Quantcast
Channel: La Pipette aux quatre vins
Viewing all 292 articles
Browse latest View live

Le cassoulet de l'été!...

$
0
0

En rentrant de la plage (faut bien, avant le changement de météo... provisoire!), Madame PhR exprima le souhait de manger un cassoulet toulousain d'Alain Grèzes!... Drôle d'idée, me direz-vous!... Etait-ce la fraîcheur de l'eau, ou la température ambiante, résolument à la baisse?... Je me dis un instant que je me contenterai finalement d'un peu de melon et de la salade de roquette prévue pour accompagner le plat. Mais, vous me connaissez...

003   001   002

Côté cave, pas de doute, il faut du... brutal!... Donc, l'idéal, c'est faire appel à Mendall, de Laureano Serres et ses cuvées made in Catalunya. Et pour l'occasion, Un Finca Espartal BP 2010, du 100% grenache nature, dont le vigneron n'est pas absolument certain de la variété. Est-du garnacha peluda (ou lledoner pelut)? A moins qu'il s'agisse de garnacha del pais ou du garnacha fina?... Mais la fraîcheur tonique du vin, son côté tramontane qui remonte d'Espagne, balaie l'incertitude, comme une vague (la septième?...) qui vous fait perdre le sens de la marche ou le sens de la plage!... L'été n'est pas fini!... Mais le cassoulet, si!... On va en garder pour les longues soirées d'hiver, lorsqu'on sort le Cahors pépère!... Ceci-dit, je vais peut-être me lancer dans la confection d'un petit cassoulet de la mer : lotte, cocos paimpolais, homard, tomates, carottes, piment d'espelette, huile d'olive made in italia... Ca vous tente?... Et si on mettait un p'tit Jura?...

Consultez d'autres comptes-rendus Flash sur les Dégustantanés du blog d'Olif


La mer a rendez-vous avec la terre

$
0
0

La semaine des grandes marées d'août se termine. Un peu de cuisine terre-mer s'impose. Ou comment associer pour le meilleur et le meilleur, l'iode des coquillages et assimilés, avec les arômes du terroir et ceux du vin, bien sur. Au programme ce jour, des pâtes aux coques, lavagnons et salicornes, dés de chorizo cular et parmesan.

001   003   002

Les produits de la mer de la recette du jour se pêchent ou se récoltent sur l'estran. Les coques, tout le monde connaît. Pour ce qui est des lavagnons, c'est moins sur. En fait, un bivalve qui ressemble un peu à la palourde, que l'on pêche en Vendée et Charente-Maritime, mais aussi, semble-t-il un peu plus au sud, voire même dans la baie de Somme. On lui donne, comme il se doit, d'autres noms tels que lavignon, fausse palourde, lavignon poivré, palourde plate et même pisse en l'air!... A mon sens, ceux qui soutiennent qu'il s'agit de là de pignons, n'ont pas du en pêcher (ou en manger!) beaucoup!... La salicorne quant à elle, pousse sur les prés salés. On la dit de la famille des épinards, mais on l'appelle aussi haricot de la mer. Parfois aussi passe-pierre ou fausse algue. On la trouve assez aisément en bocaux et traitée au vinaigre. On l'utilise alors comme condiment. Cependant, fraîche, elle peut convenir à de nombreuses recettes autour du poisson et des crustacés. Son association avec les pâtes ouvre de nouveaux horizons gourmands.

004   005   006

Cuisson attentive pour les coquillages, ouverts en cocotte, avec vin blanc et échalotes. Les salicornes sont blanchies pendant trois à quatre minutes, puis coupées en morceaux. Il faut poêler le chorizo coupé en petits dés et ajouter une bonne quantité de crème fraîche. Fraîches, c'est ce que devaient être les pâtes pour cette recette, mais ce diable de crémier-fromager du marchéétait en rupture!... Et dans notre bonne petite ville... En lieu et place, j'ai pu trouver non loin de là, les pâtes au germe de blé bio de chez Morelli. Le modèle Tacconi, une sorte de gros timbre-poste s'avère tout-à-fait goûteux. Il leur faut huit à neuf minutes dans un bain bouillant. Ajoutez-les au chorizo crémé, puis les coquillages et enfin les salicornes. Servez bien chaud avec du parmesan râpé, un trait d'huile d'olive made in italia, du poivre façon Madagascar et régalez-vous!...

019

Pour un peu, on oublierait le vin servi pour l'occasion. Il sonne pourtant comme une très belle révélation de l'été : Les Prémices 2011 du Domaine Roucas Toumba, d'Éric Bouletin, catégorie Vacqueyras blanc. C'est droit et tonique à souhait. Un cocktail rhodanien composé de marsanne, roussanne, viognier, sur un terrain calcaire assez profond, avec des argiles, pour la richesse aromatique des cépages du nord, mais aussi de clairette, pour la fraîcheur et la minéralité de ceux du sud, sur les galets roulés du Plateau des Garrigues, voire quelques autres, mais ne le répétez pas!... Un vin multicolore, un peu comme les guêpiers d'Europe, oiseau que l'on aperçoit parfois dans les vignes du domaine. Le vigneron s'est révélé plutôt grâce à ses rouges, mais ce blanc est assez remarquable, inspiré par certains domaines du cru (Monardière, Sang des Cailloux...), à partir d'une page blanche et de deux parcelles plantées il y a sept ans. A suivre, bientôt, ici même!...

Consultez d'autres comptes-rendus Flash sur les Dégustantanés du blog d'Olif

Closeries des Moussis : à deux, c'est mieux sur la D2!...

$
0
0

Le Médoc, lorsque la vigne s'offre à nos yeux dans sa parure estivale, c'est un peu, pour la plupart des visiteurs, comme une armée au garde-à-vous, que l'on peut passer en revue. Au bout du rang, on ne voit qu'une seule tête de cep et parfois, les rosiers prennent les couleurs des étendards. Pour un peu, ces régiments se mettraient en marche, comme dans un cauchemard soft, franchiraient la dernière croupe de graves et plongeraient dans la Rivière, qui n'est jamais très loin de la D2, la route départementale qui traverse le célèbre paysage viticole, en passant devant tous les prestigieux portails.

003

A Arsac et aux alentours, il est possible de trouver quelques parcelles ébouriffées, que d'aucuns qualifieraient aisément de sauvageonnes. Les vignerons et vigneronnes qui s'en occupent n'ont rien de supposés hurluberlus, même s'ils ont pour stratégie de ne pas en avoir, ou si peu et de faire en sorte que la vigne se porte bien et donne ce qu'il lui plait de donner. Affirmer qu'à coup sur, chaque cep est identifié, relève de la gageure.

A Cantenac, chemin du Gondet, on trouve même 35 ares environ d'une vigne préphylloxérique, à laquelle on donne, avant toute chose, une dimension patrimoniale, voire historique. Sans doute, si elle n'avait eu la chance de croiser la vie de vignerons respectueux, devrait-elle être arrachée depuis des lustres, alors qu'elle est un témoin ayant traversé les ères successives de la viticulture locale. Longtemps, elle fut destinée à une consommation familiale, ce qui contribua à la maintenir sur pied. Désormais, ce sont Laurence Alias et Pascale Choime qui la bichonnent. C'est Michel Théron, du Clos de Jaugueyron, qui leur a cédé cette vénérable parcelle fin 2008, ne sachant trop qu'en faire. Il faut dire qu'on peine à affirmer qu'il s'agisse ici d'une terre à vigne. Plutôt des pallus presque inondables et bordés d'une jalle rejoignant le fleuve. La vigne a souvent été complantée par marcottage et une massalle sur site s'impose désormais. Mais, la densitéà l'hectare, si elle n'est pas vraiment homogène, est suffisante pour que la parcelle soit classée en AOC Haut-Médoc. En tout cas, sur ce sol d'argile, mais surtout de sables et de limons, pas de trace de phylloxéra.

005   009   002

Ici, pas du travail du sol et enherbement total, avec tonte sous les pieds. De toute évidence, le système racinaire est multidirectionnel!... Pas travaillée depuis longtemps, cette vigne semble plus avoir à craindre d'un labour, ou même d'un grattage. De plus, située à deux petits kilomètres de l'estuaire, elle ne craint pas le gel. En revanche, certains pieds ont besoin d'une taille sur mesure. Ici, les vigneronnes ont presque des talents de coiffeuses-visagistes!... Au final, un rendement de 15 hl/ha. Tout près, des vignes de Palmer, Prieuré-Lichine et quelques petits propriétaires, dont le voisin immédiat travaille le sol depuis deux ans. Ces quelques arpents sont en bio depuis le début, en 2009, avec une utilisation du cuivre et du soufre a minima. Depuis 2011, quelques pratiques biodynamiques ont été instaurées. Pour les deux premiers millésimes des Closeries des Moussis, 2009 et 2010, le jus de cette vigne a intégré l'assemblage final. Depuis, il s'agit de la cuvée Baragane, du nom des poireaux sauvages qui poussent dans cette vieille vigne. La version 2012 a une jolie expression spontanée et variable selon les jours, limite versatile, d'après ce qu'en laissent supposer les vigneronnes. En 2011, il n'y en avait guère plus de 700 bouteilles. Pour l'élevage, des barriques de 2008, qui rendent les tannins moelleux à souhait.

L'autre spot des Closeries a pour cadre les vignes proches du Château Sénéjac, sur la commune du Pian-Médoc. Un voisin de quarante hectares, qui dérange quelque peu, quand on sait qu'il est repassé en conventionnel, après trois années de conversion bio!... Laurence et Pascale disposent là de quatre petites parcelles (dont 70 ares récupérés en 2010), appartenant à autant de propriétaires différents soit, au total, environ un hectare sur des sols de graves garonnaises et du sable, le tout sur un socle d'argile. Les vignes ont entre trente et trente-cinq ans et se composent de 70% de cabernet franc et cabernet sauvignon, le reste de merlot. La densité est très médocaine, soit 10000 pieds/hectare et le rendement très raisonnable, pusique d'environ 30 à 40 hl/ha.

008

Dès 2012, le décavaillonage est pratiqué au cheval, grâce au prestataire intervenant à Château Latour, où Laurence suit un apprentissage en la matière. Cette année, elle mène son trait breton elle-même, ce qui explique la présence d'un van devant la maison ou le chai. Il ne s'agit pas cependant de céder à une quelconque mode, cette orientation s'inscrit en fait, dans un processus ayant pour origine, sans doute, sa formation en écologie et en gestion des espaces naturels. D'ailleurs, les deux vigneronnes d'Arsac sont plutôt pragmatiques. Ainsi, à l'heure d'opter pour la biodynamie, elles ont décidé de comparer la méthode aux pratiques biologiques dont elles usent depuis le début, en dédiant deux espaces voisins de dix rangs chacun, l'un à la bio et l'autre à la bio-D. Elles ont pu ainsi apprécier les effets de certaines dynamisations sur la vigne, mais aussi comparer les plantes présentes sur les parcelles, comme on peut le voir sur la photo ci-dessous, plus bas. Pour le moins instructif!...

On peut donc considérer que les parcours de ces deux jeunes femmes se rejoignent en se complétant. Laurence, originaire du Gers, arrivée à Bordeaux en 2006, avec étapes à Toulouse, dans les Pyrénées et en Bigorre d'une part et Pascale, originaire de Charente-Maritime, bien connue en Médoc, de par son expérience de maître de chai du Château Dillon, qu'elle est toujours, ayant vu passer moult promotions de BTS Viti-Oeno du Lycée Viticole de Blanquefort!... Dans la région, d'autres la connaissent aussi pour sa pratique de la sculpture de ferrailles.

1081372_10200952653471877_832706485_n[1]   1081642_10200952654471902_105676102_n[2]   1081095_10200952655311923_209031227_n[1]

Bien sur, ses choix, pour ce qui est des vinifications, sont quasiment aux antipodes de ceux de Dillon. Toutes deux, après avoir eu le projet d'ouvrir un bar à vins, mais doutant de leurs capacités à cotoyer chaque jour une clientèle, se sont orientées vers la production de vins sincères, bons comme elles aiment et sans faire nécessairement un vin d'auteures. Depuis, Laurence a quitté sa sécurité professionnelle depuis 2011. Pascale pourrait la rejoindre, si elles parvenaient à trouver un ou deux hectares de plus dans la région et, pourquoi pas, une parcelle destinée à planter des blancs. 

006

Depuis l'an dernier, elles disposent aussi d'un "chai à tout faire", ayant pu racheter et restaurer une vieille maison médocaine typique, voisine de la leur. En matière de vinification et d'élevage, on ne peut rêver mieux, compte tenu des 1 ha 40 qui composent les Closeries. Tiens, d'ailleurs, pourquoi ce nom?... "C'est très simple. En fait, il n'était pas question de château quelque chose!... On a cherché avec clos, mais il n'y avait pas de noms sympas disponibles, ni à Sénéjac, ni à Arsac. Closeries, c'était plus original. Moussis, c'est le nom donné ici aux pruniers sauvages tout biscornus, qui poussent entre les grands chênes. C'était un peu l'histoire de notre projet tortueux, au milieu des grands crus. Et puis le blanc moussis, c'est aussi un lutin protecteur des cultures, mais ça, c'est juste pour la touche littéraire!..."

Passons à la dégustation des 2012 notamment. A ce stade, tout le volume de la "cuvée domaine" est assemblé en barriques de 400 litres le plus souvent et se compose d'une majorité de 70% de cabernet sauvignon et de 20% de merlot, le reste réunissant les autres cépages médocains historiques, à savoir malbec, cabernet franc, carménère et petit verdot. Le tout est vinifié en vendange entière, éraflé sans foulage, puis pigeage pendant un certain temps et selon ce qu'expriment les jus. Tout ce cycle pendant deux mois à deux mois et demi avant l'élevage en barriques, qui peut durer de douze à treize mois. La mise n'intervenant qu'après un "stockage" de l'ensemble, réassemblé pendant un mois.

007   010   001

Jolie surprise avec cet échantillon déjà très homogène, expressif et cohérent. La version 2010 est compacte, bien en place, dotée d'une belle persistance. Le potentiel de garde est certain, mais le vin est très abordable dès maintenant. Nous avons évoqué plus haut la cuvée Baragane 2012, qui fait un peu figure "d'ovni" et dont la personnalité certaine, va emmener les amateurs (qui pourront en trouver!) sur les chemins d'un autre Médoc, sans doute très rarement couverts de graviers blancs, comme dans nombre de crus classés de la péninsule. A noter qu'en 2012, une sorte de "cuvée primeur" a vu le jour, Virevolte, mais à 600 exemplaires seulement. Inutile de vous dire qu'elle n'est plus disponible désormais, a contrario des Closeries des Moussis 2011, qui commence son histoire avec de bonnes armes.

Tout comme ce domaine, que l'on pourrait qualifier d'anecdotique, voire d'anachronique, dans le contexte de ce Haut-Médoc, brillant de mille feux sur la planète mondovinesque. Pourtant, comme pour d'autres Bordeaux désormais, une alternative est possible. Et pour les amateurs aussi. D'autant que Laurence Alias et Pascale Choime ne sont pas du genre à céder à de supposées trompettes de la renomée, pouvant s'avérer éphémères. De plus, elles n'oublient pas que leur premier millésime, 2009, celui qui les a mises sur les rails, avait obtenu le soutien de nombreux particuliers, n'hésitant pas à acquérir quelques flacons en primeur, avant même que la première étiquette ne soit chez l'imprimeur. Sans oublier quelque caviste perspicace... Aux dernières nouvelles, un beau volume des Closeries des Moussis doit rejoindre le pays du Soleil Levant, sous l'impulsion de Monsieur Ito, célèbre importateur japonais, qui n'a pas son pareil pour dénicher les jolis flacons. C'est peut-être une page qui tourne et chacun serait bien inspiré de trouver un exemplaire du livre!... 

Anjou : vendanges dans un mois! Patience...

$
0
0

Cette année, il faudra être patient. Facile à dire, lorsque le beau temps est là. Septembre ne compte que trente jours, mais il risque de paraître long à bon nombre de vignerons. Et pas seulement en Anjou et Layon!... Certes, la fin d'été, à l'heure où la cloche retentit dans la cour des écoles, prend de jolies teintes, relevées par une belle lumière propre à ces journées anticycloniques, avec léger vent d'est et atmosphère sèche, mais le souvenir de deux années compliquées en 2011 et 2012, avec baisse de rendement incontournable, est dans les mémoires. Si d'aventure, 2013 pouvait associer un rendement moyen normal et les qualités d'une vendange saine, l'année comblerait d'aise les vignerons. Si, en plus, nous pouvions profiter d'un bel été indien, du genre de ceux permettant de vendanger en marcel jusqu'à la Toussaint (c'est peut-être beaucoup demander là?...), chacun pourra croire, dans les vignes, à sa bonne étoile.

008

A propos des mémoires justement, il n'est pas vain de pratiquer quelques retours en arrière, parfois. Les belles journées, comme celles que nous vivons en ce moment, nous font vite oublier, ne serait-ce que le premier semestre de l'année en cours. Tessa Laroche, du Domaine aux Moines, à Savennières, ne manque pas de nous rafraîchir les neurones : "Après la coulure en 2011, le gel de 2012, plusieurs phases ont été perturbées, depuis l'automne dernier. En fait, il fait beau depuis la fleur, le 3 ou 4 juillet dernier, mais avant, il pleuvait tout le temps!..." Et le travail, à la vigne, s'en est trouvé sérieusement bousculé. C'est surtout la présence d'herbe qui le confirme. Pas de coulure à signaler (à l'exception d'une petite parcelle du Parc, jouxtant la Coulée de Serrant qui, pour une raison restant mystérieuse à ce jour, connaît des problèmes depuis deux ans!) et donc, une belle sortie de grappes. Des attaques de mildiou bien contrées, si ce n'est dans la plus jeune plantation, suite à quelques essais de réduction des quantités de cuivre, à savoir 400 grammes de cuivre métal total à l'hectare, au lieu de 900 sur les vieilles vignes. Il est probable que d'autres essais, avec des huiles essentielles notamment, seront inscrits au programme dès 2014. Pas d'attaque sur grappe, même si des traces de mildiou mosaïque ont fait leur apparition sur quelques feuilles, ici ou là. Tessa pense, à ce propos, qu'une importante et régulière rosée matinale, n'est pas étrangère à ce phénomène.

Guère de pluie estivale donc, si ce n'est les 5 ou 6 mm du week-end des 24 et 25 août et surtout les 60 mm tombés dans la période perturbée et orageuse de la fin juillet et du tout début d'août, lorsque la grêle a sévi dans le Bordelais notamment. Des intempéries qui ont certes épargné l'Anjou, mais qui n'ont pas manqué de suggérer la prudence à Tessa Laroche, retardant ainsi les vendanges en vert au maximum. Elles ont débuté depuis peu (ainsi que la suppression des entre-coeurs) et se prolongeront au cours des deux premières semaines de septembre, même si la météo parle de nouveau d'une période orageuse à compter du 5 ou du 6. De toute façon, l'AOP Roche-aux-Moines impose 30 hl/ha et ce n'est pas la présidente de la dite appellation qui sera prise en défaut!...

009

Désormais, le domaine compte pas moins de douze hectares en Roche-aux-Moines, depuis les dernières plantations réalisées ces trois dernières années. Ces parcelles ne sont pas cependant livrées à elles-mêmes et Tessa veille à ce qu'un nombre de grappes soit conservé selon l'année de plantation : quatre pour les vignes plantées en 2010, trois pour les 2011 et aucune pour les 2012. Le but étant que la vigne s'enracine et s'installe au mieux. A noter que la dernière est issue d'une sélection massale de vieilles vignes du Parc, sur rupestris. La précédente provient de clones sur riparia. On note la présence de petites grappes composées de petits grains, ce qui augure d'un potentiel de qualité intéressant. On peut d'ailleurs découvrir les premiers jus millésimés 2012, lors d'un passage au domaine, même s'ils sont réservés à une dégustation et à une consommation privées. En 2013, il y en aura bien plus de trois hectolitres, mais en Vin de France, AOP Roche-aux-Moines oblige et le domaine ne proposant pas de Savennières, ni d'Anjou blanc. Mais, il n'est pas dit que ce lot soit distribué. Dommage!...

Cette année, on compte au moins quinze jours de retard dans le cycle annuel "normal". La véraison est en cours sur les cabernet sauvignon, ce qui, en théorie, repousse la vendange des rouges à une date quasi record!... C'est aussi le cas pour les chenin, qui vèrent également petit à petit. Sachant qu'une mise est prévue pour les rouges le 1er octobre prochain, les premiers jours de cueillette devraient se situer entre le 2 et le 4 octobre. Si la pluie survient, la bonne fenêtre pourrait être repoussée, mais par contre, s'il s'agit de petites averses, le processus pourrait être accéléré. En 2012, les vendanges se sont déroulées entre le 18 et le 20 septembre et tout fut vite ramassé avant le 25, date à laquelle les pluies annoncées, plus conséquentes, survinrent. Seules les plus jeunes vignes furent atteintes de botrytis, un élément absolument incontournable, voilà encore peu, "mais, désormais, ici, plus personne n'en veut... sauf exception."

001 013 004 006

Belle dégustation ensuite des lots de 2012, millésime qui marque un tournant dans l'histoire du domaine ("Il ne faut jamais dire jamais!"). Si 2009 avait déjà proposé des vins conservant au final une trace de sucres résiduels, ce qui n'est pas en soi particulièrement choquant pour ce qui est de vins de Savenières, naguère demi-secs certaines années, le prochain millésime disponible (mise prévue en mars 2014) se composera de lots ayant subi une fermentation malolactique et d'autres pas et ce, à des moments différents de l'année (décembre ou mars), ce qui n'est pas sans conséquence dans la perception gustative actuelle. Et ceci, quel que soit le contenant et sa position dans le chai, de quoi surprendre la vigneronne, malgré tout ce qu'elle a pu entendre sur le sujet!... De plus, si le parc à barriques se compose jusqu'à maintenant de fûts de 400 litres et d'autres de 300, neuves ou d'un vin, l'avenir se fera uniquement avec les secondes, notamment pour des questions de manipulation. Un choix qui peut surprendre à l'heure actuelle, où la tendance est plutôt inverse, mais la dégustation montre vite à quel point c'est bien la qualité des barriques qui prime, avant même leur volume. Ainsi, les jus issus des vieilles vignes du Parc, élevés dans les fûts de l'Atelier Centre France, gardent une pureté d'expression et une dynamique remarquables, au regard des contenants voisins provenant d'un célèbre tonnelier. De même, un essai sur deux fûts de 400 litres en provenance d'une même tonnellerie, mais l'un disposant de deux fonds de barriques chauffés est assez révélateur du "maquillage" que l'on peut obtenir. Inutile de préciser que l'essai ne sera pas transformé!... Notez que les vins issus du Parc et ceux venant des Ruettes, à l'extérieur, seront réunis séparément, avant l'assemblage final. Enfin, il est très intéressant de déguster à ce stade les bas de cuves, réunis dans une même cuve inox, tant leur fraîcheur et leur spontanéité aromatique révèle sans doute tout le potentiel du terroir et certaines des qualités du millésime. A noter également que les jus furent soufrés après pressurage, au moment du débourbage, mais pas depuis.

003

Voilà qui augure d'un avenir passionnant pour la Roche aux Moines!... Une appellation dont on mesure encore peu l'évolution depuis trois ans et la mise en place du nouveau décret. D'ailleurs, il suffit de faire un tour dans le vignoble pour se rendre compte à quel point le paysage change. Au-delà, la présidente du syndicat local ne peut que se réjouir de constater que la petite dizaine de vignerons et de domaines s'accordent sur une même vue des choses, pour l'essentiel. Mais, la concertation n'est pas absente et, après les vendanges, sera organisée une réunion technique permettant de faire un point et de comparer les expériences. Chacun pourra ainsi s'exprimer sur les éventuelles difficultés rencontrées, mais aussi sans doute, sur les constats rassurants que la méthode n'aura pas manqué d'engendrer. Pourvu que chacun fasse son vin, celui qui lui ressemble et que les amateurs trouvent leur plaisir dans la diversité, même si elle n'est que l'expression d'un petit territoire, sorte de confétis, aussi passionnant soit-il, au milieu des appellations ligériennes. Certes, il ne faut jurer de rien, mais la démarche a fait progresser l'ensemble. Au final, ce "Grand Cru" servira peut-être de modèle à d'autres, plus célèbres, enfermés et engoncés dans leurs certitudes intemporelles.

La journée se prolonge en compagnie de Richard Leroy, àRablay sur Layon, petit village angevin qui a du réorganiser la circulation de son centre bourg, depuis que les co-auteurs de la célébrissime bande dessinée Les Ignorants reçoivent leurs admirateurs, qui pour une dédicace du dessinateur, qui pour quelques flacons du vigneron. Je peux en témoigner - et Richard avec moi! - le fait que ce village soit à l'écart des grands axes régionaux de circulation a du quand même aggraver le bilan carbone de l'éditeur et des édités. En effet, il ne passe pas une journée sans que le vigneron ne déçoive les visiteurs, lorsqu'il leur annonce qu'il n'a plus aucune bouteille disponible, malgré les kilomètres du détour consenti, pour découvrir la plus bio des communes layonesques. Il faut dire qu'ils l'ont bien cherché, surtout lorsqu'on apprend que la version anglaise a été imprimée à destinations des États-Unis notamment (à quand Michelle Obama, juste sortie de son potager bio, à Rablay?...) et qu'une nouvelle rafale de vingt mille exemplaires, en français cette fois, sort juste, également, de chez l'imprimeur!... Il faut dire ce qui est : Tronches de vinétait à New York avant les Ignorants, mais pour ce qui est du nombre de copies, nous sommes battus à plate couture!... Un autre monde!...

017

Ceci dit, le vigneron de la Grande Rue (à Rablay, bien sur, pas à Vosne-Romanée!) est loin de perdre le fil du millésime 2013. Du côté de Montbenault et du fait de son terroir plutôt prime, il est rarement en retard pour les vendanges. Il est même souvent un des premiers à embrayer, dans les parages. Il faut bien admettre que cela lui réussit bien, depuis quelques années!... Mais, cette fois, il voit plutôt la fenêtre s'ouvrir début octobre, peut-être à la toute fin septembre... On n'y est pas!... Et, dans le secteur, il faudra au moins attendre le 15 octobre pour les rouges! En fait, 2013 cumule les complications. La pluie et le froid ambiant ont eu leurs conséquences parfois funestes : un petit peu de coulure, malgré la faible charge et la pousse permanente des ronces, nécessitant quelques belles séances de piochage!... Dont une le 27 mai, avec une température de 7°, l'obligeant à se couvrir d'un bonnet qu'il ne porte que rarement l'hiver!... Il va d'ailleurs devoir ressortir la pioche très vite (pas le bonnet!), alors même qu'il rentre de vacances!... Plus tôt dans la saison, au printemps (pourri), ses problèmes se situaient au chai, du fait des températures basses. Les fermentations malolactiques s'éternisant, il dut avoir recours à une batterie de "grille-pain" (pour le plus grand plaisir d'EDF!), afin de maintenir une température ambiante restant péniblement à 16°!... La poooorte!...

