens paysan, caractère fièrement revendiqué, s'est résolu à céder trois hectares de vignes au Château Rauzan-Ségla (2è GCC également) en 2010, se recentrant sur cinq hectares en production actuellement. Au cours de récentes démarches, afin de réajuster certaines délimitations de parcelles, le vigneron a sollicité l'avis éclairé de l'ingénieur ès-cadastre de l'INAO, lui demandant s'il pouvait solliciter un reclassement en Margaux d'un secteur pourvu de grosses graves pour le moins spectaculaires. Celui-ci fit preuve d'un sens de l'humour certain en lui répondant :"En Margaux non, mais en Châteauneuf-du-Pape, vous pouvez!..." C'est dire la richesse en minéral du secteur!...

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La zone est donc exceptionnelle à plus d'un titre et pour le moins drainante, avec moins de 2% d'argile sur la propriété. Il est donc facile d'y intervenir malgré d'éventuels orages, tels qu'en connaît la région. La plantation a permis de retrouver le profil historique des parcelles et de constater aussi que certains secteurs se devaient d'être "restaurés", tant ils étaient "exploités" par les anciens propriétaires, n'hésitant pas à prélever des graves destinées à leurs bâtiments, comme s'il s'agissait d'une carrière. Il faut dire qu'on en trouve sur plusieurs mètres d'épaisseur!...

A la vigne et au chai, Vincent Ginestet n'a pas hésitéà solliciter quelques "pointures" de la plus récente génération, en matière de conseillers : Éric Boissenot, installéà Lamarque, intervenant également dans de nombreux grands crus médocains en qualité d'oebologue-conseil et David Pernet, un spécialiste bien connu des sols et terroirs. Il faut dire qu'en la matière, rien n'est simple tant ces sols dispensent une énergie qu'il convient de canaliser, ou du moins, d'en analyser la force et réagir en conséquence. Si l'ensemble est plantéà 80% de cabernet sauvignon (notons qu'une des plus belles parcelles de Château Margaux, la croupe Campion, ressemble fort à ce terroir de Boston et est aussi planté de ce cépage), les 20% restant le sont de merlot, qui a parfois du mal à trouver sa place dans un terroir si reposé et généreux. Pas de cabernet franc, qui se plaît davantage dans les zones argilo-calcaires, plus proches de la rivière. En moyenne, les rendements ne dépassent pas 40 ou 41 hl/ha.

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Les choix en matière de culture sont guidés par ce que propose la biodynamie, "sauf pour ce qui est trop dogmatique", confie-t-il. "C'est pour cela que j'ai tendance à dire qu'on est au plus près du bio..." La méthode semble donc apporter des réponses au domaine, pour ce qui est des sols notamment, mais pas, selon le vigneron, pour ce qui est de la lutte contre les insectes. Ainsi, si aucun herbicide ni systémique ne sont utilisés, des fongicides de contact peuvent l'être si nécessaire, ainsi que les pesticides dédiés à la lutte contre la flavescence dorée (arrêté préfectoral en vigueur en Gironde), dans la stricte limite de la molécule permettant de lutter contre les larves, au moment le plus opportun. D'autre part, les traitements à base de cuivre sont pratiqués de façon attentive, au moyen de mélanges de sulfate et d'hydroxide, dans des dosages différents selon la période de l'année. Enfin, un semis d'orge va être effectif dans les rangs dès que possible.

Au chai, ce sont des cuves inox tronconiques qui composent l'essentiel du cuvier. Un choix surtout motivé par une plus grande facilitéà maintenir l'hygiène voulue. De plus, il plaît au vigneron de croire que la forme des cuves encourage de meilleurs échanges, lors des quelques remontages pratiqués. L'élevage en barriques (40% de bois neuf) se prolonge le plus souvent pendant dix-huit mois. A noter qu'à l'origine, deux vins composaient la gamme du domaine, dont un second, le Croquis de Boston, qui a désormais disparu, conséquence sans doute de la cession en 2010, des trois hectares exploités désormais par Rauzan-Ségla. Seul le Château Boston porte désormais les couleurs du cru. Dégustation minimaliste au domaine d'un échantillon du millésime 2012, que Vincent Ginestet considère d'ailleurs peu représentatif (sic!), mais qui propose cependant une belle dynamique. A revoir donc, dans d'autres circonstances peut-être!...

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Il ne faut donc pas perdre de vue que ce domaine en est au tout début de son histoire. Après tout, le propriétaire a acheté des friches et propose désormais du Margaux en à peine dix ans!... Son amour-propre et son envie le poussent sans doute à produire un vin qui soit à la hauteur de ses illustres voisins, mais il est bien placé pour savoir que des origines génétiques haut de gamme ne conduisent pas forcément à l'excellence du jour au lendemain. Dans cette nouvelle aventure, ce château tout neuf, il mesure certainement l'ampleur de la tâche, chaque jour que Dieu fait, mais on peut penser que la magie d'un tel terroir ne peut que le réjouir en retour et pour l'avenir. C'est simplement une question de patience et, sans doute, de conjonctions d'expertises.

Domaine du Jaugaret : le St Julien nature!...

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Beychevelle. Pas le château, le village. Il faut quitter la célèbre D2 et tourner le dos au fleuve. Un petit bourg qui ne semble résonner, de temps à autre, que du bruit de quelques tracteurs ou d'un volet qui claque. Juste au sud, Gruaud-Larose, Branaire-Ducru, Beychevelle. Au nord, Glana, Ducru-Beaucaillou, Talbot et les Léoville, Barton et Poyferré. On s'amuse à l'idée que, dans les parages, on ne doit pas causer souvent de vins naturels!... Au cours des quarante dernières années, si l'on en croit les statistiques de l'INSEE, la commune de St Julien-Beychevelle a perdu près de la moitié de sa population, passant de 1216 en 1968 à 683 en 2009. On se dit alors, qu'avec tous ces partants, une proportion non négligeable de la mémoire collective de cette partie du Médoc est sans doute perdue... Et, en particulier, du vignoble. Ça tombe bien, nous avons rendez-vous avec Jean-François Fillastre, du Domaine du Jaugaret, dont la famille est présente ici depuis le milieu du XVIIè siècle, à l'époque même où la contrée va devenir vignoble aux carrosses rutilants, plutôt que marécage parcouru par des bergers sur leurs échasses, sous l'impulsion des Hollandais, sollicité par Henri IV. Le commerce, notamment maritime à destination du nord de l'Europe, va contribuer ensuite à donner ses lettres de noblesse à la région et à ses vins.

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"Continuez dans la rue principale, je vais vous attendre au bout de la rue..." Celle-ci fait le tour d'un petit pâté de maisons dans lequel se situent le chai à barriques et le cuvier. Là, il faut bien comprendre que c'est aux dimensions du domaine, sorte de deux pièces avec cuisine, celle-ci contenant deux cuves tronconiques en bois et le pressoir vertical. "Oui, c'est bien avec ça que je fais mes vins, ce n'est pas là pour décorer!" En quelques sortes, la dimension bourguignonne du Médoc, comme le suggère Éric Asimov, "chief wine critic" du New York Times et fan de Jaugaret!... Celui-ci n'ayant pas hésité, dit-on, à conseiller aux jeunes amateurs américains, lassés de certains GCC de Bordeaux, de boire du Jaugaret, s'attirant au passage, les foudres de certains de ses collègues!...

Jean-François Fillastre a fêté ses soixante-dix printemps en 2013. Bon pied, bon oeil, malgré les années qui passent. Sans doute le doit-il un peu à sa jeunesse sportive, lui le décathlonien et surtout perchiste (à l'époque où on sautait au-dessus d'une corde et atterrissait dans un tas de sable, d'où quand même, quelques faiblesses dorsales aujourd'hui, peut-être!...), qui fut également pensionnaire du Bataillon de Joinville. Exerçant longtemps le métier de souffleur de verre, il a repris le domaine familial en 1983, au décès de son père, au moment où son activité professionnelle commençait à péricliter. C'est qu'il était hors de question que les sept ou huit parcelles composant 1 ha 32 de St Julien ne quittent le patrimoine familial, pour aller grossir, un tant soit peu, le parcellaire de quelque grand cru du coin!... Même si aujourd'hui, l'incertitude demeure, pour ce qui est de l'avenir de ce micro cru, sachant qu'une reprise dans la famille reste privilégiée... et espérée.

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Ceci dit, ne vous y trompez pas! Le vigneron de Beychevelle ne vit pas en ermite cloîtré dans son chai. Il reste attentif aux évolutions, même s'il exprime clairement son sentiment, teinté d'une pointe d'amertume : "C'est aberrent de créer un cahier des charges pour une AOC, qui empêche la production de vin naturel!..." Attentif aussi, parce qu'il connaît bien ce monde du vin médocain : "Les gens sont parfois un peu mythomanes dans le coin..." Avis renforcé par les quelques rencontres qu'il a pu faire dans l'arrière-cuisine de certains très grands crus de la région, ne serait-ce que lorsqu'il s'y rendait dans l'espoir d'y acheter quelques barriques "déclassées". Autant de souvenirs des us et coutumes de la région qui confinent parfois à l'anecdote croustillante, dont les visiteurs sont parfois friands!...

Pour illustrer son ressenti, il évoque volontiers ce qui s'est produit à propos de l'agneau de Pauillac. A l'origine, il s'agissait de revenir à une tradition qui permettait de revoir les moutons dans les vignes. A une époque, déjà lointaine, les agneaux faisant quelques dégâts sur les pieds en mangeant les pousses tendres, ils étaient donc nourris par la brebis à la bergerie. On établit donc, sous l'impulsion de quelques restaurateurs bordelais, un cahier des charges très strict pour déterminer l'AOC souhaitée de tous, en déterminant notamment un âge et un poids minimum pour les agneaux. Quelques temps plus tard, on se rend compte et on admet volontiers, qu'il vaudrait mieux qu'ils soient un peu plus âgés et un peu plus gros pour les vendre. Et c'est là que l'on constate que la réglementation, somme toute nouvelle, est devenue immuable!... Impossible d'en changer les termes!... Résultat : plus personne, ou presque, ne fait de l'agneau de Pauillac AOC!...

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Lors de mon passage au domaine, je suggère donc au vigneron d'aller faire un tour dans les vignes. Après tout, ici, pas besoin de puissant 4x4 ni de jumelles pour distinguer l'extrémité des rangs, mais, Jean-François Fillastre, pourtant chaudement vêtu et coiffé d'une casquette fleurant bon la marine de pêche de l'estuaire, doit estimer qu'il est un peu tard... A la place, il s'arme d'un verre et de deux outils collector, que l'on ne voit plus guère souvent : une pince à fausset (ou tire-fausset) et une assette de rabattage. En effet, les barriques du millésime 2011 sont "bonde de côté" et donc, trois d'entre elles ont été percées afin de permettre, par une technique qu'il convient de maîtriser, d'extraire un peu de vin en cours d'élevage. Las! Après de multiples tentatives sur les trois barriques, le tire-fausset quelque peu usé par les années et sans doute contrarié par l'humidité ambiante, ne fait pas son oeuvre. "Ben tant pis, vous ne goûterez pas!..."

Si l'élevage habituel est d'environ trois ans, le 2012 ayant été soutiré récemment, il est possible de le découvrir - "vous allez y gagner au change!" - par l'intermédiaire d'un échantilon restant. Après une première approche très... nature, l'aération dans le verre lui est profitable. Le 2010, dégusté dans la foulée, garde un joli fruit et une spontanéité des plus intéressantes. Bon an, mal an, Jaugaret, c'est 3 à 5000 bouteilles. Avec 2013, c'est un peu la cata et guère plus de 1500 sans doute!... "Certains pleurent parce qu'ils font un quart de récolte en moins, mais moi, je n'ai fait que le quart d'une année normale!" Entre la coulure, le millerandage, le mildiou et au final, de la pourriture, il n'y a pas de quoi se réjouir!..." Mais, le vin, au stade actuel, n'est pas sans inquiéter le vigneron. En effet, à part le fait qu'il n'y en ait que six barriques (achetées à un grand cru, gardées dix ans, puisqu'il ne recherche pas le boisé), le jus a peu de couleur et une structure pour le moins légère... Il n'est pas sans se poser des questions quant à son évolution. Pourtant, les vendanges (manuelles et en famille) furent assez tardives. "C'est peut-être mon premier millésime catastrophique!" se remémorant au passage 1977 et quelques autres, rares malgré tout, depuis sa reprise du vignoble. Cependant, le vin est plein de petits fruits rouges assez gourmands. Affaire à suivre!... Une illustration de ce que pourraient être les millésimes successifs, si l'évolution technologique n'avait fait son oeuvre dans le noble Médoc, pour le meilleur et pour le pire...

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Les sept ou huit parcelles sont donc plantées surtout de cabernet sauvignon, d'un peu de merlot, de quelques vieux malbec en foule avec un soupçon de petit verdot. Cette dispersion le contrarie, "parce que cela fait autant de voisins qui ne travaillent pas comme moi...", mais cela lui permet aussi de disposer de quelques micro-terroirs de St Julien. Ici, pas le moindre désherbant, des traitements au minimum et les labours juste ce qu'il faut. Le seul soufre utilisé, c'est la pastille qui brûle lors des soutirages. Aucun autre sulfitage. "Un poison que je ne veux pas utiliser!" s'étonnant au passage des doses autorisées pour les liquoreux, "très largement supérieures à celles admises pour les rouges (150 mg maxi), alors que l'on considère qu'au-delà, le vin est impropre à la consommation!..." La vendange est égrappée mécaniquement (seule concession au progrès), puis mise en cuve pour une macération plus ou moins longue. Un pressoir à cliquet est utilisé pour obtenir les presses, toujours assemblées au vin de goutte. Collage au blanc d'oeuf, aucune manipulation chimique pendant tout le cycle.

Jean-François Fillastre est donc le tenant d'une certaine tradition et restitue une authenticité qui tend à disparaître inexorablement. Pas moins de deux ou trois de ces "petits domaines" de St Julien arrêtent cette année, parfois sous la pression de certains grands crus, désireux de récupérer les parcelles qui, parfois et selon eux, font tâches!... Mais, le vigneron est un adepte des plaisirs simples, comme un repas de fin de vendanges réunissant famille et amis, au cours duquel, les convives apprécient tel ou tel millésime pour son exacte expression, sans commentaire dithyrambique et sans volonté de hiérarchiser à tout prix les années. "Ce qui compte dans un vin, c'est l'harmonie."

Lorsqu'on évoque avec lui ces articles parus dans le New York Times, il est surtout amusé, un rien flatté - "ça n'a pas du plaire à tout le monde!" - mais on peut y lire entre les lignes les interrogations de tout un chacun à propos de telles micro-structures. Éric Asimov parle de "ces domaines bourguignons qui n'existent plus... Et à Jaugaret, que va-t-il se passer?..." La question nous taraude aussi. Pourquoi avons-nous passé tant d'années à ignorer la part d'humanité qui habite de tels vignerons et illumine le vignoble?...

Vous pouvez aussi relire l'article consacréà"l'anti médocain des châteaux" dans Le Rouge et le Blanc n°74 ("Té! Je n'ai pas de leurs nouvelles depuis longtemps!...), ou encore ici ou .

Un salon pour se mettre dans la pente!...

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Comment? Vous partez dans les Alpes le week-end prochain, pour une escapade sur les pentes neigeuses, dans le but de vous oxygéner quelque peu après les fêtes et en pratiquant, ski de piste, de randonnée, de fond, voire balade en raquettes ou encore raid en traîneaux à chiens?... Bonne idée!... Du coup, vous pouvez prévoir, avant de vous attaquer à la dernière rampe, une petit pause à Chambéry qui propose la 2è Biennale des Vins de Montagne et de Forte Pente, du 18 au 20 janvier, au Centre de Congrès Le Manège, histoire de changer l'eau de votre (longue) route en vins pour votre séjour sportif et gourmand.

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Il est nombre de vignobles de montagne dont on peut admirer les coups d'oeil qu'ils proposent, en même temps que les difficultés qu'ils inspirent vite au visiteur lambda. Dans ce genre de paysage, on imagine aisément, mais sans doute pas totalement, les difficultés auxquelles les vignerons de montagne peuvent être confrontés. Au hasard de nos séjours, le plus souvent touristiques, nous rapportons des images de Banyuls et Collioure, de Jurançon, de Martigny et Sierre, en Valais, de certains grands crus entre Colmar et Strasbourg, de la Moselle allemande, du Val d'Aoste, de Cinqueterre, en Ligurie, de la Côte Rôtie et de la montagne de Séguret, des rives du Léman, de Château-Châlon, du Priorat catalan voire du coteau des Treilles, cher à la famille Pithon, sur les rives du Layon.

On imagine sans effort tout ce qui réunit cette communauté de vignerons, qui doit inévitablement faire preuve d'imagination pour continuer à planter et entretenir la vigne sur des parcelles défiant parfois la gravité. Chenillard plutôt que tracteur, treuil ou cheval, voire mule pour travailler les sols, vendanges pour le moins sportives... Bien sur, ces mêmes vignerons évoquent parfois, presque jalousement, ces paysages de lever ou de coucher du soleil, avec vue imprenable sur le lac ou le fleuve dans la vallée voisine et le silence qui parfois, leur saute aux oreilles, comme une évidence acoustique. Tout ce qui leur permet d'avancer, de nourrir leur passion, lorsque les difficultés se présentent, avec la certitude de disposer en ce foehn, d'un alliéà nul autre pareil.

Climat de montagne. Une caractéristique mieux connue désormais, que beaucoup considèrent comme la possibilité de produire les vins nouveaux du XXIè siècle. Presque un juste retour des choses, lorsqu'on apprend que certains coteaux, bien connus et longtemps entretenus avant le développement d'une certaine mécanisation et l'impact de l'exode rural, sont replantés et leur production ré-analysée, tant la mémoire collective avait zappé quelques épisodes. Ainsi, l'hypothèse d'un réchauffement climatique et les degrés naturels qui parfois s'envolent, ont poussé certains vignerons, en Espagne notamment, à se pencher sur les archives et à interroger les anciens. Ainsi encore, Olivier Rivière, venu en Rioja et qui maintenant, remet en valeur des vignes à mille mètres d'altitude en DO Arlanza, confiant d'ailleurs qu'il n'a rien inventé, puisque le grand négoce de Rioja s'approvisionnait naguère dans ce secteur, pour y trouver des vins plus frais. On peut également citer l'exemple de René Barbier et de ces grenaches de la cuvée Espectacle, récoltés sur les plus hautes terrasses de Montsant, sans oublier quelques versants nord pentus de Catalogne française cette fois, ou des blancs secs défient désormais les plus célèbres chardonnay.

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Vins de montagne!... Parlons-en à table aussi, notamment de ces deux Savoyards qui ont du répondant en bien des circonstances. Ainsi, Les Alpes 2009 du Domaine Belluard, un vin de Savoie issu du très rare cépage gringet et qui là, répond admirablement à une préparation de praires farcies, dont le beurre d'herbes (persil, estragon et ciboulette) se voit enrichi de poudre de noisette, de parmesan et de petits dés de pata negra. Un joli poivre, de la fleur de sel et un beurre demi-sel de Noirmoutier vous montrent les sommets!...

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Des vins souvent prêts à relever les défis de quelques associations parfois audacieuses. Ainsi, cette carbonnade à la flamande, où rien ne devait manquer, ni la cassonade, ni le pain d'épice et la moutarde forte, ni le vinaigre de Banyuls et encore moins la bière adéquate pour toute cuisson patiente et douce. De la bière aussi à table, mais également une mondeuse de la Côte Pelée, de Jean-Yves Péron, vigneron à Chevaline, qui nous propose cette remarquable cuvée en Vin de Pays d'Allobrogie. Un pur régal!...

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Quelques belles découvertes en perspective donc, à Chambéry le week-end prochain, avec des vignerons savoyards et du Bugey tout proche, mais aussi du Valais et du Val d'Aoste voisins, de Banyuls, du Jura, du Jurançon et quelques autres régions. Et au retour, n'obliez pas de nous raconter le vertige des vins de forte pente!... Juste de quoi vous entraîner en vue des Jeux Olympiques du calendrier des salons qui se profilent, pour la fin janvier et le tout début février, de Montpellier à Angers et Saumur.

Du haut de ces pyramides...

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... combien de millésimes nous contemplent?... Une variante non labellisée de cette célèbre phrase soi-disant prononcée par Napoléon, qui n'était d'ailleurs que le Général Bonaparte, entre 1798 et 1801. De plus, certains reprennent l'antienne bonapartiste à leur compte en nous disant que deux mille ans nous contemplent du haut des pyramides, alors qu'il semble que ce soit plutôt quarante siècles!... Normal!... Et on apprend au final, en faisant quelques recherches, que cette phrase n'aurait jamais été prononcée par le leader de l'époque, mais qu'elle serait bien née de l'imagination d'un ou des historiens qui assurèrent a posteriori la com' de cette affaire, pour en valoriser le contenu scientifique que l'on s'accorde à considérer assez élevé cependant et en faire oublier les dépenses induites, tant en franc or qu'en vies humaines. Comme quoi, on peut presque dire que nos réseaux sociaux volatiles et éphémères n'ont rien inventé et qu'ils ne jouent même pas dans la cour de ces grands "faiseurs d'Histoire"!...

Mais, pour les spécialistes, la plus grande victoire de cette campagne exotique et militairement inutile n'est justement pas militaire, puisque nombre de nos ancêtres sont restés dans les sables du désert, victimes de la peste pour certains, mais tient plutôt dans un bilan scientifique, qui allait surtout déclencher une passion pour l'égyptologie dès le début du XIXè siècle. Parmi les trésors rapportés d'Egypte, on peut citer notamment la pierre de Rosette, qui allait permettre à Champollion de décrypter en quelques années tous les hiéroglyphes. Pierre qui est d'ailleurs à Londres depuis 1801. Des efforts consentis et des recherches abouties surtout en fin de campagne, lorsque Kleber, qui avait pris le relais aux commandes (Bonaparte étant rentré au bout de quinze mois, retour le conduisant très vite au 18 Brumaire), décida de mieux occuper les scientifiques présents, venus dans les bagages de l'armée, surtout pour moderniser le pays et même étudier l'idée d'un canal entre la Méditerranée et la Mer Rouge.

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Or donc, à La Roche sur Yon, préfecture de la Vendée créée par Napoléon en 1804 (où il séjourna une nuit d'août 1808, dit-on, le 08/08/08 même, venant de Bordeaux!), notamment pour pacifier fermement la région qui s'était montrée quelque peu anti-révolutionnaire, ces années 2013 et 2014 voient s'y dérouler quelques travaux d'aménagement du centre ville (notamment la Place Napoléon centrale et symbolique de son architecture), évoquant au passage cette fameuse campagne d'Egypte.

En effet, le projet global, au-delà d'un aménagement très XXIè siècle, dans le cadre de l'opération Pentagone 2020 et dûà l'équipe d'Alexandre Chémétoff, comprend aussi, en divers point de la grande place d'armes (à l'origine), un bestiaire mécanique mis au point par la Compagnie La Machine, installée à Nantes depuis quelques années. On trouve donc là hippopotame, dromadaire, ibis sacré, perche du nil, crocodile, mais aussi loutre et grenouilles, autant de mécanismes (quelque peu fragiles!) imaginés par François Delarozière (créateur des Machines de l'Ile) que les passants peuvent animer dans certaines conditions. Et le tout, senséévoquer la faune égyptienne découverte par les armées napoléoniennes en 1798 au bord du Nil et du coup, un peu celle couleur locale (pour ce qui des loutres et des grenouilles, bien sur, voire même d'une variété d'ibis présente dans le marais vendéen depuis quelques années!). De plus, depuis quelques semaines, une exposition est consacrée, au Musée municipal et à la Médiathèque Benjamin Rabier, à l'Expédition en Egypte, de la propagande napoléonienne à la naissance de l'Orientalisme, selon son sous-titre.

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Voilà une belle occasion d'évoquer le vin en Egypte antique, au moment même où toutes ces contrées du Moyen-Orient reviennent dans l'imaginaire des amateurs du monde entier, par le biais notamment des élevages en amphores se développant un peu partout. On redécouvre donc que le berceau planétaire de la viticulture est bien le Caucase, ce que nous rappellent les vignerons géorgiens se débattant désormais pour promouvoir leurs vins et leurs traditions viticoles trouvant leurs origines dès le IVè millénaire avant J-C. Le Caucase donc, puis la Mésopotamie, avant l'Egypte, la Grèce et l'Empire Romain, puis... la Gaule.

Sous les conseils de Philippe Mainterot, égyptologue et commissaire de l'expo en cours à La Roche sur Yon, j'ai pu me procurer un exemplaire du remarquable livre de Madeleine Peters-Destéract, dont le titre, à lui seul, est tout un programme : Pain, bière et toutes bonnes choses... L'alimentation dans l'Egypte ancienne. Un chapitre y est consacré au vin lui-même et cela vient compléter d'autres informations trouvées sur le site Passion Égyptienne.

Selon la mythologie égyptienne, c'est Osiris "qui découvrit la vigne dans le territoire de Nysa et ayant songéà en utiliser le fruit, il but le premier du vin et apprit aux hommes la culture de la vigne, l'usage du vin, sa préparation et sa conservation." Osiris, patron des vignerons et/ou des oenologues?...

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Les recherches archéologiques ont démontré que la vigne et le vin sont présents dès la Ière dynastie, soit environ trois mille ans avant notre ère. Il faut dire que les bâtiments et notamment les tombes, tombeaux, chambres funéraires sont illustrés par de multiples gravures, bas-reliefs et peintures illustrant ce qu'était la vie quotidienne sur les berges du Nil et de son delta. Les habitants de la Basse-Egypte antique ont portéà notre connaissance, dans le détail, le contenu des métiers, la production agricole, au point que, pour le sujet qui nous intéresse, nous pouvons traduire des scènes au cours desquelles on voit des enfants chasser les oiseaux juste avant les vendanges, ou encore un serviteur endormi dans la cave, après s'être visiblement enivré!... Dans la tombe de Khety, de la XIIè dynastie, à Beni Hassan, il est également décrit l'ivresse des fouleurs, au terme du pressurage. Certaines phases de celui-ci sont d'ailleurs assez difficiles à traduire.

Dans l'Ancien Régime, on estime que le vin est plutôt destinéà Pharaon et à son entourage. Les vignes étaient présentes sur les bords du Nil, où elles étaient attentivement taillées. Déjà, on construisait des pressoirs, le procédé de fermentation était connu. Côté vignes, un sarclage était pratiqué, ainsi qu'un effeuillage éventuel pour dégager les grappes, qui étaient réparties sur des treilles ou des pergolas.

Sous le Nouvel Empire, les Ramsès encouragent le développement de la vigne dans tout le pays. Dans certains secteurs, si on ne produit pas de vin, c'est le brassage de la bière, déjà largement répandue, qui est suggéré. C'est l'époque où la production devient insuffisante. Des importations et quelques échanges sont pratiqués avec la Palestine, la Phénicie ou la Syrie. Pour satisfaire la demande locale, on plante de la vigne dans les oasis. De fait, l'irrigation se développe pour abreuver la plante.

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Très vite, les "propriétaires-récoltants"éprouvèrent le besoin d'évaluer la qualité des vins. Cultivée le plus souvent dans les jardins, au milieu des autres arbres fruitiers, la vigne était parfois entourée de mûrs, afin notamment de la protéger des vents de sable (des clos?). La notion de terroir n'est pas étrangère aux Égyptiens et ils vont très vite les distinguer en indiquant l'origine (contrôlée?) sur le bouchon de fermeture des jarres ou le col de celles-ci. Quelques dénominations fleuries apparaissent dès les premières dynasties : "Prince des bateaux", "Prière d'Horus, le premier dans le ciel", ou encore "Âme d'Egypte"!... Ensuite, des indications d'origine géographique sont précisées : "Basse-Egypte" ou des noms de ville, "Bouto" et "Peluse", à l'est du Delta ou encore plus tard "Assouan" et "Mareotis". Lors du Nouvel Empire, les Pharaons, fiers de leurs vignobles, semblent imposer une réglementation plus précise. Les jarres s'ornent du nom du cru, du maître vigneron, ainsi que de la date de fabrication. Dans la tombe de Kha, la panse des vases évoque pour certaines : "L'an 10, le chef jardinier d'Apet, jardin d'Apet". Dans certains endroits, comme à Malgatta, dans les ruines du palais d'Amenhotep III, 285 jarres font état d'autres grands crus, tel que la "Rivière de l'Ouest".

Lorsque le nom des maîtres vignerons apparaît, on se rend compte qu'il était parfois fait appel à des spécialistes étrangers, comme Khoruy le Syrien ou Nehariny le Naharinien, venant donc parfois d'Asie Mineure. En quelques sortes, la naissance des "flying winemakers"!... 

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Illustrations : passion-egyptienne.fr 
Bibliographie : Pain, bières et toutes bonnes choses... de Madeleine Peters-Destéract
(Éditions du Rocher)

Ou comment quelques évènements à caractère local et une exposition, qui se déroule jusqu'au 23 mars prochain, peuvent vous permettre de vous évader, en jetant un coup d'oeil dans le rétro de l'Histoire de la vigne et des vins. Et de constater à quel point notre monde moderne trouve la source de certaines de ses activités dans le quotidien de ces civilisations dites lointaines.

"Vous avez un beau et bon royaume, mais une foutue capitale!" se serait exclamé l'Empereur, au moment de regagner son carrosse et reprendre sa route, en direction de Nantes.

Jo Landron, Sèvre Nantaise rive droite

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Voilàà peine quelques années, le Muscadet, fut-il de Sèvre et Maine, ne connaissait qu'une approche globalisée. Rien de péjoratif là-dedans, mais force est de constater que les volumes traités parfois par le "grand négoce" local ne laissaient guère de place à une autre voie. Bien sur, certains tentèrent de s'engager vers une autre alternative, mais de telles initiatives, comme la dynamique Métaireau (rentrant du Maroc) des années 70 et 80, ne réussirent pas tout à fait à contrebalancer la tendance dominante et depuis, un "monstre" impose toujours sa loi et sa logique économique que d'aucuns qualifient pourtant de curieuse.

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Au Domaine de la Louvetrie, Jo Landron est bien armé pour évoquer avec ses visiteurs, tout ce qui compose le paysage du Muscadet et cela, avant même d'aborder le sujet passionnant des terroirs. En effet, le domaine familial est apparu dans le secteur de Bellevue, sommet du vignoble, au lendemain de la dernière guerre, la plantation des vignes intervenant entre 1946 et 1948. Lorsque, quelques années plus tard, en 1967, son père Pierre et son oncle se séparent, Pierre se lance dans la construction de la cave et d'un équipement à la pointe du progrès de l'époque. Déjà, le petit Joseph sait ce qu'il veut et du haut de ses neuf ans, il fait part au chef de famille qu'il est intéressé par la terre.

Mais, il faut bien, pour cela, faire quelques études et lorsqu'il revient au bercail en 1979, son père dispose de treize à quatorze hectares. Trop peu pour deux. Jo achète alors une partie de neuf hectares d'une propriété voisine et se lance. "La vie est faite de hasards et d'opportunités..." Très vite, il commence à inventorier les terroirs. Une démarche nouvelle à l'époque, même si la mémoire des uns et des autres, notamment des plus anciens du pays, contient bien la trace de tous les endroits "où on fait bon!..."

Nous ne sommes néanmoins pas en Bourgogne et certains aspects, tels que la mise en bouteilles au domaine, par exemple, sont encore rares. Pourtant, un secteur comme le Fief du Breil est mis à part dès le début des années 80, pour son expression originale, histoire de créer une "Cuvée Prestige", comme c'était parfois la mode à l'époque.

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C'est alors que le marché s'anime et connaît quelques valses-hésitations et/ou retournements. Métaireau a imposé sa patte en induisant quelques initiatives qualitatives, mais en 1982 ou 1983, Anglais et Américains font pencher la balance vers un nouveau style de vins à la personnalité plus marquée, comme ceux des Landron, s'appuyant sur une notion nouvelle de terroirs. Sur cette base et fort de ces premiers succès, Jo construit sa gamme jusqu'en 1990. Mais, 1991, son gel printanier dévastateur et son marasme, bouleverse la donne et casse les quelques certitudes acquises. Heureusement, au cours des quelques années précédentes, si les parts de marché ont chuté dans le reste du vignoble, vers le Royaume-Uni et les États-Unis notamment, le scandale des vins autrichiens (et allemands) de 1985 va être un véritable appel d'air pour les vins blancs secs du Pays Nantais, nouveau marché sur lequel Jo Landron est déjà bien positionné. Autant d'expériences qui n'installent pas les viticulteurs du cru dans une sécurité illusoire. Indiscutablement, un vigneron nantais averti en vaut deux!... Et la famille Landron ne risque pas de perdre cela de vue.

Aujourd'hui, les Domaines Landron, c'est près de cinquante hectares, auxquels il faut désormais en soustraire presque sept, que Jo cède à son fils Manuel et à Marion, qui viennent de s'installer et ce, dans trois secteurs différents, histoire que la plus jeune génération montre ce qu'elle perçoit et restitue de ces fameux terroirs du Muscadet. En amont, Jo Landron a oeuvré pour qu'un regroupement de parcelles soit possible, à coup d'échanges ou de reprises de vignes sans repreneur, voire de friches. Ainsi, autour de la cave, un îlot d'une douzaine d'hectares est désormais d'un seul tenant. Ces regroupements par îlots géographiques, par nature géologique et par lieux-dits se sont poursuivis jusqu'il y a quatre ans. Il faut dire que l'aspect économique les a aussi rendus plus aisés, puisque le prix à l'hectare de vigne a été divisé par quatre depuis 1990.

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Dans ce secteur, nous sommes sur une sorte de plateau qui ondule. Sur un carréà proximité de la route qui mène à Clisson, nous trouvons là ce qui compose une bonne partie de la fameuse cuvée Amphibolite, issue de micro terroirs et fer de lance du domaine, au point d'en être le porte-étendard. C'est en 1993 que cette sélection parcellaire a vu le jour, sur une base de vignes âgées de trente à cinquante ans. Ces dernières sont en effet parsemées de pierres vert foncé, voire noires, issues de cette veine d'amphibolite (une roche métamorphique, roche ayant subi une transformation minéralogique et structurale, suite à l'élévation de la température et de la pression) qui serpente dans le sous-sol, s'approchant de la surface dans certains endroits et s'enfonçant à peine quelques kilomètres plus loin. A certains endroits, il n'y a guère plus de 20 cm de sol sur la roche et, à y regarder de plus près, cette veine ne fait pas plus de cent cinquante mètres de large, le plus souvent.

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Non loin de là, près de l'ancienne Maison des terroirs, se situe une butte d'argile ayant reçu des roches métamorphiques, à une époque où se succédaient périodes glacières et chaudes, voire éruptives. Cette argile additionnée de grès, de petits galets et sédiments éoliens dans la partie haute (Mortier Gobin) est retenue par une sorte de muraille d'orthogneiss qui la sépare d'une zone de sables dans le bas (Les Houx). Par ici, un sol chaud sur un sous-sol froid, donnant une franche originalité aux vins du secteur, au point qu'une démarche de Cru communal est en cours, dans la zone dite de Vertou-La Haye Fouassière. A noter, plus bas dans la pente, quelques vignes centenaires dominant le coteau qui surplombe la rivière, où les plus anciens du pays soutiennent qu'il y avait là, jadis, des vignes en terrasses.

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Nous atteignons ensuite une partie du vignoble située dans une zone de la commune où l'on trouve un meilleur équilibre paysager, du fait d'une polyculture survivante (deux agriculteurs seulement disposant encore de troupeaux de vaches sur la commune!...). Une situation et une proximité recherchées, le plus souvent, dans l'optique d'une pratique cohérente de la biodynamie, méthode adoptée au domaine, pour des premiers pas dès 2004, de façon pragmatique cependant et généralisée en 2008, la certification ayant été obtenue en 2011. La petite route nous conduit au Fief du Breil, contigu à la propriété du château éponyme datant du XIXè siècle. Ici, c'est l'orthogneiss qui domine largement, au point d'être la composante principale du sous-sol et d'apparaître largement à la surface. Un superbe double coteau, aux deux expositions opposées, d'environ sept ou huit hectares, pour lequel il ne reste guère plus de trois exploitants, dont un ne dispose plus que de cinq ou dix ares, le tout penchant vers la Sèvre Nantaise. Là aussi, le fils Landron va pouvoir s'exprimer. A la limite, les Landron pourraient être en situation de monopole, mais c'est une idée à laquelle Jo n'est pas attaché, préférant la diversité, surtout lorsqu'on défend la notion de cru.

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Pour être absolument exhaustifs (mais nous manquons de temps et d'autres visiteurs nous attendent à la cave!), il faudrait aussi traverser la commune pour rejoindre le Château de la Carizière. Un ensemble de neuf hectares, dont Jo vient de céder trois hectares, ne gardant que le Clos ceint de vieux mûrs. Là encore, de l'orthogneiss et un sol silico-argileux, donnant des vins plutôt tendres et fruités.

Avec plus de quarante hectares et une démarche mettant en valeur les terroirs, le passage à la cave ouvre de multiples horizons. Globalement, il faut noter que les jus du millésime 2013 sont très intéressants et le vigneron ne cache pas qu'il a bon espoir de proposer de très jolies cuvées au final. De plus, les cuvées en bouteilles disponibles ne manquent pas de caractère, ni d'originalité, comme Amphibolite 2011, Haute Tradition 2010, tendu et expressif, sans oublier Melonix, le melon de Bourgogne résolument nature. A table, quelques jours plus tard, l'association d'un parmentier de lieu jaune aux herbes et un Fief du Breil 2007, laisse entrevoir à quel point le Muscadet possède toutes les qualités pour répondre à la belle gastronomie. S'il était encore permis d'en douter!...

Jo Landron a depuis quelques temps déjà un statut de référent en Pays Nantais. Un regard qui pétille et une moustache qui frétille ont sans doute aussi contribuéà forger son image, au-delà de ses cuvées gourmandes. Mais, ne vous y trompez pas, le détour par les Brandières, à La Haye Fouassière, vaut le coup, parce que quelques petits trésors sont à découvrir au sommet du vignoble nantais.

Salons d'hiver : la longue marche des vignerons

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Nous y sommes! C'est la dizaine du blanc, rosé, rouge et des bulles!... Pas la période des soldes, mais plutôt celle où les vignerons en ont ras le bol de voir cette pluie tomber sans cesse. Sur le pas de leur portail de chai, ils se disent qu'un peu de froid sec serait le bienvenu, histoire de tailler dans des conditions plutôt agréables, sans oublier les conditions anticycloniques favorables à une clarification des jus de l'année. De plus, si par hasard, certains s'aventurent dans leurs parcelles par les temps qui courent, ils pourraient être perturbés par de nouvelles interrogations... La culture du riz ne serait-elle pas plus favorable dans nos contrées arrosées?... Des images qui ne circulent guère sur Internet et les réseaux sociaux, tant elles risqueraient de véhiculer des aspects plutôt négatifs.

Alors, faisons fi de ces paysages hivernaux, chargeons les fourgons et partons à la rencontre du public bien aimé, c'est ce que se disent les vignerons en ce moment, qui savent qu'en plus, ils vont pouvoir croiser le verre avec leurs confrères, passer quelques soirées animées, comparer leurs expériences et recharger leurs accus avant le début d'un nouveau cycle, même si certaines journées peuvent paraître longues. Pour eux, bien sur, une séquence à ne pas manquer.

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Le début de cette période un peu folle impose de mettre cap au sud et de se rendre pour l'essentiel dans la capitale languedocienne, Montpellier. C'est là que se déroule la 21èédition de Millésime Bio, le mondial du vin biologique selon les organisateurs, appellation revendiquée mais volontiers admise par les vignerons, qui peuvent croiser là, les acheteurs professionnels venus de tous les pays. Pas moins de 800 producteurs accourus de douze pays cette année. Énorme, un peu beaucoup selon certains, mais où chacun est traitéàégalité (27-29 janvier).

Ce salon, né de l'idée et des échanges de quelques passionnés de la région en 1993, a généré depuis une forte dynamique, mais aussi quelques "offs" pour le moins passionnants. Certains ont gardé une taille proche du premier salon au Mas de Saporta, mais d'autres réunissent une sélection de vignerons et de domaines qui ne manque pas de motiver les visiteurs de passage. Pour ces derniers, le marathon minuté commence et ce n'est pas fini!... C'est sous ce rythme diabolique que s'annonce la période qui mènera tout ce beau monde jusqu'à la fermeture du Salon des Vins de Loire, mais nous n'en sommes pas encore là!...

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A noter donc, dans l'ordre d'apparition au programme : un peu en retard pour vous parler du Bal Vigneron, au Domaine de Sulauze, chez Karina et Guillaume Lefèvre, à Miramas (13), mais certainement une soirée festive idéale pour une ouverture en fanfare. Alors que d'en d'autres régions, des réunions importantes et traditionnelles se déroulent (St Vincent Tournante, à St Aubin, en Bourgogne et Salon des Vignerons Indépendants, pendant trois jours à Rennes), un des plus beaux rendez-vous du moment est annoncé au Château de Flaugergues, à Montpellier. Pas moins de trente cinq vignerons à l'affiche, les 26 et 27 janvier, pour Les Affranchis venus de toute la France, option "nature". Aux mêmes dates, notez également Le Vin de mes Amis, à Castelnau le Lèz, au Domaine de Verchant, ainsi que le 27, à St Aunès, une dégustation regroupant quatorze vignerons, Salle du Paradis.

Les 27 et 28, vignerons et visiteurs prennent de la hauteur, au sommet du phare de Palavas les Flôts, avec vue panoramique imprenable sur la Méditerranée, à l'occasion de Biotop Wines, proposé par Isabelle Jomain. Pas moins de 45 domaines et là encore, une sacrée sélection!... A Montpellier toujours et aux mêmes dates, De Chemins en Piste... Une vingtaine de vignerons du Gers à la Provence, dans les locaux de l'Aéroport Hôtel et le tout, certainement dans la bonne humeur.