Du côté des 2012, en cours d'élevage, on note les rendements plutôt faibles à Montbenault : 17 hl/ha, alors que moins de 5% de la vendange est trié et écarté et ce, malgré qu'il n'y ait plus de manquants désormais. "C'est un peu bas, ça m'interpelle!" Aux Rouliers, en revanche, c'est un peu plus quand même. En 2011, la moyenne se situant pour l'ensemble à 25 hl/ha. Tout le monde en a?...

018   019

Nous dégustons plusieurs lots des deux secteurs. La plupart sont joliment expressifs, mais on note désormais que les jus sont résolument différents : Les Rouliers, avec une souplesse propre aux terres un peu plus lourdes, genre bas de coteau et Les Noëls de Montbenault, sur les cailloux, dense et plus puissant. Rappelons que ces vins sont désormais "zéro soufre" et qu'ils expriment de plus en plus, selon le vigneron même, toute la richesse, mais aussi la diversité et la typicité de ces deux terroirs.

Il ne nous restait plus qu'à passer à table, un moment privilégié chez Richard, tant cette pause permet de faire quelques découvertes passionnantes de cuvées de la région, mais pas seulement. Si vous souhaitez en savoir plus sur la situation pré-vendanges ligériennes, vous pouvez également vous rendre àSt Lambert du Lattay, les samedi 7 et dimanche 8 septembre prochains, chez Agnès et René Mosse, qui ouvrent les portes du domaine en grand sur la D160, en compagnie de quelques joyeux lurons et néanmoins top-vignerons : Jean-Marie et Thierry Puzelat, Moses Gadouche et Pascal Potaire, Emeline Calvez et Sébastien Bobinet, Hervé et Isabelle Villemade, Pierre et Catherine Breton, ainsi que Nathalie Gaubicher. Que du beau monde!...

Ces vignerons vendéens bâtisseurs

$
0
0

Finalement, le pluie prévue ce jour (le 6) n'était pas au rendez-vous. A peine 2 mm pendant la nuit, pour humidifier la poussière. C'est le Grand Sud qui sera finalement touché par les orages, les fortes pluies parfois, une baisse des températures, un large quart Ouest restant à l'abri des intempéries. Une belle arrière-saison se profile, sur la côte "californienne" de l'Europe. La plage n'est pas fermée!... D'ailleurs, un ami marin de Noirmoutier a rassuréChristian Chabirand, de Prieuré la Chaume, à Vix, la zone viticole la plus méridionale de la Loire : "Ne t'inquiète pas, les grandes marées sont passées avec le beau temps, ça va tenir jusqu'en octobre!"

011   001   018

Plutôt rassurés les vignerons vendéens, même si la route est encore longue. Certes, les cépages tels que pinot noir et chardonnay pourroint être vendangés dans une quinzaine de jours, en principe... Pour ceux-ci, la véraison se passe d'ailleurs mieux que pour les plus tardifs. Ces derniers, cabernet ou chenin, ne vont pas manquer d'inquiéter les vignerons jusqu'au bout. Le tout est que le basculement de météo vers l'automne ne survienne pas trop vite. En 2012, passé le 25 septembre, il n'y avait plus guère à espérer, que de la dilution et du botrytis!... 2013 ne peut pas se le permettre, avec le retard cumulé atteignant trois semaines dans les parages, même s'il se réduit peu à peu avec le beau temps.

Si l'inquiétude persiste dans le vignoble, c'est à l'image d'une année 2013 très difficile. Jusqu'au début juillet, certains se demandaient ce qu'ils allaient bien pouvoir produire. D'autant que, pour quelques-uns, nouvelles ambitions, changement de braquet, projet à court ou moyen terme ne souffrent guère l'échec et pourraient subir gravement les conséquences des aléas climatiques, même partiels.

003   005   014

A Vix, Christian Chabirand fait partie de ceux-là. Malgré la jeunesse de son vignoble, créé de toute pièce voilàà peine plus d'une douzaine d'années, le voici qui entre dans une seconde phase, avec l'extension du bâtiment de vinification et d'élevage. Pour cela, il fallait opter pour un creusement conséquent dans le coteau et une construction permettant au final de bénéficier de la gravité. Or, la météo pluvieuse à souhait de l'hiver dernier a mis le terrassier dans une situation difficile. Si le bâtiment en lui-même n'en souffre pas trop, la plate-forme en béton juste au-dessus s'est affaissée. Expertises, contre-expertises, palabres... Tout n'est que partie remise, mais chacun imagine le niveau de contrariété, pour le vigneron qui mise désormais sur ce progrès certain.

004

C'est le type même de travaux qui permettent d'ouvrir le sol et de prendre vraiment connaissance de sa structure. Même si le vigneron de Vix n'est pas dans l'inconnu à ce niveau, surtout depuis les études faites, à la demande du syndicat des Fiefs Vendéens, dans le cadre de l'obtention de l'AOC. Les fosses creusées et les analyses pratiquées par le groupe de géologues d'Angers avaient révélé un certain nombre de choses, dont quelques-unes assez loin des connaissances précédentes et de... l'imaginaire des vignerons locaux.

Sur cette photo, on distingue bien le calcaire, transformation des marnes du Jurassique du dessous, mais aussi une épaisseur de sol assez conséquente. En fait, une surprise pour Christian Chabirand car, sur le reste du coteau, il ne dispose pratiquement jamais de terre dans ces proportions. Finalement, sans doute plutôt un bon choix pour construire et éviter de réduire, même de quelques arpents seulement, l'espace viticole de meilleure qualité. A noter enfin, que ce projet de construction en précède un autre. En effet, comme Jérémie Mourat à Mareuil sur Lay, le vigneron vizeron (du nom donné aux habitants de Vix) s'inscrit dans une démarche intégrant le développement touristique de la région et une demande certaine en matière d'oenotourisme. En effet, ce sont désormais des groupes de croisiéristes, en escale à La Rochelle, qui frappent à la porte des vignerons. Et pour tout dire, la réception de ces groupes n'est pas forcément adaptée. A terme, sera donc construit un nouveau bâtiment, sans doute déconnecté du premier, avec salle de dégustation panoramique sur les éoliennes du Golfe des Pictons, planté de céréales désormais et sans doute un restaurant, ne pouvant qu'accompagner et offrir une suite logique au wine tasting multilingue, aux armes du domaine. Sans oublier les chambres d'hötes. Tout un programme et une orientation multi-activités qu'il faudra assumer au mieux!...

006   008   009

Cependant, le vigneron de La Chaume n'en oublie pas pour autant son métier premier et, pour l'instant, il essaie de décrypter les tenants et aboutissants d'une année compliquée, avec, en premier lieu, la préparation d'un planning de vendanges. "C'est la première année que j'ai un pinot comme ça!..." Comme on peut le voir ci-dessus, à gauche, le pinot noir est au top! Couleur homogène, une belle véraison, la suite logique d'une fleur qui, pour ce cépage, s'est passée juste dans la bonne fenêtre. Ce n'est pas le cas du merlot, variété majeure ici, puisque trois cuvées de rouges (sur les quatre) sont composées à 100% de celui-ci, mais il n'y a pas de quoi désespérer. Cependant, un tri attentif va s'imposer comme une évidence, même si les grappes sont plutôt lâches. Ce sera également le cas de la négrette (à peine 50 ares ici), qu'il est souvent difficile d'amener saine, à une bonne maturité. Avec elle, le tri c'est toujours la règle et comme elle n'entre qu'en très faible proportion dans la seule cuvée d'asemblage des rouges, Orféo, elle peut être éventuellement écartée. A Vix, elle n'a pas le même poids historique qu'à Mareuil, puisqu'elle n'apparait pas dans les recensements du passé, ou alors à titre extrêmement anecdotique.

013   010   017

Du côté des blancs, les chardonnay seront sans doute ramassés dans une quinzaine de jours également, tels ceux de cette parcelle surgreffée (ci-dessus, à gauche) de 35 ares. En effet, Christian Chabirand ne parvient pas à obtenir des droits pour planter et augmenter la proportion de blancs, il en est donc venu, en 2012, à adopter cette technique assez pratique. Il s'agissait là de cabernet sauvignon devenus en à peine plus d'un an, des chardonnay disponibles. Il est à noter que le vigneron se heurte à une législation dont la teneur laisse parfois rêveur. Lorsqu'il s'adresse aux tenants de l'AOP, ceux-ci refusent de lui accorder des droits nouveaux sur le coteau de son choix, parce qu'il dispose d'une parcelle libre classée en Fiefs Vendéens et aussi du fait qu'il ne déclare plus ses vins qu'en IGP et lorsqu'il consulte l'autre camp, l'Onivins, on lui répond de même, du fait qu'il peut planter en AOP, ces officiels se voyant mal lui accorder des droits hors appellation!... La quadrature du cercle!... Aux dernières nouvelles, il ne lui reste qu'un seul moyen : acquérir la surface voulue de vigne dans un autre secteur, à moins de 70 km, par exemple du côté de Mareuil ou Rosnay, arracher la dite parcelle et replanter chez lui!... Pas le meilleur moyen d'être reçu à bras ouverts dans le reste de la contrée!...

015   002   016

En terminant le tour du vignoble, nous pouvons contempler le superbe coteau exposé sud-ouest, planté pour l'essentiel du merlot destinéà la cuvée Bel Canto. Nous sommes là sur une pente concave et dans une sorte de cirque très favorable. Plus loin, un peu de chardonnay et une très belle croupe qui pourrait recevoir d'autres sélections de ce même cépage, si les droits sont accordés un jour. Cette pente constitue en fait un ancien rivage, qui bordait la partie sud d'une ancienne île du Golfe des Pictons. Au-delà de la petite route qui suit le coteau, la plaine agricole destinée au maïs et à la culture des melons, dont une première ceinture fait partie du foncier appartenant au vigneron de Vix. Une prairie, à l'entrée du domaine a d'ores et déjàété transformée en espace naturel dédiéà quelques chevaux. A terme, les vignes du coteau seront entourées par une sorte de "ceinture verte", véritable zone tampon entre l'agriculture productiviste intensive, avec tout ce que cela suppose et le vignoble en culture biologique.

007

Retour à la cave pour finir, où tout se met en place, en vue des mises en bouteilles ce lundi. En fait, pour la plupart des cuvées, le vigneron procède en plusieurs mises. Ainsi, cette fois, les ultimes volumes de Bellae Domini (Belle du Seigneur en latin) 2009, Orféo 2009 et Rigoletto 2010, la petite dernière, sont au programme. Malgré un brassage récent, on retrouve toute l'intensité de celle-ci, issue d'un merlot surmûri et du coteau plein sud. Cuvaison de quelques heures, élevage de trente mois en cuve uniquement, une véritable originalité, dotée d'une richesse séduisante, presque libertine. Un voyage à Venise, peut-être?... Orféo 2009, hommage à Monteverdi, assemblage de merlot (60%), cabernet sauvignon (30%) et négrette (10%) pour ce qui est du vin lui-même, est dotée d'une remarquable fraîcheur, qui confère à cette cuvée un charme certain. On pourrait la croire destinée, à priori, à un voyage au longs cours, mais vous pouvez l'ouvrir avant même l'embarquement! Toujours en cours d'élevage, Bellae Domini 2012 est d'une belle couleur assez profonde, sans la concentration de 2009, mais avec un équilibre plutôt séduisant. Une cuvée qui peut passer de 18 à 24 mois en barriques, mais que le vigneron surveille, tant il faudra selon lui, "saisir les jus au bon moment." Bel Canto 2012, hommage à Melle Geneviève Vix, cantatrice née en 1879 à Nantes, célèbre tant à l'Opéra de Paris qu'au Théâtre Graslin de sa ville natale, garde son fruit léger et aérien, que le millésime semble renforcer encore. A noter également, mais non dégustés ce jour, les deux rosés, dont Le Caravage 2012, issu d'une saignée rapide de merlot et de pinot noir et Prima Donna 2012, assemblage intéressant de chardonnay (60%), de pinot noir (30%) et d'un soupçon de chenin (10%) cette année.

Prieuré La Chaume est donc entré dans une nouvelle phase de sa récente et courte histoire. Tout autour, la terre cache sans doute encore, des traces de vie qui rapprochent les millénaires : fossiles marins, sceau historique du Moyen-Âge, lorsque la mer était encore là, présente pour des populations de pêcheurs, devenus maraîchins lorsque l'océan s'est retiré ou que l'espace fut asséché. Il y a peu de chances que le vigneron de Vix n'ait à faire face ou retour des vagues de l'Atlantique (hors tempêtes extrêmes), mais il se tourne néanmoins vers l'avenir d'une région à vocation résolument balnéaire et touristique. Sans pour autant céder aux sirènes de la consommation de produits standardisés, comme ont pu le faire parfois, les générations récentes de vignerons vendéens, pour la plupart enfermés dans un modèle économique quasiment destructeur. Sa démarche ne manque pas de courage, elle s'inscrit dans une logique novatrice, mais indiscutablement valorisante pour un Sud Vendée, qui ne veut pas devenir une île au milieu de nulle part.

019

En remontant vers le nord, étape à Mareuil sur Lay et Rosnay, le coeur traditionnel du vignoble vendéen, pour y rencontrer Jérémie Mourat. Un presque quadra à qui il faut rendre visite de temps à autre, tant il serait aisé de manquer une étape ou de rater un épisode de l'évolution du domaine. Combien de défis lancés depuis dix ans par le vigneron mareuillais?... Création du Clos Saint André, choix des oeufs béton de chez Nomblot pour les vinifications et les élevages des blancs, construction d'une nouvelle structure destinée à l'accueil et aux bureaux, restructuration du vignoble, achat de raisins et production d'une cuvée en Afrique du Sud, création de l'entité dite du Moulin Blanc, construction d'un chai permettant d'utiliser la gravité et d'une salle de réception, constitution d'une équipe solide pour assumer les 40 ha en bio et les 130 ha de l'ensemble du domaine, fermez le ban!... Liste non exhaustive, mais quasiment vertigineuse!... Et d'autres projets se profilent déjà, au moins aussi ambitieux!... Restez connectés!...

Cette année pourtant, Jérémie s'est fait peur, avec cette météo pour le moins capricieuse, qui laissait augurer du pire jusqu'au début juillet. "On s'est demandé certains jours si on allait avoir des raisins! Encore a-t-on étéépargnés par les orages du début août, contrairement à Pissotte, où les Coirier ont perdu 25% de la récolte... Et désormais, il nous faudrait un peu de pluie, mais juste dans certains secteurs, où les pinot noir notamment pourraient souffrir avant longtemps..."

024   025   029

Il lui faudra encore patienter une quinzaine de jours pour lancer les vendanges. Il faut dire qu'il est un peu comme un enfant qui vient de recevoir son nouveau jouet. En effet, le nouveau chai a été livré en juillet dernier et il tarde au vigneron d'y faire pénétrer les premiers raisins et, par la même occasion, de vérifier le bien fondé des différents choix. Pour l'instant, un premier pressoir est en cours de révision et les cuves inox pour les fermentations des rouges font face à trois cuves tronconiques de la tonnellerie bourguignonne Rousseau, comme sur une sorte d'échiquier. Mais là, pas question de mise en échec!... On y trouve également quelques double-barriques destinées aux "cuvées réserve" ou sélections particulières, ainsi qu'au jus provenant des 25 ares de négrette pré-phyloxériques, qui seront vinifiés à part dès cette année. Au même étage, mais côté sud, se trouve la salle panoramique de réception, pouvant recevoir une centaine de personnes. On appréciera au passage la très belle terrasse où le choix des matériaux, béton, verre, bois, est mis en évidence, tout comme la vue permettant même d'apercevoir, par temps clair, les silos du port de La Palice, à La Rochelle.

027   028   033

A l'étage inférieur, on prend conscience de la dimension de l'outil et de sa conception audacieuse. Le cuvier des blancs, reliéà la réception au-dessus par une simple trappe (et un escalier quand même), regroupe désormais tous les oeufs en béton Nomblot (on imagine les difficultés de leur transfert ici, réalisé par une entreprise spécialisée, absolument sans casse!). Comme depuis les derniers millésimes du Clos Saint André notamment, ces cuves ovoïdes sont destinées aux fermentations pour 80% des volumes environ (le reste passant en foudres bois), mais aussi à l'élevage pendant une dizaine de mois. Une technique que Jérémie Mourat maîtrise désormais et il ne s'en passerait à aucun prix, tant pour le Clos Saint André que pour les blancs du Moulin Blanc. Seules les dolias de 800 litres, proposées désormais par le même fabricant, pourraient peut-être le tenter un jour.

023   032   026

Une partie de ce sous-sol est réservée à un espace voulu par le vigneron, pour l'élaboration de sa Méthode Traditionnelle, qu'il voulait réalisée sur place de A jusqu'à Z. Là aussi, un projet à part entière et une marque évolutive. La pièce en question est climatisée à 12°. Elle permettra d'entreposer les vins sur lattes, ainsi que les vins de réserve sur trois millésimes (en barriques et demi-muids) en cours d'élevage. Un premier tirage sera effectué le 19 septembre prochain. 4000 bouteilles seront entreposées là. Elles seront destinées à la cuvée 1122, pour les 70% de vins de base millésimés 2011 (élevés en oeufs béton) et les 22 mois d'élevage, avec des vins de réserve de 2010 à 2008 (élevés en barriques, sans SO2). Le tout non dosé et sans malo. On pourrait voir apparaître ensuite, sur le même modèle, des cuvées 1136, 1224, etc.. Les collectionneurs sont déjà dans leurs starting-blocks!... Un premier échantillon montre toute l'originalité et la dimension d'une telle cuvée, qui devrait bien se tenir à table. Affaire à suivre!...

034   035   038

Petit tour dans le vignoble ensuite, pour apprécier le paysage dans le secteur du Moulin Blanc de Rosnay, sorte de croupe qui domine le confluent du Lay et du Yon, ainsi que la route qui mène à l'Océan. Le moulin a été entièrement rénové. Il domine désormais 14,5 ha de vignes rachetées voilà quelques années. Pour le vigneron, il a aussi valeur de symbole, celui qui reste dans les mémoires de la population locale, voire dans ses gênes, depuis qu'en 1794, quelques membres de la Division Huché, composant une sorte de Colonne Infernale, s'acharna sur la population, au point de brûler quatorze personnes en même temps que le moulin, dont tout le haut fût détruit par la même occasion, dans le but d'affamer les habitants de la contrée qui pouvaient rester. A l'heure où Jérémie Mourat s'associe avec Jérémie Huchet dans le Muscadet, il est des clins d'oeil de l'Histoire qui surprennent parfois.

037

Sur cette butte ventilée (d'où la présence d'un moulin bien sur), on trouve quelques gamay destinés aux rosés, mais surtout des pinot noir qui donnent de beaux espoirs au vigneron. Le terroir, où les schistes pourpre ne sont pas rares, a toujours restitué de belles maturités. Jérémie en a gardé le souvenir depuis ses débuts au domaine, lorsque la Maison Mourat achetait des raisins par ici. Il faisait alors les contrôles de maturité avant les vendanges et collectait des données fort intéressantes. On comprend mieux son intérêt lorsque le domaine s'est trouvé accessible. Un peu plus loin, un tracteur enjambeur diffuse un nuage blanc, de ceux qui déclenchent parfois de vives réactions de la part des voisins, craignant la diffusion de quelque produit toxique. En fait, il s'agit du dernier poudrage d'argile blanche avant la cueillette, un moyen de lutter au passage contre la cicadelle. En effet, celle-ci est très attirée par le vert profond des maïs voisins, mais lorsque les feuilles deviennent dures, à la fin de l'été, l'insecte suceur, de l'ordre des hémiptères, se rabat sur les vignes alentour. La poudre blanche atténue la teinte des feuilles et dissuade donc le parasite. Ici, les pinot devraient être ramassés vers le 23 du mois, juste après les premiers blancs destinés aux bulles.

A quelques hectomètres, découverte du conservatoire de la négrette, mis en place par le Syndicat des Fiefs Vendéens. La parcelle entretenue par Fabien Murail, a été plantée en 2012 de 57 lignées de ce cépage quasi endémique (qualificatif qui risque de faire bondir les vignerons de Fronton!), repérées et prélevées un peu partout en Vendée. Selon le protocole mis en place, les premières boutures seront disponibles dans cinq ans. Il faut dire que ce cépage était très présent naguère dans les Fiefs. Ainsi, le recensement des vinifera du département effectué dans les années 50, montrait alors que plus de 40% du secteur de Mareuil était planté de négrette, que l'on appelait ici "pinot ragoûtant", alors qu'à Brem, il s'agissait plutôt de "vieux Bourgogne". D'où son assimilation à la famille des pinot, alors qu'à priori, un certain cousinage le rapproche plutôt du malbec, voire du tannat. A ce jour, on estime qu'il en reste 5%. Il faut dire qu'on a souvent montré sa faible acidité et les difficultés à la mener au terme voulu sans dégradation, impliquant un tri attentif. Si bien qu'ici, à l'heure de la mécanisation des vendanges pour nombre de domaines, les cabernet notamment l'ont souvent remplacée. A noter que des discussions sont en cours au sein du syndicat local, afin que l'AOP Fiefs Vendéens soit accessible aux cuvées 100% négrette et sans doute 100% chenin, voire, mais ce sera plus difficile, 100% pinot noir. Pour la première, ce ne serait que justice. Il en va sans doute de la dimension patrimoniale de cette originalité. Cela pourrait être le nouveau cheval de bataille des vins de Vendée, l'axe rêvé d'une communication nouvelle, surtout depuis que le syndicat a quitté l'interprofession ligérienne.

039   036   040

Nous descendons ensuite dans le secteur de la Grenouillère, dont les sols sont très différentes du reste de l'appellation. En fait, au-delà du village, la petite route domine les marais. Il faut y voir, là aussi, l'ancien rivage du Golfe des Pictons, du moins, une sorte de ria, ou d'estuaire, qui s'avançait vers le nord. C'est pourquoi on trouve là des sables, des galets roulés sur un ensemble argilo-calcaire. Jérémie goûte son plaisir de me faire découvrir sa dernière trouvaille : 15 ares d'une négrette pré-phyloxérique sans doute complantée, où le marcottage fut longtemps utilisé. Certes, il y a des manquants, mais une massale franche de pied doit être possible. Un véritable trésor, comme il en existe quelques-uns dans le secteur, que le vigneron ne désespère pas de collecter.

041

Pour sa part, le Clos Saint André, non loin de la cave, se porte comme un charme. Ces vignes de sept ans, plantées sur un sol où c'est plus la rhyolite qui domine, doit être encore tempérée. Cette année, la moitié des raisins est par terre!... Mais, l'espoir d'une belle récolte, après un travail d'enfer toute l'année, laisse entrevoir un beau millésime, pour le fer de lance du domaine. Les vendanges devraient s'y dérouler entre le 1er et le 4 octobre pour les premiers tris, peut-être un peu avant.

Avant même de passer à la dégustation, Jérémie Mourat évoque ses projets et ses objectifs, ceux-ci s'imbriquant souvent les uns dans les autres. Tout d'abord, Les Bêtes Curieuses, le nom donnéà l'entité qui réunit désormais les deux Jérémie, Huchet et Mourat, en Muscadet, avec le but de développer l'élevage d'une série de Crus Communaux. A ce jour, ils possèdent six hectares et doivent passer à la vitesse supérieure, en construisant un nouveau chai doté de cuves souterraines.

Ensuite, faire évoluer la marque, mais surtout les vins de Marie du Fou, en donnant notamment un coup d'accélérateur pour les rouges. Le but : arriver au niveau du Clos Saint André et ainsi, valider le travail sur celui-ci et sur Moulin Blanc, pour tout le reste du domaine. Pour situer l'ampleur de la tache, le vigneron se donne dix à quinze années pour y parvenir, du fait notamment de la restructuration incontournable prévue dans les vignes, sur près de 130 ha au total. Cela passe aussi désormais, par l'utilisation des mêmes produits phytos et une reprise partielle du travail des sols dans un premier temps. Jérémie sait que l'image du domaine évolue et qu'il parait inconcevable qu'une large proportion de celui-ci reste à la remorque de la meilleure partie.

043   044   045

Mais, tout n'est pas qu'action de communication. Lorsqu'on embraye vers un tel objectif, la réflexion se doit d'être multidirectionnelle. Au chai, des choix sont possibles pour ce qui est des matériaux utilisés, ou encore des doses de SO2 (Jérémie affirme que, pour le Clos Saint André 2012, l'analyse montre 48 g de soufre total, "mais on peut encore baisser"). Autre aspect, que les vignerons abordent sur la pointe des pieds : les levures. Alors, indigènes ou exogènes?... Voilà quelques temps, sa rencontre avec Antoine Pouponneau, bien connu dans le grand Sud-Est et en Corse, mais aussi acteur et associé de la sociétéBIOcépage, basée dans la banlieue nantaise, lui a donné de nouvelles pistes de réflexion. En fait, depuis deux ans, un travail de recherche sur les levures indigènes du domaine a été effectué. Il s'agissait de les repérer sur les raisins au moment des vendanges, de les identifier fermement et d'en sélectionner un certain nombre, quatre en l'occurence, qui seront "fabriquées" sur place, au domaine, dès cette année, pour les prochaines vinifications. Parmi elles, la Bayanus, levure très rustique, trouvée dans les négrette pré-phyloxériques de la Grenouillère. Cette sélection de levures est adaptée aux cépages, voire au type de vins. Elles contribuent aussi à donner quelques clés au vigneron confrontéà certaines difficultés. Ainsi, Marcel Richaud, à Rasteau, ne sachant plus que faire face à l'augmentation de l'alcool dans ses cuvées, s'est vu offrir là, le moyen d'utiliser une levure qui mange 16° de sucre au lieu de 14, d'où la possibilité de proposer des vins moins alcooleux et libérés de certains goûts propres au choix de la production de vins nature sans soufre. Jo Landron et le Château de Pibarnon font eux aussi appel à cette société (reportage à suivre ici-même prochainement). Marjorie Gallet devrait y venir également. La recherche préalable menée par ce duo chercheur-winemaker révèle également souvent que les souches indigènes et commerciales se retrouvent simultanément dans le vignoble ou dans le chai, à l'insu du vigneron, même s'il n'utilise plus depuis longtemps de levains industriels. Préserver l'identité et l'originalité du lieu, plutôt que de subir une approche empirique, c'est peut-être un des enjeux de demain, pour tous ceux qui veulent promouvoir la richesse de leur terroir et l'authenticité de leurs vins. En tout cas, une piste que suit le vigneron vendéen, qui pourrait être déterminante.