Déjà un timing pour le moins serré, mais ce n'est pas fini!... A peine trois jours pour s'organiser, recharger le fourgon et changer de valise. Il faut maintenant se tourner vers le nord et rejoindre les bords de la Loire et de la Maine, où d'autres grands rendez-vous sont programmés.

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Là aussi, tout d'abord, un intermède amical et festif à Angers, au Pifomètre : Des Tronches de vins, une tronche de pain et une tronche d'andouille!... Quelques flacons à déguster et les tout derniers exemplaires de Tronches de vin disponibles à la vente et à la dédicace, pour ceux qui n'auraient pas encore le célèbre best-seller de l'année 2013, option vin, vigne et vignerons, en présence de certains des auteurs. Une mise en bouche du week-end ligérien qui s'annonce des plus agréables!... 

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Dès le samedi 1er févier et pour deux jours, deux rendez-vous à ne pas manquer : la dégustation des Greniers Saint Jean, que l'on a coutume d'appeler à tort Renaissance des Appellations, même si cela reste bien une émanation de l'association réunissant les biodynamistes autour de Nicolas et Virginie Joly, ainsi que Mark Angeli. Toujours plus nombreux et beaucoup de grandes bouteilles à découvrir.

Non loin de là, il faudra se rendre à l'Hôtel des Pénitentes, Boulevard Descazeaux, pour aller saluer les dites Pénitentes. Deux douzaines de vignerons et vigneronnes réunis autour des Villemade, Puzelat, Mosse, Gaubicher et Bonhomme. Un rendez-vous international à inscrire à tout prix sur vos tablettes, puisque l'Espagne, l'Italie et la Géorgie y seront représentées. Là encore, soupçon de présence de très beaux flacons dans les parages!...

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Un autre "off"à signaler, celui qui se déroule dans le très beau cadre de la Collégiale St Martin, en plein centre de la cité angevine : Les Vins Anonymes, avec là encore une sympathique assemblée d'une quarantaine de vignerons venus de toute la France. Le rendez-vous est fixé au dimanche 2 février exclusivement, de 10h à 00h, avec restauration assurée toute la journée par Emmanuel Chavassieux et même un repas en soirée, animé musicalement par Pomp Fiction, groupe de jazz manouche. Indiscutablement festif!...

En ce dimanche et jusqu'au lendemain soir, peut-être le rendez-vous le plus attendu, puisqu'à l'occasion de la 15è Dive Bouteille, Sylvie Augereau nous sort des douves et coursives souterraines du Château de Brézé, pour nous permettre de découvrir un nouveau décor : les caves Ackerman, à Saumur même. Le velours reste sous terre finalement!... Et si on se passait un morceau de The velvet underground?... See you sunday morning!... Très grosse fréquentation attendue, à l'image de la liste impressionnante de vignerons présents pour ces deux journées saumuroises.

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Pour la journée du lundi 3 février, n'oubliez pas non plus, la Levée de la Loire, réunissant là encore une longue liste de vignerons ligériens, présents de 10h à 18h aux Greniers Saint Jean également, qui est donc devenu une sorte de carrefour incontournable du buvez bon (avec modération) dans la capitale du Maine et Loire!... Dès ce jour et jusqu'au 5, notez bien que le Parc Expo accueillera au passage le Salon des Vins de Loire, qui a pour sa part dépassé désormais les vingt éditions.

Pas certain d'avoir été exhaustif, mais désormais, que la fête commence!... Rappelons quand même au passage que, contrairement à nombre de salons de la fin d'année, ceux-ci sont ouverts aux professionnels et assimilés, selon la formule consacrée. Allez, en route!...

Vincent Caillé, Sèvre Nantaise rive gauche

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Depuis quelques années, on parle presque communément des terroirs du Muscadet : gneiss, orthogneiss, granite et gabbro, voire amphibolite. Vous ne le saviez pas?!... Allez voir Vincent Caillé, à Monnières et tout sera plus clair!... Pourtant, ce n'est pas le plus connu des vignerons du cru. Jusqu'à une date récente, quelques initiés seulement connaissaient ce vigneron des plus discrets, qui s'était pourtant glissé sur quelques belles tables nantaises, notamment avec son Gros-Plant des Coteaux, non loin de Gorges, rive gauche de la Sèvre Nantaise. Il faut dire que la grande restauration de la cité d'Anne de Bretagne a mis très longtemps avant de redécouvrir les crus du Pays Nantais, au point de préférer longtemps quelques sauvignons de multiples origines. Mais désormais, la tendance s'est inversée et les cuvées de terroir de Vincent, avec d'autres, ont gagné le coeur des amateurs. Et c'est tant mieux, parce qu'en plus, quelques millésimes plus anciens sont encore en stock ici ou là. Venez goûtez la différence!...

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Suite à l'article paru dans le n°111 du Rouge & du Blanc et au vu de la photo présente à la une, Patrick Baudouin avait eu cette jolie formule : "Vincent Caillé, le vigneron qui taïchise le melon de Bourgogne!" En effet, on le voit dans une position qui laisse à penser qu'il maîtrise parfaitement la pratique de cette sorte de gymnastique corporelle et énergétique, que l'on voit apparaître depuis quelques temps dans les parcs de nos grandes cités. Sauf que lui s'y exercerait au coeur de ses parcelles de vignes, sur un quelconque méridien traversant sa commune de Monnières. A la différence près qu'il est aussi coiffé d'une jolie casquette, couvre-chef dont on devine qu'il en possède plusieurs, adaptées à chaque saison, un peu comme les bannières de ce blog, qui se veulent saisonnières.

Pour ce qui est des saisons, nul doute que cet hiver 2013-2014 est des plus humides, si bien qu'au coeur du mois de janvier, les vignes du Muscadet, comme d'autres, ont parfois les pieds dans l'eau. Cela ne nous empêche pas de faire une découverte de quelques parcelles, en compagnie de Vincent Caillé. Le vigneron de Monnières est ici chez lui. Il faut dire que ses racines sont bien là, s'enfonçant dans le gneiss ou l'orthogneiss, rive gauche de la Sèvre Nantaise et rive droite de la Maine. Que ce soit côté paternel ou maternel, pas moins de cinq générations de vignerons du Pays Nantais se sont succédées, pour donner à Vincent le goût de la folle et du melon. Du coup, le domaine familial est quelque peu dispersé, puisque les cinquante parcelles composant l'ensemble sont présentes aux quatre vents. Quatorze kilomètres séparent les vignes les plus éloignées. Au total donc, 25 à 26 hectares. "Dans l'absolu, je rêve d'être sur six hectares, mais on est en Muscadet!..." Chacun l'aura aisément compris, de Bourgogne, les vignerons du coin n'ont que le melon, mais pas la grosse tête!... Si l'humilité est la règle ici, ce n'est pas une raison d'écarter l'ambition de faire bon.

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Un terroir d'orthogneiss tout d'abord, non loin de son village natal de la Févrie. Guère plus d'un demi-hectare d'une vigne âgée d'une vingtaine d'années, dont quelques six rangs repris depuis cinq ans à un voisin qui pratiquait une viticulture très conventionnelle. C'est dans ce secteur qu'il a opté pour les premiers essais de biodynamie, voilà trois ans, au point de se faire quelques frayeurs. En effet, après avoir passé pour la première fois une silice (501), il s'aperçoit qu'il a fait une erreur de dosage, doublant celle préconisée. Il cherche donc à se rassurer quelque peu auprès de Jo Landron et de Pierre Masson, qui ne peuvent que lui conseiller de... surveiller et, éventuellement de prévoir une 500, si quelques dégâts apparaissent. Heureusement, le temps est couvert et la température modérée. Si bien que la vigne digère la préparation concoctée. Avec le recul, Vincent constate que cette double dose a boosté la parcelle et notamment les six rangs soignés de façon traditionnelle depuis longtemps. Ce qui ne peut que contribuer à démontrer les bienfaits de la méthode. Peut-être ce qu'il lui fallait pour organiser un passage progressif de l'ensemble de ses vignes à la biodynamie. "Je veux y croire et il y a des signes..."

Nous traversons ensuite une bonne partie de la commune de Monnières, qui ne compte pas moins de six à sept cents hectares de vignes, sur un total d'environ neuf cents. Deuxième arrêt à proximité du Moulin de la Minière, à près de soixante mètres d'altitude. Vue imprenable sur le vignoble, les clochers de tous les villages de la région jalonnent le tour d'horizon. S'il ne reste que trois moulins sur la commune, avec ceux de la Bidière et des Justices, ces bâtisses devaient aussi être nombreuses naguère, puisque le nom de Monnières vient du latin mola, la meule et par extension molinaria, la meunière. A la Minière, certains soutiennent qu'on trouvait là une mine de fer, mais rien n'est moins sur... Autre nom donné au secteur, Les Gâs de la Minière, avec une dominante, des sols de gneiss. Ici, le remembrement n'a pas été sans conséquence. En effet, la réorganisation des parcelles n'a pas tenu compte de la plantation ancienne des vignes. Malgré la faiblesse de la pente, certains arpents n'étaient pas plantés jadis tous dans le même sens. Les raisons, oubliées au profit des bienfaits supposés de la mécanisation, se voulaient proches des observations des anciens. Ceux-ci n'ignoraient pas que sol et sous-sol n'étaient pas du même abord sur tout ce plateau et désormais, les conducteurs de tracteurs s'en rendent compte, lorsqu'ils parcourent ces rangs de plusieurs centaines de mètres. Dans ce secteur, une des parcelles de vieilles vignes, entre le moulin et le bourg, le tout exposé ouest, entre dans la composition de La Part du Colibri.

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Vincent Caillé s'est installé en 1986, avec quatre hectares, à côté de son père et ce, jusqu'en 1992 ou 1993, année où il reprend tout l'ensemble. Depuis les vendanges 2000, il dispose d'une cave dans le troisième secteur de la commune. Le lieu-dit s'appelle Les Coteaux et ici, c'est le gabbro qui domine. Une pente assez marquée en direction d'un coude de la Sèvre et du village voisin de Gorges. On y trouve une parcelle de melon et une très vieille vigne de folle, Le Felland, qui lui permet de produire ce gros-plant que les amateurs s'arrachent (90% destinéà l'export!), vendangé après les Muscadet en 2013 et dont le caractère "pierre à fusil" est d'ores et déjà pour le moins expressif.

Dans ce secteur, le vigneron dispose de plusieurs parcelles de chaque côté de la voie ferrée ("Le TGV mogettes de De Villiers!... Pour permettre le passage du TGV en direction de La Roche sur Yon et des Sables d'Olonne, il a fallu démolir deux ponts très anciens, trop bas de vingt centimètres et poser des sortes de caissons de béton peu esthétiques!"). Un aspect des choses qui le réjouit désormais néanmoins. En effet, deux hauts talus longent cette voie. Naguère, ils étaient entretenus avec force désherbant et insecticides. Aujourd'hui - manque de personnel, restriction de budget et/ou gestion plus "écologique"? - tout reste en l'état (si l'on peut dire!) ou presque et une remarquable biodiversité s'est de nouveau imposée. Pour quelqu'un qui cherche à l'encourager grâce à son approche bio, on ne peut rêver mieux!... Notez également que, de l'autre côté du pont et de la voie, une parcelle proche est parsemée de tulipes sauvages, plantées par le Jardin des Plantes de Nantes, qui cherchait à la ré-introduire dans le vignoble. Une idée qui ne pouvait que plaire au vigneron!...

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Voilà tout ce qui fait l'univers topographique de Vincent Caillé, qu'il peuple aussi des souvenirs transmis par ses ascendants. Comme ceux de cette grand-mère qui évoquait, lorsqu'il était enfant (pas très sage peut-être?), la présence de bagnards tirant les péniches sur la Sèvre, au tout début du XXè siècle. "C'est pourtant pas Cayenne, ici!..." On devine sans peine que le vigneron est heureux de pratiquer cette activité dans son pays, même si des doutes et des incertitudes surviennent parfois, face à la difficulté notamment de former une équipe stable et convaincue par la méthode, le travail des sols n'étant pas très répandu dans le secteur, les jeunes tractoristes en particulier n'y sont pas légion.

La cave du domaine se compose d'une batterie de cuves, des garde-vins en fait, qui permettent notamment d'élever les jus rigoureusement par terroirs. Bientôt peut-être, de nouvelles cuves en béton, parce que le Muscadet le vaut bien. Parce qu'aussi le vigneron du Fay d'Homme est persuadé que ses vins peuvent franchir un nouveau palier, même si, ce qu'ils expriment maintenant tend à démontrer que Vincent Caillé, malgré une certaine discrétion, est bien un des référents du Muscadet.

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Avec les 2013, finalement, beaucoup de satisfaction au domaine. Les échantillons, tirés le matin même, sont expressifs et d'un abord facile. La Part du Colibri vieilles vignes 2013 (une sélection de deux parcelles entre la Minière et le bourg) est dotée d'une belle tension, précise et droite. De l'aveu du vigneron, celle-ci aurait pu composer une cuvée de Monnières-St Fiacre (élevage de 36 à 39 mois), mais elle sera mise en bouteille à la fin du printemps prochain. Avis aux amateurs!... La version 2009 de ce cru communal démontre toute la dimension de ces vins destinés à un long élevage. Ampleur et distinction. Même Opus n°7, dont l'élevage en barriques peut surprendre, est tout à fait digne d'intérêt.

La nuit est tombée depuis un moment. J'ai raté mon ultime rendez-vous de la journée. Mais, avec Vincent Caillé, il y a toujours un vin à déguster et la série de la cuvée du Clos de la Févrie démontre à quel point la notion de terroir peut être mise en valeur à l'occasion d'une telle verticale. Au cours de la dernière décennie, chacun peut se souvenir des dominantes des différents millésimes. Richesse et densité parfois, acidité et tension certaines années. Pourtant, une indiscutable filiation relie toute ces bouteilles et ces vins issus de ce sol d'orthogneiss, traduisant la lecture qu'en fait le vigneron.

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Les sensations seraient sans doute proches, si l'on faisait de même avec les autres étiquettes. Mais, dans une telle occasion, on mesure aussi à quel point les Muscadet ont un potentiel de garde. Ils méritent d'être abordés comme d'autres blancs destinés àêtre oubliés en cave. Certains des clients du domaine, d'ailleurs, y compris professionnels, ne l'ignorent pas et ils sont devenus des fidèles de ces vins dédiés à une belle gastronomie, surtout lorsqu'ils sont à leur pleine maturité.

A noter que les doses de soufre sont très limitées, mais seuls les rouges (non dégustés ce jour-là) sont les supports de quelques essais sans le moindre sulfite. Avec quelques résultats concluants, qui pourraient faire évoluer le cours des choses. Il faut dire que Vincent Caillé est très attentif à la perception que ses clients ont de ses vins et même sensible aux commentaires de ceux qu'il rencontre dans diverses occasions, comme Alice Feiring, naguère, à New York, qui n'avait pas manqué de lui faire part de son étonnement quant à la présence de soufre. Mais, chacun sait à quel point Alice est sensible à la chose!...

A Monnières donc, Vincent avance à petit pas. Et on peut comprendre aisément ce qui a pu le séduire dans la légende amérindienne du colibri. Cet oiseau qui vole au secours de la forêt en feu, en l'arrosant des quelques gouttes d'eau que contient son bec, simplement pour faire sa part, même si tous les autres animaux restent prostrés et impuissants. Ne pourrions-nous pas le rejoindre, inspirés par tant d'abnégation?...


Pas ce soir, j'ai cuisine!...

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Entre deux séances d'initiation à la dégustation dispensées à une petite dizaine de futurs passionné(e)s de vin et de tastings tous azimuts, pour quelques amateurs de la Mairie locale, je passe, l'espace d'une soirée et à l'initiative de Madame PhR, de l'autre côté de la barrière. Au programme, un cours de cuisine dans le cadre du sympathique bar à vins yonnais, le Brin d'Appétit, avec un thème goûteux : gratins et parmentiers!...

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Ça tombe plutôt bien, puisque nous avons tendance depuis quelques temps (est-ce cette météo capricieuse et agitée?...) à opter pour ce genre de préparations à caractère roboratif, voire réconfortant, surtout au creux de l'hiver. Sans oublier les quelques familles qui, alors que les vacances d'hiver débutent, prennent l'option de passer une semaine à la montagne. Et chacun sait qu'au sortir des pistes, ce type de plat peut souvent faciliter la tache de la ménagère celui ou celle qui prend son tour à la cambuse. Toutes et tous ne céderont pas à la raclette typique (au fromage fait pour) ou à la sempiternelle fondue savoyarde (pyrénéenne ou jurassienne, barrer les mentions inutiles), avec fromage kirsché que l'on ingère et digère jusqu'au bout de la nuit!... Bien sur, si votre soirée se prolonge dans un bar, avec force bière ou génépi, vous pouvez espérer une digestion adaptée à votre besoin de récupérer de vos intrépides descentes ou de vos chevauchées fartées, au rythme du pas du patineur, rêvant au passage à cette médaille olympique qui ne saurait vous échapper, mais que vous pourrez fêter (du moins celle de Martin Fourcade), en croisant le bock avec votre monitrice ESF bronzée et préférée.

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Parlons donc de ces alternatives goûteuses que Nathalie Brégeon, coach de vie à ses heures et pour l'heure coach en cuisine nous propose. Notez bien que les habitués du Brin d'Appétit connaissent bien ce type de cuisine, ou du moins d'accompagnements, souvent présents sur l'ardoise : sarrasin, quinoa, millet, riz, boulgour, sans oublier flocons d'avoine, levure maltée et graines diverses, tournesol, courges, pavot, en attendant les sauterelles et criquets qui ne tarderont pas à apparaître!... Mais là, avouons-le, je me laisse aller à de la cuisine-fiction!...

Précisons encore que tout ce qui est servi en cette soirée, comme les autres jours, est bio. Côté vins, l'essentiel de la carte est suggéré par la cave locale Au Fil des Vins, tenue par Mathieu de Goulaine, qui dispose d'une bonne part de cuvées bio. Pour l'heure et puisqu'il s'agit d'une soirée à caractère privé, les organisateurs m'ont sollicité pour les flacons et ainsi, ne boudons pas notre plaisir : Chardonnay 2010 du Domaine Pierre Overnoy et Planquette 2009, de Didier Michaud. Slurpiquement vôtre!...

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Lors de ce genre de séance, il est évident qu'un (ou une) professionnel(le) de la cuisine a forcément quelques chose à vous apprendre, surtout pour ce qui est des petits trucs divers et variés ou pour vous mettre en garde contre des mauvaises habitudes bien ancrées dans vos pratiques quotidiennes. Parmi celles-ci, entre autres, la tendance à utiliser pour la cuisson des récipients peu adaptés au volume de légumes à préparer, par exemple. Pour tout dire, ils sont souvent bien trop grands, ne permettant pas une bonne cuisson à l'étuvée notamment. Autre aspect des choses, des légumes peuvent garder leur croquant, avec seulement du sel et du poivre (et un soupçon d'eau parfois) lorsqu'ils sont cuisinés à feu doux. Il suffit alors de les couvrir et de ne plus y toucher jusqu'au terme du temps de cuisson défini. Et ça n'accroche pas!... Si la cuisine est une forme d'aventure parfois, il faut aussi faire confiance à la méthode.

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Deux recettes donc, un gratin de sarrasin aux poireaux et comté (le vin du Jura s'en trouve être le bienvenu!) et un parmentier de potimarrons aux champignons. Vous l'aurez remarqué aisément, on donne dans le végétarien!... Pour bien faire et même si les deux gratins goûtent bien (à peine un manque de cuisson pour les potimarrons, mais le timing n'était pas des plus simples), j'aurai volontiers glissé, au coeur de la préparation, quelques fines tranches de chorizo cular (oui, je sais, c'est limite une addiction!), ce que Nathalie Brégeon ne conteste pas. D'ailleurs, dans ses fiches-recettes préparées pour l'occasion, les suggestions allaient dans ce sens, notamment pour le parmentier : variante possible avec de la pomme de terre, de la patate douce, des panais, ou encore de la viande hachée, du poisson émietté, sans oublier, côté fromages, le gruyère, le roquefort, la mozzarella ou le chèvre frais. Au-delà de l'aventure culinaire, c'est aussi et surtout l'imagination et l'initiative qui vous permettent d'apporter votre personal touch!...

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Alors voilà! Pour vos prochaines vacances, entre skis et luge, s'il vous reste un peu de place, n'oubliez pas vos céréales diverses, les graines multiples, le tofu, la levure et vos fiches. Avec un peu de chance, vous trouverez quelques légumes. Pour ce qui est de la tome de pays et de la charcuterie de montagne, ce ne sera peut-être pas le plus difficile!... N'oubliez pas vos flacons, catégorie hors pistes et passez de bons moments, même à table!... Ainsi, au retour, vous pourrez inscrire sur votre agenda d'autres séances de cuisine bio et dégustation. Parmi les thèmes à venir : le millet et le quinoa, les crumbles de légumes et de fruits, les tartes aux légumes et fruits de saison, ou encore comment utiliser l'agar agar, la polenta et même cuisiner sans gluten. Tout un programme!...

Greniers, Pénitentes, Anonymes, Dive : le monde du vin sur du velours!

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Le pré carré des passionnés de vins bio et nature!... Ça se situe et ça se déroule entre Angers et Saumur pendant trois jours. Il arrive que le froid hivernal venu de l'Est perturbe cette période et ces rendez-vous. Enfin, tout est relatif. Mais, cette année, même pas peur!... Temps clément, voire lumineux, température des plus maniables. Parfait!... Entre deux dépressions atlantiques, soignons notre moral!...

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A Angers, le château médiéval ne pouvait résister aux assauts des professionnels (voire de quelques amateurs vite démasqués) tant il était pris à revers de toutes parts, en ce week-end d'ouverture de février. Au nord de la forteresse flanquée de tours rondes et sur l'autre rive de la Maine, les Greniers Saint Jeand'Acre ne cachaient plus une réserve de jolis canons de toutes origines. Il faut dire que, depuis quelques années, Virginie et Nicolas Joly, ainsi que Mark Angeli réunissent, dans cette remarquable bâtisse apparue à la fin du XIIè siècle, au coeur du quartier Doutre, près de cent cinquante vignerons. Et c'était là, semble-t-il, la 10èédition de ce que l'on appelait naguère un "off" du Salon des Vins de Loire, mais qui compose désormais, avec la Dive Bouteille saumuroise, un duo de manifestations vineuses parmi les plus prisées de la planète, si l'on en croit l'origine des visiteurs.

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Les Greniers, c'est surtout une occasion de voir et revoir des domaines qui ont opté pour une viticulture biologique et le plus souvent biodynamique. Et ce, depuis parfois de nombreuses années. Vous êtes donc à même de mieux comprendre, en dialoguant avec les vignerons, l'influence de la méthode sur la conduite de la vigne et sur ce qui compose les cuvées proposées. Certes, il n'est pas garanti de pouvoir s'entretenir longuement dans une telle occasion, parce que la fréquentation du salon risque de ne pas vous en donner le loisir, mais ce sera peut-être le moyen de convenir d'un rendez-vous futur. Sous la remarquable charpente des Greniers, on se laisse un peu porter par les rencontres qu'on peut faire et il n'est pas rare que quelques informations échangées au fil des verres, vous permettent de jolies découvertes. Pour tout dire, on finit par faire circuler des infos glanées çà et là, au point que, dès les premières heures, plus personne n'ignore qu'il faut absolument aller déguster à telle ou telle table.

Cette année, un nouveau venu faisait quasiment l'unanimité : le Domaine Oggau et ses treize hectares dans le Burgenland autrichien, riche d'une dizaine de cuvées, dont les étiquettes sont illustrées d'une galerie de portraits d'une famille imaginaire sur trois générations. L'accent n'est pas mis en priorité sur les cépages composant les vins (même si on sait très vite que grüner veltliner et blaufrankisch sont très présents, ainsi que le zweigelt), mais tout d'abord sur leur "typologie". Les plus jeunes visages, dessinés au crayon graphite, annoncent des vins à boire sur le fruit, aisément identifiables à leur capsule à vis. Une autre série évoque des vins matures et solides, enfin la dernière suggère des cuvées au bon potentiel de garde. L'ensemble se situe non loin de la Hongrie, sur la rive occidentale du Lac Neusiedl et n'est pas sans nous rappeler le Domaine Meinklang, de Werner et Angela Michlits, découvert lors de Renaissance des Appellations, à Bordeaux, en juin 2013, une véritable ferme située elle sur la rive est du lac où, en plus de la vigne, sont cultivés fruits et céréales, mais aussi élevées des vaches Angus. Un véritable horizon biodynamique, méthode suivie depuis longtemps dans ces parages.

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Les stars et référents du vignoble ne sont pas rares ici, mais ce qui est plutôt agréable, c'est que ces grands domaines (Deiss par exemple, pour ne citer que celui-là) côtoient quelques quasi inconnus, qui parfois, font leur premières armes dans ce genre d'occasion, avec une telle exposition. On peut citer, par exemple, Michaël Georget et son Domaine Le Temps Retrouvé, situéà Laroque des Albères, dans les Pyrénées-Orientales. Un micro-domaine, en agriculture biologique et biodynamie, vinifications du type vins naturels, traction équine pour le travail du sol. Une démarche labélisée Etika Mondo et pour les amateurs, la possibilité de découvrir quelques cuvées sincères, malgré les très faibles quantités disponibles. A découvrir in situ dès les prochaines semaines, tout comme son voisin de table, Thomas Teibert, du Domaine de l'Horizon, à Calce. Histoire d'en changer...

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Autre lieu incontournable en ce week-end, l'Hôtel des Pénitentes, sur le Boulevard Descazeaux, encore un très beau bâtiment apparu dès la fin du XVè siècle, lui aussi doté de deux belles salles et de charpentes remarquables. Il s'agissait là notamment, à l'origine, d'une communauté de femmes pénitentes, destinéà recevoir les femmes et les filles de mauvaise vie et puis plus tard, bien plus tard, un musée d'architecture ou le siège de la Société des Architectes de l'Anjou. Et parfois donc, de nos jours, un salon réunissant quelques éminents vignerons de France et de Navarre, entendez Catalogne, Lombardie et Géorgie comprises pour l'occasion. On passe aisément de la série alsacienne de Patrick Meyer au trio de cuvées proposé par Dominique Belluard, ou aux chablis de Thomas Pico, voire aux Champagne Lassaigne et aux vins de la région de Tavel d'Eric Pfifferling. Ici, le panel est des plus remarquables, au moins autant que le travail des maîtres-charpentiers d'une époque déjà lointaine. Les Villemade, Puzelat, Mosse, Gaubicher et Bonhomme savent recevoir, pour notre plus grand plaisir!...

Par moment, on se demande presque si le week-end n'intègre pas les Journées du Patrimoine. Après avoir, par un grand mouvement tournant, laissé le château sur notre droite, nous affrontons sans crainte la mitraille de canons proposés au coeur de la Collégiale Saint Martin. Une petite cinquantaine de vignerons dits Les Anonymes y sont réunis, mais pour la plupart, les amateurs (et moult professionnels) considèrent volontiers qu'ils se sont déjà fait un nom.

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Option résolument nature pour la plupart et si quelques jeunes vignerons (ou nouvellement installés) sont présents, on y croise également avec plaisir, quelques "référents" de la méthode, pour lesquels la production de vins dits nature est déjà de l'histoire ancienne et, le plus souvent tout à fait maîtrisée. Citons notamment Bernard Bellhasen, Jean-Christophe Garnier, Joël Courtault ou encore François Aubry. Ce petit salon se déroule sur une seule journée, celle du dimanche, devenant incontournable du fait des talents présents, mais aussi pour l'ambiance qui y régne. De plus, en aménageant au mieux votre timing, vous pouvez vous y rendre au moment oùEmmanuel Chavassieux, artiste charcutier de la Haute-Loire de son état, vous propose ses hamburgers maison à la crépinette grillée, que le commun des visiteurs gourmands ne peut ignorer!...

Après avoir pris nos pénates à Saumur et au lendemain d'une soirée Canon'hic au coeur de la ville, avec un groupe venu d'Outre-Quiévrain, genre assoiffés de sang bonne chair et de canons qui vont avec, nous filons de bonne heure, en ce lundi, jusqu'aux Caves Ackerman. Eh oui, plus de journées de braise (et de brasero) à Brézé!... Sylvie Augereau a trouvé un nouveau lieu pour la Dive Bouteille 2014, quinzième du nom. Ce changement d'underground était très attendu par les vignerons et les visiteurs. Il faut dire que cette sorte de rapprochement entre la grand'messe des vins nature et l'un des leaders en matière de production intensive de bulles avait provoqué, dès son annonce, un pétillement de réactions. Globalement, y'a pas à dire, pari gagné!... Les caves méritent le détour et offrent un plus de confort, notamment dans les déplacements et la station debout auprès des vignerons. Si l'éclairage n'est pas forcément topissime par endroits, on évite par contre tous les flux d'air réfrigérants, comme on pouvait en avoir parfois dans les douves de Brézé et la température ambiante est tout à fait agréable.

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La Dive, c'est avant tout le plaisir de retrouver quelques vignerons de passage et parfois, les conversations se prolongent bien au-delà des arômes et des caractères de telle ou telle cuvée. C'est ce qui fait le charme de ces deux journées et lorsqu'on en passe qu'une seule sur place, on ressent inévitablement une sorte de frustration, tant il y a de domaines à (re)découvrir. C'est aussi parfois l'occasion de percevoir les difficultés rencontrées par les uns et les autres, surtout après les derniers millésimes souvent qualifiés d'ardus. Entre les mots (et les verres!), apparaît aussi l'inquiétude, parce que le doute a tôt fait de s'installer. Pour la plupart, l'année 2014 serait bien inspirée de délivrer une jolie copie, avec des volumes revenant à une normale plus confortable. En allant plus loin, l'hiver doux laisse aussi apparaître quelques craintes, notamment celle d'un gel tardif, dont les conséquences sont dans toutes les mémoires. Certains ne manquent pas de souligner qu'ils ne peuvent se permettre une autre année déficitaire...

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Au hasard de nos déambulations au coeur de la pierre, quelques jolies cuvées chez Hubert et Heidi Hausherr, venus d'Alsace avec quelques vins issus de parcelles complantées, ou encore chez Jean-Pierre Rietsch et ses délectables pinot noir. Non loin de là et dans une sorte de salle circulaire très fréquentée, le Jura, qui réserve toujours quelques surprises. Jolies découvertes avec Jean-Baptiste Ménigoz et ses Bottes Rouges, ou encore la benjamine Loreline Laborde, des Granges Paquenesses. Rappelons au passage qu'ils seront tous deux présents les 23 et 24 mars, au Château de Gevingey, pour Le Nez dans le Vert, le salon des vignerons bio de la région, où sont présents les référents d'Arbois et Côtes du Jura, ainsi que les "grands frères" (et "grandes soeurs"!) qui furent les premiers à montrer la voie aux plus jeunes. Parmi eux notamment, Etienne Thiebaud, dont le succès ne se dément pas pour les cuvées de Cavarodes. Tout près également, la (longue) série proposée par Jean-Yves Péron, de Chevaline, en Savoie, qui semble s'amuser de plus en plus à multiplier les références. Enfin, à quelques pas, Hélène et Bertrand Gautherot, les Champenois de Vouette Sorbée proposent trois remarquables vins, aux délicates nuances de rhubarbe pour Fidèle (un pinot noir sur un sol pur du kimméridgien), ou encore Blanc d'Argile (pur chardonnay) avec une rétro sur les épices douces et enfin Saignée de Sorbée complétant joliment le trio.

Beaucoup de rencontres donc, pour une journée du lundi qui attire tout un lot de fidèles soutiens toutes catégories : il y a là les importateurs venus du monde entier, les restaurateurs, les cavistes, les cavistes en ligne, mais aussi ceux ayant un statut d'agent, souvent assez discrets. Ils n'ont pas pignon sur rue, mais se débattent souvent avec sincérité et passion pour promouvoir les vins qu'ils aiment, auprès des amateurs, des restaurateurs et bars à vins.

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Si la dégustation est multiple à cette occasion, la catégorie "World" de la Dive B se développe d'année en année. Rien de plus normal sans doute, quand on sait que les Italiens et les Géorgiens viennent de plus en plus nombreux, mais, cette fois, les allées bruissaient de la question suivante : "Comment?!... Tu n'a pas goûté les pinot noir de l'Orégon?..." Nous gagnons l'espace réservé aux vins de la planète et, en fait d'Orégon, glissons vers la Californie, pour découvrir ce qui doit être le seul domaine proposant des vins naturels en Napa Valley : Dirty & Rowdy, d'Hardy Wallace, winemaker à Calistoga, à moins de deux heures de San Francisco. A ne pas manquer si vous allez dans le coin. Rien que pour la bonne humeur du vigneron!... Autre découverte, une gamme très intéressante venue d'Afrique du Sud : Lammershoek Farms (olives, poulets et bovins) and Winery dans le Swartland, pas la région viticole la plus connue du pays, mais où sont produits, de toute évidence, quelques jolis vins blancs issus de macérations, entre autres, à guère plus de cinquante kilomètres du Cap.

On a donc parfois l'impression de participer modestement à cette forme de soutien, en témoignant de toutes ces cuvées appréciées lors de ces journées et gageons que vous serez encore nombreux la semaine prochaine, lors de Vinisud et de ses offs gourmands et passionnants. Mais, l'heure d'un appui militant a sans doute sonné. En effet, dès ce lundi, Emmanuel Giboulot est convoqué par la justice pour avoir refusé de traiter ses vignes contre la flavescence dorée. Le risque de lourdes sanctions à son encontre n'a rien de minime : 30000 euros d'amende et six mois de prison!... En quelques jours, à peine quelques semaines, le vigneron de Beaune a recueilli 400000 signatures de la pétition réclamant l'abandon des poursuites. Un collectif de vignerons bourguignons s'est même formé et veut peser dans la lutte contre l'insecte ravageur. Lundi, vers 12h, vous pouvez aussi vous rendre au 13, rue Clemenceau, face au tribunal de Dijon, pour un pique-nique que l'on peut qualifier de citoyen, manifestation qui, espérons-le, se déroulera un tant soit peu dans la bonne humeur, malgré tout.

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Et du coup, vous êtes aussi conviés à un autre pique-nique, le 5 mars prochain, à Angers, pour lequel je ne peux que reproduire intégralement le message d'Olivier Cousin : "Tous Cousin le 5 mars, à Angers! Pour partager le pique-nique citadin (sorti de votre panier). Et la sentence du vigneron qui "nuit à son appellation". Puni ou blanchi, le prévenu apporte une barrique de rouge tirée pas ses fidèles chevaux. Rendez-vous à 12h30 pour chanter aux Marches du Palais... Déguisés pour les plus motivés... Puis, petit tour à la Cave St Aubin et soirée à l'Auberge du Layon, à Rabelais sur Layon." Qu'on se le dise : tous à Dijon! Et tous à Angers!...

Vendredis du vin #63 : Eloge de (l')la (im)patience

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"Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage!..." Vous souvenez-vous à qui nous devons cette célèbre maxime, qui a valeur de morale? A Jean de la Fontaine, bien sur! Dans la fable 11 du livre 2, Le Lion et le Rat, dans laquelle, dès le deuxième vers, on trouve aussi : "On a souvent besoin d'un plus petit que soi."

Patience ou impatience? L'heure du choix a sonné, pour illustrer ce VdV #63, dont la présidente Maïlys Ray, du blog Very Wine Trip (à la fois invitation au voyage et incitation à parler du vin qu'on aime... viscéralement!), souhaite nous voir évoquer ce que la patience nous inspire à nous, amateurs de vins notamment, souvent enclins à user du tire-bouchon, alors que nous savons pertinemment que goûter à ce nectar qui aura passé moins de trois ans en bouteille, ne sera que pur infanticide!... 

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C'est vrai que je suis très tenté de parler plutôt de l'éloge de l'impatience. Celle de la découverte, de l'ouverture spontanée, du regard porté le plus souvent possible sur de nouveaux horizons viniques. Pourtant, la mémoire est aussi porteuse de quelques dégustations verticales, comme celle du Château de Suronde, période Poirel, un matin de printemps, non loin de la plage des Demoiselles, où les épices douces flottent dans l'air ambiant et les alizés, voire dans la chambre des vacances de notre enfance et ses odeurs de cire attentivement passée sur le merisier blond d'un homme-debout.

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Certaines de ces bouteilles sont et restent comme un défi au temps. Le temps qui, parfois, ne s'écoule pas, à chaque instant, à la même vitesse. Lorsque j'étais enfant, au siècle dernier, je me souviens que j'écoutais les montres, les réveils, les horloges, afin de mesurer le temps et tenter (ou temps T!) de savoir si tous ces témoins du temps qui passe, filaient à la même vitesse... Je crois que celle que je préférais, c'était la vieille comtoise centenaire de mon grand-père et son tîc... tôc, au tiret suspendu le temps d'un espace-temps indéfini et... hors du temps. Elle a sans doute contribuéà m'apprendre la patience (si chère à Maïlys!), lorsque les journées d'été s'étiraient et qu'il fallait attendre que la chaleur baisse, avant que de gagner la plage, afin d'éviter de s'exposer au soleil brûlant de juillet. J'aurais pu également, c'est vrai, comme un insomniaque dénombrant chaque heure de la nuit, compter les moutons du troupeau qui passait matin et soir devant le portillon, sur la route nationale, bloquant la circulation et incitant les conducteurs à plus de patience, une vertu devenue rare au volant, de nos jours.

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Les années passent, on se demande désormais (l'âge sans doute...) s'il faut faire confiance au temps, ou s'il convient de le bousculer. Dans la cave, trop de bouteilles nous déçoivent, d'avoir passer trop de temps sur les casiers et dans le noir. Certaines préfèrent indiscutablement la compagnie et la lumière. Pourtant, d'autres laissent entrevoir leur potentiel de garde dès l'ouverture. Anthologie 2010 de Philippe Delesvaux?... Non, je ne sais même pas où elle est rangée!... Ce Château-Châlon 1999 de chez Macle?... Le homard était bien jeune, lui aussi!... Et Crichët Pajé 1998?... Mais, Luca Roagna estime qu'on peut l'attendre cinquante ans, sans doute!... Un demi-siècle!... Ne devrais-je pas plutôt entretenir ma mémoire, de ces arômes hors du commun et d'un équilibre évoqué seulement dans les traités de dégustation d'un passé déjà lointain?... Le devoir de transmettre notre passion autour de nous relève-t-il de la nécessité de la patience ou de l'inévitable impatience?... (vous avez deux heures).

Il ne nous reste plus qu'à parler de ces bouteilles que nous n'ouvrirons jamais. Celles qui sans doute nous décevraient aujourd'hui, après soixante ou quatre-vingt ans passés à nous attendre. Font-elles l'éloge de notre patience?... Au moins, elles portent en elles, la trace d'un autre temps, d'un autre air du temps. Ce que je viens d'écrire pourrait choquer François Audouze, le pape des vins anciens. Lui, mieux que quiconque, sait à quel point la patience génère les éloges que l'on peut faire, face à tel ou tel grand cru hors d'âge. Mais, s'agit-il encore là de patience?... Ou d'une forme d'intemporalité?...

Un vigneron au tribunal (2) : Anjou feu! Anjou libre!...

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Nous nous étions quittés le 2 octobre 2013, par une belle journée automnale à Angers. En ce 5 mars 2014, nous nous retrouvions à proximité ou au pied même du monument aux morts des deux guerres, face au Palais de Justice, pour en quelques sortes, apporter notre soutien aux vins vivants, en même temps qu'àOlivier Cousin, confronté pour la seconde fois en quelques mois, aux affres d'une audience judiciaire.

L'après-midi a des relents printaniers, après un hiver particulièrement pluvieux et désagréable. Cette météo plaisante, aux deux extrémités de l'attente séparant les deux audiences, avait valeur de symbole, un peu comme si la nature s'était mise entre parenthèses pendant cinq mois. Le printemps allait-il renaître, comme pour rappeler l'été indien de l'année passée?

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Les quelques nuages blancs survolant la Place Leclerc dans un ciel azur étaient presque les mêmes que ceux d'octobre. Nombre de participants étaient également les mêmes, à peine plus nombreux, évalués à deux cents personnes selon les organisateurs, les chiffres de la Police étant inconnus, pour cause de panne de drones!... Parmi eux, nombre de vignerons d'Anjou, du Saumurois ou de Touraine, mais aussi quelques-uns venus de plus lointaines provinces, tels Michel Gahier et Étienne Thiébaud, accourus du Jura et d'Arbois pour l'occasion, sans oublier Dominique Derain, confronté quant à lui, depuis quelques semaines, à une forme d'arbitraire qui peut s'avérer ravageur comme un insecte indésirable (perte de l'AOC pour ses Pommard et Gevrey-Chambertin notamment). A noter aussi Michel Tolmer, de passage quasi incognito. Les conversations évoquaient souvent un autre jugement récent, celui d'Emmanuel Giboulot, autre vigneron bourguignon, poursuivi pour avoir refusé de traiter ses vignes contre la cicadelle (vectrice de la redoutable flavescence dorée) alors qu'elles n'étaient pas atteintes et relativement épargné par le tribunal de Dijon (1000 € d'amende, dont la moitié assortie du sursis, jugement en délibéré au 7 avril prochain).

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Certains ne manquaient pas de rappeler à quel point ils (les vignerons en bio) étaient parfois et dans certaines appellations, les cibles de divers organismes officiels, dépêchant régulièrement (disons beaucoup plus régulièrement que chez d'autres!...) leurs émissaires fouillant les documents dans les moindres détails, sans vergogne et procédant à quelques prélèvements débouchant parfois sur des décisions pour le moins arbitraires et non fondées. Peut-on parler d'une quelconque forme d'équité, lorsque d'aucuns sont contrôlés entre quatre et huit fois plus que leurs voisins?... Dans d'autres domaines, on aurait vite fait de dénoncer vivement cette forme d'acharnement!...

De plus, la réglementation est telle qu'il faut être extrêmement vigilant à l'emploi des termes figurant sur les étiquettes et la mésaventure d'Olivier Cousin le rappelle au passage. Certains auront tôt fait de parler de provocation, mais parfois, il s'agit purement et simplement d'une méconnaissance ou d'une "mauvaise lecture" des règles précises.