Pour finir, avant de laisser Jérémie à ses projets... de week-end, il ne restait plus qu'à croiser le verre autour des deux cuvées du Moulin Blanc 2012. Le blanc (65% chenin et 35% chardonnay) et le rouge (pinot noir, "on a enfin un terroir à pinot noir!") ouvrent des perspectives intéressantes. On devrait constater toute les qualités de ce secteur après quelques millésimes, lorsque les effets d'une viticulture conventionnelle ancienne seront atténués. Enfin, jolie bouteille que ce Clos Saint André 2012 (100% chenin), issu de deux tris seulement, au lieu de trois habituellement et d'un passage de dix mois dans le béton. Et conclure sur les bulles de la MT, citée plus haut, parfaite pour cette journée, qui permet de découvrir toutes les avancées des vignerons bâtisseurs du cru!...

Vacqueyras, deux domaines sous les Dentelles!

$
0
0

Les amateurs savent bien que l'appellation voisine du célèbre Gigondas recèlent quelques jolis crus et jolies cuvées. C'est sans doute l'antériorité du décret d'appellation - 1971 pour Gigondas et 1990 pour Vacqueyras - qui a contribuéà cette notoriété supposée supérieure. Pourtant, depuis nombre de millésimes, certains domaines ont hissé le jeune cru au niveau des meilleurs du Rhône Sud. Et, désormais, d'autres arrivent, sans tambour ni trompette, avec tout leur potentiel dans les trois couleurs, alors que le célèbre voisin ne produit que des rouges (et quelques rosés). Au total, 1300 hectares au pied des Dentelles de Montmirail et, de plus, quelques superbes paysages.

030

~ Eric Bouletin -Roucas Toumba ~

"Ce n'est pas le plus connu, mais ce qu'il fait, c'est très bon!" C'est en ces termes que Béatrice, du Domaine du Pourra, nous a suggéré de rendre visite à ce vigneron de Vaqueiras, en provençal. Difficile de rester indifférent à une telle invite. Le provençal, une langue que maîtrise d'ailleurs parfaitement le vigneron, tant il l'utilise dans la conversation, histoire de rajouter en quelques mots, si c'est encore nécessaire, la lumière qui reflète sur le calcaire des Dentelles ou le souffle du mistral chaud de l'été. Issu d'une famille présente ici depuis 1580 (quatre cent trente ans, c'est du moins l'âge supposé de la maison familiale, qui apparaissait sur un cadastre ancien), on peut se demander s'il n'est pas en plus un descendant de Raimbaut de Vacqueiras, troubadour, jongleur, puis chevalier triomphant dans les tournois de la Cour du Prince d'Orange, à la fin du XIIè siècle. Il participa même à la IVè croisade, mais périt lors d'une bataille, près de Thessalonique.

La famille d'Eric Bouletin a, de tous temps, été composée de petits paysans essayant de vivre le mieux possible en quasi autarcie. La polyculture et ce que donnait la nature assez généreuse de la région était la règle. Ce fut longtemps le temps des agriculteurs-chasseurs-cueilleurs. Le changement survint après la seconde guerre mondiale et surtout le grand gel de 1956, qui a précipité la mort des oliviers. On imagine ce que pourrait être ce paysage, s'il était encore composé le plus souvent de ces arbres pouvant être multi-centenaires. Le vigneron de Roucas Toumba ne cache pas une certaine nostalgie, en évoquant ce temps passé où il y avait tant à transmettre à ses descendants. "La vérité de la vigne, c'était plutôt avant, lorsque les anciens la plantaient dans les endroits adaptés à elle seule, comme c'était le cas aussi pour les oliviers."

008   010   012

Aujourd'hui, le patrimoine d'Éric, ce n'est pas moins de 16 ha éparpillés sur toute la commune en trente parcelles, ce qui constitue une sorte de conservatoire des terroirs locaux. Un casse-tête peut-être parfois, surtout quand l'herbe envahit la vigne, comme cette année au printemps (un syndrome vécu par tous, dans le sud, en 2013), mais un gage de liberté sans doute, au moment de composer les cuvées issues de sélections parcellaires.

Lors de notre passage, toutes les parcelles sont superbes, si ce n'était celles largement touchées par la coulure cette année. Comme ses collègues, le vigneron a du user de la débroussailleuse et parfois, a du arracher l'herbe à la main dans les plus jeunes vignes. Ainsi, ce mourvèdre planté en 2000, destinéà la grande cuvée, Les Restanques de Cabassole, le porte étendard du chevalier Bouletin. 5000 pieds/ha, deux porteurs par souche, quatre à cinq grappes par pied depuis que celles-ci sont moins grosses. Les premières années, il n'hésitait pas à brosser les grappes au moment de la fleur, "histoire de voir la tête de mon voisin, qui me prenait pour un fou!..." Sans doute son côté troubadour farceur!... Par ci par là, on trouve des pieds de picardon (il en a par ailleurs planté une parcelle cette année) ou parfois du vaccarèse. "Si on veut explorer des voies nouvelles, il faut être un peu dans la marge. C'est la marge qui fait avancer la norme. J'en connais un rayon là-dessus!..." ajoute-t-il rieur.

011   013   014

Le plus souvent, les vignes ne sont pas rognées, afin d'éviter les grappillons, qui ne seront donc pas ramassés par les vendangeurs. Les vieux grenache en gobelet, comme cette parcelle plantée en 1923, sont malgré tout épointés. Certains de ces grenache ont souffert du gel de début d'année. Une ou deux parcelles, dans un vallon proche, en Vin de France et en Côtes-du-Rhône, sont d'ailleurs à arracher. A noter que les mourvèdre seront sans doute vendangés en octobre cette année, même si une faible charge peut accélérer la maturité de ceux-ci. Ce sera la première fois depuis très longtemps.

Ce tour des parcelles permet d'apprécier vraiment le paysage de Vacqueyras. Certes, les coteaux ne sont guère marqués, comme sur les hauteurs proches, mais pourtant, les parcelles bénéficient d'expositions différentes, du fait des terrasses successives de l'Ouvèze, aux pentes variables. Tout l'intérêt donc de ce parcellaire dispersé. Tout en procédant, d'une manière singulière, à l'inventaire des grappes restant sur les grenache, suite à la coulure, Éric Bouletin fait part de sa perception de méthode telle que la biodynamie, pour laquelle il confirme son intérêt. "Il y a une corrélation certaine entre le fonctionnement d'un sol et la qualité des raisins."

016   015   017

On a parfois l'impression que, tout en évitant de se disperser, le vigneron de Vacqueyras laisse libre cours à sa curiosité et à tout ce qu'offre la région de diversité, notamment pour les cépages et leur dimension patrimoniale. Il n'est pas interdit de penser que s'il existait trace de quelque variété rare, elle serait présente sur le domaine, ne serait-ce que pour prendre juste quelques libertés avec... la norme. Pour les blancs, il dispose de deux parcelles plantées chacune de trois cépages. Si ce n'est quelques plans isolés de picardon, carignan blanc et piquepoul, la base se compose de marsanne, roussanne, viognier, clairette, vermentino et grenache gris. "Il faut bien s'amuser un peu!" Cette année, il a planté un tiers d'hectare en Vin de Pays, avec de la roussanne, du vermentino et trois cents pieds de chenin!... C'est un grand fan des blancs de Loire, Eric Bouletin! D'ailleurs, si vous lui rendez visite et que vous avez la possibilité de lui apporter une cuvée de romorantin, qu'il n'a jamais eu l'occasion de goûter, vous ferez un heureux.

019

Lorsqu'on l'interroge à propos de la date de son installation, Eric répond avec humour, 19 juillet 1969, jour de sa naissance!... Ce qui laisse supposer à quel point il est imprégné de sa terre et de son environnement. D'ailleurs, lors du tour des vignes, il ne manquera pas de vous montrer ce couple de guêpiers d'Europe multicolores, dont il connait la méthode de chasse, pour l'avoir souvent observée.

En fait, ses débuts datent de 1998. Cette année-là, Christian Vache, du Domaine de la Monardière, dont il apprécie beaucoup les vins et avec lequel il partage quelques canons de temps en temps, lui propose son aide pour vinifier une première barrique. C'était le rêve d'Éric, qui jusque là livrait tous ses raisins à la cave coopérative, mais, il ne disposait alors ni de matériel, ni de clientèle. En 2000, il va ainsi vinifier deux barriques, quatre en 2002... Aujourd'hui, c'est plus d'une quarantaine, pour le plus grand plaisir des amateurs.

Notre tournée continue vers La Grande Terre, nom donnéà une des cuvées de Roucas Toumba. En fait, c'est aussi le nom que le vigneron donne à la plus grande parcelle du domaine, 1 ha 40 sur le Plateau des Garrigues, la plus grande partie de l'appellation qui s'étend jusqu'aux limites de Sarrians. Un sol très caillouteux, avec des profondeurs de sol très variables, dont des affleurements d'argiles jaunes. On y trouve des grenache, à propos desquels, Éric dit, un rien amer que "finalement, ça me coûterait moins cher de payer une bière à mes vendangeurs, plutôt que de les employer à la cueillette, puisque cette année, il n'y a rien!"

020   021   022

On en termine avec les syrah des Garrigues de l'Etang (1 ha 05). Un endroit que le vigneron apprécie particulièrement pour l'espace et la lumière qu'il offre. Il faut noter cette vue à 360° : la côte gardoise, les Alpilles, le Luberon, les monts du Vaucluse, le Ventoux, les Dentelles de Montmirail et les Baronnies derrière. Magistral!...

Pour finir, dégustation de quelques flacons sous le patio, mais accompagnés de l'incontournable mistral, qui semble rendre l'atmosphère plus légère, plus aérienne. Au moins, il n'est pas trop fort, ce jour-là, au point de rendre fou, comme le dit parfois l'adage. Le blanc, Les Prémices, a d'ores et déjà une vraie personnalité, malgré la relative jeunesse des vignes de sept ans. Pour cette cuvée, "c'est dans l'idée de ce que font mes maîtres, Monardière, Sang des Cailloux... Après, on s'en inspire, on ne copie pas." C'était l'avantage, voire le luxe de la page blanche. Éric voulait "avoir à la fois la richesse aromatique des cépages du nord, qui n'ont peut-être pas l'équilibre, parce que trop au sud et en même temps la fraîcheur et la minéralité de ceux du sud, qui sont eux bien à leur place." D'où cet assemblage de marsanne, roussanne, viognier, sur un terrain calcaire, avec pas mal d'argile, assez profond et de clairette sur les galets roulés du Plateau des Garrigues, voire un soupçon de vermentino et de grenache gris, mais ne le répétez pas!...

027

Tout est vendangé le matin en caisses, après un gros travail en vert, afin d'obtenir des maturités homogènes par parcelle et par pressoir. Débourbage au froid pendant 24 heures et mise en fûts pour une fermentation sans levurage. Elevage en barriques de 500 litres de deux à cinq vins pendant un an. Au total, 3000 bouteilles, qui contribuent à alimenter la production quasi confidentielle de Vacqueyras blanc (3 à 4% de l'appellation). Selon le vigneron, il y a des tas de façons d'interprêter le blanc ici, ce qui contribue à son succès.

Deux très beaux rouges également, avec tout d'abord, la cuvée La Grande Terre, assemblage de mourvèdre venant du dit secteur, de syrah d'une trentaine d'années sur un coteau au couchant également, composé de sables et d'argiles et de grenache venant de deux parcelles différentes, dont une dans le bas de Cabassole.

La star du domaine, c'est la cuvée Les Restanques de Cabassole. De vieux grenache octogénaires, associés à de la syrah et un peu de mourvèdre, mais aussi un soupçon de blancs (viognier, clairette, grenache blanc...). Pour tous ceux qui l'ont goûté, un phénomène!... Où le vin, sans doute, prend une dimension artistique. Éric Bouletin ne cache pas son amour pour la littérature. En appréciant ses vins, on peut se demander si la lecture de quelques grands romans d'aventure ne le guide pas, au moment de composer ses cuvées. Jules Verne? Hemingway? Certains disent de lui que c'est un romantique qui s'ignore, peut-être parce que c'est sans doute un écorché vif, touché au coeur par les évènements de la vie, ceux dont la blessure a du mal à cicatriser, mais qui vous montrent indiscutablement le chemin à suivre, en restant fidèle à soi-même. Un troubadour du XXIè siècle!...

005

~ Domaine Le Clos de Caveau ~

Cru officiel du prestigieux Festival d'Avignon depuis 1998, à peine huit ans après avoir obtenu la reconnaissance officielle de l'AOC, Vacqueyras compte quelques domaines porte-étendard, mais aussi d'autres qui diffusent une production issue des appellations voisines, Gigondas et Beaume-de-Venise, par exemple. Un aspect des choses qui contribue peut-être à une sorte de dilution de la réputation du cru, au profit des voisins plus connus, ou bénéficiant d'une notoriété plus ancienne. Mais, en plus de la Monardière ou du Sang des Cailloux, souvent cités, quelques domaines méritent l'attention des amateurs, parce que, somme toute, bien ancrés dans le superbe paysage des Dentelles de Montmirail.

002   003   004

Parmi ceux-ci, le Clos de Caveau (à ne pas confondre avec le Clos des Cazaux, bien connu également), souvent cité par les vignerons du cru, comme étant un des plus beau site de l'appellation. Une douzaine d'hectares autour d'un mas typique, dans un écrin de pinède, juste au pied des Dentelles. A 200 m d'altitude, la vue s'ouvre sur la plaine du Comtat Venaissin, dans une succession de sites que les visiteurs peuvent tenter d'identifier. C'est un Suisse, Henri Bungener (prononcez Binjenère!), que d'aucuns pensent citoyen britannique, qui en est propriétaire. Son père Gérard avait acheté cette propriété en 1976, à Steven Spurrier, bien connu dans le monde du vin, pour ses contributions à la revue Decanter, mais aussi pour l'organisation, cette même chaude année, du fameux Paris Tasting of 1976, appelé aussi le Jugement de Paris, au cours duquel, pour la première fois, des vins californiens issus de cabernet sauvignon et de chardonnay, obtinrent de meilleures notes et ravirent la vedette aux plus célèbres crus de Bordeaux et de Bourgogne. Shoking!... 

001   006   007

Dix années plus tard, le domaine opte pour l'agriculture biologique et obtient le label Ecocert (AB en France, NOP aux USA, ainsi que le Bourgeon suisse) en 1989. Depuis 1993, Henri Bungener a succédéà son père et manage désormais l'ensemble en s'appuyant sur l'éthique de la culture bio, mais dans le respect de l'authenticité du cru et la sincérité des tenants et aboutissants des millésimes. On compte là exactement 11 ha 87 en AOC Vacqueyras, avec une majorité de grenache et de syrah, sur un total d'une vingtaine d'hectares. A Viollès, dans la plaine, on trouve également 2 ha en Côtes-du-Rhône (50% syrah et 50% grenache) destinés à produire un rosé, ainsi que la cuvée rouge Les Bateliers.

001 (2)

Avec nombre de vignerons, leur rendre visite, c'est arpenter les vignes, goûter le paysage, découvrir un univers et mesurer parfois la force d'un terroir. Ce ne fut pas le cas avec Henri Bungener et il nous convia rapidement à une dégustation des cuvées disponibles. Il faut dire que nous connaissions déjà le domaine de longue date, lorsque son propriétaire actuel y séjournait aux beaux jours, pour ses vacances estivales. C'était voilà près de vingt ans, lorsque notre fils Frédéric, aujourd'hui Bordelais, vint y assurer un intérim de quelques mois, au terme de son service militaire. Nous avions alors découvert le coteau bordé par la forêt, que l'on travaille au chenillard et cette parcelle, non loin des bâtiments, dont la vigne venait juste d'être arrachée. Le labour profond qui y avait été pratiqué révélait toutes les teintes d'argiles, en bandes successives dans la pente. Ce fut peut-être une de nos premières perceptions de la notion de terroir vinicole. Il m'en reste d'ailleurs une bouteille... de ces argiles et peut-être même une photo.

Le vigneron du Clos de Caveau évoque toutes les options prises au cours de ces années. Toutes tendues vers une amélioration de la qualité, en évitant le plus possible de céder à la fuite en avant de l'oenologie moderne, certains jours. Sans doute aussi du fait d'une évolution de ses propres goûts, avec une orientation certaine vers la diminution des doses de SO2. Mais, on n'évoque pas forcément les phases de fermentation puis d'élevage de la même façon que chez un vigneron du cru. Il semble qu'il y ait parfois moins de tabous dans l'esprit de quelqu'un venu de l'étranger, que chez les défenseurs d'un vignoble dont ils sont natifs. Prenons par exemple le problème de l'augmentation des degrés naturels, qui devient, en quelques sortes, le talon d'Achille des crus rhodaniens. Il n'est pas interdit de penser que l'acidification est, pour certains, devenue la règle, avec ces grenache notamment qui atteignent et dépassent même aisément les 15°, même si cela ne sera pas le cas cette année, du fait d'une coulure record en Vallée du Rhône sud et des conditions climatiques de septembre. Certains, comme Marcel Richaud, tentent de lutter contre le phénomène en recherchant des levures indigènes favorables (avec BIOcépage), d'autres, comme Henri Bungener, essaient de trouver quelques pistes déterminantes au moment des vendanges et des macérations. Toujours est-il que lorsque le vigneron annonça à son oenologue-conseil qu'il ne voulait plus user de sa méthode prônant l'adjonction d'acide tartrique dans ses vins, il n'eut plus de ses nouvelles pendant six mois!... Étonnant, non?... Il est donc parfois très intéressant de rencontrer un acteur aussi attachéà l'authenticité et à la sincérité des vins d'une région, n'éludant pas certains sujets... brûlants.

img600

Lors de la dégustation des cuvées disponibles, l'impression ressentie lors de Vinexpo 2011 se confirma sans difficulté. Les progrès sont certains et on peut apprécier des vins suaves, abordables gustativement, mais néanmoins solides et fidèles à leur "rhodaniénité"!... Du fruit mûr, des épices, un bel équilbre dynamique, la gamme est bien composée, avec notamment Fruit Sauvage, Carmin Brillant et la plus rare Lao Muse, qui n'apparaît que dans les meilleurs millésimes.

Avec ces deux domaines, aux physiques et aux charmes différents, Vacqueyras ne manquent pas d'atouts. Décidément, le Rhône austral est en marche!...

Petite recette du dimanche : rouge ou blanc?...

$
0
0

22 septembre. Ce soir, à 20h44, nous rentrons en automne. Qui peut le croire?... En ce dimanche, la Vendée connaît une journée résolument estivale : 28°à 17h!... Sous les pavés, la plage... Pas pour moi, damned!... Madame PhR se paye le luxe d'une escapade randonneuse à l'Ile d'Yeu, avec un petit groupe qui n'en revient pas de bénéficier d'une telle météo : bains de mer sur les plages de l'île et coups de soleil. J'en suis quitte pour un petit marché du samedi matin.

005   001   003

Alors, viande ou poisson?... Un peu d'iode pour les vapeurs océanes ou la terre des senteurs paysanes?... Grillage ou mijotage?... Option cochon finalement. C'est parti pour un filet mignon au paprika!... La cocotte en fonte sera de sortie. Quelques oignons, un poivron rouge, des champignons de Paris tout frais. Ca va mijoter!... Bouillon de volaille, du paprika bien sur, un soupçon de farine, un petit fond de Madère. Celui-ci m'inspire moyennement, si bien que j'y apporte ma touche perso : un peu de chocolat 100% cacao de Claudio Corallo!... Le p'tit truc qui vous bouleverse la sauce du jour!... Un peu de crème fraîche pour finir. Servez bien chaud, avec quelques pommes vapeur par exemple, mais d'autres options sont possibles.

Côté vins, le pluriel s'impose. Deux orientations diamétralement opposées pour cette recette. Quelque chose de classique avec le vin en provenance du Portugal, Azinhaga de Ouro Reserva 2011, en provenance du Douro. Une structure somme toute satisfaisante, dans un registre ibérique, sans le boisé envahissant. L'aération lui fait du bien. C'est plutôt homogène, sans dureté finale. L'autre option est plutôt du genre décalé. Pourtant, cette sorte de recette réunissant crème, champignons et saveur épicée peut lui convenir. Le Coteaux-du-Layon-St Aubin, Clos de la Guiberderie 2000, de Philippe Delesvaux, explose. Vous avez dit minéralité?... Une très belle liqueur dynamique à souhait et cette longueur remarquable!... Une touche d'épices douces, un rien de zestes confits et une finale qui s'étire sur des notes "très Domaine Delesvaux", tendance carbonifères. Pourtant, ce n'est pas le Clos du Pavillon!... Matière noble et onctueuse. Décidément, cette vallée et ces coteaux ont toujours de quoi nous surprendre!...

Consultez d'autres comptes-rendus Flash sur les Dégustantanés du blog d'Olif

Ardèche encore, Ardèche toujours!...

$
0
0

Dans le Sud-Ardèche et dans la sphère Valvignères-St Maurice d'Ibie-Alba la Romaine-Villeneuve de Berg (ouf!), les doigts des deux mains ne suffiront plus bientôt pour évoquer les talents ardèchois!... Peut-être un jour, appellera-t-on cette zone, ce "cru", la Montagne de Berg, avec toutes ses nuances de sols et d'expositions. Les nuances humaines également, car après le duo Oustric-Azzoni, tous ceux qui se sont installés dans leurs pas, ont démontré que l'admiration qu'ils avaient pour leurs parcours, mais aussi pour leurs vins, ne les empêchaient pas de s'inscrire sur leur propre chemin. Si bien qu'aujourd'hui, le panel de vignerons et de vins est large et passionnant. Il y a les "plus nature que nature", si l'on peut dire et ceux qui penchent vers la "nature maîtrisée". C'est souvent une question de parcours et de... nature humaine.

011   010   007

~ Grégory Guillaume ~

Vous pouvez certes évoquer le terroir avec ce jeune vigneron désormais installéà Alba la Romaine depuis 2012, mais lui pourrait bien vous prendre au pied de la lettre et répondre en parlant de sous-sol. En effet, originaire d'Epernay, il est arrivé en Ardèche en 2000, en tant qu'animateur spéléo et techniques de cordes. Lors de visites d'avens et de grottes dans le secteur, il rencontre Jérôme Jouret, lui aussi amateur de mélodies en sous-sol. Ainsi, quelques temps plus tard, pendant trois ou quatre ans, il va travailler pour ce qui s'appelle alors le Domaine des Clapas, désormais appelé La Grange Bartas. Il y a pire pour un apprentissage et une option vins nature!... D'autant que la tribu locale est d'un bon soutien.

001   004   002

Installé dans un premier temps à Villeneuve de Berg, il loue depuis l'an dernier un bâtiment à Alba la Romaine, près duquel il dispose d'1,5 ha de chardonnay et de grenache blanc, pour des cuvées à venir. Pour le reste, les rouges, ses parcelles sont situées au lieu-dit Vaudanoux, sur la commune de Rochecolombe, entre St Maurice d'Ibie et Villeneuve de Berg. Des vignes qui furent d'abord entre les mains de Gilles Azzoni, puis de Vincent Farger, du Domaine des Deux Terres. Au total donc, environ trois hectares et celles-ci, qui doivent devenir le coeur du domaine. A terme, c'est à cet endroit que le vigneron envisage de faire construire sa cave, près de la route, pour peu qu'il trouve deux ou trois autres hectares à exploiter. En attendant, "ses deux blondes", deux très belles juments comtoises, séjournent dans ce paisible hameau.

Dès son installation, Grégory Guillaume a utilisé le cheval dans ses petites parcelles, plantées de merlot, syrah et grenache, sans oublier trois rangs de cabernet et quelques ares d'alicante, qui devront sans doute être arrachés avant longtemps, puisque le terrain est constructible. Avec ce dernier, il a proposé en 2012, un "faux rosé", en pressurage direct, titrant 11,3°. Louforosé, un vrai "glouglou" estival!...

005   009   012

Les rouges sont au nombre de trois. Le premier, L'Epicurien 2012 est 100% grenache, issu d'une parcelle de 25 à 30 ares. Comme les autres, il est vinifié en macération semi-carbonique, puis élevé en fûts. Le second, Koforabé 2012 (ça l'fera bien, en Ardéchois!) est un duo merlot-syrah, à parts égales. Les parcelles en production ne dépassent guère vingt ares, mais devraient être complétées dans le futur. Enfin, L'Excentrique 2011, assemblage de merlot et de grenache, a passé dix-huit mois en fûts, ce qui lui confère une jolie structure.

003   007   008

Nous sommes donc là dans un domaine, pour lequel le vigneron pose les fondations. 2013 sera seulement son troisième millésime, la route est longue!... Grégory Guillaume s'inscrit néanmoins dans ce paysage, qu'il envisage de compléter, d'agrémenter par la plantation d'une centaine d'oliviers, pour partie dans trois ans et les autres un peu plus tard. S'il a pris l'option de proposer des cuvées résolument natures et sans sulfites ajoutés, il mesure aisément les éventuelles difficultés, mais apprécie comme il se doit de faire partie de cette communauté de vignerons ardèchois à l'écoute, où la solidarité n'est pas un vain mot. Certes, il ne perd pas des yeux la ligne de vie, comme lorsqu'il s'enfonce dans les entrailles de la Terre, mais il tire parfois sur sa longe, pour aller gratter dans d'autres directions, sans pour autant se mettre en danger. On peut opter pour une certaine singularité sans, malgré tout, négliger de chercher un bon équilibre. Avec Grégory Guillaume, vous pouvez vous lancer dans quelques jolies découvertes à caractère terrestre et vous nourrir de quelques nectars. 

006

~ Méryl Croizier, La Vrille et le Papillon ~

Nous voilà au coeur de Valvignères. "Vous ne pouvez pas vous tromper, j'habite juste en face de la coopérative!" Méryl Croizier est un enfant du pays. Qu'il avait quitté naguère, pour faire quelques études, option vin, bien sûr!... Parce que le virus de la vigne l'a atteint voilà quelques années, lorsqu'il faisait les vendanges chez ses grand-parents ou chez Gilbert Conte, voire Gérald Oustric. Pour sa formation, il vise un parcours solide : deux ans à Dijon, en BTS viticulture, deux ans à Montpellier, en oenologie, plus un DESS, à Suze la Rousse, option connaissance et gestion des terroirs. C'est là qu'il rencontre Géraldine, celle qui va devenir son épouse, originaire de Bourgogne. Au terme de leur cursus, ils s'installent à Mâcon, où il est possible de trouver du travail et renforcer ses acquis. Un bagage solide, un peu d'expérience accumulée, Méryl revient au pays avec toute la famille qui s'est agrandie de trois enfants, en août 2011. Cependant, depuis 2009, il a repris quelques vignes, dont les fruits sont destinés à la cave coopérative locale.

008

Il se compose ainsi un petit patrimoine de 4,50 ha aujourd'hui, après la reprise des vignes de ses grand-parents (2,80 ha de cabernet sauvignon et syrah, en bio depuis 2001), qui étaient en fermage au profit du Domaine des Vigneaux, dont le vigneron, Christophe Conte, souhaitait se recentrer sur les parcelles dont il était propriétaire. Quelques autres vignes (merlot et viognier) reprises en 2012, appartenant à un vigneron du cru partant à la retraite, désormais en conversion, complètent le panel. Arrivé en 2011, pour assurer les vinifications à la cave coopérative, il intervient désormais chez Christophe Conte jusqu'en 2014.