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Sur les coups de quatorze heures, à l'heure de gravir les marches du Palais de Justice d'Angers, le vigneron n'ignorait rien de ce qu'on lui reprochait, mais il pouvait compter sur ses soutiens présents, même si tous n'accédèrent pas à la salle trop exiguë du tribunal. Chacun espérait au passage une certaine clémence, car les enjeux (financiers, entre autres) n'étaient pas forcément anodins.

La durée des débats ne manqua pas d'éprouver la patience de tous les participants à cette après-midi, puisqu'il fallut attendre presque dix-sept heures pour en connaître le terme. Il fallait bien que Maître Éric Morain, avocat d'Olivier Cousin, s'exprime complètement lors de sa plaidoirie, pour répondre aux six infractions relevées par les plaignants et notamment l'INAO soi-même. Il le fit parfois avec une pointe d'humour (pas inutile dans ce genre de crispation), non sans démontrer que certains reproches s'avéraient infondés (cas des bouchons, semble-t-il, pour lesquels aucune interdiction précise n'existe) et tout en relevant au passage quelques imprécisions, qui amusèrent parfois les spectateurs.

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Mais, pour les supporters présents sur la place, la séquence émotion du jour était à venir. En effet, au moment où Olivier Cousin repassait sous les colonnes du bâtiment, Joker, chevauché par une jolie amazone andégave, gravissait les marches du Palais pour venir à la rencontre de son partenaire de travail et parfois de jeu, quelques peu impatient sans doute de retourner dans les rangs de vigne de Martigné-Briand. La scène fut accueillie par la clameur qu'on imagine et pour chacun, il ne restait plus qu'à apprécier la douceur de la soirée angevine, en espérant que la Justice ne prenne pas trop ombrage d'une telle démarche quelque peu... cavalière!...

Pour ce qui est du contenu du jugement lui-même et sur la base d'échanges au terme de cette journée, tout en croisant le verre la corne, nous pouvons affirmer de sources très proches du dossier (selon la terminologie dont il convient d'user dans ces circonstances) que l'amende de 5000 € avec sursis était réclamée au bénéfice de la Fédération des Viticulteurs d'Anjou-Saumur (plus, à priori, 1 € symbolique pour l'INAO, partie civile dans ce procès). A propos des infractions constatées en 2010 et 2011, les chiffres restent à confirmer. Des sources journalistiques affirmaient dès hier soir que l'ensemble portait sur 23603 bouteilles, avec des amendes de 0,10 à 0,26 € par bouteille, soit un total allant de 2360 à 6136 €. Parfois, il était plutôt question de 0,10 à 0,20 € sur un total différent de 9000 bouteilles. Reste sans doute à obtenir et arrêter le total réel, au regard des seules infractions retenues, ce que nous confirmeront peut-être des spécialistes en la matière (à voir aussi par ). Affaire à suivre donc, mais entre 1000 et 6000 €, la pilule à avaler n'est pas de la même taille!... Là encore, le tout est mis en délibéré par Madame la Présidente jusqu'au 4 juin prochain, après que Maître Morain ait demandé la relaxe pour la "tromperie sur les étiquettes" et une dispense de peine pour les contraventions.

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Laissez le vin bio en paix!... pour reprendre le titre de la tribune de JP Géné, parue dans Le Monde du 28 février dernier. C'est un peu le sentiment qui flottait dans les esprits de tous les amis et soutiens d'Olivier Cousin présents ce jour, même si beaucoup de vignerons, ayant fait le choix d'une viticulture respectueuse de l'environnement et de la santé des consommateurs, aspirent à une reconnaissance complète et sincère, sans conserver en permanence au-dessus de la porte de leur cave, les épées de Damoclès issues de la panoplie de tels ou tels organismes, dont l'action se résume souvent à servir des intérêts à tendance lobbyiste. Lors de l'apparition des AOC, dont les premières datent de 1936, la défense d'un travail issu de la transmission orale entre générations était la priorité. Cela intégrait des choix et des connaissances techniques que certains progrès technologiques ont ensuite contribuéà renforcer, mais pour combien d'autres de ces supposées avancées, qui n'ont cessé de dénaturer le vin par les effets d'un productivisme acharné?... Vivre avec son époque, où chacun en veut pour son argent de manière absolument simpliste, inclut-il un aveuglement communautaire?... Nous sommes finalement de plus en plus nombreux à croire que la tromperie n'est pas le fait de ceux, restant une minoritéà ce jour, qui prônent une seconde voie et même dans le cadre de l'AOC, parce que parfois, elle le vaut bien!... Et si leur camp ne s'élargit pas, tant mieux, nous pourrons encore, pour quelques temps, nous partager du vin d'Anjou d'Olivier Cousin!...

L'Anjou fait feu de tout bois (pas tout)!...

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Grand bleu, mais présence de particules fines!... La première partie du bulletin météo suffisait largement pour nous faire sortir du bois, Horta et moi. Pour ce qui est de la seconde mention, les particules fines, les prévisionnistes nous montrent dans leur bulletin, leur pain quotidien, quelques photos évoquant parfois la relative limpidité (ou turbidité, c'est selon) des vins naturels, ni filtrés, ni soufrés. A quand des mentions plus explicites pour qualifier le ciel d'hiver de nos contrées?... "Demain, l'horizon sera quelque peu Arbois ou Layon!" Ou encore : "L'ambiance sera Overnoy ou Chaffardon!..." Comprendra qui pourra!... D'accord, mais avec modération, répondra Monsieur Evin. Ceci dit, on rigole, on rigole, mais ces particules, au final, ça sans le soufre!... Ça sent surtout, à terme, les mesures contraignantes destinées à justifier l'augmentation des prix des carburants. Il faut dire que parfois, nous ne sommes pas raisonnables. Pour l'instant, si le nez et la gorge vous piquent, une seule solution : filez en Anjou!...

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~ Jean-Christophe Garnier, à St Lambert du Lattay ~

Il a bien grandi, le jeune homme qui faisait partie, naguère, des révélations d'une certaine nouvelle vague angevine. C'était à l'entame du troisième millénaire de notre ère. A cette époque là et même encore en avril 2008, lors d'un précédent passage au domaine, il disait ne pas vouloir augmenter la surface de vignes dont il disposait, soit environ quatre hectares. Indiscutablement, il a gagné en confiance, mais a aussi franchi le Rubicon Layon, en faisant construire des locaux neufs permettant de travailler dans de bien meilleures conditions. Un déblocage de prêts disponibles en sa qualité de jeune agriculteur, certes, une pression supplémentaire, mais il admet désormais que celle-ci est toujours présente, sous une autre forme parfois, due à la trop petite taille d'un domaine. Cette part de risque, à ses yeux, cela lui permet d'avancer, tout en assurant une bonne continuité.

Alors qu'il ne disposait avant que de parcelles de blancs, il a aujourd'hui autant de rouges que de blancs, passant donc de 4 ha à 7,5 ha. Le tout s'accompagnant d'une sorte de restructuration du parcellaire, cédant ici ou là, arrachant parfois et programmant aussi quelques nouvelles plantations, voire achetant quelques friches, lui permettant de se projeter dans un avenir plus lointain.

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L'expérience acquise depuis quelques années permet au vigneron de St Lambert du Lattay de se projeter dans le futur avec une plus grande assurance. Ainsi, du côté de Bézigon, qui reste sans doute son spot fétiche, il avance à petits pas, ceux que la nature et l'équilibre financier imposent, mais avec détermination. C'est sur ce coteau exposé au nordet qu'il a déjà plantéà 7000 pieds/hectare, en 2009 et 2010, près de deux hectares de chenin, sur ce sol de schistes érodés, reposant sur un sous-sol de métagrauwackes. Dès que ces vignes vont toutes entrer en production, une parcelle de plus vieilles vignes (aux nombreux déplants) acquise à proximité, sera à son tour arrachée, afin de composer à terme un ensemble plus cohérent et d'origine choisie.

Non loin de là, soixante ares de gamay viennent aussi d'être arrachés et après une patiente préparation (semis de seigle et d'avoine à venir), la parcelle devrait être plantée de pineau d'Aunis de diverses origines (Jasnières, Layon et sans doute un clone). A l'extrémité de celle-ci, une friche, jouxtant aussi les cabernets de Cédric Garreau, pourrait être plantée d'arbres fruitiers, composant un joli verger, participant à terme à la biodiversité du site.

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En vis à vis, sur l'autre rive du Layon, on aperçoit, profitant du temps... clair, l'autre composante "historique" importante du domaine, le secteur de La Roche, 1 ha 10 de chenin sur carbonifères exposés ouest, composant désormais avec Bézigon, un Anjou blanc de caractère, sorte d'association du yin et du yang, option vallée du Layon, comme deux terres qui se toisent et qui, finalement, transformeraient duel en duo. Une notion que semble désormais privilégier Jean-Christophe, longtemps passionné par l'idée du parcellaire vinique, mais qui, de plus en plus, se sent attiré par les assemblages, au-delà même de la volonté de simplifier sa gamme. Presqu'au point peut-être de rêver d'un duo blanc-rouge, indépendemment des conditions propres à chaque millésime, qui peuvent permettre l'apparition de cuvées plus ou moins expérimentales (ou non voulues!). Vous n'y couperez pas, le prochain millésime solaire verra sans doute revenir, comme en 2005, ce vin élevé trois ans et demi en barriques, à la façon d'un jaune du Jura!...

Autre secteur important désormais, Les Tailles, avec plusieurs parcelles sur ce plateau limono-gravelo-argileux situé au sud du village de St Lambert, plantées pour l'essentiel de cépages rouges : gamay, cabernet franc, cabernet sauvignon et pineau d'Aunis. Là encore, quelques rangs destinés à de futures vignes, avec notamment cet essai de plantation de porte-greffes pendant deux ans, permettant l'implantation du système racinaire, avant même le greffage d'une variétéà définir, peut-être du chenin... Il faut dire que les 2,5 ha dont dispose ici le vigneron, sont en métayage et que le propriétaire actuel va progressivement en reprendre une partie, du fait de la cessation de son activité professionnelle habituelle. On s'oriente donc là vers une sorte de démarche collective, d'un point de vue matériel notamment, à laquelle il convient d'ajouter le salarié du domaine, Julien, en pleines démarches en vue de la création d'une nouvelle entité, s'appuyant sur la reprise probable d'une partie des vignes d'Olivier Van Ettinger, à Faye d'Anjou.

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D'autres évolutions à prévoir donc, puisqu'il faut ajouter une parcelle restant à planter, à proximité des vignes du Musée de St Lambert, avec vue imprenable sur l'église du village et une autre destinée à recevoir un hectare de chenin, dans le secteur de Rouchefer (bien connu de René Mosse), en allant vers Beaulieu sur Layon.

Côté dégustation, découverte donc de la cuvée 2013 de La Roche-Bézigon, en cours d'élevage dans un grand foudre en chêne, présent au domaine depuis deux ans. Option innovante pour Jean-Christophe, qui souhaitait éviter certaines incertitudes liées à un élevage traditionnel en barriques, ainsi que les manutentions pouvant être sujettes à cautions. Le dernier millésime est doté d'une structure plus légère et le vigneron imagine volontiers qu'il pourrait bénéficier d'une mise de printemps, sur les arômes primaires, plutôt que de suivre le rythme habituel d'un élevage d'une année. De plus, 50 hl, soit le volume du foudre, sont seulement disponibles au lieu des 80 d'une année normale, ce qui fait que l'assemblage classique foudre-cuve n'est pas d'actualité cette fois. Les versions 2011 et 2012 bénéficient d'un équilibre plus accompli, avec quelques notes d'élevage justement, que le temps va digérer, dues sans doute à la jeunesse du foudre et aux variantes d'expression par séquence. En 2011, une sélection issue exclusivement de La Roche est aussi disponible, alors qu'en 2012, un petit volume du duo a été mis en bouteilles en version nature. Excellent!...

Les rouges sont quant à eux vinifiés en macération carbonique. L'élevage étant limitéà un passage en cuves, avec pour tous une mise de printemps (mai). A moyen terme, le vigneron espère pouvoir élever tout ou partie de ses rouges en cuves tronconiques. Trois composantes à déguster : un premier assemblage gamay-pineau d'Aunis (ce dernier issu d'une parcelle de 50 ares environ), qui ne devrait porter d'autre nom que Gamay-Aunis, au toucher de bouche agréable et net. Ensuite, deux assemblages des deux cabernets, le premier venant du secteur des Tailles et le second, plus tannique, avec une pointe plus herbacée et issu de vignes plus vieilles dans le secteur des Chévries. On y devine une sorte de complémentarité, ce qui sera confirmé avec les 2013, puisque ces deux volumes seront assemblés pour composer la cuvée Cabernet. Notez que d'ici la mise du dernier millésime, seuls quelques magnums de 2012 sont encore disponibles au domaine.

Côté pétillants (élaborés à Saumur, où un 2009 sera bientôt dégorgé), un blanc est produit lors des millésimes généreux et un rouge plus régulièrement, issu de gamay, pineau d'Aunis et d'un peu de grolleau.

On peut donc considérer que Jean-Christophe Garnier est resté inscrit jusqu'à maintenant dans une sorte de mouvement perpétuel, tentant de conforter ses positions, malgré des évolutions importantes. Pourtant, il n'en a pas moins ses fidèles supporters, qui lui reconnaissent un style liant originalité et constante d'expression forte. En un mot, sa patte personnelle est appréciée et depuis quelques temps, de plus en plus à l'étranger, ce qui renforce la dynamique positive dans laquelle il s'inscrit désormais. Indiscutablement, un tenant d'une ex-nouvelle vague, passé sans coup férir, dans le lot des référents de la région.

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~ Domaine DeboutBertin, à Faye d'Anjou ~

Nouuuveeelle vague!... Un percheron, quelques bouts d'terre, l'Anjou au coeur, mais les pieds sur terre!... C'est la nouuuveeelle vague!... (air connu). La région n'a pas eu, à ce jour, à souffrir d'un quelconque tsunami, mais il faut bien admettre qu'elle voit se former des ondes successives, aptes à irriguer les papilles des amateurs de vins bio et nature. Après les Anges Vins, vignerons pure souche layonesque pour la plupart, un autre groupe, En joue connection, est apparu. Il se compose souvent de jeunes nouveaux venus dans la région, passés presque invariablement par la case dégustation et partage, voire les "classes vertes" que sont les journées initiatrices de vendanges chez les vignerons du cru. Pour nombre d'entre eux, impossible d'en sortir indemnes!... Et, au terme de la cueillette, les mains rouge cabernet, ils en sont certains, leur avenir est ailleurs!... Adieu hiérarchie dans le tertiaire et carte orange forfait navigo, demain est un autre jour!...

C'est ce qui est arrivéàStéphanie Debout et àVincent Bertin. Après des vendanges chez Cyril Le Moing, ils décident de s'installer en 2011. Elle est Poitevine, lui est Rennais. Ils se sont croisés pendant leurs études à Brest, Finistère. Microbiologie et sécurité alimentaire pour elle, électrotechnique pour lui. A l'issue, ils se retrouvent à Paris pendant trois ans, qu'ils passent à courir, souvent en déplacement, ne se croisant pour ainsi dire que le week-end. Mais, l'Anjou leur tendait les bras... Le hasard de quelques rencontres, des pistes à suivre, un soupçon de chance et leur avenir se construit autrement. Ils ont désormais un toit à Faye d'Anjou, un chai dans un bâtiment de la ferme de Montbenault (un bon spot, ça!), chez Stéphane Rocher et quelques parcelles plantées de divers cépages. Désormais, ils peuvent construire et, de toute évidence, ils le font avec pragmatisme, tout en gardant à l'esprit qu'ils apprennent chaque jour et que tout n'est pas tracé dans le contenu d'un manuel de gestion.

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Dès leur arrivée, les DeboutBertin récupèrent des parcelles aux quatre coins de la commune. Au total, 3 ha 50 actuellement et pas moins de sept secteurs différents, dont certains en cours de "restructuration" du fait, notamment, de l'âge canonique de certaines parcelles et de leur reprise en bio. Le couple a suivi une formation simultanée entre févier 2012 et 2013. Ils partagent les tâches avec une sorte de notion de territoire, incluant un planning personnel : celui ou celle qui taille se charge d'un suivi plus attentifs jusqu'aux vendanges!... Ainsi, Stéphanie parle de ses sept ares de vieux grolleau de La Ribellerie, un peu comme s'il s'agissait de ses géraniums!... Malgré leurs quatre-vingt ans supposés, ils sont un peu bonsaï, mais pourrait réserver une belle surprise, comme le suggère la barrique dégustée ensuite. Une vigne qui illustre au passage certaines des découvertes faites par le couple depuis son installation : lorsqu'elles ignorent la date de plantation, les Douanes, en charge du dossier, indiquent systématiquement 1960!... Pratique isolée ou process admis de tous?... Nul ne sait vraiment. Après une petite enquête très locale auprès des propriétaires, ce grolleau a, au bas mot, vingt ans de plus!... Il en va de même avec des cabernet du secteur de la Noue Blanchard. Côté grolleau, une autre parcelle dans le secteur de La Grande Pièce (ex-Kenji et Maï Hodgson) va apporter une expression un tant soit peu différente.

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Fer de lance actuel (une bouteille d'Aunis Etoilé, arrivée un peu par hasard à New York a, semble-t-il, fait récemment sensation!), 65 ares de pineau d'Aunis de 55 ans environ, récupérés dès la première année, dans le secteur dit des Grand'Landes. En effet, une sorte d'immense plateau avec une très faible pente, dont une partie de sols assez profonds et une autre plus caillouteuse (schiste et quartz en sous-sol). Quelques déplants, mais au-delà de ça, plutôt de bonnes surprises : le cépage leur a été présenté comme très fragile, atteignant difficilement une bonne maturité homogène. Or, en 2012, 12,7° nature à la vendange et juste deux traitements avant et après la fleur!... L'espace est à priori bien aéré, mais les débuts sont encourageants. A noter que la taille choisie s'oriente vers un gobelet palissé et qu'à terme, toutes les parcelles seront sans palissage, pour permettre un bon travail avec le cheval.

Car, en effet, option importante au domaine, un percheron acquis dans l'Orne, Anatole, fait partie intégrante du projet, j'allais dire de la famille. Il faut bien comprendre que ce cheval est en cours de formation chaque matin (une partie de son pré est transformée en "salle de classe") et qu'il semble avoir bien digéré la réforme dite des rythmes scolaires!... A charge pour le duo de vignerons d'adopter un rythme pédagogique répondant à son attente : il apprend vite et se montre très exigent! Premier le matin, lorsque la cloche sonne et pas question de faire trop longtemps les mêmes exercices!... Bien sur, Stéphanie et Vincent ne négligent pas leur propre formation en la matière et vont jusqu'en Creuse, chez Frédéric Carlier (Trait d'avenir) pour apprendre à mener un cheval au travail et, en même temps... apprendre sur eux-mêmes!...

Les parcelles de blanc sont elles divisées en deux secteurs principaux : du chenin et du sauvignon blanc en pleine restauration du côté de Gratte Bourse (poésie des noms de lieux angevins!) et une seconde partie en production, non loin de Montbenault, sur la commune de Beaulieu sur Layon. Là, un simple chemin sépare deux vignes somme toute très différentes : côté plateau, Les Bellouines, âgées de vingt-cinq ans, qui donnent la cuvée Achillée et l'autre, sur un coteau avec vue sur Rablay sur Layon, Les Jauges, qui atteignent quarante-cinq ans et composent la cuvée Pacotille. Des sols qui ressuient très vite en cas de pluie, mais des vignes qui ne se comportent pas de façon identique. Problème de clone ou de porte-greffe?... En tout cas, des parcelles qui réclament une grande attention tout au long de l'année. Autre découverte du duo, les réactions des amateurs lors de dégustations de ces chenins, qui sont parfois à l'opposé de leur perception, mais ils devinent que celle-ci ne doit pas être influencée par les éventuelles difficultés rencontrées en cours d'année et qu'ils doivent aussi se mètrent à l'écoute pour avancer.

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Tour d'horizon des 2013 ensuite. Après les trois cuvées proposées en 2012 (deux de chenin, une de pineau d'Aunis), il faut donc désormais compter sur de nouvelles sélections, lesquelles en principe, se veulent parcellaires, soit pas moins de sept ou peut-être moins, si les jus sont peu convaincants, ces derniers étant alors dédiés à la production d'un pétillant. En cave, pour les blancs, pressurage doux sur vingt-quatre heures, puis passage en barrique sans débourbage ni soutirage. A l'issue d'un élevage d'un an environ, assemblage en cuve sans soufre et mise en bouteilles. Pour les rouges, vinification en grappes entières, avec un ou deux pigeages par jour pendant environ deux semaines, puis élevage en barriques sans soutirage, pour une durée à peu près similaire aux blancs. Très simple, très nature!...

Encore une belle découverte en Anjou donc, avec ce domaine tout neuf. Un couple de vignerons pour le moins déterminés, sincères et tournés vers l'avenir. Prêts à capter les ondes positives qui circulent dans le paysage du Layon mais, à l'évidence, dotés d'une bonne capacitéà réfléchir aux options qui se présentent. Ils ont sans doute beaucoup aimé certains flacons dégustés çà et là, avant de passer sur l'autre rive, mais on devine aussi que d'autres les ont moins convaincus et c'est probablement ce qui leur permet de savoir mieux ce qu'ils ne veulent pas aujourd'hui, tout en préservant leur libre-arbitre et peut-être moduler à l'avenir certaines orientations. Finalement, savoir ce qu'on veut n'est pas forcément la panacée!... En revanche, identifier ce qu'on ne veut pas, peut être tout à fait décisif et constructif.

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~ Tessa Laroche, à Savennières ~

Il est plus de 17h lorsque je franchis le portail du Domaine aux Moines. En descendant de voiture, je reconnais la voix de Tessa et la moitié de conversation téléphonique que j'entends me laisse aisément supposer que la journée d'une vigneronne peut être parfois animée et qu'à toute heure, les problèmes peuvent survenir. En l'occurrence, elle vient d'apprendre que les étiquettes attendues pour la mise en bouteilles du lendemain ne seront pas prêtes!... En fait de mise, il s'agit plutôt d'une triple mise et parmi celles-ci, en plus de la cuvée Les Moines 2011 et du Domaine aux Moines 2012, la toute nouvelle cuvée en Vin de France, issue des jeunes vignes, appelée Le Berceau des Fées 2013, dont le look et la calligraphie sont indiscutablement innovants, en plus des réflexions que la mise sur le marché d'un tel vin a provoqué dans le landerneau!... Toute chose qui amuse Tessa, finalement!... Mais qui, pour l'instant la stresse quelque peu, puisqu'elle ne se voit pas partir, lors du week-end tout proche, au salon de Villebarou sans ces flacons.

15032012 020A la Roche-aux-Moines, comme ailleurs, l'hiver a été bien arrosé. L'herbe a envahi les rangs et le trèfle fait son apparition. L'option de taille, terminée désormais, montre que les baguettes sont plus longues qu'à l'accoutumé. Une tendance que l'on trouve souvent cette année et pas qu'en Anjou. La présence dans les têtes de solides dictons, tel que Noël au balcon, Pâques au tison, a déclenché des choix prudents, du moins ceux qui pourraient permettre de réagir, voire de sauver quelques meubles, en cas de gel printanier souvent dévastateur. D'autant que Pâques, cette année, se fêtera le 20 avril!...

Au Domaine aux Moines, Tessa a pris les rênes avec détermination et envie, ne craignant pas de rompre quelque peu avec une sorte de tradition familiale et locale. Une courte conversation avec Madame Laroche mère laisse entendre qu'une supposée période de transition est arrivée à son terme. Il faut dire que l'engagement de sa fille en faveur d'une réflexion globale concernant l'appellation Roche-aux-Moines, puis l'évolution du contenu du décret, plaide en sa faveur, au-delà même des options audacieuses pour le domaine, qui atteint voire dépasse désormais les onze hectares de chenin sur l'AOC "Grand Cru"!... Sur le sujet, la préoccupation du moment, pour la vigneronne et ses voisins, reste néanmoins l'inévitable campagne de communication qui reste à mener en faveur du potentiel remarquable de ce cru d'une quarantaine d'hectares, que personne, par le passé, n'a pu ou n'a su mettre en valeur, afin qu'il devienne une référence dans l'esprit des amateurs et de bien des professionnels. Savennières elle-même souffre encore de ce déficit d'image et la Roche-aux-Moines, malgré les progrès de ces toutes dernières années, n'a pas pris, à ce jour, le train d'une plus grande renommée, même si le TGV passe à ses pieds!... TGV, pour Très Grand Vin?...

Si vous lui rendez visite, Tessa vous convie parfois à une toujours très instructive dégustation sur fûts du millésime en cours d'élevage. Cette fois-ci, pour 2013, il est permis de comparer les lots du Parc (vignes du clos, coté jardin) et des Ruettes (à l'entrée du domaine, côté cour), tantôt dans des barriques neuves de deux tonneliers (Atelier Centre France et Dussiaux), puis sur d'autres allant d'un à quatre, voire cinq vins. Une séance, parfois longue, mais la vigneronne doit s'y contraindre régulièrement, afin de sélectionner au mieux, notamment, les lots qui seront destinés à la cuvée Les Moines, apparue en 2010. Même si la tendance est à privilégier les fûts les plus récents, la tâche n'est somme toute pas simple, même si le Parc et ses vieilles vignes tiennent la corde.

Juste le temps de déguster les cuves qui seront mises en bouteilles le lendemain, un exercice parfois compliqué après la série précédente, qui plus est, un "jour feuille" juste après l'apogée de la Lune!... Alors, influence ou pas des phases lunaires lors de la dégustation?... "Les jours suivants, c'était nettement mieux!..." me confirmera un SMS de Tessa, quelques jours plus tard.

N'allez pas croire pour autant que les vignerons angevins s'en remettent aux fées et à leur baguette magique!... Quant à la Lune, ils l'apprécient souvent sous toutes ses formes et la considèrent sans doute comme une sorte de partenaire... Mais, les derniers millésimes n'ont rien eu de rassurant et nombreux sont ceux qui reviennent à une réalité qui n'a rien d'ennivrant. Tous espèrent une année "normale", sans difficultés nouvelles venant s'accumuler aux précédentes. Parce que l'Anjou le vaut bien et mérite sa montée en puissance!...

Escapade nantaise, avec Vigne'Horizons

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Pour fêter le printemps, quelle meilleure soirée qu'un passage dans le vignoble nantais, avec Vigne'Horizons, avant de découvrir une jolie table de la cité d'Anne de Bretagne?... En quelques sortes, passer des champs de mars aux Chants d'Avril!...

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En préambule de cette soirée du 20 mars donc, passage au Domaine du Fay d'Homme, chez Vincent Caillé, à Monnières, haut-lieu du vignoble nantais, avec ses Muscadet sur gabbro, pour ce qui est des parcelles à proximité de la cave. Le jour commence à baisser, mais nous optons pour une découverte de la parcelle située à quelques centaines de mètres, en bordure de la voie ferrée (le TGV mogettes!), où l'on trouve à cette époque de l'année, normalement, quelques tulipes sauvages. Tulipa sylvestris, une des plus répandues dans le vignoble jusqu'au début des années 80, mais laminée par l'utilisation des herbicides dans les vignes. Vincent Caillé se souvenait en avoir ramassé, naguère, du côté de Maisdon sur Sèvre. C'était un peu le muguet des premiers jours de printemps. Les premiers bouquets trouvaient vite preneur(se)s dans les villages, pour quelques... francs!... Au Jardin des Plantes de Nantes, quelques dizaines de bulbes sont implantées dès 1990, au sein d'une vigne expérimentale. En 2004, l'antenne régionale des Pays de la Loire du Conservatoire Botanique de Brest établit un plan, en vue de la conservation de cette variété de tulipes des champs et vignes. Les bulbes se multipliant avec le temps, il est décidé, en décembre 2009, de réintroduire ces fleurs dans le vignoble, qui se devait d'être bio, bien évidemment. Avec deux autres vignerons de la région, Vincent Caillé accepte volontiers de tenter l'expérience et, en ce début d'année 2014, notre petit groupe découvre ces premières tulipes juste sorties de terre, qui ne manqueront pas d'égayer le paysage dans les prochains jours, sorte de boutons d'or élancés et gracieux.

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A la cave, il nous est ensuite permis d'apprécier quelques cuvées disponibles et récentes, dont le Gros-Plant La Part du Colibri 2013, qui permet à certains membres du groupe de tenter de se remémorer le temps où ils consommaient encore cette variété de vin!... Et du coup, le plaisir de découvrir une telle qualité, issue d'une vieille vigne sur gabbro, non loin de la cave également, n'en est que plus vif. A suivre entre autres, la cuvée dite Clos de la Févrie 2012, issue d'une parcelle sur gneiss et le remarquable Monnières-St Fiacre 2009, avec ses trois années d'élevage sur lies, contribuant à démontrer le potentiel des Crus communaux, tels qu'ils sont progressivement définis dans le vignoble du Muscadet. A noter aussi la cuvée Vieilles Vignes 2012, sur orthogneiss, mais aussi le Gamay 2013, zéro soufre, qui permet au vigneron d'expérimenter, sur les rouges d'abord, les vinifications "nature", avant même d'apparaître, à terme plus ou moins lointain, sur les autres cuvées. Mais, Vincent Caillé n'est pas homme à précipiter les choses et d'autres étapes restent à franchir pour asseoir un serein développement du domaine. Des cuves en béton pourraient intégrer le cuvier, si les grands garde-vins actuels trouvaient preneur et d'autres équilibres restent à trouver, pour atteindre les objectifs à la vigne. Comme chacun sait, le Pays Nantais, ce n'est pas la Bourgogne, ni d'autres vignobles à fort "potentiel rémunérateur" et, désormais, un millésime 2014 offrant des volumes supérieurs à 2012 et 2013 serait le bienvenu!... On croise les doigts, avec moult vignerons de France et de Navarre!...

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Passons à table et prenons la direction du centre ville de Nantes, oùVéronique et Christophe François nous proposent, au 2 de la rue Laënnec, de découvrir Les Chants d'Avril, bistrot gourmand, vivement conseillé par de nombreux vignerons de la région, avec deux ou trois autres à apprécier, au bas mot!...

Christophe, un quadra natif de Pontoise, sait depuis l'âge de sept ans qu'il veut être cuisinier!... L'influence des grand-mères sucrées-salées!... Issu de la promotion 1993 de l'Ecole Hôtelière Institut Vatel, il fait ses gammes dans divers restaurants parisiens. Il rencontre Véronique, native de Chinon, qui elle, est en fac de psycho du travail jusqu'en 1996. "Il m'a dit : c'est moi avec mon métier ou pas moi!" Un homme qui sait parler aux femmes, façon ultimatum!... Et, c'est ainsi qu'ils ouvrent, en 2000, leur premier restaurant, Les Epis d'or, à Champagné sur Oise (95). Déjà apparaît la formule du "menu mystère". "Christophe n'aime pas faire deux fois de suite le même plat!"

En 2008, cap à l'ouest! Ils ouvrent à Nantes, Les Chants d'Avril. Objectif : "une cuisine bistronomique dans le cadre d'un vieux bistrot de quartier, avec la déco chaise en bois des années 40." En cuisine, des produits vrais, associés de façon inattendue et une indéfectible envie de créer. La passion du vin en plus ("on n'a jamais fini de découvrir et d'apprendre!"), la rencontre d'une épicière "qui connaît tous ses poivres par leur goût" (Sylvie) et d'un chef de bistrot permettant la création d'une "ligne d'épices Chants d'Avril", prêtes à l'emploi, façon tour du moulin qui change les choses à la maison!... Sur cette base, nous ne pouvions que nous régaler!...

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Après, en guise d'amuse-bouche, des rillettes de merlu au citron vert et basilic, avec une feuille de mertensia maritima, accompagnées d'un réjouissant Gros Pet 2013 du Domaine de l'Ecu, que personne ne peut se permettre d'ignorer!

La base du menu mystère, comme il se doit, nous est annoncée genre poisson, fruits de mer et crustacés. La première assiette se compose de noix de St Jacques crues, légèrement marinées dans de l'huile de noisette de chez Vigean, zeste de citron de Menton, accompagnées de betterave crapaudine, pousse de moutarde et red met. Un bonheur n'arrivant jamais seul, ce plat est accompagné d'un Muscadet 2012, de Julien Braud, le petit jeune qui monte à Monnières, dont Vincent Caillé parle avec enthousiasme. 

La suite est de la même veine, pétillante à souhait : crevettes de Bélize, herbes fraîches, grenades, citron vert, pistou de feuilles de radis et citron, huile de sésame Vigean. Un plat joyeux et frais, qui forme un joli duo avec le Bourgogne Vezelay 2010 du Domaine de la Cadette, dont la rétro délicatement rhubarbe est surprenante et enthousiasmante. Le vin accompagne aussi le poisson du jour s'annonçant plus classique : un dos de lieu jaune, bouillon de crustacé, tandori, radis blancs, carottes de couleurs.

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"Vous avez encore faim?... Parce que le chef vous a préparé une petite surprise!..." Et nous voilà partis pour une très belle assiette, goûteuse et onctueuse : une échine et gorge de porc basse température croustifondant, panais, grenaille, shitaké, jus très corsé, ail et thym. Le tout en phase avec un Cahors de Fabien Jouves, Les Escures 2012, du Mas del Périé, tonique et volumineux.

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Nous restait-il un peu de place?... La raison allait-elle l'emporter?... Non, parce que le dessert aperçu les jours précédents sur quelque photo publiée sur Facebook allait sonner le glas de notre résistance : comme un snickers, cacahuète, chocolat Valhrona 55%, miel d'Herbignac, crumble salé de petit Lu, caramel. Une tuerie d'la mort!... Comme dirait une gourmande de mes connaissances!...

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Résiste!... Vous n'allez quand même pas vous jeter sur votre écran!?... C'est peu de dire que nous sommes là, à une adresse tout-à-fait recommandable!...

Lucien Salani, Domaine des Balmettes, à Cases de Pène (66)

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La tramontane souffle fort en cette matinée de début de printemps. Que seraient les P-O sans ce vent du nord ou du nord-ouest, froid et sec? Que seraient les vignerons de la région sans ce purificateur de l'atmosphère locale qui, certes, oblige à pratiquer la taille dans des conditions souvent réfrigérantes, de novembre à mars, voire début avril, mais leur évite bien des problèmes de maladies à la vigne et limite sacrément les traitements. "C'est bien simple, précise Lucien Salani, "ici, pas de mildiou ni de vers de la grappe!..."

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Le vigneron vit bien à Cases de Pène, petit village de la basse vallée de l'Agly, mais les dix hectares regroupant ses parcelles se situent sur la commune d'Espira de l'Agly. Nous avons rendez-vous pour découvrir les vignes qui s'échelonnent sur les quelques dômes dominant la vallée. Des duos s'affairent sur les différents versants, certains composés de marnes noires, les autres de schistes dégradés. En bas, des vignes sur le plat appartenant à Hervé Bizeul, tirées au cordeau sur la terre sombre. Au-dessus, les vieux cinsault de Benoît Danjou, que l'on surprend en pleine taille, accompagné d'un ami octogénaire de son grand-père, passionné par cette activité hivernale.

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Plus haut encore, deux silhouettes emmitouflées taillent également grenache, syrah et dix ares de carignan complantés. Parmi elles, Aline Hock, qui pratique volontiers l'entraide avec Lulu, ce dernier avouant au passage, apprécier la touche féminine pour ces travaux de mars. "Mais, on a aussi une espèce de négoce ensemble..." Avec notamment des raisins achetés au Roc des Anges, à Montner, afin de proposer la cuvée L'Herbe rouge, composée d'une majorité de grenache, de carignan, de syrah et de chenanson, croisement du grenache noir et du jurançon noir, création de l'INRA de Montpellier. Aline et son amie sont venues avec leurs chiens respectifs, mais nous découvrons aussi les deux oies d'Aline, qui semblent apprécier ces petites sorties dans le vignoble. A notre approche, elles se font bruyamment entendre, on a presque l'impression qu'elles se mettent au diapason des beaucerons!...

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Lucien Salani nous permet de découvrir le terroir du Domaine des Balmettes et tout l'intérêt de ces vignes en coteaux, exposés au souffle des rafales tombant des contreforts des Corbières. De visu, nous pouvons en effet constater que rien ne semble pouvoir freiner cette tramontane s'engouffrant dans les couloirs de calcaire et de garrigue. Dix hectares d'un seul tenant ou presque, de vieux grenache blancs aussi. Le vigneron nous explique que tout l'intérêt du secteur, c'est qu'il n'y a pas de perte d'acidité. Les marnes restent chaudes pendant les nuits d'été, mais les schistes reprennent la température nocturne. 4200 pieds/hectare environ, parce qu'il y a bien quelques manquants. Une parcelle sera bientôt plantée de grenache noir, en massale, malgré le taux de mortalitéélevé dans un tel secteur, mais on mesure bien l'intérêt de prendre soin de telles parcelles, dont on ne peut travailler les sols qu'au chenillard, ou peut-être avec des mules.

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Côté cave, le domaine se (re)structure. Lucien a pu acquérir la maison voisine de la sienne au coeur de Cases de Pène et aménage l'ensemble pour disposer avant longtemps d'un hébergement moins... nomade d'une part et d'une perspective d'organisation plus rationnelle. En un peu plus de dix années, le vigneron d'origine lorraine a pris de la bouteille, mais ce n'est pas pour autant qu'on nous l'a changé, Lulu!... Il dit volontiers partager toujours une forme d'idéal, avec Frédéric Rivaton notamment. Ce dernier dit parfois qu'il fait de belles et grosses vendanges certaines années, mais qu'il perd dans ces circonstances beaucoup de vins qui n'aboutissent pas, en plus du niveau d'exigence. A priori, on devine qu'il a tracé son chemin, que le paysage lui sied, mais qu'il admet volontiers que ses chaussures sont un peu usées!...

La dégustation des 2013 en cours d'élevage laisse augurer d'un bon millésime. Le maccabeu, Les Agaves et le grenache blanc issu de plus vieilles vignes, Fleur d'Agaves montrent une belle identité, ainsi qu'une dynamique plutôt séduisante. Côté rouge, deux grenache sur différentes expositions. Un cépage que Lucien qualifie de compliqué. Ces dernières années, il avoue beaucoup de pertes en jus, du fait d'une oxydation apparaissant en cours d'élevage. Les fermentations se faisant à température assez élevée et le travail avec le froid n'étant pas dans son optique, il a du changer quelque peu son fusil d'épaule. Si les vinifications se font toujours en cuves tronconiques, en 2013, les cuvaisons n'ont pas dépassé dix à douze jours, avec très peu de remontages et les fermentations se finissent en barriques. Du coup, les perspectives sont différentes et la tonicité est préservée.

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La syrah, quant à elle, que Lucien qualifie volontiers d'inoxydable, ne propose guère plus de 12 hl/ha, avec moins d'expression de terroir selon lui, mais toujours une belle structure tannique. Retour aux grenache pour finir, avec le gris d'abord, traité en vendange entière, avec une macération pelliculaire de deux jours préservant la fraîcheur. Son aspect rosé contribue à donner un style hors du commun à cette cuvée GG de Lulu, apparue voilà quatre ans. Guère plus de 1500 bouteilles les bonnes années, la vigne produisant de très petites grappes avec, curieusement, des rendements corrects une année sur deux. Un grenache noir ensuite, destinéà la cuvée Les Amandiers, vinifié sur marc, avec de très beaux amers et une pointe délicatement chocolatée.

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Un plaisir donc, de redécouvrir les vins de Lulu Salani. L'homme a son franc-parler, mais il en faudrait beaucoup pour qu'il renie ses choix, qu'il admet parfois borderline. Un plaisir au passage, parce qu'il nous convie du coup à un petit casse-croûte inimitable, à l'abri du vent, sur un coteau qui se donne des airs de cru bourguignon, avec sa forêt de pins qui coiffe le sommet des vignes. De toute façon, le qualificatif de bourguignon ne le gène pas, lui qui revendique une production à l'école bourguignonne. Genre terroir nature (sans soufre absolu) et à la mode catalane cependant!... Belle entrée en matière, pour notre séjour en P-O!...


Michaël Georget, Le Temps Retrouvé, à Laroque des Albères (66)

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Une rencontre des derniers Greniers St Jean, à Angers, en février dernier. Il s'y trouvait aux côtés de Thomas Teibert, de Calce. Un jeune homme qui y faisait déguster son premier millésime, 2012, venant de Laroque des Albères, en droite ligne du piémont des Montagnes bleues, tel qu'on surnomme parfois la chaîne qui se jette dans la Méditerranée du côté de Port-Vendres et Banyuls, pour le profil bleu foncé qu'elle propose parfois dans le paysage catalan. Rien à voir cependant avec les Blue Mountains australiennes.

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Ce jeune homme a justement trente-deux ans le jour même de notre passage. Mais, il ne faut pas s'y tromper, son vécu à la vigne et déjà pour le moins solide, parce que sa passion de la terre et de la nature, il la cultive depuis l'âge de douze ans. L'enfant de Chinon exprime cela très jeune donc et demande à ses parents à quel âge il peut commencer son apprentissage. Par une sorte de dérogation, il l'entame dès quinze ans. En fait, son désir le plus cher aurait été de commencer sa vie d'agriculteur chez Mark Angeli, pour la recherche d'autonomie et l'approche d'une certaine polyculture notamment. Mais, finalement, il fait ses armes chez Pierre Prieur, au coeur du Véron, à la confluence de la Loire et de la Vienne. Vite intéressé par la biodynamie, il effectue quelques recherches personnelles sur le sujet et pratique le jardinage, activité permettant de mesurer plus rapidement, à ses yeux, l'impact de la méthode. Il construit peu à peu sa propre philosophie et songe vite à découvrir d'autres façons de travailler, d'autres régions, d'autres domaines.