Avec l'aide importante de ce dernier, il s'installe et met en route son histoire de vigneron, enfin prêt à produire quelques bouteilles en 2012 (18000 quand même). Il semble que Méryl soit quelqu'un de pragmatique. S'il a le projet de construction d'un bâtiment, son chai à barriques se situe actuellement sous la maison familiale, en cours de restauration. Mais, le local, de toute évidence, lui permet de prolonger les élevages en cours dans de bonnes conditions.

Sans doute a-t-il penséégalement qu'un premier millésime "laboratoire" serait un bon choix, afin de mieux comprendre les sols et les vignes. Pour cela, il a décidé de proposer en 2012, des cuvées monocépages. Sans doute, à l'avenir, quelques assemblages (syrah-grenache) pourraient apparaître, surtout après les premières plantations programmées, notamment pour réduire la proportion de cabernet sauvignon, au profit du grenache. En évoquant le terme de laboratoire, il ne faut pas cependant croire que le vigneron cède à l'oenologie moderne et aux process mondovinesques!... Ses choix, c'est plutôt levures indigènes, vins non filtrés ni collés, juste un soupçon de sulfite à la mise (25 à 30 mg de soufre total, selon les cuvées) et une bonne gestion des températures de fermentation. Il faut noter cependant que si quatre cuvées ayant suivi ce protocole sont disponibles, trois autres sont en cours d'élevage (en juillet dernier), dont un blanc et un rouge "zéro sulfite".

003   005   004

De toute évidence, la dégustation permet de découvrir des cuvées bien maîtrisées et des expressions très nettes. Le Caprice du chameau 2012 est un pur viognier, dont les vignes ont dix ans. Première parcelle récoltée, le vigneron avait prévu de vendanger les deux secteurs différents en deux week-ends successifs. Mais, pour le second, l'inquiétude le gagne et il décide de ramasser dès le mercredi. Face aux difficultés que cela provoque, son épouse conteste sa décision et affirme qu'il "fait un caprice, espèce de chameau!" L'identité des cuvées a parfois de curieuses origines, y compris quelque dispute conjugale!... Néanmoins, ce blanc est joliment réussi en l'état : pressurage direct en grappes entières, débourbage au froid, fermentation en cuve, malo faite, tout en laissant un peu de gaz. Le Z blanc 2012 (zéro soufre donc) vient de la même parcelle. C'est une sélection des meilleures maturités, mais entonnée avant la fin des fermentations, à 1080, malo faite, plus de sucres résiduels, sur lies totales sans batonnage (assemblage final de quatre barriques). La mise devait intervenir avant les fortes chaleurs estivales. A noter que le vieux pressoir vertical toujours en état, a permis de presser 500 kg de raisins de viognier en passerillage sur pieds. La cuvée devrait s'appeler V.O. (Version Originale), sorte d'aimable provocation vis-à-vis de la cave coopérative voisine, qui propose elle Vendange d'Octobre!...

011

Le rosé, quant à lui, s'appelle Les Fées Papillon 2012 : 100% syrah en pressurage direct, comme un blanc, pour lequel la pointe de gaz apporte toute la fraîcheur voulue. Du côté des rouges, nous découvrons tout d'abord Tous cousins 2012, 100% syrah également, dans une option assez légère, du fait notamment des difficultés rencontrées à cause du blocage des maturités sur ce cépage (macération de huit jours, deux délestages et remontages pour entretenir le chapeau. Cette cuvée nous ramène en Anjou*, mais elle n'est pas cependant en rapport avec les mésaventures d'Olivier Cousin (chose qu'on lui a déjà fait remarquer!), mais se veut plus un clin d'oeil à la population de Valvignères, où tout le monde est plus ou moins cousin... à la mode ardèchoise, comme a pu le découvrir son épouse Géraldine, peinant à les identifier tous!...

Le second rouge, Chapeau Melon 2012 est issu à 100% de merlot de dix ans. Il faut rappeler que c'est le cépage majoritaire sur la commune (du fait de la coopération et du succès des vins de cépage), souvent considéré comme un cépage tout terrain. La couleur est soutenue, l'expression est d'une belle typicité variétale. Nous n'avons pas pu découvrir les deux derniers rouges, Idée reçue 2012, 100% cabernet sauvignon âgés de vingt ans, dont la fermentation se poursuivait encore et Z rouge 2012, qui sera un 100% syrah issu d'une sélection faite à la sortie de la fermentation malolactique.

En terminant la visite par un petit coup d'oeil aux parcelles les plus proches (vignes enherbées un rang sur deux), Méryl se projette dans le futur. Un peu plus loin sur le coteau qui nous fait face, il dispose d'une parcelle d'1,50 ha. C'est bien là, l'extension de son projet, puisqu'il envisage d'y planter des cépages blancs (grenache blanc, roussanne et marsanne) ainsi que de la syrah, afin de bénéficier des effets de l'altitude pour ces vignes. On voit donc à quel point sa trajectoire n'en est qu'à l'avant-projet. Il a déjà pu mesurer la part de solidarité locale, tout en appréciant au passage la qualité des échanges avec les vignerons du cru. Ces vins ne souffrent pas la moindre équivoque, il devrait être un des fers de lance de Vallis Vinaria avant longtemps. C'est ainsi qu'un papillon est venu se poser sur une vrille de vigne...

*: Tous cousins à Angers, le mercredi 2 octobre prochain!... A 14h, aura lieu le procès à l'encontre d'Olivier Cousin. Dès 12h, ceux qui le souhaitent et qui le pourront, sont invités à un pique-nique citadin, non loin du tribunal, du côté de la Place Leclerc. Venez avec votre casse-croûte, Olivier viendra avec ses chevaux et une barrique de vin!... "Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir!..."


Vendanges 2013 : veillée d'armes et peur du vide!...

$
0
0

Septembre se termine et nous n'avons pas encore évoqué les vendanges de l'année!... Bien sur, nous avions à tenir compte du retard quasi général dans le vignoble, dû aux conditions climatiques de mai et juin notamment. Un mois de report le plus souvent et une météo estivale plutôt rassurante dans l'ensemble, sauf qu'au final, le temps perdu ne se rattrape pas forcément. De plus, l'espoir d'un bel été indien, avec tous les bienfaits d'un vent de nordet, est en train de s'envoler... Les messages reçus à ce jour (que tous les vignerons qui ont pris un peu de temps pour répondre à mon mail soient, au passage, vivement remerciés!) laissent entrevoir parfois, des particularités météo locales, procédant, semble-t-il,  dans la population vigneronne, de la volonté de positiver ou d'user de la méthode Coué!... Cette année, peut-être encore plus que d'autres, la production finale risque d'être très hétérogène. Quelques-uns passeront à travers les gouttes (ceux qui auront pu vendanger tôt), mais beaucoup diront sans doute, que ce millésime sera à oublier. Comme c'est ce que nombre de vignerons ont déjà expriméà propos de 2012, tout cela a des relents très années 70 ou 80. On nous avait pourtant expliqué que c'était un vieille histoire... que le climat allait réclamer de mobiliser des troupes de vendangeurs, à l'heure où certains se prélassent sur le sable chaud. Pour 2013, c'est raté!... La veillée d'armes s'éternise. On croise les doigts pour que ce ne soit pas Waterl'eau!... Mais, on n'oublie pas que pour certains, tous ceux touchés par les malencontreux et parfois violents épisodes climatiques de l'année (gel printanier, grêle estivale...), la préoccupation n'est pas de trouver des bottes et des cirés, mais plutôt d'être confrontés à la peur du vide. Celui des cuves et des barriques, des pressoirs qui resteront silencieux, d'une fin d'année où il n'y aura pas de fermentation à surveiller, ni d'espoir de quelques jolies cuvées à entretenir. C'est surtout à ceux-là que nous devons penser, en prenant connaissance des retours venant du vignoble et en appréciant la parole des vignerons.

soleilbrumeux

Voilà une quinzaine de jours, les premières nouvelles sont remontées du Grand Sud. Jean-Paul Luc tout d'abord, de Villa Minna Vineyard, en Provence, n'a pas encore commencé le 16 septembre : "Avec grand plaisir, je vous ferai pas de nos "états d'âme" sur notre vendange 2013, qui parait à ce jour prometteuse. J'étais ce matin dans les vignes pour faire des prélèvements et cela s'annonce plutôt bien. Et puis, le chiffre 13 porte généralement chance..." Faut-il croire ce vigneron, ex-pilote de rallye de renom, lorsqu'on sait que ce numéro n'est en principe jamais attribué en course automobile?... De bonnes nouvelles nous arrivent également à la mi-septembre de l'extrème sud : "Les vendanges se passent bien, ici nous sommes plutôt sur la fin" précise Bruno Duchêne. "Petit volume comme d'habitude, du à une mauvaise floraison (coulure) sur le grenache. Sinon, j'ai inauguré ma nouvelle cave, dans notre nouveau lieu, à Banyuls." Tous au Cap Béar!... A St Rémy de Provence, Théophile Milan, du Domaine Milan, nous informe le 19 septembre, de l'ouverture des hostilités : "Nous avons commencé lundi par le chardonnay et le muscat petit grain. L'état sanitaire n'était pas top, mais on a sorti un beau jus titrant à 15,5°. On n'a pas encore fait de rouges, car les maturités sont très tardives cette année. A titre de comparaison, nous avons fini l'année dernière le... 19 septembre. Et au niveau rendements, ce ne sera pas énorme, car on a eu de la coulure sur les grenache noir."

photo   IMG_1147   IMG_1135

L'actualité vendangeuse des domaines, on peut aussi la suivre sur internet ou sur les réseaux sociaux, comme ici, ou encore . Parfois, c'est aussi au moyen de newsletters, comme avec le Domaine de Bablut, de Christophe Daviau, qui nous donne la première tendance angevine, le 20 septembre : "Les vendanges... ce sera quand?... Avant les fêtes, j'espère! Trève de plaisanterie... Oui, nous sommes en retard, mais les raisins sont beaux. Le retard, c'est celui que nous traînons depuis le printemps. Le bel été nous a permis de grappiller un peu de temps, mais il s'agit quand même d'une année tardive. Heureusement, nous avons étéépargnés par les accidents climatiques de l'été, alors que d'autres vignobles ont été durement touchés. Les vignes peinaient quelque peu du fait de la longue période sèche. Nous espérions un peu d'eau et nous avons été exaucés. Depuis, la vigne "respire". Les prévisions sont au beau temps et à la remontée des températures... Le gel de printemps a laissé quelques séquelles. La quantité récoltée sera plus que modeste pour le chardonnay (Crémant de Loire), mais c'est surtout le chenin blanc du coteau de Grandpierre qui n'est pas très chargé en raisins. Nous donnerons les premiers coups de sécateurs début octobre. Nous sommes dans les starting-blocks... (à suivre)."

Quelques échos venant du Valais suisse, avec Pierre-Antoine Crettenand, à Saillon : "La maturité en nuits froides est un plus qualitatif. Ma parcelle grêlée a bien résisté, donc plutôt tout va bien qualitativement." Un autre Suisse nous donne de ses nouvelles, mais c'est Henri Bungener, du Clos de Caveau, à Vacqueyras : "Nos dates de vendanges sont en retard d'un mois, par rapport aux dix dernières années. En effet, un printemps frais a retardé le départ de végétation. Nous retrouvons donc des dates de vendanges dignes des années 70, 80 et 90! A l'époque, nous n'arrivions pas toujours à maturité et les vendanges étaient souvent plus difficiles, contrairement à ces dix dernières années où le danger était la sur-maturité. Le climat d'octobre est souvent moins clément que celui de septembre. A l'époque, nous avions une pièce où nous gardions des cirés et des bottes en caoutchouc pour les vendangeurs, dont nous nous sommes bien sur débarrassés, avec la chaleur de la dernière décennie!... Par ailleurs, un mauvais temps survenu précisément pendant la floraison des grenache a eu des résultats catastrophiques sur leur rendement. En plaine, les Bateliers, notre Côtes du Rhône, a également souffert de la grêle, ce qui a aussi diminué les rendements! Par contre, les baies restantes se sont cicatrisées sans pourrir. Vive l'air sec du mistral!..." Et de conclure avec optimisme : "Mais, il y a toujours un bon côté : quand il y a peu de raisins, les vignes se fatiguent moins et produisent des raisins délicieux... et sans doute l'an prochain aussi..."

EFFEUILLEBLANC

Premier passage à Bordeaux (le 23 septembre), avec Vincent Quirac, du Clos 19bis, à Pujols sur Ciron : "Les vendanges vont commencer dans quelques jours. Comme partout en France, le printemps bordelais fut glauque. Du froid, de l'eau. La vigne accumule un retard important. Trois semaines disent les anciens. Optimiste comme un vigneron, on ne s'inquiète pas trop, en rêvant d'un été magnifique. L'été fut magnifique. Mais, à ma grande surprise de débutant, le retard n'a pas été rattrapé, ou très peu. Optimiste comme un vigneron, on ne s'inquiète pas trop, en rêvant d'un automne magnifique. Il commence très mal. Beaucoup trop d'eau les premiers jours de septembre. Le raisin n'est pas mûr et commence à pourrir. Pour les vignerons "naturels" (qui ne rajoutent rien dans leur jus de raisin), c'est la pire des situations. Depuis deux jours, il fait chaud et sec... et comme le mois d'octobre va être magnifique..." Le même jour, quelques mots de Jean-Christian Mayordome, du Domaine du Pourra, à Séguret, nous ramènent dans le Rhône : "Ici, le temps est beau en journée et très frais la nuit. La perspective d'une récolte décalée, retardée, est évidente. Pour l'instant, c'est plutôt pas mal, avec comme d'habitude des rendements faibles, des grenaches qui ont tenu le coup, du fait d'une floraison tardive, par rapport à la plaine. Si la pluie ne vient pas tout détruire et compliquer la tâche, je serai très content d'élaborer ce millésime avec ce que j'ai. Prioritéà la qualité, au diable le rendement et advienne que pourra!..."

Non loin de là, Olivier B, dans le Ventoux (le 24 septembre) est un peu dans les mêmes dispositions : "Ici, à l'extrême est du Ventoux, les contrôles effectués par les pros (ODG, ICV...) donnent un retard qui se maintient à dix, quinze jours. On termine d'effeuiller les blancs (photo ci-dessus), alors que les années passées, on les ramassait. La charge est conséquente et les roussannes, habituellement autour de 15° potentiel sont à 10,8°! Autant dire que je ne me presse pas pour les rouges. Côté coulure du grenache annoncée en Vallée du Rhône, ici c'est hétérogène et notre situation tardive semble avoir vu la fleur se dérouler de meilleure façon qu'à l'ouest. Quelques grappes touchées par la grêle et on avisera au moment voulu pour décider ou non du tri. Quatrième année sans cuivre et pas plus de soucis que les voisins!... Du mildiou mosaïque plus ou moins présent, mais pas plus, pas moins que ceux qui ont mis la dose. Cela réduit le feuillage pour la maturation, mais les végétations importantes dues au printemps et juillet pluvieux, devraient suffire pour aller au bout, si la météo le permet, car pour moi, il reste encore un mois et tout peut arriver... In cha allah... yalla, je te tiens au courant pour la suite..."

Pour un peu, j'oubliais Le Petit Domaine, de Julie Brosselin et Aurélien Petit, à Montpeyroux, qui ce même 24 septembre, font une pause : "Un point sur cette année : le printemps a été un peu chaotique, beaucoup de pluie, mais finalement, même si elle a été plutôt gênante pour l"homme, elle a été très bénéfique pour la vigne, qui n'avait pas eu trop d'eau pendant l'hiver. La vigne a vite pris quinze jours de retard sur son développement "normal". L'été a été ensoleillé (jusque là c'est normal!), mais il a fallu attendre fin juillet, voire début août avant d'avoir des températures vraiment élevées. Tout cela a abouti sur des vendanges qui ont commencé plutôt tardivement. Les "mémoires du village" disent qu'ils n'ont pas vu ça depuis plusieurs décennies... Cela a permis aux raisins de murir lentement, au potentiel aromatique de bien se développer. L'état sanitaire est bon, voire très bon, en tout cas chez nous!... Non, ce n'est pas du chauvinisme!... En ce qui nous concerne, après avoir rentré les raisins les plus précoces, nous faisons une pause, qui aura bien duré dix jours, en attendant les petits derniers, carignan et mourvèdre. On reprend ce jeudi (le 26). Niveau quantitatif, nous ne sommes pas encore des références... En 2012, notre premier millésime, les rendements étaient tellement bas que nous ne pouvions que les améliorer : reprise de vieilles parcelles mal entretenues, voire à l'abandon. Avec des soins et du temps, la vigne nous le rend bien et nous en sommes presque étonnés. En résumé : belle maturité, bonnes acidités, beau potentiel aromatique. Seul hic, GROSSE attaque de vers de la grappe (là encore, les "mémoires du village" n'en reviennent pas, ou plutôt les vignerons cette fois-ci!). Les vers sont allés plus loin que leurs foyers habituels et bien connus, ce qui se traduit par de la pourriture et un tri important à la vigne (pour ceux qui trient!)".

DSC_4249

Retour à Bordeaux. André Chatenoud, du Château de Bellevue, à Lussac, semble être quelque peu partagé, le 24 également : "Heureusement, je n'ai pas été grêlé cet été, mais la coulure sur le merlot, fin juin, a été dévastatrice. La récolte en rouge sera donc faible... En ce qui concerne les sauvignon gris, ils sont magnifiques. Nous commençons à les vendanger demain et j'espère finir avant les pluies annoncées pour le week-end (28 et 29)." Les craintes exprimées par le vigneron de Lussac semblent malheureusement se confirmer en ce samedi 28. En effet, la façade atlantique et notamment Bordeaux, a été copieusement arrosée par places, avec même quelques grêlons en ville. Cette semaine, quelques grands crus, comme le Domaine de Chevalier, ont lancé la cueillette dès mercredi. Objectif : ramasser les blancs avant la pluie. De belles matières, mais des raisins somme toute fragiles. Certains sémillon étant déjà bruns. Avec, bien sur, l'inquiétude qui grandit pour les merlot... L'année a nécessité une mobilisation de tous et la crainte des conséquences d'une mauvaise arrière-saison est forcément dans les esprits.

Du côté de Saumur-Champigny, Antoine Sanzay observe et constate sereinement : "Après une floraison tardive, un été assez exceptionnel et plutôt un beau début de septembre ensoleillé, la plante est en forme. Peu de stress sur le feuillage et des raisins qui mûrissent tranquillement. Le chenin sur les Salles Martin évolue doucement et commence à dorer. Les cabernet du domaine sont plus hétérogènes, à cause du gel du 29 avril dernier, mais l'état sanitaire et bon. Allez, il nous faut tous maintenant un automne sec et frais et 2013 sera un grand et beau millésime!!!..."

Le 25 septembre, des nouvelles de la Coulée de Serrant, grâce àVirginie Joly, qui nous permet de mesurer à quel point, chacun devra s'armer de patience : "Les vendanges au domaine ne commençant pas avant le 7 octobre, j'ai bien le temps de vous donner quelques infos!... Nous avons eu beaucoup de chance sur le secteur de Savennières, car pas de gel, ni de grêle, comparé avec de nombreux collègues de Loire et d'ailleurs!... Au domaine, la vigne a fleuri principalement la deuxième semaine de juillet, mais heureusement en quelque sorte, car jusqu'à la fin juin, la pluie était tellement présente que nous n'aurions pas eu beaucoup de récolte. La charge est correcte cette année, un peu de coulure par endroit quand même et un peu de millerandage, ce que je n'avais jusqu'à présent jamais constaté ici...). Les 26 mm d'eau de la semaine dernière ont fait un bien fou à la vigne et aux raisins, depuis, nous bénéficions d'une météo plutôt idéale, de belles journées à 25°, des nuits à 10/12°. Les conditions sont à mon avis parfaites pour le chenin. L'état sanitaire des grappes est lui aussi parfait. Le gros de la vendange se fera sans doute surtout la troisième d'octobre, ce qui parait tard, mais qui est en fait une époque de vendange qui était tout à fait normale il n'y a pas si longtemps! Je pense, avec ma jeune expérience, que nous avons là (si les conditions restent en l'état) une très belle année pour le chenin de Savennières. Les raisins des jeunes vignes commencent à bien s'exprimer, actuellement les degrés tournent autour de 11° sur les jeunes et 9,5 à 10 sur les plus vieilles. Des acidités encore élevées bien sur, mais prometteuses."

P1030082

Cap sur l'Alsace ensuite, avec Olivier Humbrecht, du Domaine Zind-Humbrecht. "Il fait beau, belles acidités, bon état sanitaire, petite récolte car un peu de millerandage/coulure, donc tout va bien et nous commençons demain matin (26 septembre), ce qui est beaucoup plus tôt que ce que nous avions anticipéà la fleur. Seul point noir : les parcelles touchées par la grêle du 6 août (30% de récolte en moins, en moyenne et petit retard physiologique, ainsi que des impacts sur des raisins, qui ne sont pas beaux à voir! Heureusement, ce sont nos parcelles "entrée de gamme" qui ont été touchées. Les Crus sont OK."

Nous faisons l'essuie-glace est-ouest. Jean-François Vaillant, du Domaine Les Grandes Vignes, à Thouarcé, tend à confirmer la donne en Anjou-Layon : "Effectivement, le bel été qui se prolonge, qui par chance nous a épargné des aléas climatiques tel que la grêle, ne doit pas faire oublier l'hiver et le printemps très pluvieux que nous avons connu, printemps qui fut également assez froid et qui a provoqué ce retard, qui finalement se retrouve jusqu'à ce que nous commencions les vendanges, soit vers le 7, 8 ou 10 octobre pour les chenin secs. Ce qui est un peu rassurant, c'est la couleur des pépins qui ont aoûté et présente une couleur brune pour la plupart des cépages, mais les peaux restent encore assez fermes et végétales. La météo prévoit des précipitations orageuses qui vont de 10 à 25 mm pour la fin de semaine, selon les prévisionnistes, avec ensuite, un retour du beau temps pour la première partie de semaine. Donc tout espoir est permis pour la suite!..." Dans la foulée, Aymeric Hilaire, du Domaine Mélaric, aux Verchers sur Layon, nous donne la tendance en Puy-Notre-Dame : "On pense commencer vers le 7. Ca semble joli, voir très joli pour les chenin. De très belles acidités, des aromatiques intéressantes, avec de la concentration. Une bonne récolte, 30-35 hl/ha... à voir dans quinze jours!... Une météo pas trop mal, plus même, bien..."

En Pays Nantais, Frédéric Niger Van Herck, du Domaine de l'Ecu, nous fait part d'une belle entrée en matière : "On a commencé ce matin (25 septembre), avec les... pinot noir! Ramassé en cagettes à près de 13° nature!... Le ban des vendanges en Muscadet était fixé au 23. Dans le secteur, les machines sont sorties dès lundi!... La météo n'est pas simple : on a eu de la pluie (30/40 mm) et hier, il faisait 41° en plein soleil!... Jusqu'à maintenant, on a constaté un peu de pourri noble. On prévoit deux semaines de vendanges, pas plus, grâce aux vingt-cinq vendangeurs présents. On commence aussi sur les granites, dans le secteur du Grand Clos, avec des degrés à 12°. La dolia sur Facebook?... C'est... mais tu n'en parles pas, hein?..." Affaire à suivre, donc!... Et rendez-vous au Landreau!...

pinottime

En Champagne, c'est aussi bientôt le pinot time!... Benoît Tarlant stresse des jours à venir, "mais on n'est pas encore tout à fait dedans (le 27). Mon point de vue, à J-4 : comme partout en France, nous avons vécu un démarrage poussif et un printemps "automnal". On a craint des gelées jusqu'au 23 mai, où les brins de pieds ont frisé la gelée blanche. Ensuite, nous avons connu un démarrage poussif, une fleur longue et chaotique, donnant du millerandage, de la coulure ou du filage sur les vignes "hâtives". Le premier orage du 19 juin a frappé fort, avec de la grêle destructrice dans le village voisin de Mareuil. Puis, les orages incessants du dernier week-end de juillet ont fini de nous épuiser de cette saison. Au final, on a connu un peu de tout : du mildiou, des cochylis, pas mal d'oidium (même sur cépages noirs). Le seul "réconfort" est venu de la plante, avec une superbe sortie de grappes. Par rapport à l'année passée, où il fallait les chercher dans le pied, cet été, on voyait pendre joliment les raisins sur la vigne. Nous pensions qu'une vendange de mois d'octobre aurait pu permettre de prendre son temps, grâce à des températures plus fraîches, mais l'explosion des baies fragiles mi-septembre, la pénétration du botrytis avec des brumes languissantes et des températures pas si fraîches (pour des Champenois!) ne vont pas aider à la sérénité lors de cette récolte. A quelques jours du début des vendanges, les maturités grimpent doucement et les acidités restent belles, mais la fréquence du botrytis s'intensifie. C'est encore une fois la pertinence vigneronne, la capacité d'agir rapidement et soigneusement qui nous donnera de jolis jus 2013. On verra cela dans quelques jours..."

Samedi 28 septembre, 0h41, Denis Godelu, des Trois Petiotes, en Côtes-de-Bourg, se confie, en pleine veillée d'armes : "Il est minuit trente. Dans six heures, ce sera "1, 2, 3, prêt feu go partez!" comme disent les enfants. 2013 aura été plus dur, plus compliqué, plus long que 2012 et encore, nous sommes passés au travers de ce qu'ont connu certains, avec des pertes totales de récolte à cause de la grêle. Le beau temps qui s'était installé depuis quinze jours nous a redonné espoir, vite douché par l'épisode pluvieux des derniers jours, permettant au botrytis de faire son apparition sur des raisins rares et gorgés d'eau, mais pleins de saveurs et d'arômes. Du coup, on démarre demain par la cueillette des malbec, un peu en urgence, un peu contraints, sur des raisins pas tout à fait mûrs, c'est sur... Mais, c'est ça ou le risque de perdre un peu plus... Les vinifications, Valérie en parlera, c'est sa partie, mais on peut déjà dire qu'il ne va pas falloir trop extraire..."

DSC_4255

Dernières nouvelles du week-end et du mois, celles données par Cyril le Moing, le plus tokyoïte des angevins du Layon!... Pas de vendanges virtuelles cependant, à Martigné-Briand, où, selon le vigneron, le recul de l'expérience n'est pas de trop cette année : "Amis vineux, bien le bonjour! Quelques nouvelles du front : sauvignon, chardonnay et gamay sont désormais en cave. Pas de gros degrés (12,5%), mais de beaux équilibres alcool-acidité. Peu de volume malheureusement (entre 10 et 15 hl/ha). Depuis cet après-midi, la pluie a fait son retour en force et le botrytis déjà présent, devrait "exploser", vu la semaine chaude et humide qui est annoncée... Bref, petit message à ceux qui, parmi vous, viendront vendanger : n'oubliez pas votre pince àépiler!... Vendanges compliquées en perspective, type 2006, taillées pour les vieux briscards!... Affaire à suivre!..."