En 2006, il part pour l'Alsace, où les agriculteurs disciples de Steiner sont de plus en plus nombreux. Il se retrouve à Ammerschwihr, chez Jean Schaetzel, où il forge son expérience. Dans un souci d'indépendance et peut-être dans le but de transmettre ces acquis dans d'autres contrées et sur d'autres terroirs, il ne tarde pas à changer d'horizon. Il aurait sans doute pu alors courir le Monde et changer de continent, mais sa compagne n'est pas prête à un tel bouleversement. En 2009, il met donc cap au sud et débarque dans les Pyrénées-Orientales, afin de contribuer à la conversion d'un gros domaine de 65 ha de Montesquieu des Albères, le Moulin de Breuil. Au terme de cette période, tout en pratiquant encore le conseil auprès de domaines de la région, en intervenant sur certains aspects particuliers, il décide de concrétiser sa déjà longue réflexion, en vue d'une installation incluant la traction animale, regroupant objectivement vigne, cave et pâturages. Pas simple en P-O, où la pression immobilière est une réalité pesante!... Des vignes, il est peut-être possible d'en trouver, mais des bâtiments, souvent transformés et rénovés pour proposer des hébergements de villégiature, c'est beaucoup plus compliqué. Quant à la construction, c'est inutile même d'y songer!...

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Par hasard, il découvre, à Laroque des Albères, le domaine familial du Mas d'en Rancoure. Il y a vingt ans, le vigneron est décédé brutalement et le temps s'est arrêté... Pendant ce laps de temps, la famille confie les vignes successivement à deux fermiers de la région, qui entretiennent tant bien que mal l'ensemble. Malgré la pression de ceux-ci, les descendants refusent tout arrachage des vieilles vignes. Michaël obtient donc, courant 2012, de les reprendre et finalement de disposer de la cave, qu'il va pouvoir aménager, notamment par l'apport de quelques cuves en fibre, afin de travailler en monocépage, en attendant d'autres matériaux peut-être. Dans les premiers temps, il retrouve même les outils comme le vigneron les avait laissés. Dans le mas, il découvre une antique représentation, un meuble régional, que la famille appelle Le Temps Retrouvé. Voilà un nom qui colle bien à sa démarche! Un nouveau domaine est né aux pieds des Albères.

La vigne est disposée sur deux ou trois grandes terrasses, comme souvent dans le secteur. Au total, 4,5 ha d'un seul tenant, dont 3,5 ha de vieux carignan centenaires (post-phylloxera), mais qui en valent guère plus de deux, du fait des manquants, mais aussi parce qu'un rang sur trois fut naguère arraché, dans les années 60, pour permettre le passage du tracteur. Sur la terrasse du haut, des maccabeu (certains ont quarante ans), des grenache gris, blancs et noirs, le tout âgé d'environ quatre-vingt dix ans. La complantation s'explique aussi par le fait que naguère, on faisait du Rivesaltes par ici. Les sols sont globalement argilo-siliceux, avec traces d'éboulis de toutes sortes (micaschistes, quartz, gneiss, roche ferreuse...), comme c'est parfois le cas dans cette configuration de piémont.

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Là, rencontre avec Goliath, un solide franc-comtois que le vigneron a trouvé en Languedoc et Paco, un petit breton que lui a cédé Stéphane Morin. On devine aisément une relation forte entre partenaires inséparables. Le duo de chevaux broute quelque peu l'herbe ces temps-ci, avant qu'elle ne soit attentivement roulée, méthode privilégiée plutôt que des labours. Les pâturages pour le foin, quant à eux, sont situés plus bas, sur St Genis des Fontaines, la commune voisine. Quelques ruches écologiques sont aussi présentes, proposant un habitat à des abeilles sauvages. Particularité, elles s'agrandissent de bas en haut et non sur les côtés, comme les ruches destinées à la production de miel. Leur présence est, selon le vigneron, "destinée à accompagner la vigne". Soulignons encore que pour Michaël, l'utilisation du cheval implique une bonne autonomie (il a un très bon copain ferronnier tout proche et dispose d'un matériel important) et une véritable rentabilité de l'activité. Pour tout dire, il utilise le tracteur quatre fois dans l'année, pour traiter et tirer la remorque lors des vendanges. Encore, dispose-t-il d'un traineau pour sortir une bonne partie des raisins!... Pour ce qui est de la biodynamie, il tend là aussi à l'autonomie, préparant sa "500" et enterrant les cornes de vaches dont il a besoin.

A la cave, une batterie de cuves pour travailler en monocépage et utiliser le plus possible la gravité (son chariot du type Fenwick est absolument indispensable lors des fermentations!). Il dispose également d'une chambre froide pour vinifier et élever les blancs, ainsi que le rosé. Pendant tout le process, zéro soufre, à l'exception des éventuelles mises précoces (1 gr). Le plus souvent, vinifications classiques, avec quelques remontages, lorsque la densité atteint 1030 ou 1040. L'installation se complète d'un chai à barriques dont les poutres ont quatre cents ans, datant donc de Louis XIV!... Les foudres entreposés là datent d'après la Seconde Guerre mondiale.

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Très belle dégustation de tous les 2013 en cours d'élevage. Participant à Vinicircus, le vigneron a hésitéà procéder aux mises de ses deux blancs du millésime, mais il estima finalement qu'ils n'étaient pas prêts. Le plus souvent, il préfère que le vin fasse un cycle annuel complet avant les mises. Le Maccabeu 2013 a fermenté en cuves, avant de passer en barriques de 400 litres et se montre déjà très agréable. En 2014, il est prévu que la fermentation se fasse directement en fûts, comme c'est déjà le cas pour le Grenache gris 2013 (vignes de 90 ans), qui montre du volume, de la densité. Le Rosé 2013 se veut un véritable vin de gastronomie, en même temps qu'une saignée de deux tiers de carignan centenaire et d'un tiers de grenache noir (ce fut l'inverse en 2012). Aussitôt après la saignée, les jus passent en barriques pour la fermentation, puis l'élevage. Une belle présence et du caractère, pour un vin que nombre de restaurateurs ne devraient pas ignorer!...

La gamme, qui va se composer d'une douzaine d'étiquettes, se décline ensuite en rouges. Le premier est un assemblage de raisins ramassés ensemble, puis réunis pour l'élevage, 60% grenache, 25% syrah (une partie est vinifiée en macération carbonique) et 15% carignan. Il donne le la, en cette matinée pluvieuse, où pourtant tout se goûte bien!... Viennent ensuite mourvèdre, puis grenacheet enfin de très vieilles vignes de carignan, denses, intenses et droits. Un régal pour finir : le Collioure 2013. En effet, Michaël Georget dispose également de soixante ares de terrasses en cette appellation (60 ares, ce n'est pas rien, comme vous le confirmeront tous les Colliourencs!), le tout exposé plein sud, sous le Fort Saint Elme. On trouve là les trois grenaches (noir, gris et blanc), qui sont soigneusement vendangés et la fermentation se fait en fûts. Les raisins y sont introduits par la bonde, puis les barriques sont roulées pendant un mois. A l'issue de cette période, le tout est égoutté, toujours par la bonde. Les barriques sont ensuite démontées, afin de récupérer les raisins en vue du pressurage. A l'issue, remontage des contenants, réutilisés pour l'élevage de douze mois. Lors de notre passage, soyons clairs, une bombe!... Du pur plaisir et une présence inimitable!...

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Pas de doute, avec Michaël Georget, attention talent!... Dans la région, nombre de vignerons et quelques restaurateurs l'ont déjà croisé et apprécié. Certains ne sont pas loin de prédire qu'il pourrait devenir une figure des Albères et des P-O!... Non loin de là, Martine, de La Table de Cuisine (une adresse à ne pas manquer si vous passez dans la région!), à St André, confirme notre impression : "Oh lui, il va faire bon avant longtemps!..." Foi de Jurassienne!... 

Banyuls au futur antérieur!...

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La cité banyulencque a beaucoup d'atouts, c'est indiscutable. Banyuls de la Marenda, en catalan, avec sa vie maritime et ses pêcheurs (victimes de ce qui pourrait bien être une fata morgana en 2011, sans que le VDN local ne puisse être incriminé, dit-on!), mais surtout son animation touristico-balnéaire et ses coteaux environnants couverts de vigne (leur sommet s'élève à près de 1000 mètres d'altitude!) motivent aisément la visite des amateurs de plages et d'activités nautiques, les baroudeurs tout-terrains (c'est le début, ou la fin, du célèbre GR 10 transpyrénéen) et bien sur, les amateurs de vins et de dégustations à options multiples. Avec en prime, les nuages, lorsqu'il y en a, façonnés par le célèbre sculpteur Aristide Maillol, né et mort dans la cité catalane, qui ne saurait pourtant faire de l'ombre aux descendantes de ses modèles aux formes quasi inimitables.

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Quelques "paillotes" sur la plage, de superbes palmiers Phoénix (très menacés, mais un remède semble découvert depuis peu pour les sauver!) bordant les avenues, des orangers aussi, au point de célébrer la Fête de l'Orange, chaque année, en janvier. Rue des Orangers, c'est justement là que nous avons rendez-vous avec Bruno Duchêne, le plus banyulenc des ligériens!... "Tu sais peut-être que j'ai déménagé... Tu pourras découvrir notre nouveau projet!..." Un rien mystérieux, le vigneron venu du Loir-et-Cher et arrivé sur la Côte Vermeille en 2002... mais on sent vite que la visite à Banyuls va valoir le détour, d'autant qu'il nous suggère la découverte, au passage, d'autres vignerons du cru, justement liés à ce projet.

Un projet?... Quasiment un tremblement de terre au coeur de la cité balnéo-catalane à laquelle d'aucuns pourraient trouver une sorte de charme désuet, qui sied aux villes des bords de mer prises d'assaut, chaque été, depuis le début du XXè siècle!... Et pourtant, elle en a vu d'autres, cette cité déjà connue des Celtes et des Grecs, en 400 avant J-C. Le vignoble y fut implanté par les Grecs justement et les Phéniciens. Au Moyen-Âge, les Templiers, rapportant de leurs campagnes lointaines la culture en terrasses, mettent en place un système d'écoulement des eaux pluviales dans les vignes pentues, toujours utilisé et entretenu de nos jours, les agouilles et peu de gall (pieds de coq en français). Jusqu'à une époque assez récente, l'impact de la cave coopérative locale était une réalité incontournable. Une grande cave d'élevage était située entre cette rue des Orangers et l'Avenue du Général de Gaulle. Ne servant plus à rien depuis quelques années, elle méritait un autre destin.

Bruno Duchêne n'est pas homme à rester éternellement sur les acquis d'une notoriété obtenue finalement très vite, tant il a su capter, dès qu'il diffusa ses cuvées aux étiquettes lumineuses, tout ce qui pouvait procurer localement du charme aux grenaches tricolores des bords de mer. De La LunaàVall Pompo, sans oublier La Pascole, Corral Nou ou L'Anodine, pas de faute de goût à craindre si vous en avez dans votre cave, malgré la rareté de certaines cuvées.

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Alors ce projet?... Une véritable aventure entamée en juin 2012, par l'achat de l'ancienne cave d'élevage du Cellier des Templiers, appelée aussi Cave de l'Abbé Rous. Un montage financier avec plusieurs vignerons dans l'affaire et, après quelques turpitudes inhérentes à un tel projet urbain, les travaux ont débuté en avril 2013. Si tout va bien, leur terme est prévu fin 2014, avec une ouverture au public début 2015. Bien sur, pendant les quelques dix-huit mois de la durée de cette rénovation, Bruno se transforme souvent en maître d'oeuvre, afin de manager au mieux les interventions des entreprises, aidé en cela par Gérard Bossard, exploitant agricole à la retraite. Sans oublier l'aspect humain de l'affaire et un rôle de tampon entre futurs occupants et artisans divers. A terme, trois gîtes seront aménagés à l'étage, ainsi qu'un caveau de dégustation. Il ne reste plus qu'à trouver un nom à l'ensemble!... Ce sera peut-être Caves, tout simplement!... De celles qui se rebiffent contre l'uniformité du temps, parfois!...

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Dès 2014, huit caves seront terminées et sept vignerons pourront utiliser les locaux qu'ils auront choisis pour les prochaines vendanges. Il y a làManuel Di Vecchi, du Domaine Vinyer de la Ruca et ses Banyuls proposés dans de petites bonbonnes en verre soufflé. Non loin de là, Bertrand de Guitaut et les deux hectares en production de son Domaine de Pechpeyrou. Quelques 2011 sont encore disponibles, comme les cuvées Cornillères (grenache noir et cabernet), Reblum, dans la plus pure tradition locale des parcelles complantées et des trois grenache ramassés en même temps, ou encore Hiho (grenache noir, gris et carignan), qui reprend le cri des muletiers catalans. C'eut pu être aussi comme un encouragement lors de la manoeuvre, sur le pont d'un bateau, pour ce passionné de voile, qui a d'ailleurs apposé sur ses étiquettes, la silhouette d'une barque catalane et sa voile latine. Une indiscutable évolution depuis la découverte des premières cuvées du domaine, cinq ans plus tôt, dans le salon des vins nature de la région, A bout de soufre, au coeur de Perpignan, puis l'apparition lors de REVEVIN 2009, d'un "Vin d'épices", issu d'une deuxième presse de grenache blanc et gris. A découvrir aussi, le Banyuls, parti pour être un rimage, mais refusé lors de la dégustation d'agrément pour "goût lactique et manque de sulfites"!... (sic) Il n'en fera pas moins un Banyuls traditionnel.

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Dans le petit local voisin, s'est installéThierry Diaz, un nouveau venu dans le "Gang des Albères", selon le terme employé naguère pour les "gars d'la côte" de la viticulture des P-O!... Il a pour but de "sortir" progressivement quatre ou cinq hectares de vignes, dont les raisins sont jusqu'ici destinés à la cave coopérative. Pour commencer avec 2013, une cinquantaine d'ares lui ont permis de vinifier l'équivalent de quatre barriques. Des cuvées laboratoires, mais en version nature, comme tous ses co-cavistes!...

Vont donc venir occuper les trois autres caves en cours d'aménagement : Joachim Roque, un autre coopérateur local, qui sélectionne ses parcelles et prépare son installation pour les prochaines vendanges, Nicolas Miralles, un vacher bien connu dans la région, éleveur de massanaises, les vaches de l'Albera, qui doit reprendre quelques vignes avec son cousin. A noter aussi et Paulina, un couple de routards polono-portugais d'à peine trente ans, décidés à jeter l'ancre en Catalogne française, en reprenant deux hectares de vignes appartenant à Philippe Gachenc, vigneron banyulenc. Deux espaces de stockage sont également prévus, l'un pour un caviste local, l'autre pour le Domaine de la Casa Blanca. A noter que Loïc Roure pourrait aussi rejoindre Banyuls dans quelques années, avouant que la qualité de vie littorale le tente bigrement. "Si c'était à refaire... j'opterais peut-être pour la côte, plutôt que pour le Haut-Fenouillèdes!..." Pour un peu, j'oubliais Nathalie Lefort, avec ses vinaigres de La Guinelle, à Port-Vendres. Partenaire de l'affaire, mais sans pouvoir stocker dans les locaux, bien sur!...

Et donc, dans un espace somme toute assez confortable, même si pour un peu, il semblerait déjà trop petit, Bruno Duchêne a regroupé tout son matériel, chambre froide comprise et jusqu'à un vénérable foudre de plus de 48 hl, suspendu au plafond restauré dans le plus pur style local et transformé en chambre pour le moins pratique, lorsqu'il s'agira de surveiller les fermentations!... Génial!... Juste le temps d'apprécier les cuvées du domaine en cours d'élevage et il nous faut traverser la ville pour découvrir une autre facette de la viticulture des deux crus de la Côte Vermeille, le Domaine de la Casa Blanca.

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En attendant, nous pouvons constater que Banyuls se conjugue à tous les temps. Le passé, pour les quelques images sépia que l'on garde en mémoire, le présent, avec ses rafales de tramontane et sa lumière inimitable, que l'on peut goûter au son de la sardane et le futur que l'on va pouvoir céder à nos enfants sans crainte, parce que certains vignerons n'hésitent pas à bousculer leur quotidien. Et là, dès que les travaux seront terminés, nous pourrons apprécier les Caves de la rue des Orangers!... Exemple de phrase conjuguée au futur antérieur, s'il en est!...

Domaine de la Casa Blanca, à Banyuls et Collioure

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C'est une maison blanche adossée à la colline, on n'y vient pas forcément à pied, mais c'est possible. On ne frappe pas non plus, parce que c'est souvent ouvert. Il s'agit en fait d'une grande bâtisse avec un grand portail, comme les plus grands domaines de Banyuls en généraient, il y a désormais bien plus de cent ans. Lorsqu'on reprend de tels bâtiments, à notre époque, on doit parfois se demander ce qu'on va pouvoir faire de tout cet espace qu'il faut entretenir. Au moins, on est presque certains de ne pas manquer de place!... Pour en faire encore plus, on casse ces grandes cuves millésimées 1937, désormais inutiles et on découvre derrière un mur de briques, la roche, le schiste banyulenc. Juste la place d'un trésor, de millésimes légendaires... Mais rien finalement!... L'histoire eut été presque trop belle, il va donc falloir la reconstruire...

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La Casa Blanca, c'est un des plus vieux domaines familiaux produisant Banyuls et Collioure. Fondé en 1870, par un ancien maire de la ville, venu du Nord de la France, pour goûter toute la douceur de l'extrême Sud. Il ne tarda pas à vendre son nectar à la Reine Victoria et même à l'Elysée, dit-on. Il fut même un des co-fondateurs, à l'époque, de la cave coopérative locale. En 1983, un de ses descendants, Alain Soufflet, juriste dans le Nord lui aussi, décide de reprendre le domaine, en s'associant avec Laurent Escapa, ex-vigneron de la Coopérative.

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C'est Hervé Levano qui nous présente le domaine, en cette fraîche fin d'après-midi de mars. Il fait partie du trio d'associés complété par Valérie Reig, qui s'est lancé dans l'aventure, au moment où les héritiers ont cédé leurs parts. Il est arrivé en 1999, comme ouvrier au domaine. Néà Paris, il y fait ses études, après avoir passé son enfance à Bruxelles. Sa formation d'océanographe l'amène dans la région, où il anime un club de plongée local. Il publie même un livre sur les épaves de la côte, après avoir également travaillé dans une maison d'édition parisienne et passé un an à Banyuls pour vendre son bouquin. Pour sauver son emploi au domaine, il s'associe vite avec Laurent. En 2010, Valérie, ex-professeur d'équitation les rejoint, notamment pour compléter le projet en faisant appel à des mulets pour les labours.

Le domaine compte huit hectares et la plupart sur les coteaux. C'est une des raisons pour lesquelles le trio ne revendique pas de viticulture biologique. En effet, la conversion est une volonté affichée, mais elle ne se met en place que progressivement : 20 ares en 2005, 3,5 ha en 2014, à terme, l'ensemble sans doute. Depuis 1989, les engrais chimiques ont été abandonnés et, petit à petit, tous les produits de synthèse. Pas de technique oenologique non plus, pas d'enzymage et utilisation des levures indigènes seulement.

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Hervé nous rappelle objectivement ce qui conditionne la "rentabilité" des vignobles de la région. Comme on peut le constater de visu, sans se lasser de ce paysage, nombre de parcelles pentues sont dotées de mûrs, destinés à freiner l'érosion, aidés en cela par le système d'évacuation des eaux pluviales. Mais, dans ces vignes âgées de 70 ou 80 ans, parfois plus, une viticulture conventionnelle quasi généralisée a limité notamment, le développement des racines. Ces dernières sont abreuvées en surface depuis des lustres et le système racinaire ne s'étale que dans l'épaisseur de terre superficielle. Il est alors tentant, pour un vigneron s'orientant vers le bio, de procéder à un enherbement qui permette aux racines de la vigne de rechercher ses nutriments, ainsi que la fraîcheur, dans la roche mère. C'est d'ailleurs ce que le domaine a essayé pendant trois ans, à certains endroits, mais une année particulièrement sèche a mis en péril ces vignes désignées pour l'expérience, du fait d'une trop grande concurrence de l'herbe, assoiffée elle aussi par la canicule. Une trop grande baisse des rendements met alors cette rentabilité en péril, elle aussi, pouvant également mettre en évidence la forte concentration des raisins restants (la surmaturité est moins recherchée de nos jours...) et la difficultéà les vinifier à sa guise. On comprend mieux pourquoi nombre de vignerons du cru ne peuvent se résoudre à faire d'autres choix que la chimie conventionnelle.

Certes, une alternative est possible, mais aucun domaine ne peut l'admettre que progressive et à la condition de pouvoir valoriser le travail et les efforts de plusieurs années successives, à travers un prix de vente revalorisé de la bouteille, avec en plus, la nécessité vite évidente de pratiquer une vente au caveau, vers le grand public. Activité exigeante en matière de présence, mais l'été est largement pourvoyeur de visiteurs.