Dans le Muscadet, Marc Ollivier, au Domaine de la Pépière, précise que la cueillette a débuté le 24 : "Tout se passait bien jusqu'au 14 septembre, nous avons eu ce jour-là entre trente à quarante millimètres de pluie. Le botrytis s'est installé dans les Muscadet, aidé par des températures élevées (jusqu'à 30°). On a commencé le mardi 24, un peu en urgence et on récolte vite pour essayer de rentrer les raisins en bon état. Les premiers résultats sont pas mal avec des degrés aux alentours des 11,5° et des acidités de 5,5 g/l."

Enfin, Isabelle Perraud, du Domaine des Côtes de la Molière, nous donne des nouvelles du Beaujolais : "Les vendanges n'ont pas encore commencé ici. On devrait prendre la serpette cette fin de semaine, pour ramasser les raisins qui serviront à faire le bojo nouvo. Dur millésime, car très mauvaise météo au printemps, qui nous met en retard aujourd'hui! Une grêle le 1er mai sur le domaine, 50% de perte environ avant fleur. La seule, heureusement... Forte pression du mildiou que nous avons combattu avec des doses homéopathiques de cuivre très régulièrement. La récolte ne sera pas très grosse, comme d'habitude... mais, les raisins sont de belles qualités. Ils sont assez gros, en raison des fortes précipitations. N'ont pas l'air de pourrir... car on les surveille de près! On a hâte de les rentrer au cuvage quand même, on n'est pas encore à l'abri de la grêle. On a bel espoir que ce millésime fera des beaux jus, très glouglou, comme on les aime!..."

Il faut po-si-ti-ver!... Certes, tout n'est pas perdu et nous ne tomberons pas dans un catastrophisme, que quelques médias ont d'ores et déjà adopté, avant même les premiers coups de sécateur!... Bien sur, les prévisions météorologiques de la semaine prochaine ne sont pas idéales, notamment sur la façade atlantique (y compris les disparités d'un prévisionniste à l'autre!) et la vigilence va être de mise. L'esprit d'initiative également, en plus de la capacitéà réagir rapidement. Mais, ne doutons pas de l'arrivée de bonnes nouvelles, en provenance des régions qui sont, en ce moment même, en pleine cueillette. Rendez-vous dans quelques jours!...

PS: Ultimes nouvelles, ce soir, 30 septembre, venant du Layon : Christine Ménard, du Domaine des Sablonnettes, à Rablay sur Layon nous annonce : "On démarre demain (le 1er octobre) avec les gamay. Du meilleur annoncé en fin de semaine. On croise les doigts!..." Pendant ce temps-là, d'autres échos nous arrivent de Bordeaux, où le week-end fut très humide (20-25 mm de précipitation)... sans parler de la grêle, touchant encore le Bergeracois!... Sur la rive droite (et ailleurs!), l'assaut est donné pour ramasser les merlot!... A suivre!...

Olivier Cousin, un vigneron au tribunal

$
0
0

La date était fixée depuis plusieurs mois : 2 octobre, 14h, au Palais de Justice d'Angers. La Fédération viticole d'Anjou, en tant que plaignante et l'INAO (Institut National des Appellations d'Origine), sont à l'origine de ce procès à l'encontre d'Olivier Cousin, vigneron à Martigné-Briand, au coeur du Layon, suite aux nombreuses infractions constatées depuis 2011 par la Répression des Fraudes, essentiellement pour l'utilisation de mentions dites illégales, pour celui qui revendique une production en Vin de France, voire en "Vin d'ici", mais aussi une origine rigoureusement angevine pour ses cuvées.

006

Toujours égal à lui-même, Olivier reste disponible lors de ce pique-nique organisé au pied des marches du tribunal. Pourtant, il n'ignore rien des risques de l'affaire, soit 37500 euros d'amendes non payées à ce jour et jusqu'à deux ans de prison. Il faut dire qu'au moins cent cinquante personnes ont fait le déplacement : des vignerons ligériens (Richard Leroy, Patrick Baudouin, Xavier Caillard, Gérard Marula et beaucoup d'autres), mais on retrouve aussi Sylvie Augereau, un peu à la base de ce fort mouvement de solidarité et de soutien international (sans doute 3000 signatures recueillies!) avec Glougueule, quelques journalistes représentant de radios nationales et d'autres plus locales, comme Graffiiti Urban Radio, de La Roche sur Yon, avec Marion qui recueille les avis de quelques présents, pour son émission Les Petits Saignants. On retrouve aussi quelques lecteurs de Tronches de vin, quelques blogueurs (Jim Budd, Bertrand Celce) ou photographes avisés, tel Jean-Yves Bardin, expert ès portraits de vignerons.

002   010   016

Il faut attendre 14h donc, pour rejoindre la salle d'audience. D'ici là, on casse-croûte, on apprécie le vin apporté en charette par Olivier Cousin, on échange sur le sujet ou à propos des vendanges, qui s'annoncent comme parmi les plus compliquées du millénaire, qui ne fait que commencer. La salle n'est pas très grande, mais peut accueillir la plupart des participants, après qu'ils aient satisfait aux formalités de sécurité (passage sous le portique, dépot d'armes diverses, notamment les couteaux, sommeliers et autres limonadiers, après présentation d'une pièce d'identité, il faut dire que nous avons là affaire à un public sensible et volontiers vindicatif!) et traversé la classique salle des pas perdus.

003   009   014

Le problème est que la dite audience s'articule au milieu des comparutions immédiates et tout le monde doit s'armer de patience. Le procès en lui-même débute par l'intervention de Maître Fouquet, avocat de la partie civile (l'INAO), qui très vite laisse entendre que certaines pièces n'ont pas été communiquées en temps et en heure. Au terme de sa plaidoirie, il demande le report du procès à une date ultérieure. Après la courte intervention du procureur, c'est ensuite à l'avocat d'Olivier Cousin, Maître Morain, de plaider. Il s'oppose alors vivement à cette éventualité, mais finalement ne sera pas suivi par la Cour qui, après une suspension de séance, revient annoncer le report pur et simple du procès au 5 mars 2014.

Après, c'est, comme de bien entendu, le temps des supputations. Chacun s'interroge sur les véritables raisons d'un tel report, qui laisse perplexe nombre des présents, quant à l'attitude de la Cour, balayant d'un revers de toge la dimension humaine de l'affaire, pour un prévenu confrontéà cette situation depuis maintenant deux ans. Maître Fouquet se réjouissait, visiblement, au cours de sa plaidoirie, de la présence du public, là même où d'autres supposent que la justice espère faire retomber le soufflé, en gagnant du temps et en dépassionnant le débat, repris de façon assez intense par quelques médias nationaux, depuis quelques jours.

DSCF4402   DSCF4418   DSCF4404
Photos : Jean-Yves Bardin

D'aucuns rêvent d'ores et déjà d'une nouvelle mobilisation début mars et elle pourrait se concrétiser après le début d'année, à l'occasion des divers salons qui réunissent moult vignerons de la mouvance bio et nature. Affaire à suivre!... On peut donc laisser la conclusion à Jim Budd, reprenant une expression so british pour illustrer la journée et ce procès : "Kick it into the long grass!" On pourrait traduire cela par botter en touche, un peu comme si ce ballon était usagé et qu'on souhaitait s'en débarraser en l'oubliant dans les hautes herbes...

Vendanges 2013 : parfois bien tardives!...

$
0
0

Que voulez-vous faire lorsque vous n'avez que des cépages tardifs dans vos vignes?... Attendre... Voici quelques nouvelles de la quinzaine passée, au cours de laquelle, il y a eu, malgré tout, quelques joyeux repas de fin de vendanges, permettant parfois d'évacuer les difficultés et la fatigue cumulées.

023

Au Domaine Lescure, àNuits-Saint-Georges, François Chaveriat a donné le top pour le 3 octobre : "On commence nos vendanges jeudi, certainement par les vignes touchées par la grêle le 23 juillet, sur Volnay, Beaune 1er Cru et Pommard Bertins. Vu le rendement, c'est relativement mûr (autour de 12°), les acidités baissent doucement, mais restent tout de même à un niveau élevé, façon 2008. La Côte de Nuits, un peu plus généreuse, attendra le début de semaine prochaine [à compter du 7/10]. De toute façon, nous ne prendrons pas le risque d'attendre, certains terroirs humides et argileux risquant le botrytis."

Une préoccupation générale dans bien des régions, une fois le 1er octobre passé. Une météo incertaine, des températures parfois élevées après les pluies, des terroirs qui restituent parfois cette humidité, autant de critères dont les vignerons devaient tenir compte pour faire des choix stratégiques et établir leur plan de bataille. Après 2012, dans bien des secteurs, il n'était pas question de prolonger l'attente. Au point que, comme nous le verrons plus loin, le sauve-qui-peut confinait à l'effet panique ou, tout du moins, à une sorte de perte de sang froid relevant quasiment du grégarisme propre à une communauté suivant les mêmes rythmes, notamment ceux de la nature.

A Vacqueyras, Éric Bouletin, de Roucas Toumba, n'est pas vigneron à perdre son sang-froid de Rhodanien, mais une forme d'inquiétude transparaît dans ses propos : "Je me trouve aux prises avec un millésime qui n'est pas facile à gérer et qui me demande pas mal de ressources mentales, si ce n'est physiques. Je ne sais pas si, au terme de cet âpre combat contre des vents contraires et une nature ingrate, je serai, avec mes vins, digne d'éloges!... Les vendanges, j'en suis au milieu (le 2 octobre) et comme je le disais précédemment, c'est une épreuve pour les nerfs et un vrai défi de respecter l'intégralité de mes sélections parcellaires, avec seulement 10 hl sur les vieux grenache!... Après ça, le vrai talent sera de passer l'année!..."

En Anjou, Toby Bainbridge prend la plume (du moins la souris et le clavier!) le 4 octobre pour un message à lire avec l'accent anglais et la pointe d'humour qui va avec : "Ici Chavagnes sous Leaux! Les cabernet sont en train de décrocher avec un joli moyen de 10 degrees! Les groslots sont globalement sains mais avec un taux de sucre autour de 9. J'ai peu de blancs et ils sont assez jolis, mais ils n'ont pas du tout bougé en dix jours... Ils ont une potential de 11, mais ils sont loin de maturitie, malgré les colorations dorées. Lundi dernier, nous avons récolté une parcelle de groslot qui était légèrement abîmée, mais ça fermente et je suis content. Nouvelle lune ce week-end [le 5/10]... On croise les doigts!..."

014

A l'autre bout de la vallée du Layon, le lundi 7, veillée d'armes pour les Delesvaux. Catherine reste zen malgré tout : "Bon, ça y est, la date est fixée! Début des vendanges mercredi 9. Pas de presse, car pas de cépages primeurs, rien que du chenin et des cabernet, cépages tardifs, cette année encore plus!... Le bel été a un peu sauvé la mise et nous sommes passés (ouf!) au travers des gels, grêles et autres "divertissements" printaniers. Les pluies de septembre sont arrivées à point nommé pour faire baisser l'acidité et réveiller la vigne. Finalement, un profil d'année assez banal, habitués que nous sommes à démarrer sereinement vers la deuxième semaine d'octobre... enfin, en croisant les doigts afin que cela ne tourne pas au cauchemar de 2012!... Philippe dort comme un ange(vin?) et c'est bon signe! Ou alors, c'est l'âge..." Alors, grains nobles or not grains nobles chez les Delesvaux?... Deux années à suivre sans les nectars de la Haie Longue?... Mais, que va-t-il nous rester?...

Vous pouvez aussi suivre les aventures d'Elodie Aubert et Raphaël Gonzales, sur leur site du Clos des Cîmes, en direct quasi live de Mérindol les Oliviers, en Drôme Provençale. Le mardi 8, ils débutaient les vendanges des rouges. Des informations et des impressions qui tranchent parfois (durablement?) avec celles reçues au cours de ces dernières semaines : "Aujourd'hui, les grenache à 530 m d'altitude et les syrah à 580 m ont fini en assemblage dans les barriques. Cette année encore, beaucoup de couleur dans les baies, les mains sont très vite teintées de rouge, surtout avec les syrah. Des degrés alcooliques corrects : 14% du volume pour les grenache, 13 pour les syrah, ni trop élevé ni trop bas pour des vins méditerranéens et des raisins avec un peu plus de jus que les années précédentes. Et surtout des acidités qui ont bien chuté grâce aux pluies de vendredi soir [le 4]. Plus de 30 mm en deux heures et comme dans nos rêves, Monsieur M s'est levé le lendemain pour commencer à souffler, ce qui a permis de ressuyer les parcelles. Impeccable!..."

"Du côté de la cave, il fallait tenir le timing pour ouvrir les barriques recevant les raisins. Taper sur les cercles, les ôter pour enlever une des faces, les recercler, les désinfecter à la vapeur, leur faire deux ou trois petites gratouilles pour enlever les quelques plaques d'acide tartrique qui peuvent parfois rester dans le ventre de la barrique, bien les rincer... Maintenant, les baies sont égrappées-foulées, on attend que nos gentilles levures indigènes, que nous n'avons pas embêtées avec du soufre, se mettent à travailler en dégradant les sucres en alcool et autres composés, notamment les arômes, le gras... A nous de bien les surveiller pour que tout se déroule correctement. Demain, une autre journée de vendanges des rouges, les blancs attendront encore quelques jours sur les souches." A suivre de près, parce que le dernier message publié sur le site du Clos des Cîmes atteste d'un changement très net de météo. "Il se pourrait même que l'Elfe Doré 2013 ne sorte pas!..."

001

Des nouvelles d'El Pinell de Brai et de Laurenao Serres, au coeur de la Terra Alta, dans le sud de la Catalogne : "Cette année a été marqué par de très importantes pluies au printemps et le froid tardif qui a provoqué une brotation (sic!) lente, un peu tard, avec aussi des jours compliqués à la floraison, d'où un très fort millerandage à certains endroits et sur certaines variétés, notamment le grenache, blanc comme rouge. Cela additionnéà une constante humidité matinale en juillet et une partie d'août, d'où la présence constante de mildiou (selon les endroits et les variétés également) et l'apparition plus tardive d'oïdium. C'était là, la situation avant vendanges. Nous avons débuté la cueillette le 22 août et terminé le 10 octobre. La météo a été très bonne, avec quand même une pluie importante le 7 septembre (32 mm). Après, très beau temps sec, avec des journées très chaudes. Mais, nous avons surtout vendangé le matin, ma "cold chamber", c'est la nuit!... Finalement, les fermentations se déroulent très bien et j'espère que nous aurons de très bons vins naturels!..."

En Vendée, la période du 6 au 9 octobre marquait souvent la mi-temps des vendanges. Christian Chabirand, de Prieuré la Chaume, àVix, nous expose clairement la situation : "Pour notre part, après avoir récolté pinot noir (superbe) et chardonnay (convenable, mais avec du tri), nous avons stoppé les vendanges. Elles reprendront demain matin [le 7] sous le soleil et pour toute la semaine si l'on en croit la météo... Nous reprenons par le merlot qu'il devient désormais urgent de rentrer [ce qui va se confirmer plus au sud...], car les baies des premières fleurs pourrissent, alors que celles de dernière génération arrivent à maturité (les degrés sont bons, près de 13% vol., les acidités ont beaucoup fléchi la semaine passée et la maturité phénollique encore hétérogène). Nous allons donc avoir un tri serré, qui devrait diminuer notre volume récolté d'environ un tiers du potentiel sur pieds. Quant à la négrette, l'abandon sur pieds pourrait bien approcher les 50%. Sans tarder et à suivre, les cabernet sauvignon seront ramassés. Enfin, pour le chenin, rien n'est encore joué..."

Non loin de là, àPissotte, dans le Sud-Vendée également, Mathieu Coirier nous donne quelques nouvelles : "A Pissotte, nous n'avons pas étéépargnés par les évènements climatiques du printemps, suivis par la grêle qui a complètement détruit plus de trois hectares (une dizaine se révéleront par la suite impactés, sur un total de 24). Heureusement, la belle saison que nous avons ensuite tous connue a permis de récupérer en partie du retard de maturité. A ce jour [le 7 octobre], les chardonnay et les pinot noir sont rentrés. Nous décuvons même aujourd'hui une cuve de pinot, qui a fermentéà grande vitesse! Petites grappes et forts degrés pour ces cépages (25hl/ha, 218 gr de sucre). Nous espérons un peu plus pour les gamay, avec cette belle semaine, qui va faire monter les sucres encore plus et sécher les débuts de foyers sur les chenin. Nous comptons beaucoup sur les cabernet qui sont superbes, avec des petites grappes bien aérées. On croise les doigts pour avoir du beau temps le plus longtemps possible!..."

035

Belle effervescence le 9 octobre chez Jérémie Mourat, àMareuil sur Lay : "C'est plutôt mouvementé en ce moment, par ici!... On a démarré dès le 23 septembre par les pinot noir destinés aux effervescents et ensuite ceux destinés aux rouges. Il a fallu faire très vite sur ce cépage, ainsi que sur les chardonnay, car la météo n'est pas avec nous (humidité + chaleur...), nous avons dû renforcer très sérieusement l'équipe des vendangeurs de Moulin Blanc et du Clos Saint André. Depuis, nous avons fini les négrettes et les gamay noirs hier, plutôt sereinement, car la météo s'est apaisée. Désormais, on est arrêtés. On attend que les chenins et les cabernet franc montent en sucre. On attaquera tout ça la semaine prochaine."

En provenance de Chantonnay, le cinquième fief monté en grade avec le passage en AOC Fiefs Vendéens, réception d'un message de Philippe Orion, dans un style télégraphique, qui convient finalement plutôt bien à cette pause dans les vendanges : "Année très difficile, retard, maladies. Rendement assez élevé, maturité avec dix à douze jours de retard. Etat sanitaire moyen avec la pluie et la chaleur, pour ceux qui ont attendu la maturité. Les autres?... Produit correct en sucres, un peu d'acidité. Content d'avoir tout effeuillé et vendangéà la main. Récolte à moitié faite. A suivre!"

Cap sur Bordeaux pour finir. Avec ces circonstances assez exceptionnelles et les échos apparus sur les réseaux sociaux ou venus en droite ilgne de certains domaines en pleine vendanges, il était tentant de s'intéresser à l'élite des Grands Crus bordelais. Comment ont-ils géré ce millésime très (trop?) vite annoncé difficile, voire mauvais?... C'était peut-être un peu osé de solliciter le heurtoir de ces prestigieux portails ou de leur sonner la cloche de bronze, voire de tirer la chevillette afin que la bobinette ne chut!... Vous me direz, je n'ai rien du chaperon rouge de la fable mais, ceci dit, les occupants de ces nobles demeures ne sont pas pour autant de grands méchants loups!...

Ainsi donc, message fut envoyé voilà près d'une semaine à Lafite-Rothschild, Latour, Mouton-Rothschild, Margaux, Haut-Brion, Yquem, Pétrus, Ausone, Cheval Blanc, Pavie et Angélus. Que du beau monde! Bien sur, on peut partir du postulat de base que les vendanges sont en cours (et qu'on surveille les cours en échangeant quelques balles sur le court) ou que ces illustres châteaux souhaitent maîtriser leur com', mais force est de constater que, sept jours plus tard, c'est plutôt silence radio dans les rangs (de vigne, bien sur). L'un de ces domaines me conseillant même de consulter sa page Facebook, afin de prendre connaissance de la situation et des évènements, tout en me précisant au passage qu'ils n'y avaient encore rien publié!... Comment dois-je le prendre?... Donc, pas de "millésime du siècle" qui se profile et déjà des bruits qui circulent de vigne en chai, ceux-là même dont il faut se méfier avant toute chose : certains "Premiers" ne feraient pas de Grand Vin cette année!... On l'a déjà vu pour Yquem, mais pour les autres, cela parait économiquement et stratégiquement peu envisageable. "C'est trop tôt pour le dire! C'est un peu comme faire passer une échographie à un bébé de trois ou quatre mois, pour savoir s'il fera St Cyr ou l'ENA!..." Quant à confirmer le fait qu'un des plus célèbres GCC comptait soit disant, rien moins que 700 vendangeurs l'un de ces derniers dimanches!...

011

Bonne nouvelle quand même, lorsque la responsable en charge des relations publiques du Château Cheval Blanc, àSt Emilion, me propose de rappeler le lendemain matin dès l'aube (enfin, presque!), afin que je puisse dialoguer avec le directeur technique du domaine, Pierre-Olivier Clouet. Très cordiale conversation avec un jeune DT, ouvert, passionné et bien placé pour donner la tendance au terme de cette période au cours de laquelle, il ne faut guère laisser trop de place au hasard, au regard des enjeux.

Rappelons tout d'abord que l'un des fleurons de St Emilion, créé en 1832, est situé non loin de Pomerol. "Cheval", c'est 39 hectares d'un seul tenant et 45 parcelles sur beaucoup de sols différents. Les vignes ont une moyenne d'âge de 43 ans (de 1 à 93 ans), mais la particularité est que le vignoble se compose de 60% de cabernet franc (c'est peut-être le plus ligérien des St Emilion, finalement!...) et de 40% de merlot. Vous avez bien lu, c'est du zéro cabernet sauvignon, peut-être une bonne chose en ces années difficiles. Depuis quelques millésimes, le château est doté d'un chai qualifié souvent de somptueux, oeuvre de Christian de Portzamparc, que j'espère pouvoir découvrir avant longtemps. C'est promis, je vous raconterai!... Allez, ne faites pas les blasés!....

Pour ce qui est des vendanges 2013, P-O Clouet reprend la chronologie du millésime et précise les étapes déterminantes, ainsi que les choix intervenus : "C'est un millésime qui commence tard, avec surtout une forte pluviométrie en mai et juin, associéà des températures basses. La floraison ne pouvait qu'être très étalée et va orienter les décisions à la vigne. Face à la situation, il est décidé de faire un gros effort sur la période de la véraison et d'organiser des vendanges en vert très attentives. Le but : obtenir un bon groupement de la maturité, en gardant les grappes les plus homogènes. La conséquence : une chute des rendements à l'hectare, habituellement entre 35 et 40 hl/ha et là ne dépassant pas 25 hl/ha!... Quelque peu frustrant au regard du travail de l'été, surtout quand on rapproche cela du futur prix de vente!... C'est la particularité de cette activité de la production des vins, les prix baissent pour les millésimes qui ont demandé le plus de travail!... Ensuite, sont venus quelques épisodes pluvieux conséquents, mais heureusement, nos parcelles sont essentiellement sur des graves drainantes ou des argiles "gonflantes", qui font que l'eau qui tombe n'est pas restituée aux raisins. D'ailleurs, nous pesons chaque année de mêmes quantités de raisins sur la table de tri et nous constatons cette fois, un poids des graines équivalent et dans la moyenne des dix dernières années. Nous avons très peu de vignes sur des sables où, par contre, les raisins grossissent rapidement et éclatent, avec les conséquences qu'on imagine. C'est peut-être d'ailleurs parmi les raisons de cette espèce de perte de sang-froid dans le vignoble, la semaine dernière. L'urgence était apparue sur les sables et tout le monde est parti en même temps!... Pour notre part, nous avons vendangé quelques jeunes vignes de cabernet franc relativement tôt, mais ensuite, une alternance logique est restée de mise entre merlot et cabernet franc. Les dernières parcelles sont vendangées ce jour, 15 octobre et tout sera terminéà midi. Finalement, nous sommes juste dans la cible, entre la fleur et les vendanges."

P-O Clouet, pour finir, met l'accent sur les coûts de production d'une telle année, qu'il n'hésite pas à qualifier de "débiles"!... Le prix du prestige?... En tout cas, il se réjouit au passage des qualités du 2012, qu'il trouve actuellement "fantastique"!... Rappelons que Cheval Blanc qualifie son statut et ses choix à la vigne "d'hyper raisonnés" (label Terra Vitis), sans qu'une évolution vers une viticulture biologique ne soit envisagée, même si une autre propriété du Baron Frère et de Bernard Arnault, le Château Quinault l'Enclos, GCC de St Emilion, 19 ha au coeur de Libourne, est elle en bio et certifée depuis 2012, sorte de laboratoire en vraie grandeur, peut-être.

Un grand merci donc, à tous ceux (grands et petits) qui ont accepté de nous éclairer sur cette période et ce millésime 2013, qui n'est pas armé (sauf exceptions!) pour marquer en bien les esprits et les mémoires. Pour ce qui est des papilles des amateurs, affaire à suivre!...

Vendanges 2013 : En Joue Connection : il faut po-si-ti-ver!...

$
0
0

Un temps plus sec était annoncé dès ce mercredi... Ce sera pour demain, ou après-demain!... De sombres nuées chargées d'eau viennent de l'océan. Un ultime rinçage avant de sauver les cabernet sauvignon qui restent, çà et là. Pour les chenins destinés à d'éventuels liquoreux, c'est une autre histoire...

004

En Anjou, disons-le en un mot comme en cent : depuis deux ans, c'est un peu la galère!... Et pour tout le monde, grands ou petits, notoriété acquise ou pas. En fait, on a un peu les yeux de Chimène pour ceux qui composent cette association de vignerons aux parcours divers et variés. La plupart sont jeunes. Les autres sont un peu des grands frères. Ils viennent d'un peu tous les horizons. Il y a là celui, enfant du pays, qui a toujours su qu'il ferait du vin et qui a travaillé dans un domaine du coin, bio ou pas. Depuis peu, il dispose de quelques parcelles, pas forcément celles dont il rêvait et l'équilibre blanc-rouge n'est pas, pour l'instant, respecté. Mais, ça ne fait rien, dès qu'il pourra, il plantera le cépage qu'il lui manque, quitte a arracher ou surgreffer. Parfois, il garde son mi-temps, parce qu'il lui reste tant à faire, notamment pour promouvoir sa production. Il y a l'ancien caviste, qui se dit que son heure est venue de travailler la terre et mettre en pratique les fruits de sa réflexion. Non loin de là, un enseignant, qui a pris le parti d'être noté par ses pairs, plutôt que d'évaluer les lacunes en maths de certains de ses élèves. Sans oublier le chercheur ne disposant que de ses weekends pour vendanger, vinifier, réseausocialiser et mesurer l'ampleur de la tâche, lorsque les millésimes difficiles s'acharnent. Beaucoup de sympathie aussi, pour celui qui ne vise et produit qu'un seul type de vin, parce que le Layon le vaut bien. Et que dire de ce couple de voyageurs d'extrêmes destinations, ou d'origines plutôt, arrivé là un peu par hasard, pour des vendanges déjà anciennes. La douceur angevine leur semblait bien... pacifique, mais les affres du climat ligérien leur jouent parfois des tours.

012

On trouve même un trio d'étudiants qui, après avoir posé noir sur blanc (à coups d'e-mails échangés pendant des mois!) leur projet triangulaire, relèvent le défi pour que le navire ne reste pas à sec. Il ne manque personne, pas même celui qui décida un jour de quitter sa vie trépidante, en vendant son entreprise au cœur d'une grande métropole, pour investir dans les parcelles et les bâtiments d'un domaine qu'il n'avait entrevu que dans certains de ses rêves. D'autres les rejoignent encore, souvent plus experts, plus connus pour leur belle gamme qui s'est déjà ouvert moult portes. Et même de jeunes couples, se référant à quelques souvenirs de dégustation des vins de Richard Leroy ou de Patrick Baudouin qui, un soir d'été, à l'ombre du prunier, s'interpellèrent mutuellement, lorsque leurs pensées se croisèrent : "Tu crois qu'on serait capables de faire ça?..." Et les voilà, goûtant et regoûtant les jus de leurs premières vendanges, attentifs à la prise de bois de ce chenin qu'ils veulent pur et franc. Certains eurent la chance de se lancer avec deux millésimes beaux et généreux, mais eux sont aux prises avec les chausse-trapes d'un printemps pourri ou d'un été bizarre... Ne craignez rien, jeunes gens, les autres apprennent toujours, même après vingt-cinq ou trente vendanges!... Et les amateurs s'éclatent à découvrir vos cuvées, qui ne sauraient laisser indifférents les curieux de passage. A force d'entraide et d'écoute, vos progrès sont constants. Les référents locaux savent vous recevoir et délivrer quelques conseils, ceux-là même qui ne bouleverseront pas vos lendemains, mais qui font tant de bien, les soirs de blues, après une journée de pluie sur des chenin ou des cabernet déjà bien lessivés... D'ailleurs, ils le font volontiers, parce que, verre en main, ils savent que la communauté angevine s'élargit de talents et de passionnés qui ont quelque chose à nous dire!...

img602

En cette matinée, Kenji Hodgson doit préparer une expédition de flacons. Mai, de son côté, s'offre peut-être le luxe d'une demi-journée at home, non sans rester attentive, par un radioguidage, au visiteur qui s'égare dans la campagne layonesque... Tous deux ont entamé les vendanges le 26 septembre, par quelques gamay, puis les premiers chenin le 30, terminés vers le 13 octobre!... It's a long way!... Le 18, les toutes dernières grappes seront ramassées. Elles viendront de nouvelles parcelles - 70 ares dans le secteur de Montbenault, sur un terroir un peu différent des célèbres Noëls de Richard Leroy et 30 ares dans le secteur de la Madeleine, dont l'essentiel des terrasses, face au village de Rablay, appartiennent au Domaine des Quarres - le tout sur un joli terroir bien ventilé. Au total, le domaine compte désormais environ quatre hectares. Parfois, des journées interminables lors de ces semaines de vendanges, avec de longues nuits au cours desquelles les pressées attentives, grâce au pressoir vertical manuel, imposaient de nombreuses heures supplémentaires jusqu'au bout de la nuit...  

008

Les jus des premiers tris de chenin de Montbenault, la part de vieilles vignes, sont dotés d'une belle et franche acidité. La moyenne des degrés naturels atteint 12 à 12,5°. Plutôt une belle surprise, mais le fruit d'un bon effeuillage et du choix d'enlever tous les entre-coeur fin août. Tous les lots sont séparés pour le moment ; le rendement moyen des blancs atteint 15 hl/ha. Pour les rouges, c'est plutôt 20 à 25 hl/ha, avec déjà un beau grolleau, dont la vendange de La Grande Pièce atteint 10,8° nature, ce qui constitue un niveau intéressant par les temps qui courent!... Kenji ne tire pas de conclusion globale pour le moment, mais il souligne que les petites parcelles dont ils disposent, permettent de vendanger de façon optimum. De quoi faire remonter le niveau de confiance, malgré la fatigue des derniers jours, d'autant plus que les blancs 2012, dont les sucres se terminent, semblent dotés d'un équilibre très encourageant, un peu plus puissants que 2011, avec un plus d'acidité. Ils composeront la cuvée Faia (nom latin de Faye d'Anjou, où sont situés les chenin), au milieu d'une gamme à ne pas rater, lors du prochain salon d'EJC ou plus tard.

Mont Benault, parlons-en justement, en passant à la ferme éponyme, où demeure Stéphane Rocher, que nombre de ses collègues Ejiciens admirent pour sa capacité de travail et son analyse toujours très fine de la situation. Il ne devrait pas tarder àêtre surnommer "L'Horloger du Mont Benault"!... Lorsqu'on s'inquiète de sa perception de cette période de cueillette et du millésime, tout se résume en une ou deux phrases : "On est tout le temps en alerte dans des années comme celle-là, on ne fait pas de grosses erreurs." Pour lui, la clé, c'était les vendanges en vert, surtout qu'il a constaté assez tard les effets d'une coulure et d'un millerandage importants. Au cours des quinze derniers jours précédant la vendange, il a purgé, si l'on peut dire, les grappes de chenin destinées à Strawberry Field, son rosé moelleux issu, pour une très large part, de gamay beaujolais et de teinturier, de tout ce qui pouvait pourrir et gâter le résultat final. D'ailleurs, son bilan annuel des heures de vendangeurs reste stable par rapport aux deux dernières années, mais celui des heures de préparation a triplé lors de l'ultime quinzaine. "Ça s'est joué sur la préparation! Il fallait évacuer de son esprit, les conditions au top de 2011, par exemple!" Pour Stéphane, l'autre clé de l'année, c'est qu'il fallait prévoir un plan A et un plan B dans sa gamme. "C'est presque un millésime de blenders! Il valait mieux avoir une gamme à tiroir, séparer les cuves et les associer plus tard. C'est dur, mais formateur. Cela nous permet de voir nos limites et de réfléchir sur notre gamme..."

003

Cette réflexion, Stéphane Rocher la pratique depuis son installation en 2010. Il part dans diverses directions, prend d'autres options, au risque de mettre parfois deux roues de son tracteur sur la ligne blanche. D'ailleurs, avec son K. Blanc 2012, il s'est un peu laissé surprendre par la perception très positive qu'en avaient certains professionnels, lors de Renaissance des Appellations ou du Salon des vignerons bio de Loire, au point de ne pas avouer, dans un premier temps, la composition du blend!... Il faut dire que cette association de jus blanc issu de cabernet franc, tiré au cœur de presse, avec peu ou pas de couleur, pris juste au basculement du végétal et de la maturité (un orfèvre vous dis-je!), avec des lies fines de chenin (10 à 20%, pas plus), avait de quoi dérouter les plus experts!...

Au domaine, les vendanges ont débuté les 2 et 3 octobre. Aujourd'hui [16-10], 80% des raisins sont rentrés. Il reste juste un peu de cabernet franc et de chenin, sur les quatre hectares en production. A noter qu'un peu plus de deux hectares de plantations viendront compléter l'ensemble bientôt. Du côté des rouges 2013, une cuvée sera composée de grolleau et de deux volumes séparés de cabernet franc, dont un égrappé et l'autre en grappes entières ayant subi une macération semi-carbonique. Le grolleau semble doté d'un équilibre intéressant, même si les cépages rouges n'ont pas manqué de dérouter le vigneron, de par l'évolution peu commune des rafles et des pépins cette année, ceux-ci gardant parfois une teinte vert olive peu amène. En guise de conclusion, dégustation du rouge 2012, le Clos des Mûriers, issu de la même parcelle que K. Blanc 2012, à Dreuillé, sur la commune de Champs sur Layon et sur des schistes dégradés et argileux. Une parcelle un peu lointaine, que Stéphane va céder à un autre vigneron du cru, mais gageons qu'il ne sera pas déstabilisé par cette nouvelle orientation et la nécessité de trouver une nouvelle piste de réflexion. Chaque millésime est une nouvelle aventure!...

img603

Non loin de là, Sébastien Fleuretétait saponarien, il est devenu belloquois!... Rassurez-vous, il ne s'agit pas de conséquences de ses voyages récents, nécessaires pour ses travaux de chercheur du CNRS, à Angers. En fait, il était donc rive droite, le voici rive gauche de la Loire. En clair, il habitait à Savennières, mais vient de trouver une maison à Beaulieu sur Layon, pour lui, sa petite famille, ses cuves et barriques de micro-vigneron. Moins de deux hectares de vignes, mais l'espoir quand même de faire un peu de volume avec ses parcelles de chenin et de cabernet franc. Las! Les deux derniers millésimes - 2012 et 2013 - le laissent quelque peu perplexe, quant au bien fondé de sa démarche. L'heure est au doute, même s'il dispose désormais d'un micro-caveau, pour entreposer cuves et barriques, juste de quoi vinifier le fruit de vignes atteignant un rendement... normal. Le rangement et la manutention du matériel sont même parfaitement étudiés, il suffit de respecter le sens giratoire autour du "rond-point Jeff Coutelou", planté de cépages sudistes, comme il se doit, que ne renieraient pas les spécialistes locaux en matière d'aménagement paysager de nos fameux rond-points.

005

Micro-vinifications en cours, donc, cette année, avec au final deux barriques et un fond de cuve en cours de fermentation. Il craignait manquer de place, Sébastien, mais pour la seconde année, les volumes sont donc très limités. Néanmoins, il n'est pas homme à sombrer et ses trois cuvées - Léon, Refaire le Monde et Sitting Bulles - devraient voir le jour. Il n'a pas eu le sentiment de rater grand'chose pendant cette année, malgré sa double activité. Peut-être un traitement posé avec quelque retard, ou encore le choix de ne pas enlever les entre-cœur, ont-il influé au final... Ce qui est certain, c'est que ces chenin très hétérogènes n'ont pas apporté le volume attendu de jus, du fait notamment des peaux épaisses. Oh rage, oh désespoir!... Cependant, il faut noter que le blanc sec Refaire le monde 2012 est d'une belle tenue. Il pourrait bien contribuer à démontrer que les difficultés du moment ne condamnent pas nécessairement les amateurs à l'abstinence.

Ça Faye 12!... Douze minutes, me dit le GPS, pour atteindre Faveraye, petit hameau au sud de Thouarcé qui compose avec Machelles une petite commune typique d'Anjou-Layon. "J'habite maintenant juste en dessous de l'église, tu ne peux pas te tromper!..."Philippe Delmée m'a donné rendez-vous là, dans ce village viticole qui respire l'histoire ancienne de nos campagnes. En fait d'église, c'est désormais une chapelle qui surplombe les quelques maisons et le petit cimetière médiéval, où sont réunies les sépultures anciennes de quelques preux chevaliers angevins. D'ailleurs, Philippe dépose son heaume sur la table pour m'accueillir!... Si,si!... Il faut dire qu'il s'est composé depuis quelques jours une armure, voire une carapace, contre cette météo contraire qui rince les vendanges. "Si tu m'avais appelé deux jours plus tôt, je ne sais pas si je t'aurais reçu... je broyais du noir... Heureusement, Richard nous a remonté le moral, l'autre soir..."

Philippe Delmée est niçois d'origine. Pendant quinze ans, il a été prof de maths à Brest, histoire d'emprunter une diagonale un peu folle pour enseigner dans un lycée breton et se rapprocher des nombreux loisirs nautiques en Finistère, malgré mille heures de soleil en moins par an, dit-on. Depuis 2006 ou 2007, crise du quadra ou pas, il sait que son avenir ne s’accommode plus d'ardoise et de craie, mais plutôt d'argile et de schiste. Angevins de préférence. Pour la deuxième décade du nouveau millénaire, plus de radiateur sur lequel s'appuyer de 9 à 12 ou de 14 à 17. Les gouttes qui glissent sur les vitres du lycée Vauban connaissent-elles Pythagore et Thalès, à force d'avoir entendu tant d'élèves tenter de s'en souvenir?...

010

A l'heure qu'il est, il est plus question de "grille-pain" permettant de réchauffer l'atmosphère du nouveau chai réaménagé et somme toute confortable. Pendant ces quelques dernières années, son home, sweet home était quelque peu mobile. Mais, il avance Philippe, avec ses quelques parcelles éparpillées. Il en parle comme autant de carrés, comme s'il s'agissait de carottes ou de poireaux. Depuis 2009, il essaie de comprendre ce qui s'y passe, mais ce n'est pas évident d'adopter une méthode qui convienne à toutes ces vignes. Pas de théorème, ni d'équation, à peine peut-on invoquer un vague calcul de probabilités. Exemple même avec cette parcelle de cabernet franc sur sables et graviers, dont le haut est très intéressant et le bas beaucoup plus difficile, quelque peu gélif au printemps. Le travail du sol contribue au développement d'une abondante végétation, mais à ce stade, les raisins... ne demandent qu'à mûrir. Pourtant, "c'est décidé, cette année, je vendange après Chaffardon!..." s'amuse le vigneron.

On dénombre également deux "carrés"à Beaulieu, soit au total un hectare, un autre à Mont, une plante au Savetier, un "carré" de chenin récupéré cette année, juste en dessous de celui-ci, sur des sables peu commun dans ce secteur. Au total, on doit arriver à environ quatre hectares, sans que cela se transforme en problème de robinets ou de trains qui ne partent pas à la même heure, mais qui vont fatalement se croiser. J'allais oublier deux "carrés" de grolleau, issu d'une massale cinquantenaire, derrière Faye, qui pour la première fois depuis 2009, propose des raisins à 12 ou 12,5°, même s'ils sont plantés, à priori, sur une remarquable terre à choux. Il ne manque plus qu'un "carré" (de l'hypoténuse?) arraché cette année. Et puis, last but not least, Gastines, du chenin sur deux parcelles en coteau, planté en 1961 et 1964 sur un très beau terroir de schistes décomposés, situéà l'extrémité ouest de l'appellation Bonnezeaux. C'est là que Godineau produisit son Layon phénomène champion du monde!... Depuis, ces deux "carrés" d'une cinquantaine d'ares (le second est aux bons soins de Benoit Courault) sont passés dans le giron des abbés de la Fraternité de St Pie X, qui en sont les propriétaires. Nous sommes là au cœur de l'Anjou blanc historique, faut-il le rappeler?

018

Il reste un peu de raisin sur place, dans l'espoir de ramasser quelques grains nobles, mais c'est loin d'être gagné. Déjà 30% des raisins étaient perdus lors du premier passage. C'est pourtant là que fut produite en 2009 la cuvée Patience, dont on devine que nombre d'amateurs n'ont pas attendu le rattrapage pour l'engloutir. Pour finir, le passage au cuvier démontre que les premiers jus du millésime 2013 ont un potentiel très correct et que, comme pour nombre de vignerons du cru, une grande vigilance, comme il se doit pour les vins dits nature, conduit à une qualité très acceptable, avec un fruit fidèle et un équilibre dynamique basé sur une bonne tension gustative. Mais, la route est encore longue jusqu'aux mises et les échanges et dégustations spontanées entre vignerons du cru ne seront pas de trop pour optimiser les sensations... et les résultats affichés sous le préau.

A Chanzeaux, c'est désormais au Prieuré que Cédric Garreau est installé. Jusqu'en juillet dernier, il travaillait à mi-temps pour un domaine en viticulture conventionnelle de St Lambert du Lattay. Désormais, il s'occupe à plein temps de Gar'O'Vin, le domaine qu'il a créé en 2010. Un nom qui a pris une teinte irlandaise, depuis qu'il a séjourné dans la verte Erin, en tant que serveur d'un grand restaurant du Connemara, avant même une année passée en Nouvelle-Zélande, où il pratiqua le Wwoofing (Willing workers on organic farms). Depuis un an, le jeune vigneron a pris confiance, indiscutablement. Une part de hasard lui avait permis de dégoter du cabernet franc et du cabernet sauvignon pour ses débuts. Le voilà"spécialiste"ès-rouges dans le groupe d'En Joue Connection, mais il n'a pas dit son dernier mot. Il dispose désormais de parcelles de chenin du côté de la Soucherie et même d'un peu de grolleau sur Beaulieu.

022

De jolis terroirs en fait, qui lui ont sans doute permis de mener à bien ce millésime. Le cabernet franc, vendangé lors du week-end de la mi-octobre, a atteint 11,5°. Un hectare, mais soixante ares de vieilles vignes, qui ont donné plus de trente hectolitres destinés à l'Anjou rouge et quatre hectos dédiés à la bulle Lulu Berlue, dont le succès ne se dément pas. Beau volume!... Le samedi suivant, la parcelle de cabernet sauvignon face au Breuil était au programme. De visu, le raisin est plutôt beau, sain et en quantité. Dire que les grains sont au top de la maturité serait aller un peu vite en besogne, mais Cédric parie sur les deux ou trois jours qu'il reste, mais surtout sur le fait de ramasser cette vendange saine, telle qu'elle est là. Après, advienne que pourra, mais son objectif n'a jamais été, depuis ses débuts, d'obtenir des vins trop extraits, seulement de beaux cabernet ligériens et les premiers millésimes lui ont donné raison.

Au domaine, d'autres aménagements sont programmés, notamment la rénovation du bâtiment adjacent au cuvier, une jolie petite maison typique appelée à devenir un chai à barriques permettant de mener des élevages dans les meilleures conditions possibles, Cédric Garreau n'écartant pas l'idée de les prolonger quelque peu avant longtemps. Le vigneron de Chanzeaux sera d'ailleurs à même de vous expliquer tout ça, en plus de la jeune histoire de ses 2 ha 70, les 16 et 17 novembre prochains, lors des portes ouvertes qu'il propose chaque année, à pareille époque.

Il sera bien sur présent également lors du salon En Joue Connection, les 14 et 15 décembre, Espace du Mail, à Rablay sur Layon, l'association ayant désigné au printemps son nouveau bureau, confiant la charge de président à Clément Baraut, celle de vice-président à Jean-Marie Brousset (Les Roches Sèches), le poste de trésorier à Nicolas Bertin et Geneviève Delatte et enfin le rôle incontournable de secrétaire à Marc Houtin. Notez aussi que le groupe se compose désormais de vingt et un domaines, depuis que Vincent Bertin et Stéphanie Debout, résidents de la ferme de Mont Benault, ont rejoint le collectif, ainsi que Marie Lou Diebolt et Baptiste Cousin, bon sang ne saurait mentir!... Je ne sais si Rablay vaut bien une messe, mais la découverte des vins bios et natures du Layon angevin vaut bien le détour par ce village au cœur de la vallée, sans oublier que le dernier week-end de novembre, les "grands frères" d'Anges Vins seront également présents à St Aubin de Luigné, pour leur salon annuel. Le Layon, ça vous gagne!...

Vendanges 2013 : ça, c'est fait!...

$
0
0

Ultimes retours du vignoble en cette toute fin d'octobre. Histoire de poser des chrysanthèmes sur les restes d'un millésime que nombre de vignerons préféreront oublier.  En attendant les quelques jolies réussites qu'on ne pourra évacuer, au risque de pratiquer une généralisation de mauvais aloi. Ces dernières seront souvent issues de vendanges et de rendements réduits, ce qui fait que nombre de flacons estampillés 2013 se feront sans doute assez discrets, certains jusqu'à ce que l'opinion publique perde de vue, dans les brumes de sa mémoire chaque année réactivée, les affres de cette période de vendanges plutôt difficile. Après tout, il n'est qu'à voir dans quels termes les vignerons évoquent, de nos jours, un millésime comme 2000, même si ce nombre, à lui seul, fausse les perceptions, pour se rendre compte au passage que le vécu des uns... fait parfois le bonheur des autres.

DSCN0822

Certains vignerons viennent (parfois reviennent) vers nous pour mettre une touche finale à l'évaluation des évènements récents, dans les rangs, les cuviers et les chais. Et là, comme vous pourrez le constater, il y en a pour tous les goûts. Commençons par Bordeaux et sa Rive Droite : à Lussac, André Chatenoud, du Château Bellevue, semble avoir décidé de ne mémoriser le millésime que pour se souvenir des difficultés qu'il a engendrées : "Les vendanges sont terminées... Maigres en rouge, autant en volume qu'en qualité gustative... On tourne à 20 hl/ha de moyenne! Par contre, super sauvignon gris avec un joli rendement de 45 hl/ha. Sincèrement, pas grand'chose à dire! Vivement le prochain millésime!..."

Non loin de là, le Château Angélus, désormais l'un des "Premiers" de St Emilion, reconnaît également qu'il a fallu faire face au quotidien à des complications quelque peu inattendues et opter parfois pour tout ce qui pouvait sauver la mise : "2013, le millésime de la remise en question permanente et des prises de risque, à la climatologie singulière. Après un débourrement qui s'est passé dans de très bonnes conditions, avec de très belles sorties homogènes des grappes, la fraîcheur et l'humidité du printemps ont retardé la floraison et provoqué de la coulure sur les vieilles vignes. Les deux mois d'été, chauds et secs, ont été déterminants pour la constitution des raisins : la maturation des pépins a commencé très tôt, rapidement suivie par celle des pellicules. Ils confirment que c'est bien "août qui fait le moût" et non pas la climatologie de la période de ramassage. Nos repères et nos habitudes en furent bousculés. Seul un travail minutieux effectué dans les vignes a pu compenser les conditions climatiques étonnantes de ce millésime (à l'exception des deux mois d'été). Il convenait, cette année plus que jamais, d'être omniprésent dans le vignoble et de faire des choix rigoureux, tant sur le travail effectué que sur les dates de ramassage et sur les vinifications. Les merlot ont été récoltés à partir du 28 septembre jusqu'à une courte pause durant laquelle une grande amplitude thermique entre le jour et la nuit a permis d'affiner les cabernet franc. Les dernières baies ont été vendangées le vendredi 18 octobre. Les premières impressions avant les premiers écoulages laissent entrevoir de la fraîcheur et de l'élégance. Fruits et précision caractérisent ce nouveau millésime."

DSCN0596

Au pays de l'Ardèche nature - et quelle nature que l'Ardèche! - deux retours sympathiques de jeunes talents, confrontés comme leurs aînés, à quelques épisodes de météo instable, démontrant au passage leur esprit d'initiative et leur facultéà analyser la situation, pour en extraire le meilleur, fut-ce au prix de quelques risques, voire de quelques sacrifices. Le p'tit dernier, Méryl Croizier, semble s'en tirer au mieux : "Pour La Vrille et le Papillon, les vendanges sont terminées depuis le 4 octobre avec la récolte des cabernet sauvignon. Le gros du travail en cave est passé. Avec un peu de recul, je peux tirer un premier bilan pour 2013 : belles maturités pour les viognier et les merlot. Les fermentations sont en cours, affaire à suivre. Les choix ont été plus difficiles pour la syrah. L'état sanitaire, la maturité tardive (problème principal : l'aciditéélevée) et la météo ne m'ont pas facilité la tâche pour la date de récolte. Les cabernet sauvignon ont bien résisté aux épisodes pluvieux. J'ai vendangéà la maturité souhaitée! J'ai déjà la tête dans la récolte 2014. La construction du bâtiment va bientôt démarrer et je fais le tour de mes "nouvelles" parcelles de merlot et grenache pour prévoir le calendrier de cet hiver."

Son plus proche voisin à Valvignères, Sylvain Bock, n'y va pas par quatre chemins : "2013 est l'année la plus tardive et la plus compliquée qu'on ait eu à gérer à la vigne depuis des décennies (d'après les anciens!) : pression mildiou d'entrée de jeu, grosse pression oïdium également, de la coulure impressionnante chez certains (merlot et surtout grenache), un peu de black rot, un peu de pourriture sur la fin, un peu de grêle, du mildiou mosaïque... La pluviométrie a été généreuse au printemps et durant tout l'été (l'Ardèche du sud n'a jamais été aussi verte!). Heureusement, un peu de répit pendant les vendanges et de nouveau des pluies actuellement... Une vraie année à champignons!..."

"C'est un vrai millésime de vigneron où il fallait être très présent à la vigne du début à la fin. J'ai fait un dernier traitement de cuivre le 17 août (ce qui m'a permis de conserver les feuilles et d'assurer une belle maturation sur la fin) alors que d'habitude le pulvérisateur est remisé fin juillet! La vigne a mis du temps à débourrer et a végété pendant plusieurs semaines. Ensuite, c'est parti plein but et tout le monde courrait pour épamprer et relever. Il a fallu passer certaines parcelles au relevage plus de quatre fois (vent et pluies). Il a aussi fallu travailler les sols et tondre à maintes reprises. Enfin, la différence s'est faite cette année sur l'effeuillage : j'ai commencéà effeuiller les parcelles sensibles à l'oïdium (chardonnay et carignan) et les coins les plus vigoureux. Puis, je me suis mis à tout effeuiller (grenache, merlot puis syrah). Ainsi, les traitements étaient mieux ciblés donc plus efficaces, la vigne plus aérée séchait mieux après les pluies. Par contre, il y a eu une semaine où la grêle menaçait tous les soirs. Et là, quand tu as effeuillé, tu en prends encore plus plein la g...!!! Heureusement, elle n'est pas tombée trop méchamment (5-10% de perte). Mais, dans ces moments, tu serres les fesses et tu te dis que tu as beau faire de ton mieux, la récolte peut être anéantie en quelques minutes..."

DSCN0591

"Les vinifications se passent assez bien (millésime à eau, fermentations plus faciles), hormis une bâche de pressoir qui lâche toujours au moment où on en a le plus besoin... Heureusement, Méryl m'a prêté un petit pressoir à cliquet pour les petites cuvées et je suis allé presser au Mazel pour deux autres cuvées. Merci les copains!... Je ne me voyais pas finir les sucres cette année (vendange tardive, deux coups de froid avec chute des températures, peu d'inertie dans le cuvage, car pas isolé). Cependant, les températures clémentes et anormalement douces de ce mois d'octobre l'aident beaucoup (merci le réchauffement climatique!) et devraient me permettre d'aller au bout sur la majorité de mes vins. Évidemment, sans sulfites sur tous mes viens en cours de vinif, les malos se font sur les sucres. D'où la course aux décuvages, mais pas de montée de volatile pour li'nstant. On touche du bois, de chêne d'occasion, on n'aime pas les fûts neufs!... Bref, une année pas facile, mais je m'en tire assez bien et je suis content!... A la prochaine, à Caen peut-être? Avec des huîtres?" [N'oubliez pas, amis visiteurs bretons, ligériens des côtes et normands!] "Je serai les 9 et 10 novembre à Caen, au Salon des Vins Nature et le 24 novembre, à Villeurbanne, au Salon très nature des Débouchées. Enfin, chez L'Amitié Rit, à Montreuil (93), le 1er décembre." Qu'on se le dise!...

Voilà quelques jours, des nouvelles nous sont arrivées en provenance de Pupillin et de la Maison Pierre Overnoy, oùManu et Anne Houillon nous donnent leur sentiment sur cette "année très difficile avec très peu de rendement..." Au passage, ils nous gratifient d'un chapelet de jolies photos du Jura viticole, qui illustrent cet article. "L'année 2013 se marque avec six mois de pluie. Chauffage jusqu'au mois de juin à la maison! Retour du beau en juillet-août. Beaucoup de pression de mildiou, un passage de fleur très difficile pour le ploussard, peu d'influorescence pour le savagnin. Nous avons fini le samedi 12 octobre, à 11h30! Donc, très peu de raisins, c'est allé très vite. Par contre, il faut souligner l'importance de notre équipe de vendangeurs, qui nous ont donné du bonheur. Ils s'investissent dans leur travail, surtout pour la qualité du tri. Ils participent activement à chaque millésime, par leur bonne humeur, leur sympathie. Merci à chacun d'eux! Et pour conclure, à ce stade, le vin fermente, goûte bien."