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Le trio de la Casa Blanca a donc opté pour une reprise des labours. Avec une conséquence première qui fait pour le moins débat : la suppression des mûrs. On les accuserait vite de détruire le paysage, voire de mettre en péril les vignes, du fait d'une accentuation supposée de l'érosion. Mais, ce travail du sol permet justement à l'eau des fortes pluies de moins ruisseler et de pénétrer plus régulièrement dans le sol, malgré la pente. Il faut dire qu'il s'agit d'un double labour : horizontal grâce aux mulets et dans la pente au moyen d'un treuil acquis dans le Valais suisse, le chenillard étant souvent dangereux du fait des dévers. Ces labours ne débutent qu'en janvier, loin des pluies parfois diluviennes de l'automne et jusqu'en avril. Pour l'une ou l'autre des techniques (mulet et treuil), il faut compter pas moins de vingt heures à l'hectare, soit un total de quarante!... On comprend mieux alors la recherche d'une rentabilité objective!...

"Nous sommes en 2014, un avion de ligne passe au-dessus de ma tête. Je suis entre le Soleil qui se lève et la Lune qui se couche. Sur une colline face à la mer, mes pas avancent dans le sillon de l'outil, tiré par mon mulet, ouvre dans la terre. Nous avançons en rythme, le temps a repris sa juste place, tout est calme. Lentement, sillon après sillon, le travail s'accomplit. A ce moment-là, la magie s'élève, quelque chose que l'on ressent comme une prière. Nous sommes en 2014, on va sur la Lune, pourtant je n'ai plus de doute à marcher dans les pas et avec la sagesse des anciens." (Extrait de la fiche consacrée au domaine par l'interprofession régionale).

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Le domaine propose pour moitié des Collioure rouges et des Banyuls rimage (pour rim, raisin en catalan et âge, après que Porto ait contesté l'emploi du terme vintage), en fûts uniquement, pas en cuves, soit, bon an mal an, 15 à 18000 bouteilles. Rappelons que les deux crus peuvent être issus des mêmes parcelles, l'AOC Collioure étant réservée aux vins secs (rouges AOC en 1971, rosés en 1991 et blancs en 2003) et les Banyuls (blancs ou rouges) aux VDN. Les Banyuls dits traditionnels impliquent une durée d'élevage de trente mois minimum (pas au domaine), en milieu oxydatif, sans ouillage. Ils peuvent être aussi "hors d'âge" (élevés en dame jeanne ou dans des fûts entreposés à l'extérieur ou en cave). Les Banyuls Grand Cru (AOC en 1962, les autres furent reconnus dès 1936) imposent 75% de grenache noir. A la cave, on trouve notamment quelques vieux fûts dont certains, dit la légende, contiennent des lies qui n'ont jamais été changées depuis le XIXè siècle!... On dit même qu'ils ont contenu auparavant du rhum!... Des petites quantités sont rajoutées de temps en temps (2008 et 2009), selon le principe approché d'une soleira. Celui dégusté lors de notre passage contenait une majorité de 2004.

044Deux Collioure rouges 2012 proposés à la dégustation, avec deux mises décalées, la première début juin, la seconde fin janvier. Le premier se compose de 60% de grenache noir, 15% syrah, 15% mourvèdre et 10% carignan. Des vignes d'une vingtaine d'années en moyenne, des raisins foulés, égrappés, des macérations de trois semaines, sans remontage ni pigeage, levures indigènes. Un joli vin sur la puissance. Le second est plus souple et plus rond, composé de grenache et de syrah, c'est la cuvée Lluminari. 2013 se présente un peu comme 2011, dans un registre moins concentré que 2012.

On entre ensuite dans l'univers des Banyuls, avec le blanc tout d'abord, Les Escoumes 2012. Grenache gris et grenache blanc en proportions égales. Plutôt des vignes d'altitude, plein nord. Pas moins de 100 gr de sucres résiduels et un équilibre étonnant, qui compense cette "sucrosité". En 2013, pas plus de 65 gr de SR, ce qui est le strict minimum pour l'appellation. Pour tous ces vins mutés, le principe est le même : on mute avec 5 à 10% d'alcool à 96°, plutôt 6 à 7% au domaine, sur des vins en pleine fermentation, sur grains, lorsqu'il reste environ 100 gr de sucres.

En Banyuls rouge, deux cuvées. La première Pineil 2011, issu d'une vigne face à la mer, sur la route de Cerbère. L'élevage ne dépasse pas douze mois, selon la réglementation en vigueur pour les rimage. En principe, les fûts doivent être ouillés, pour un élevage en milieu réducteur, mais dans le cas des deux Banyuls du domaine, pas d'ouillage et cependant, pas la moindre trace d'oxydation. La seconde, Roudoulère 2012 est dotée d'une robe plus noire, profonde. Les raisins viennent de vignes encaissées, avec parfois quelques raisins secs. Une tendance plus compotée, avec des arômes délicats de cacao.

Voilà donc un domaine qui tente de rebondir sur le contenu d'une part de tradition séculaire, de par les vins doux naturels du cru et la remise aux goûts du jour de techniques anciennes, qui ont cependant tendance à souligner que certaines contraintes sont quelque peu sorties des mémoires. Le poids d'une modernité ayant cédé aux pulvérisateurs, fussent-ils à dos et à la chimie limitant le nombre de passages, mais aussi l'effectif en matière de personnel. Lorsqu'on dresse l'oreille, en se promenant dans le vignoble local, on apprend vite que Banyuls et Collioure ne se portent pas si bien que cela. Les domaines plus "performants" ont rarement le souhait de s'agrandir, alors que les "micro-propriétés" sont parfois aux mains de vignerons sur le point de partir à la retraite sans successeurs, ce qui fait que les friches ont tendance à s'étaler et pourraient devenir de plus en plus visibles, dans un décor que les habitants veulent continuer, coûte que coûte, à préserver jalousement et à mettre en valeur. Le trio du Domaine de la Casa Blanca mesure bien désormais les difficultés, mais veut surtout rester conscient de cet équilibre fragile. Fragile, mais peut-être le seul actuellement, à se tourner vers un avenir réunissant, à terme, une viticulture respectueuse de l'environnement, la préservation d'un patrimoine rare et le plaisir des amateurs.

Anjou : en avril, il faut suivre le fil... d'actualité!...

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Vous connaissez sûrement ce film culte, Les Demoiselles de Rochefort?... Eh bien, en ce mois d'avril, elles ont pris de la bouteille!... Et cela n'a rien à voir avec les dernières photos de Catherine Deneuve apparues récemment dans le New York Times!... Ce ne sont pas à proprement parler des soeurs jumelles, mais elles nous offrent parfois des verres quasi jumeaux!... Je veux juste évoquer là les appellations Quarts-de-Chaume et Coteaux-du-Layon Chaume, sises toutes deux sur la commune de... Rochefort sur Loire.

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Après vingt ans de démarches et de promotion de l'idée même de "Grand Cru", Quarts-de-Chaume a obtenu ce label au combien mérité. Dans le même temps, Chaume est promu au rang de Premier Cru des Coteaux-du-Layon. Ce sont les deux premiers du genre pour toute la Vallée de la Loire. Claude Papin, président du syndicat de l'appellation Quarts-de-Chaume, qui s'en félicite au nom de (presque) tous les vignerons du cru, espère au passage, qu'à terme "cette reconnaissance encouragera une réflexion sur de nouvelles délimitations des autres appellations pour la création d'autres crus dans la Loire." On peut raisonnablement penser que Coulée de Serrant et Roche-aux-Moines ont également le potentiel pour atteindre le sommet de la pyramide des classifications. Bonnezeaux sans doute aussi, pour peu que les vignerons arrivent à se mobiliser sur une véritable démarche de qualité et de mise en valeur du cru, en optant notamment, pour une augmentation du degré minimum naturel à la cueillette, le non usage de la chaptalisation ni de la cryoextraction (la cryosélection, selon Florent Baumard!) et bien sur, une délimitation rigoureuse des meilleures parcelles.

Chacun sait que ce genre de démarche collective débouche rarement sur un rapprochement humain sans arrière-pensée et des réunions de syndicat viticole se déroulant dans l'allégresse générale. Mais, ce qui a prévalu depuis 2011 et l'apparition officielle des décrets, a de quoi mettre en évidence les amers du chenin. Certes, la vingtaine de producteurs de Quarts-de-Chaume (et le double pour Chaume) s'est recentrée en grande majorité autour de l'objectif à atteindre, mais les chausse-trappes de la famille Baumard en ont laissé plus d'un perplexe. Ces derniers en avaient appelé, en dernier recours, au Conseil d'Etat, mais celui-ci, par son arrêt du 26 février dernier, confirme l'obtention des deux distinctions. Il ne reste donc plus qu'à travailler pour rendre leurs lettres de noblesse aux grands liquoreux d'Anjou et redonner envie aux amateurs, de mettre de nouveau ces crus sur leur table.

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Encore un Grand Cru, mais option Gueules de Vignerons, cette fois!... De bien belles images et le coup d'oeil d'un expert en la matière, Jean-Yves Bardin, photographe-auteur de son état, qui tire le portrait des vignerons de Loire et d'ailleurs depuis quelques années, proposant depuis quelques semaines, aux Éditions Anovi, Vignerons d'Anjou, une galerie de tronches réunissant la plupart des plus grands talents angevins et saumurois du moment. Une préface d'Étienne Davodeau et des textes de Patrick Rigourd viennent compléter ce casting talentueux.

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Vous ne manquerez pas de croiser avant longtemps l'auteur de cet album, notamment à l'occasion de divers salons ou portes ouvertes chez les vignerons de la région, en attendant peut-être de nouvelles aventures de celui-ci, dans d'autres vignobles de France et de Navarre.

Thomas Teibert, Domaine de l'Horizon, à Calce (66)

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On peut dire que c'est le petit dernier de l'Ecole de Calce!... Le dernier arrivé s'entend, parce que pour ce qui est du niveau actuel des vins, il arrive désormais très haut dans la hiérarchie locale. Une sorte de club amical, dont la plupart des membres revendique son goût prononcé pour le cinéma dialogué par Audiard, au point de proposer chaque année, dans leur petit village, une réunion qui vaut le détour : Les caves se rebiffent, comme ce sera le cas le 10 mai prochain, avec quelques invités extra-catalans de talent. A coup sur, une journée entre gens de bonne compagnie chez Les Tontons Flingueurs, qui n'hésitent pas, pour l'occasion, à dégainer à coup de calibres de 75 et Touchez pas au grisbi, sauf pour vous procurer quelques flacons qui pourraient bien vous mettre la dalle en pente!...

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Thomas Teibert est allemand. Et pas autrichien, même s'il est distributeur exclusif (et oenologue) pour la France des célèbres cuves Stockinger et des remarquables verres Zalto, le tout issu de ce pays d'Europe centrale. Il l'est également d'ailleurs, pour la Tonnellerie Boutes, notamment pour le nord de l'Italie. Une région de l'Europe qu'il connaît bien, puisqu'il était régisseur de la Tenuta Manincor, au bord du lac de Caldaro, en Alto Adige, lorsqu'il découvre, à l'occasion d'une dégustation en 2003, les vins de Gérard Gauby, le maître d'école justement. Il n'a jamais vu de vins du Sud comme ceux-là!... Il est positivement impressionné, parce que ce jour-là, les vins de Gauby sont au-dessus des grands Bourgogne et grands Bordeaux présents. "Je suis alors vraiment scotché par leur fraîcheur et leur minéralité!" Trois mois plus tard, n'y tenant plus, il vient jusqu'à Calce, pour tenter de comprendre ce qui se passe ici et percer le secret!... Mais, comme d'autres peut-être, il tombe littéralement amoureux de la région et en conclue que, "s'il fait du vin, ce sera ici!"

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Gérard Gauby lui propose de venir de temps en temps, pour s'imprégner du lieu et travailler un peu, afin de découvrir l'essentiel des us et coutumes de la viticulture catalane. En même temps, son contrat en Italie évolue vers du consulting. le vigneron de Calce lui explique ce qu'il faut acheter et ce qu'il faut éviter, lui apprenant à bien observer avant de faire ses choix. Il s'installe dès la fin 2004 et va effectuer ses premiers achats de vigne en 2006, pour atteindre aujourd'hui quatorze hectares et une trentaine de parcelles plantées en gobelet uniquement, avec une légère dominante de rouges, ce type de vins sudistes étant souvent réclamés par sa clientèle en Suisse, Allemagne et Autriche. Comme pour la parcelle que nous découvrons sur les hauteurs du village, toutes les vignes du domaine "voient la Méditerranée", d'où le nom de Domaine de l'Horizon. "Calce, c'est comme une île, le plateau d'un volcan..." La plupart des domaines sont dans les collines, à 250m d'altitude et désormais tous en bio, depuis que le Château Lafforgue a franchi le pas voilà deux ans. Seul, la coopérative est en conventionnel.

022Perpignan n'est à guère plus de vingt kilomètres, mais la température ambiante est toujours trois ou quatre degrés plus basse que dans la plaine. De plus, avec la tramontane ou le vent marin et l'altitude, les cépages en gobelet s'auto-sélectionnent et les souches qui résistent au régime assez virulent de la météo locale, sont alors armées pour produire des raisins de qualité. Ceci dit, Thomas Teibert a déjà arraché près de trois hectares depuis son arrivée, toujours des vignes peu productives et ce, après quelques années d'observation. Il faut dire que sur les quatorze hectares, dix sont plantés de vieilles vignes, dans leur configuration classique (1,50m x 1,50m) et quelques grenaches blancs sont même centenaires. Du fait des relatives faibles pentes, les labours sont pratiqués au chenillard. Au niveau de la plante, un effeuillage attentif permet d'aérer la souche de l'intérieur et éviter ainsi, l'essentiel des problèmes de maladies, mais pas à l'extérieur, afin de préserver le style des vins, en protégeant les raisins du soleil direct. D'une façon générale, c'est la biodynamie qui est utilisée, cependant les 500 et 501 ne sont pas préparées au domaine. Quelques tisanes en cours d'année et un épandage de compost tous les deux ou trois ans, sur certaines parcelles, sinon un engrais organique est utilisé si nécessaire. Au fil des millésimes, tout en s'adaptant aux conditions climatiques de l'année, le but du vigneron est de vendanger tôt mais mûr (à peine!), quelque chose qui se joue sur le fil!... Les raisins doivent être croquants, la peau un peu dure et le tout ramassé dès le matin, en petites cagettes, dans le but de conserver des raisins frais. Depuis ses débuts, les rendements n'ont guère dépassé douze à dix-huit hectolitres à l'hectare, ce qui est, avoue Thomas, quelque peu limite...

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Un portail à dominante vert écaillé, des mûrs qui témoignent de la diversité des roches locales, Thomas Teibert est installé dans la "cave des débutants"!... Là-même où Gérard Gauby a produit ses premières cuvées en 1983 et ce, jusqu'en 1997 inclus. C'était l'époque où pas moins de 100 000 bouteilles sortaient de cet espace plutôt réduit!... Aujourd'hui, Thomas ne peut guère dépasser 30000 flacons, malgré les derniers aménagements. "Il y a eu beaucoup d'évolutions pour travailler dans le haut de gamme aujourd'hui..." Avant lui, Olivier Pithon et Jean-Philippe Padié ont également fait leurs débuts dans cette cave. Elle n'est pas classée au titre des espaces "faiseurs de talents", mais elle pourrait bien l'être un jour, par les générations futures de vignerons et d'amateurs!...

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La dégustation qui suit permet au passage à Thomas Teibert d'expliquer en quelques mots, où se situent ses goûts, en matière de vins produits et/ou dégustés. Le Domaine de l'Horizon rouge 2008 (1/3 grenache et 2/3 carignan) lui en donne aisément la possibilité. Il préfère ce type de rouge étroit, venant des trois grands terroirs principaux de Calce (schiste, calcaire et marne), alors que dans la plaine, on trouve plus de sables et de galets roulés. "En 2008, il n'y a pas eu un seul jour à plus de 30°, mais aussi pas une goutte de pluie!..." A l'époque, pas d'extraction, fermentation en cuves bois, pendant deux semaines, sans pigeage ni remontage. "On dirait du pinot!"

Pour ce qui est de 2013, "un millésime que je n'aime pas, peut-être surtout du fait des faibles quantités, moins de 12 hl/ha! Les malos, on ne sait pas si elles vont se faire!..." Au passage, il souligne les contradictions et les difficultés qui se présentent aux vignerons en ce moment, à propos du style des vins : "Si on ne veut ni réduction, ni traces de bretts, on doit très vite écarter les lies, mais pour travailler sans SO2, il faut les conserver!..." Un langage volontiers didactique, qui laisse entrevoir toute la difficulté des choix... et des risques.

012Du côté des blancs, principalement du maccabeu (70%), associéà du muscat petit grain (30%) pour L'Esprit de l'Horizon 2012, issus de vignes ayant entre 25 et 50 ans. Fermentation en bois sur lies pendant neuf à dix mois. Une très jolie touche saline, où le muscat se fait assez discret (il semble qu'il soit plus aromatique en 2013). Pour le Domaine de l'Horizon, association des mêmes cépages dans des proportions proches, avec en plus, du grenache gris issu de vieilles vignes. La fermentation est prolongée de trois mois supplémentaires. Il faut préciser que très peu de vignes de blanc dépassent 70 ans, surtout pour ce qui est du maccabeu. Noter que pour ces vins blancs, le pressurage se fait en grappes entières pendant quatre à cinq heures, "presque sans tourner le pressoir", ce qui permet d'obtenir des jus très clairs. Pas ou peu de turbidité donc, repos pendant une nuit, sorte de "débourbage naturel", puis passage en fûts selon le lot. Sont utilisés des fûts de 500 ou 600 litres, mais également des foudres de 12 ou 20 hl. Un aspect important pour le vigneron, qui privilégie cette sorte de diversité, évitant les expressions trop monolithiques. Chaque parcelle est différente et il faut, si possible, les laisser s'ouvrir dans leur style propre, sachant qu'en plus, l'intérêt est d'avoir, au terme de l'élevage, des vins qui s'expriment de façon singulière et obtenir ainsi un style vivant.

Pour les rouges, une large dominante de carignan (cuvaison en raisins entiers pour un tiers à deux tiers de la vendange), un tiers de grenache (raisins entiers uniquement) et très peu de syrah. Les plus jeunes vignes sont égrappées. Les élevages se déroulent dans des contenants identiques aux blancs. L'Esprit de l'Horizon rouge 2011 se montre un peu sur la réduction (comme ce fut le cas du 2012, dégusté aux Greniers St Angers). Thomas avoue au passage que ce problème de réduction sur les carignans est assez difficile à gérer et que cela reste typique de ce cépage. Ici, les vignes ont une douzaine d'années. Cet assemblage compte aussi 30 à 35% de syrah d'une bonne vingtaine d'années. Une jolie touche saline et minérale, une rétro qui s'ouvre sur des arômes de syrah. Pour ce vin, l'élevage s'est limitéà un an en fûts, alors que pour le 2012, du fait des volumes plus importants (17 hl/ha), la moitié des jus passa dix mois en cuves béton sur lies. A noter qu'un rosé en pressurage direct est aussi produit (entre 1000 et 1500 bouteilles selon les années), mais il est destiné, pour l'essentiel, au marché allemand.

027Au domaine, d'une façon générale, tous les vins sont filtrés, parce qu'avec le recul, Thomas Teibert estime que la non-fitration génère plus de problèmes que d'avantages. Certes, les vins non filtrés conservent du "gras", mais lui préfère les vins plus serrés. De plus, il n'est pas obnubilé par la façon dont les vins se dégustent lors de la première année de bouteille. Un sujet très polémique dans un domaine qui n'en manque pas!... A ses yeux, il en va de même du "sans soufre", dont il n'est pas friand. Il est cependant fan des vins d'Overnoy, "mais les bons vignerons sont rares"!... Surtout ceux capables de produire des vins constants, réguliers.

Pour ce qui est du SO2, les vins du domaine se situent entre 40 et 60 de soufre total et entre 10 et 25 de libre. Sur certains blancs, on note 25 de libre à la mise et 50 de total, sachant qu'au bout de quelques mois, les 25 sont devenus 15!... Des mesures qui semblent très acceptables pour le vigneron.

Comme on peut le deviner, Thomas Teibert n'est pas homme et encore moins vigneron, à céder aux effets d'une quelconque mode. Il ne veut surtout pas non plus, proposer des vins marqués par une méthode, quelle qu'elle soit. Pas de langue de bois non plus, pour ce qui est de l'origine des chênes, chez quelques tonneliers, pas plus que pour la biodynamie, qu'il a adoptée depuis longtemps. Au calendrier biodynamique et ses jours fruit, racine, etc... il préfère de loin se fier aux grands rythmes de la Lune, montante ou descendante, mais surtout, associer cela à la pression atmosphérique, point essentiel à ses yeux. On le voit, s'il fait partie intégrante de la communauté calcéenne, il sait faire valoir ses idées issues de réflexions personnelles approfondies et chaque sujet important a est abordé le plus objectivement possible. Il faut dire qu'avec vingt-cinq ans de vécu, vignes et caves, son recul est des meilleurs. Il admet volontiers que ses vins ont évolué avec lui et avec ses propres goûts, depuis qu'il est arrivéà Calce. Aujourd'hui, il essaie de faire des vins qui lui ressemblent, ainsi qu'à sa terre, sans qu'il soit nécessaire de tenter d'en copier d'autres. Mais, il n'est pas impossible que ces cuvées remarquables en inspirent d'autres, en Roussillon ou ailleurs.

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