Restons en moyenne montagne avec Olivier B, sur son Ventoux préféré qui, malgré une certaine expérience, voire une expérience certaine, pour celui qui vit passer en cours, quelques-uns des jeunes talents rhodaniens du moment, ne recule devant aucune expérience, pour peu que la nature lui donne l'occasion de donner... libre cours, à son inspiration de vigneron : "Et voilà, c'est fini... Vendanges des blancs le 12 octobre, avec près de trois semaines de retard par rapport aux autres millésimes. Les roussanne sont parties en sucette en quatre jours, soit deux options : trier fort ou tout mettre pour voir s'il n'y a qu'à Bordeaux que la pourriture est noble?... Option deux choisies et rendez-vous bientôt pour voir, mais on dirait que ça le fait. Sans froid, ça fermente à 23° et c'est presqueterminé". 

DSCN0598

"Vendanges des rouges, en un jour et demi au lieu de deux et demi lundi 21 et mardi 22. 30% de moins, des vendangeurs en plus et plus de feuilles, ça a envoyé du bois... Maturité différente, inhabituelle, cela faisait dix jours que plus grand'chose n'évoluait. Il fallait le faire, tellement la météo ne nous laissait pas grands espoirs. État sanitaire nickel, meilleurs tannins sur syrah que grenache, on verra ce que ça donne au décuvage. Pas plus d'équipement de froid que pour les blancs et, comme l'an passé, zéro SO2. Cette fois, pas de macération préfermentaire, les cuves sont parties à fermenter en 24 heures. Quand tu as vécu 2002 et 2208, il y a de quoi être optimiste quand même et, pour le coup, faire des vins à 14°, ça ne sera peut-être pas un mal, plutôt que les 15,5° des années passées. On pourra en boire plus, mais dommage qu'il y en aitmoins!..."

La conclusion nous arrive d'un domaine d'un tout autre genre, mais les premières impressions de Paul Pontallier, directeur général de Château Margaux, sur la rive gauche de Bordeaux et au coeur du Médoc cette fois, donnent le ton, en appuyant sur un point important faisant allusion à l'évolution, technique notamment, des soins apportés depuis quelques années, aux vendanges et à la première phase des vinifications : "Les vendanges se sont terminées vendredi 11 octobre, à la fin d'une belle semaine qui nous a permis de récolter sans précipitation les cabernets plus tardifs, ainsi que les petit verdot. Les rendements restent très bas, mais nous sommes tout à fait rassérénés sur la qualité des vins, en particulier des cabernet. Ce millésime difficile aurait probablement donné des résultats décevants il y a trente ans, mais les conditions de travail ne sont plus du tout les mêmes : la précision et la qualité des soins apportés aussi bien à la vendange qu'à la vinification, vont en fait permettre de tirer un parti plus qu'honorable, voire très bon, du millésime 2013."

Encore un grand merci à tous, pour toutes ces informations, qui nous ont permis, parfois, de partager vos inquiétudes, en évaluant, souvent de loin, vos difficultés et les conséquences d'une année comme 2013. Soyez certains, vignerons, que nombre d'amateurs, souvent exigeants, parfois sévères, sont prêts néanmoins à rester à votre écoute et à vous suivre sur les chemins de la découverte, appréciant au passage vos initiatives et vos "cuvées spéciales", plus comme le fruit de la rareté que pour satisfaire tout accès de snobisme. En espérant que l'adage bien connu, ci-après, vous convienne cette année encore : "Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage!..." Même si son auteur n'est autre que... Nicolas Boileau!... 

Le Coteau du Braden, à Quimper, Grand Cru de Cornouaille

$
0
0

En 2011, Guy Saindrenan publiait, en lien avec l'Association pour le Renouveau des vins bretons (ARVB), un livre fort bien documenté et consacré au sujet : La vigne et le vin en Bretagne. Cette année là, l'Association des Habitants du quartier du Braden (80 adhérents), à Quimper, sortait le troisième millésime du vin issu du Coteau du Braden (905 bouteilles), au coeur de la capitale de la Cornouaille bretonne, Bro Gernev en langue du pays, sans apparaître néanmoins dans ce mémento qui se voulait exhaustif. Il faut dire que l'auteur est nantais et qu'il évoque très largement dans son livre référence malgré tout, le Muscadet, que nombre de producteurs de melon de Bourgogne de Clisson et des environs préfèrent classer parmi les "Vins de Bretagne", plutôt que noyé dans les appellations ligériennes. Alors, Nantes en Bretagne?... Voilà de quoi relancer le débat, verres en main!...

009

Si le Coteau du Braden n'est pas cité dans ce livre, c'est aussi au regard de sa jeunesse, notamment parce que la démarche littéraire de l'auteur était surtout d'évoquer les parcelles "historiques" apparues çà et là, au fil des siècles. Sans doute, pendant très longtemps, la vigne en Bretagne n'avait rien d'expérimentale, ni d'anecdotique. Il s'agissait bien de produire sur place une boisson issue de raisins (qui longtemps ne put voyager dans de bonnes conditions et cette "maudite écotaxe", au coeur de l'actualité bretonne du moment, n'a rien à voir avec cela!), ce qui fut longtemps le cas, jusqu'à ce que Colbert préconisa, dit-on, l'arrachage des vignes du Duché, au profit des pommiers et du cidre, plus facile à produire, semble-t-il (qu'en pensent les cidriers d'aujourd"hui?), surtout lors de ces années du XVIè siècle, au coeur de ce que l'on a coutume d'appeler le Petit Âge Glaciaire.

S'il peut paraître aisé de recenser les quelques arpents répartis en Bretagne de nos jours, on sait aussi que quelques vignobles connus au XIXè ou même avant, ont aujourd'hui totalement disparu. C'est le cas des parcelles de l'Abbaye de Landévennec, entre les VIIIè et XIè siècles, apparues sans doute au titre de la production du vin de messe, dans la plus pure tradition des vignes entretenues par les monastères. Si, au Moyen-Âge, la présence de vigne est aussi attestée du côté de Morlaix, sur la Presqu'île de Crozon, à Pont-Scorff ou Dol de Bretagne, sa culture va devenir difficile (du fait du froid sans doute) et dès le XIIIè, les plus riches font venir les vins qu'ils consomment par bateau, de régions proposant de meilleures productions. Cependant, le Sud-Bretagne entretiendra de la vigne jusqu'à la fin du XIXè et l'arrivée du phylloxéra, notamment dans la Presqu'île de Rhuys, dans le Morbihan, mais aussi du côté de Guérande, dans le pays de Redon et plus au nord, au bord de la Rance. Enfin, avant même la Première Guerre Mondiale, le vignoble a été détruit par le puceron ravageur et seuls quelques hybrides seront replantés à partir de 1920, dont certains existent toujours et sont même revendiqués par quelques vignerons amateurs bretons, tel le Maréchal Foch.

001

De nos jours, le site le plus connu est sans doute celui du Mont Garrot, à St Suliac, non loin de St Mâlo, sur les coteaux de la Rance. L'exemple même de gestion associative servie par des passionnés, pas toujours très faciles à rencontrer, comme on pourra le constater ici. La réputation du site étant relevé depuis quelques temps par la découverte, dans un buisson voisin de cette vigne, de ce qui semble être la "maman du merlot"!... Il y a toujours une légende bretonne à découvrir et à entretenir!...

Pour ce qui est de la passion vineuse, Pierre Collorec, président de l'association quimpéroise et ses acolytes n'ont rien à envier à qui que ce soit. Il faut dire que pour créer le Coteau du Braden, ils n'ont pas lésiné sur la qualité des experts consultés. Merci Internet!... Sur une parcelle appartenant à la Ville de Quimper et au Conseil Général du Finistère, l'idée vint à quelques habitants du quartier de créer une section dédiée et de planter de la vigne, afin de sortir des sentiers battus de leurs soirées-dégustations, voilà une petite dizaine d'années. Conscients des difficultés et animés par quelques perfectionnistes, au regard d'autres expériences quelque peu empiriques en Bretagne, les premiers contacts aboutirent rapidement et un lot de référents nationaux, voire internationaux, chacun dans leur domaine de prédilection, s'associa à quelques professionnels, parfois retraités dans la région, pour dispenser les conseils permettant aux passionnés quimpérois d'opter pour les orientations les plus adaptées.

La plantation est intervenue au 1er avril 2006, après une longue préparation du terrain. Au total, à peine plus de 25 ares, sur un sol qui ne fut utilisé, pendant très longtemps, que pour la production de fourrage destiné aux animaux de la ferme qui occupaient les lieux, naguère. Pas de chimie, pas d'insecticides, ni de fongicides donc, sur ce sol limono-sablo-argileux (20% d'argile seulement), avec une bonne épaisseur de terre arable, le tout sur un épais sous-sol de sable, qui peut laisser supposer la présence, dans des temps anciens, de l'Odet, à peine à quelques centaines de mètres de distance de nos jours. L'arène granitique indiquée sur les cartes géologiques de la région n'apparaissant pas dans cette zone.

003

Après quelques contacts infructueux du côté de Bordeaux, où les interlocuteurs divers ne tentèrent, au final, que de décourager l'initiative, c'est René Morlat, bien connu à Angers et ailleurs, pour ses recherches sur les terroirs au sein de l'INRA, qui analysa les données concernant le sol, notamment en calculant la réserve utile en eau, impactant directement le choix du porte-greffe le mieux adapté, voire du ou des cépages. Ce critère une fois déterminé - 120 à 125 mm d'eau - c'est le RGM (Riparia-Gloire-Montpellier) qui fut choisi, pour son caractère précoce, à la fois qualitatif et adaptéà la dite réserve en eau. De son côté, le Professeur Alain Carbonneau, d'AGRO-SUP de Montpellier, conseilla d'opter pour une plantation en lyre (comme il le fit au Domaine de Lauzières, dans les Baux de Provence) de deux tiers de chardonnay et d'un tiers de pinot gris. Parmi les autres intervenants ponctuels, Jean-Claude Daviau, vigneron en Anjou, venu passer sa retraite en Bretagne, pour quelques conseils pratiques, ou encore Nicolas Rappeneau, oenologue, voire Monsieur Duval, retraité de l'INRA de Quimper.

Bien sur, la connaissance de ce terroir ne s'appuie pas sur les années de recul voulues (il en faut sans doute dix à quinze, selon notre interlocuteur), mais les hypothèses de départ semblent les bonnes, si ce n'est l'option de taille, puisque le cordon de Royat choisi dans un premier temps, a depuis été abandonné au profit d'une taille en guyot double, plus adaptée à la conduite en lyre. Le coteau est exposé sud-sud-est (ici, on ne recherche pas les orientations fraîches pour les blancs!) et se trouve protégé des vents du nord par l'alignement des maisons proches, situées sur la hauteur. On se trouve donc dans une sorte d'arène plutôt favorable.

Cette année, a contrario de ce qui s'est passé dans bien des vignobles, la fleur s'est bien déroulée, du fait de son relatif retard, puisque se situant entre le 10 et le 15 juillet. Résultat : le beau temps revenu et des températures plus favorables ont permis une assez bonne homogénéité de la maturité. Les vendanges, quant à elles, ont été programmées les 17 et 19 octobre, au terme d'une attente qui n'a pas permis de voir évoluer la teneur en sucre, restant bloquée à un niveau plutôt faiblard. Il a donc fallu se résoudre à un petit enrichissement.

006

On sent très vite à quel point ces amateurs et leur président consentent à cette confrontation avec la terre et les éléments, parfois fâcheux, qui ne manquent pas de contrarier la production de vin. Ils en ont définitivement accepté l'augure, notamment parce qu'ils savent trouver les conseils déterminants, dans certaines circonstances et qu'ils prennent les problèmes à bras le corps, lorsqu'ils surviennent. Ainsi, cette apparition, l'été dernier, d'oïdium sur feuille, a trouvé son règlement dans le conseil donné par Sylvie Spielmann, vigneronne alsacienne, d'utiliser une solution d'eau et de sel à 2%, patiemment appliquée sur les feuilles concernées. Un travail de fourmi!...

D'autres aspects apparaissent à la lecture de certaines analyses, donnant quelques éléments nécessitant une correction plus fine, que seul le temps permettra de confirmer. Ainsi, ce moût carencé en azote, cette année (corrigé par l'apport de sulfate d'ammonium), laisse supposer qu'une légère modification à la vigne est sans doute nécessaire. Trop de grappes? Surface d'enherbement à réduire légèrement? Affaire à suivre. Dans un même ordre d'idée, René Morlat a établi un programme sur cinq ou six ans d'amendement calcaire, afin d'augmenter un pH un peu faible. A noter que le mode de culture choisi et de type "culture raisonnée", le "tout bio" faisant un peu peur aux responsables de la section, du fait surtout de l'exigence d'intervention, liée au climat local, que l'on qualifie aisément de variable. Enfin, comme le montre la première photo ci-dessus, des filets ont été installés dès le début, afin de protéger les raisins de la gourmandise des merles et des grives, plutôt que des étourneaux, souvent occupés par d'autres cultures dans la région, une fois septembre atteint, cette décision intervenant suite aux conseils reçus d'autres amateurs du Nord, évoquant les ravages constatés certaines années.

005

A ce jour, une seule cuvée du Coteau du Braden est produite, composée de deux tiers de chardonnay et d'un tiers de pinot gris, ce dernier apportant un petit plus de structure. Pour la première fois cette année, la fermentation malolactique est souhaitée. Quel sera le résultat final?... A suivre!... A noter que la qualité de 2012 ne permit pas de mise en bouteilles, après un excellent 2011, un 2010 plutôt moyen et un premier millésime, en 2009, très honorable, avec ses 715 litres produits. D'ici quelques temps, nous devrions voir apparaître un peu de rouge, puisque la plantation de quelques rangs de gamaret (une suggestion d'Alain Carbonneau!) va permettre sans doute un jumelage avec la production valaisane et apportera, à n'en pas douter, une touche pour le moins originale à la viticulture bretonne!...

Il ne nous a pas été donné de déguster ce Coteau de Braden (il faut dire que chacun était quelque peu pressé, vus les évènements quimpérois du jour!), mais un échange de flacon avec quelque cépage vendéen, nous permettra de glisser un échantillon piège dans une dégustation future, n'en doutons pas, lors d'un regroupement festif et joyeux de beaux nez rouges!...

A titre documentaire, ne manquez pas non plus, le livre de Gérard Alle et Gilles Pouliquen, Le Vin des Bretons, dans la collection Gestes et Paroles, paru en 2004, aux Editions Le Télégramme. Un joli album évoquant le vignoble, notamment nantais là aussi, mais également tout ce qui évoque l'économie bretonne liée à la consommation de vin dans la région, des pinardiers de naguère, aux bars à vins et cavistes du XXIè siècle.  

Une grenade dégoupillée dans la tranchée d'une baille* honnête!

$
0
0

Ah ben oui, c'est le week-end du 11 Novembre!... Pas question de broyer du noir, même quand les All Blacks viennent gagner à Paris, après avoir ranimé la flamme sous leur arc de triomphe quasi permanent. C'est 1918 qu'on commémore, au moment où le programme des festivités du Centenaire de l'entrée en guerre en 1914, prend des teintes de "rassemblement républicain", dans un pays, une communauté, que d'aucuns détricotent un peu plus chaque jour.

ARSENE_0002

Même s'il peut paraître un brin étonnant de saluer le début d'un conflit qui fit tant de victimes et qui laissa tant de traces dans les mémoires de ceux qui subirent quatre années de combat dans les conditions que l'on sait (ils furent nombreux à revenir, sans pouvoir même évoquer leurs souffrances), au point également où, vingt ans plus tard, les peuples et leurs dirigeants furent frappés d'amnésie collective et se lancèrent dans un conflit encore plus terrible, on peut admettre néanmoins que cette commémoration internationale salue le souvenir de ceux qui furent, en quelques sortes, les acteurs d'évènements qualifiés de fondement de notre XXè siècle, dans ce qu'il a eu de meilleur et notamment cette sorte de soif de progrès, dans tous les domaines.

Bien sur, ce progrès a aussi apporté son lot de travers et d'opportunisme dévoyé. Les exemples ne sont pas rares dans le domaine des vins et de la viticulture, comme dans d'autres. A l'aube du XXè siècle et plus encore pendant la Première Guerre Mondiale, le "pinard" tenait une place particulière dans le quotidien des gens et des combattants. C'était le temps où les habitants de nos vignobles connaissaient la valeur des vins et peut-être une hiérarchie non écrite de ceux-ci, mais où il n'était pas fondamental de figurer en bonne place dans un classement établi par quelque élite. Il faut dire que, malgré les dégâts récents du phylloxera et autres mildiou et oïdium, la vigne était présente quasiment partout, ne fut-ce que sous forme de treille dispensant une ombre salutaire sur la terrasse familiale.

Dans l'inconscient collectif qui touche à l'agriculture et, par là même, à la viticulture sans doute, il est communément admis que ces quatre années d'une guerre meurtrière, avec l'insupportable ponction dans la population masculine chargée de la plupart des travaux agricoles, ont contribuéà un ralentissement, voire une réduction de la transmission des savoirs d'une génération à l'autre. Même si une plus large mécanisation et l'emploi de produits chimiques n'interviendront vraiment qu'après le second conflit planétaire, on peut penser que 14-18 porte en elle les gênes d'une "déshumanisation" de la viticulture. Bien sur, certaines avancées sont essentielles de nos jours, comme l'analyse chimique des vins désormais très pointue et permettant des bilans plus affinés. On ne peut nier également les progrès en matière d'hygiène des contenants, par exemple, pour peu qu'on n'aseptise pas complètement au passage les contenus. Une des conséquences admises récemment de ces évolutions, était que les domaines viticoles semblent moins exposés aux méfaits d'évènements climatiques, du fait de leur capacitéà réagir, mais pourtant, les millésimes les plus récents tendent à démontrer que la vérité est difficile à confirmer dans le temps. Sans parler des risques d'uniformisation, que nous sommes de plus en plus nombreux à craindre et à dénoncer. Le dire ne peut être considéré, précisons-le au passage, comme un accès de nostalgie de temps révolus, ainsi que certains le soulignent très vite.

10112013 006

La mémoire. Du moins, celle que nous nous composons nous-même. Parfois, elle a tendance à nous trahir, au point d'enjoliver certains évènements. Était-ce aussi le cas pour les Poilus?... Des flammes tricolores flottant au vent de novembre et quelques fanfares bruyantes pouvaient-elles leur faire oublier la boue, le bruit et l'odeur âcre de la poudre?...

Pour notre part, il ne nous reste plus qu'à entretenir notre mémoire olfactive (et le souvenir de nos aïeux, dont il ne reste plus que quelques photos sépia). Celle livrée aux dégustations comparatives, tantôt horizontales, parfois verticales. Celle qui évoque aussi, certains jours, les plaisirs de la table et les accords mets-vins. Ainsi, je pourrais sans doute vous parler longuement de cette poêlée de coquilles St Jacques enturbannées de poitrine fumée, accompagnée de riz safrané et de trompettes des morts juste crémées, sans oublier les graines de muscat et le vin. Celui-ci, sorti de la cave-mémoire, presque oublié, mais vouéà nous surprendre, après quelques années passées dans la fraîcheur d'une casemate urbaine, comme dans une sorte de PC, à l'abri des effets d'une paix gourmande.

"C'est une bombe atomique, l'éclate totale!" diraient presque en coeur Mimi, Fifi et Glouglou, comme autant d'anciens combattants de la dive bouteille, prêts à se jeter dans des traquenards ou des embuscades de toutes sortes, verre en main. Et là, le flacon proposé avait tout de la grenade dégoupillée!... Voire au phosphore!... Celle qui fait phosphorer les neurones!... Boom!... Le coup de canon!... Richard Leroy n'est pas son cousin!... Noëls de Montbenault 2006 dans une grande forme, catégorie Anjou, feu!...

10112013 002

Il ne vous restera plus qu'à en débattre, peut-être au terme de la lecture**, du survol façon escadrille en reconnaissance si vous préférez, de l'album de Michel Tolmer, aux Éditions de l'Epure, chères àSabine Bucquet-Grenet. Une succulente dégustation de bons mots, une exploitation optimum d'un langage entretenu par tous les amateurs de vin de la planète qui, s'ils pratiquent un tant soit peu l'auto-dérision, ne manqueront pas de rire à la lecture de certaines répliques, que leur mémoire intacte ne manquera pas de refaire surgir à la surface, comme autant de vestiges de la Grande Guerre, suite au labour d'une parcelle de terre de Champagne.

*: avoir une jolie baille! En langage maritimo-populaire, avoir un beau bateau, bien marin, avec une belle carène. Un peu comme celui de Jacques et Véro, sur le point de mettre cap à l'ouest et au sud, histoire de quitter ce b... qui nous entoure!... Bonne mer! Un jour, nous irons peut-être passer en revue, d'îles en îles, les distilleries écossaises, n'est-ca pas Jacques?...

**: au titre des "saines lectures" de notre automne, n'oublions pas les Chroniques de la vigne, BD signée par Fred Bernard, aux Editions Glénat, illustrations des conversations avec son grand père, vigneron à Savigny les Beaune. Une rencontre inter-générationnelle des plus sympathiques, où l'humour et les coups d'oeil dans le rétro sont la base, le fil rouge (ou blanc). Blanc sur rouge, rien ne bouge!... Enfin, Bacchus et Moi, de Jay McInerney (Editions de la Martinière), en guise de renfort venant d'outre-Atlantique! L'auteur est un romancier américain bien connu, qui publie depuis quelques années des chroniques sur le vin dans The Wall Street Jounal, évoquant sa passion pour la chose vineuse et la dégustation, ainsi que son amour pour les nectars produits de France. Dans la droite ligne de Kermit Lynch, importateur américain ayant lui aussi publié un récit de ses aventures savoureuses dans le vignoble français.

Consultez d'autres comptes-rendus Flash sur les Dégustantanés du blog d'Olif


Un salon peut en cacher un autre!...

$
0
0

Décembre approche, c'est la première offensive... des salons des vins!... La plupart sont des salons dits "grand public", alors que plus tard, au cours de l'hiver, d'autres organisations accueillent les professionnels de toutes sortes et parfois assimilés. Certains ont lieu au coeur de quelque village dans le vignoble, à vocation résolument champêtre, d'autres se tournent vers les grandes métropoles, histoire de titiller l'amateur préparant ses fêtes de fin d'année et qui apprécie au passage, de n'avoir que quelques stations de métro le séparant des crus, grands et petits, venus lui réveiller ses papilles.

AngesVIns_Affiche_2013

Le dernier week-end complet de novembre offre déjà une très belle entrée en matière. Du 23 au 25, aura lieu la 8èédition (comme le temps passe!) automnale d'Anges Vins, toujours au coeur de St Aubin de Luigné, à la salle Jean de Pontoise, au bord du Layon. Et toujours une petite vingtaine de vignerons de la vallée proposant des vins "au naturel et sans artifices". Au passage, quelques invités sont présents, comme Alex Fagat, pêcheur en Loire et Sarthe, Damien Froger, agenceur ébéniste, concepteur de mobilier fait de douelles de barriques, sans oublier, boulanger, charcutier et producteur de délectables fromages de chèvre, pour vos casse-croûte du jour notamment (mais pas que!), dont celui au boudin noir, toujours très recherché en ce week-end!... Allez, vous n'êtes pas tous des anges, nous non plus, mais à St Aubin, il y a du vin!...

Une première parisienne à l'occasion du Salon des Outsiders, proposé par Jean-Marc Quarin, "le 1er salon des vins de Bordeaux, dont le goût est supérieur à ce que l'étiquette laisse paraître". Ça se passe le samedi 23, au 8, rue de Valois, dans le 1er arrondissement de Paris, près du Palais Royal. Quelques grands crus, d'autres supposés moins grands, pour la plupart bien connus, à destination de ceux qui veulent redécouvrir Bordeaux... qui se présente, néanmoins, dans sa livrée habituelle, option velours et dorures. Chassez le naturel... Gageons que la "Soirée de Gala" proposée en clôture de la journée n'aura sans doute pas grand'chose de commun avec le concert-bistro intitulé"La grosse guinguette à Suissa et la petite ginguette à Bistan", final résolument joyeux du Salon des Débouchées, se déroulant le lendemain 24novembre, àVilleurbanne, dans la banlieue lyonnaise. Les plus téméraires pourront peut-être tenter un aller-retour en TGV, pour passer de l'un à l'autre!... Un week-end qui pourrait décoiffer!... Soyons fous!... Rappelons que les Débouchées réunissent un beau collectif de vignerons très "nature", en provenance de l'Ardèche, du Rhône et du Languedoc-Roussillon, sans oublier quelques voisins du Rhône, de l'Ain ou de Bourgogne. Une très belle ouverture donc, pour cette fin d'année 2013. 

2013-11-24-debouche

Pour la fin de semaine suivante, à cheval sur novembre et décembre, deux options là encore très différentes, l'une parisienne, l'autre en province. A Paris, Porte de Versailles, du 28 novembre au 2 décembre, pas moins de mille vignerons, selon les organisateurs (combien selon la police?...) seront présents pour le Salon des Vins des Vignerons Indépendants, sorte de grand'messe de la dégustation et des achats panachés, préalable aux rendez-vous gourmands familiaux de la fin d'année. C'est immense, parfois ça se bouscule, mais cela reste un rendez-vous incontournable pour bien des amateurs parisiens (d'autres dates apparaissent au calendrier dans certaines grandes villes de province), qui apprécient au passage que tant de vignerons, toutes catégories, idéaux et éthiques confondus montent à la capitale. Il y en a donc pour tous les goûts et, ne nous y trompons pas, moult producteurs, même présents dans d'autres salons plus spécialisés, restent fidèles à ce rendez-vous qui leur permet de croiser régulièrement leur clientèle de particuliers.

fly_11x11_20131_copie

Les 30 novembre et 1er décembre, un autre très joli salon, Les Vins du Coin, installés Espace Jorge Semprun, àBlois. Deux douzaines de vignerons du Centre Loire, pour la plupart, qui ne manquent pas de talent. Et quelques noms qui nous régalent : Puzelat, Lemasson, Morantin, Guettier, Hérédia, pour ne citer que ceux-là. C'est, chaque année, un des plus beaux rendez-vous autour des vins natures ligériens. A ne pas manquer, si vous êtes en Touraine.

Week-end chargé les 7 et 8 décembre et là encore, une sorte d'opposition de style. A Paris, au Carrousel du Louvre, pas moins de 350 domaines participent au Grand Tasting, de Bettane et Desseauve wine experience. C'est du lourd, mais globalement très classique. Très organisé aussi : billetterie sur internet, inscription aux master class, aux ateliers gourmets, à l'école des terroirs... Pour les amateurs de ce genre d'ambiance et ceux qui pensent que c'est the place to be... les 6 et 7 décembre.

A contrario, deux organisations provinciales très appréciées dans deux régions connues pour la rareté de leurs vignes. Mais néanmoins, chaque année, les amateurs s'y pressent. En premier lieu, De natura vini, àSt Julien l'Ars, dans la Vienne, non loin de Poitiers. Une petite trentaine de vignerons, un représentant par région et même l'Italie et l'Espagne nature au rendez-vous!... Une sélection remarquable au passage, avec les Patrick Meyer, Mosse, Borel, Coutelou, Landron, Sénat, Bobinet, Clos Fantine...

2013-12-07-les-dix-vins-cochons

Autre incontournable du Centre France, si je puis dire, Les 10 Vins Cochons, sis àChateldon, cité bien connue pour son eau gazeuse!... Et ce sera la 10àédition, comme autant de rencontres sous la célèbre yourte chauffée!... Une cinquantaine de vignerons prêts à braver la météo hivernale du Puy de Dôme, quelque part entre Vichy et Thiers. Il n'est qu'à consulter la liste des participants, pour se dire que ce salon des vins naturels a sa place sur tous les agendas des amateurs passionnés de France et de Navarre. Topissime!...

On avance, on avance!... Nous passons ainsi au week-end des 14 et 15 décembre. Là encore, deux salons à vous signaler. Le premier est parisien et cher àIsabelle Jomain, de Verre Bouteille. Il se déroule sur la péniche Mélody Blues, amarrée Quay de Bercy, sur la Seine, non loin du Palais omnisports, du ministère des Finances et face à la Bibliothèque François Mitterrand. Vignerons en Seine, c'est son nom et le rendez-vous de 25 vignerons de tous horizons. Là encore, une très belle sélection réunissant des domaines d'une grande notoriété et quelques inconnus (ou presque) à découvrir absolument. De plus, il se murmure que tout ou partie des co-auteurs de Tronches de Vin pourraient se trouver à bord le samedi 14, non pas pour un remake parisien de La croisière s'amuse, mais parce que... ce salon le vaut bien!... D'autant qu'un espace restauration sous tente chauffée fait son apparition cette année, sur le pont supérieur de la péniche. On pourra donc y apprécier d'autant plus confortablement les huîtres normandes de Cyril Hess, ou les foies gras et conserves artisanales du Sud-Ouest d'Alain Grèzes, par exemple. Pas de doute, un bon plan pour les gourmands!...

invitation_VeS_2013

Enfin, hors de question de passer sous silence, aux mêmes dates, mais àRablay sur Layon cette fois, le salon En joue connection, 18 vignerons qui montent, en Anjou, Layon et Aubance. Le tout est prévu Place du Mail, au coeur du village et quelque chose me dit que vous allez en entendre parler, parce que la com' est au point!... (private joke) Là encore, un mix de quelques noms bien connus et de jeunes talents qui interpellent les amateurs les plus exigeants.

img602

Rappelons qu'à l'exception du Grand Tasting et du Salon des Outsiders, toutes ces manifestations sont à classer dans la catégorie "vente à emporter", que vous soyez professionnels ou amateurs prêts à libérer un peu de place dans votre espace-cave climatisé. Ce qui nous permet, au passage, de signaler que, si vous n'avez pas, ni l'opportunité ni la possibilité de vous déplacer sur un de ces salons, il reste d'autres moyens de vous approvisionner auprès de cavistes en ligne ou agents multi-cartes, toujours aptes à répondre à vos demandes. Il est assez aisé de les trouver sur Internet et d'ailleurs, il est probable que vous en croisiez certains, verres en main, lors de ces salons, se mêlant aux passionnés venus de tous les horizons.

Il était une fois, une petite vigne abandonnée...

$
0
0

Ses raisins prenaient, depuis le début de la semaine, une jolie teinte dorée. En ce mois de septembre, les vieux ceps de fié gris allaient voir surgir une troupe de joyeux vendangeurs, venus parfois de contrées lointaines, pour la cueillette annuelle. Il y a là quelques dizaines de pieds, toujours vaillants malgré l'âge et fiers, heureux à la fois, de l'attention que chacun porte au choix des grappes, sous les conseils de Paul, le vigneron, qui ne cache pas son amour pour cette parcelle. Bien sur, elle est un peu à l'écart du reste du vignoble avec, à une extrémité, un bois de châtaigners qui lui ferait de l'ombre, si les rangs n'étaient exposés plein sud et de l'autre, un fossé, une jalle, la séparant assez de quelque grande culture céréalière.

jyb-0188

En ce matin frisquet, les insectes se font rares. Une jolie biche est sortie du bois voisin et se glisse dans les rangs, un peu par curiosité. La couleur de son pelage se fond dans les nuances que le feuillage prend désormais, où le jaune le dispute au brun et au vert bordé de rouge. Ses pas légers tracent doucement l'herbe jaunie qui grimpe jusqu'aux raisins. Les plus vieux pieds de la vigne se disaient justement que Paul avait été un brin négligeant depuis quelques temps. Il n'était pas dans ses habitudes de laisser les graminées de toutes sortes prendre ainsi leur aise. Deux ou trois passereaux, sorte de sentinelles des champs, se mêlent à la scène, comme pour veiller à la tranquillité de l'animal. L'espace d'un instant, la vigne, dès le premier envol et le cri bruyant du merle, a pu croire à l'arrivée des vendangeurs...

Plusieurs journées s'écoulent ainsi. Les raisins sont désormais gorgés de sucre et les quelques arpents de vieux sauvignon servent de cour de récréation gourmande aux oiseaux du secteur. Si le soleil et la douceur des jours avaient illuminé ce lieu charmant et calme depuis quelques temps, la pluie, parfois forte, a désormais pris le relais et semble ternir la lumière ambiante de plus en plus tôt, chaque soir. Des rafales de vent d'ouest secouaient de temps en temps le paysage et le sol se couvrait de feuilles jaunes et brunes. La vigne se déshabillait chaque jour un peu plus, pour ne montrer que les sarments ligneux sombres et durs. Quelques vrilles tournoyaient sur les fils de fer à cause du vent fort. Cette fois, les grappes, c'était sur, ne seraient pas ramassées. Le cep centenaire, masquant mal son émotion incrédule, renifla lorsque les gouttes tombèrent au sol, nombreuses et froides. Ses voisins immédiats semblaient l'interroger du coin de l'oeil, sur les raisons qui leur valaient un tel abandon. Le vigneron n'avait-il plus que du mépris pour cette parcelle qui se montrait de moins en moins généreuse? Avait-il cédé aux avis de ceux qui lui conseillaient d'arracher cette vigne malade? Malade?... Rien du tout!... Paul avait d'ailleurs vite argumenté sur la qualité des jus qui provenaient de cet endroit. Alors pourquoi?...

jyb-9994810

L'hiver survint bientôt. Plus froid, plus vigoureux que les précédents. En bordure est du champ, exposés à la bise glaciale, sans abri, quelques pieds rendirent l'âme sans la moindre plainte. A peine le dernier souffle d'un craquement au petit matin, lorsque le gel est plus fort... Au coeur de la vigne, les ceps les plus vaillants eurent la ressource de se serrer les uns contre les autres, presque épaule contre épaule, grâce aux sarments les plus résistants. Il n'y avait plus que les troupes de sangliers de passage, pour venir gratter la terre gelée et dispenser une haleine tiède et sauvage. Parfois, une odeur de champignon se mêlait à celle de l'humus et de la terre humide. Des vols de corneilles, venant du bois proche, sillonnaient nerveusement le ciel gris, quelque peu laiteux, comme un jour de neige.

Dès le mois de février suivant, le cep majeur voulu croire quelques jours au retour des tailleurs de vigne, en prévision d'un nouveau printemps. Las! Les semaines succédaient aux semaines et les beaux jours survinrent, sans que personne ne passa dans les rangs. Les ronces et le lierre s'invitaient désormais dans cette terre où ils n'étaient pas les bienvenus en temps normal, s'accrochant à chaque pied, menaçant leur survie. L'été, il régna pendant quelques temps une sorte d'euphorie, parce que la nature reprenait ses aises, que les fleurs et même les liserons tressaient des sortes de couronnes multicolores. Mais, chacun savait bien que les grappillons chétifs ne pouvaient satisfaire désormais que les insectes et quelques oiseaux venus de la haie voisine.

Plusieurs années passèrent ainsi. la vigne s'était installée dans une résistance tenace, parce qu'elle ne pouvait croire que l'homme qui avait pris tant de soins, au fil des années heureuses, l'avait délaissée tout ce temps sans bonne raison, sans motif grave... Peut-être était-il...?... En ce mois de janvier, une larme coula de l'extrémité d'un rameau cassé par le vent, que le vieux cep ne chercha même pas à retenir.

jyb-1103372

A la mi-mars, le merle, locataire habituel et fidèle du lieu, s'envola encore plus bruyamment, du moins, son cri avait-il une intonation inhabituelle. Chacun imagina qu'il s'agissait là d'une véritable alerte. Justement, le bruit d'un véhicule se fit entendre, tout près. Un lièvre, dans le bas des rangs, se dressa soudainement, puis pris la direction du taillis. "Regarde! Crois-tu qu'ils sont heureux ici les lapins?..." Des voix! Personne n'était passé là depuis si longtemps, à l'exception de quelques chasseurs, l'an dernier, qui remarquèrent d'ailleurs au passage que "la vigne de ce pauvre Paul était en bien mauvais état..." Chacun avait entendu, mais personne ne releva la phrase, comme s'il s'agissait de conjurer un mauvais sort.

"Pffuuii!..." lâcha un des deux visiteurs. Il remonta son bonnet sur sa tête et finit par l'enlever, comme pour saluer cette vénérable centenaire. Il ôta aussi ses gants et les glissa dans les poches de sa polaire, ainsi que son sécateur. C'était d'abord comme s'il n'osait y prendre tout à fait pieds, réservant quelques minutes à une première observation, un premier regard. "Mon grand-père avait les yeux de Chimène pour cette vigne!..." dit-il au second visiteur qui restait silencieux. On devinait une émotion de plus en plus intense, flottant dans l'atmosphère de cette fin d'hiver. Les deux jeunes hommes laissèrent glisser l'extrémité de leurs doigts sur les bois humides de la plante, qui se mit à tressaillir. "On va avoir du travail, mais il est hors de question de l'arracher!... On va monter une petite équipe pour la remettre d'équerre. Il faudra sans doute replanter à la place des quelques manquants, mais je suis certain que la fameuse cuvée du papy peut renaître!..."

Chacun comprit sans mot dire que Paul ne reviendrait plus faire la sieste, au coeur de l'été, entre deux rangs. Mais, les jours qui suivirent étaient teintés d'espoir. Il allait falloir se montrer à la hauteur!... Certes, d'autres vins riches et dorés faisaient la réputation du domaine, depuis bien longtemps, mais il n'y avait qu'à voir l'oeil un rien goguenard du vigneron, naguère, pour savoir que le fruit de cette vigne étonnait toujours les amateurs et les francs buveurs. Pendant cette première année de reprise, Esteban, le petit-fils de Paul, s'attacha à redynamiser la vigne, avec des méthodes assez novatrices. Ainsi, diverses décoctions furent pulvérisées sur le feuillage et l'ensemble connut une sorte de seconde jeunesse. Le sol même semblait avoir changé de texture et ses occupants divers étaient de plus en plus nombreux, tout comme la faune locale, encore plus présente. Un jour, le jeune vigneron s'adressa au vieux cep : "Maintenant, c'est à toi de jouer! Il faut que tu retrouves ton équilibre et que tu te régules toi-même. Tu as à peine besoin de moi désormais..."

jyb-0250

Cette relation de confiance, à peine remise en cause par les effets ponctuels du climat propre à chaque millésime, s'installa pendant de longues années encore. Au fil des ans, Esteban prenait un malin plaisir à proposer cette cuvée hors normes à ses pairs. Une vinification très naturelle, respectueuse de la composition des jus, permettait de laisser libre cours à une expression aromatique que d'aucuns qualifiaient de... dévergondée!... Chaque année, elle offrait des arômes de fruits frais ou de fleur exubérante, tout en préservant une texture, une persistance, qui laissaient les quelques privilégiés absolument pantois. Rares étaient ceux qui pouvaient en proposer à leurs clients et amis. Certains cavistes venaient parfois de loin, comme pour se recueillir devant cette dizaine de rangs hors du commun, sauf qu'il ne s'agissait pas là d'un mausolée, mais bien d'une vigne vivante, un rien espiègle!... Un Japonais demanda même s'il était possible d'en extraire quelques bois, afin qu'ils soient plantés au pied du Mont Fuji!... Mais, heureusement, le petit-fils de Paul avait hérité au passage de son sens de la mesure, lui permettant de connaître la valeur du raisin, face à la déraison. Seul écart qu'il s'octroyait à propos de cette cuvée : elle changeait chaque année de nom et c'était devenu un jeu rituel pour les passionnés de toutes les origines, que de le découvrir. Pour lui et pour cette vigne, c'était le prix de l'éternité...

vdv-logo[1]

C'est un peu Noël avant l'heure, ce chapitre 61 des Vendredis du Vin, sous l'impulsion de l'illustrissime Président de novembre, David Farge Abistonedas!... Me suis-je bien conformer aux formules de politesse d'usage à l'égard du vénéré Président du mois, là, David?... Certains pourront peut-être trouver mon "conte de Noël" un rien... bisounours, mais n'est-ce pas, finalement, le propre du genre?... En tout cas, il est tout à fait respectueux de la fameuse loi Evin, puisque, s'il ne s'adresse pas exclusivement aux plus jeunes, il propose la première dégustation subliminale d'une cuvée qui reste à créer!... En tout cas, je ne saurais que vous conseiller la lecture du blog de David dans les prochains jours (et les autres aussi d'ailleurs!), afin d'y découvrir un conte... rendu qui ne manquera certainement pas d'intêret. Ceci dit, notez bien que toute ressemblance avec une vigne, une cuvée et un vigneron existant(e) ou ayant existé, quelque part sur la Terre, serait absolument fortuite et le fruit du plus grand des hasards. Quoique, en cherchant bien... 60, 61, des nombres qui évoquent pour nous, parfois, la fin d'activité professionnelle, celle qui nous permettra d'espérer être des "citoyens du monde"à part entière, sillonner la planète et continuer ainsi, à raconter de belles histoires.

Point très important, les photos qui illustrent ce post sont toutes du talentueux Jean-Yves Bardin, photographe-auteur, dont vous ne pouvez ignorer le travail. Notamment ses fameuses tronchesGueules de vignerons.

BIOcépage : les levures dédiabolisées?...

$
0
0

Lors d'un des derniers passages chez Jérémie Mourat, à Mareuil sur Lay, nous avions évoqué la démarche enclenchée entre le domaine et cette encore jeune société, oeuvrant dans le secteur des levures. Plus précisément en vue de la sélection des levures indigènes : BIOcépage. Levures (nécessairement au pluriel), un terme que l'on retrouve souvent au coeur de nos dégustations, lorsqu'on croise le verre avec les vignerons, comme d'autres encore : soufre, cuivre, terroir, SO2 ou encore biodiversité.

Si l'on refuse de porter des oeillères lorsqu'on aborde le sujet, ou du moins qu'on laisse ses boules Quiès de côté, il faut souvent avoir été sensibilisé aux problèmes rencontrés lors des fermentations et vinifications, pour être motivé par la recherche de solutions innovantes, mais au final, rassurantes. C'est tout à fait le cas d'Antoine Pouponneau, originaire du Saumurois (avec quelques racines vraisemblables en Vendée), maître de chai de profession et "winemaker" bien connu dans le grand Sud-Est, du Rhône à la Provence et surtout en Corse, sa seconde patrie, depuis qu'il vinifie les cuvées du Clos Canarelli, du côté de Figari. Des degrés "nature"élevés, des fermentations qui patinent, une aromatique parfois défaillante, autant d'axes qui motivent l'oenologue-conseil qu'il est aussi, surtout quand le vigneron est atteint d'une certaine dose de perplexité, face aux difficultés.

29112013 007

Pour faire avancer sa réflexion sur le sujet, il devait trouver un partenaire qui soit son pendant rigoureusement scientifique. Ce fut le cas lorsqu'il rencontra Patrice Daniel, en 2007, sans doute un des plus éminents spécialistes en la matière. Celui-ci, après ses études nantaises en microbiologie et la création, voilà douze ans, avec son associée Sylvie Lorre, du Laboratoire Biocéane, situé dans la banlieue nantaise, ne fut guère difficile à convaincre du bien fondé de cette réflexion en cours et de la nécessité de progresser dans une direction résolument abandonnée par les plus grands producteurs de levures de la planète.

Il faut dire que Patrice Daniel maîtrisait le sujet, puisque ses premières recherches se firent au profit de la société canadienne Lallemand, leader mondial en la matière, avec son chiffre d'affaire annuel supposé et probable dépassant le milliard de dollars. Il faut dire que cette entreprise consacre une part non négligeable de ses bénéfices à l'investigation scientifique, puisque son département Recherche et Développement ne cesse de travailler pour sécher les levures, faire en sorte qu'elles soient actives et performantes, les additionner de conservateurs, d'aromatiseurs, au point de posséder un codex oenologique avec une liste impressionnante de produits intégrés. Et tout cela, pour le plus grand bien des vignerons de toute la planète, bien sur!...

Lorsqu'on creuse le sujet et que les premières tentatives d'identification des levures interviennent, il est aisé de constater à quel point, dans les appellations où la chimie domine largement depuis trente ans et où les vignerons utilisent les mêmes levures, la diversité levurienne est des plus réduites. On peut réellement parler de contamination du vignoble par les LSA (levures sèches actives) produites de façon industrielle. Parfois, nos deux chercheurs ne trouvent dans un secteur qu'une seule levure, qui ne voisine qu'avec des LSA!... Une sorte de désert!... A rapprocher, en quelques sortes, de la phrase de Claude Bourguignon à propos de la vie microbiologique des sols, lorsqu'il affirme que certains grands terroirs sont plus pauvres qu'un désert aride comme le Sahara. Heureusement, bon nombre de vignerons qui font appel aux services de BIOcépage s'inscrivent souvent dans une recherche de l'identité propre à un lieu, un climat, en essayant de préserver son côté insolite et particulier. Mais, il n'est pas impossible que leur démarche puisse déboucher, seulement après une évolution sensible de la méthode de culture.

Pour illustrer quelque peu le travail en profondeur inquiétant des grands fabricants de LSA, une nouvelle tendance, fruit de leurs recherches, a vu le jour depuis quelques temps. Après avoir travaillé pendant plus d'une génération à la production des seules levures Saccharomyces cerevisiae (celles qui se contentent de transformer le sucre en alcool pendant la fermentation, pour simplifier), dites parfois levures conventionnelles, de nouvelles levures non-Saccharomyces sont désormais proposées (et imposées?) aux vignerons. Elles ne sont utilisées que pendant la toute première phase des fermentations, sur le moût, avant 1070 de densité pendant deux jours. Elles sont vendues comme permettant de mieux gérer l'expression aromatique des vins (blancs notamment) et en contribuant à une plus grande complexité organoleptique des vins. Comment résister?... Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que l'emploi des levures conventionnelles reste d'actualité dans la phase active de la fermentation. Résultat : deux fois plus de levures vendues!... Bingo!... Et à la Bourse, ça marche bien?...

29112013 003

BIOcépage est donc, à ce jour, le seul laboratoire capable de proposer une alternative et prendre une sorte de contre-pied, sans pour cela rechercher la confrontation avec ces grandes sociétés. Il n'est pas dans leur propos de nier certaines évidences, comme le fait qu'il y a de nos jours moins de mauvais vins, sans doute en partie du fait du levurage, même si celui-ci tend à globaliser les goûts. Mais, pour eux, il ne s'agit que de proposer au propriétaire et au maître de chai d'un domaine, de n'utiliser que les souches provenant du lieu choisi, tout en sécurisant les vinifications, notamment de façon à ce qu'il n'y ait pas de déviation aromatique, Antoine Pouponneau rappelle son idéal, ce qui fait son univers de maître de chai : "J'ai toujours défendu le plaisir de ce travail et en même temps, l'idée de proposer quelque chose d'unique et de non reproductible ailleurs, de favoriser la vie dans les vignes et de faire du vin sans intrant exogène!..."

Pour sa part, Patrice Daniel, lors de ses années passées à l'ITV (devenu IFV) et chez Lallemand, a développé les techniques d'analyse génétique qui permettent d'identifier les levures, de les retrouver. Ses travaux permettent également à BIOcépage d'être le seul laboratoire à développer la production de levures artisanales (pour les brasseurs également). Grâce aux premières recherches avec le Clos Canarelli, il a été possible de les conserver, de les produire, puis d'ensemencer les vins de façon simple. Bien sur, les sensibilités des vignerons sont multiples. Certains, conscients d'une uniformisation des vins de leur appellation, savourent l'idée d'être les premiers à utiliser la méthode et n'hésitent pas à communiquer très tôt. D'autres sont plus réservés, parfois influencés par les débats qui se font jour (joutes?) dans les groupes de vignerons, notamment en bio et biodynamie, dont ils font partie. Vous pourrez découvrir sur le site de la société, la liste des vignerons qui ont décidé de travailler avec eux. Mais, sachez néanmoins qu'elle est loin d'être exhaustive, puisque les deux compères laissent entendre que quelques grandes propriétés (certains Bordelais se montrent très intéressés, semble-t-il) ont entamé un processus avec BIOcépage et que, pour quelques-uns, une clause de confidentialité de plusieurs années fait partie du contrat les liant.

On imagine assez aisément quelles sortes de réticences peuvent freiner les vignerons. Il y a d'abord ceux qui nient le besoin de tout apport d'une certaine science dans la production des vins mais, pour la plupart, c'est plutôt la peur de se limiter qui domine. Perdre de la diversité est leur plus grande crainte, au moment où la préservation de leur biodiversité devient un argument essentiel de leur communication, voire de leur démarche commerciale. L'expérience a déjà montré cependant, qu'un vigneron en agriculture biologique depuis longtemps, persuadé d'avoir une grande diversité levurienne naturelle, du fait notamment qu'il n'a jamais utilisé de levures industrielles, peut être surpris par le résultat d'une étude démontrant qu'une seule levure fait le travail de bout en bout. Il n'y a, en la matière, rien de systématique, ni aucun dogme. Mais, cette crainte de marquer le vin en utilisant une levure unique est une quasi constante chez les producteurs. D'où la nécessité, pour répondre à ce problème et à ces réticences, de produire un levain, sorte de cocktail des souches issues d'un même endroit, composé de celles qui ne posent aucun problème (pas de production de volatile, pas de retard, etc...). C'est le moût, fatalement différent selon l'année, qui va favoriser telle ou telle souche en fonction des équilibres naturels liés au millésime.

29112013 006

A noter que les recherches de BIOcépage sont avant tout de l'observation. Certains constats ne sont pas forcément expliqués, comme celui fait dans un domaine très prestigieux (dont nous tairons le nom!), possédant une parcelle de blanc sur le versant nord d'une colline et une parcelle de rouge sur le versant sud. Côté blanc, trois souches se succèdent lors de la vinification et côté rouge, c'est la même qui commence et qui finit, tout en étant différente de celle côté blanc. Allez savoir pourquoi, au stade des connaissances actuelles!... Dans un même ordre d'idée, on constate aussi que, dans un espace réduit, deux parcelles sur une même courbe de niveau, seulement séparées par une combe envahie par la végétation, les souches de levures peuvent être absolument différentes, ce qui va un peu à l'encontre de ce qui est communément admis ou imaginé. Bien sur, il est pour le moment assez difficile de renouveler les observations sur plusieurs années successives, même si un programme dans ce sens a débuté depuis peu (progrès incontournable et même indispensable pour l'avenir et la crédibilité objective de la société), du fait, en premier lieu, de son coût. La recherche est financée par le domaine (3500 € par parcelle, avec nécessité de travailler sur trois parcelles minimum, dans un souci de cohérence de l'investigation), mais celui-ci reste l'unique propriétaire des levures identifiées, de façon exclusive. Cela reste une véritable démarche volontariste du vigneron, car certains pourront rétorquer que si l'impact des levures sur les vins est important, seuls quelques rares initiés peuvent reconnaître, à la dégustation, l'emploi de certaines levures industrielles. C'est donc à chacun de situer la dimension éthique de son métier de vigneron.

Le process de recherche des levures indigènes et leur identification sont désormais bien maîtrisés. Ils obéissent à une chronologie somme toute assez simple. Tout d'abord, la sélection s'opère sur les raisins issus de la vendange, fournis par le vigneron. C'est parfois directement possible sur le moût, lorsqu'on est certain d'une non-utilisation de levures pendant de nombreuses années. Ensuite, au laboratoire, de petites fermentations en milieu stérile sont réalisées. Il s'agit de fermentations spontanées pouvant durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Les levures sont récupérées à trois stades : au début, à 1050 de densité, puis au milieu, à 1020 et en fin de fermentation, à 1000. Il est procédé ensuite à une analyse génétique des levures. Celles qui sont identiques sont écartées, on ne garde donc que les différentes, montrant le panel présent.

Gel PCR 2

Elles sont ensuite toutes testées séparément (avec les moûts congelés fournis par le vigneron) au cours de micro-vinifications, afin de déterminer les mauvaises. De plus, une analyse précise les résultats. Celles qui déclenchent de la volatile ou qui gardent des sucres résiduels, par exemple, sont éliminées. Dans un cas que l'on peut qualifier d'extrême, si pas moins de dix souches sont considérées bonnes, elles sont toutes conservées. Celles-ci sont donc fournies au vigneron pour les vendanges suivantes. C'est un des principaux engagements de la société : pas plus d'un an pour obtenir des résultats. Le plus souvent, ces souches sont au nombre de une à cinq. Le vigneron va donc alors se les approprier pour des essais en caves venant confirmer les résultats en laboratoire et surtout, évaluer leur apport et leur influence, en même temps que leur intérêt organoleptique à la dégustation. En liaison avec BIOcépage, il va arrêter son choix définitif, en fonction des priorités qu'il aura définies. Dès l'année N+2, il pourra disposer d'une "crème" produite au laboratoire, lui servant, en quelques sortes, de pied de cuve. Un seul litre de cette crème peut servir aux fermentations de 200 hl. Toutes ces crèmes sont fabriquées en milieu bio et bénéficient d'une DLC (date limite de conservation) de quatre à cinq mois. C'est là une véritable exclusivité de la société.

Au-delà de ce travail, cette collaboration entre le vigneron et BIOcépage, il va de soi que le choix d'utiliser ces crèmes relève des décisions prises au niveau même du domaine. La multiplication des rencontres qu'ont pu faire Antoine Pouponneau et Patrice Daniel avec les vignerons intéressés par cette démarche, a démontré que les attentes sont multiples et nuancées. Certains espèrent pouvoir utiliser des levains appropriés aux conditions du millésime, selon que les teneurs en alcool sont élevées ou pas, au moment de la vendange. D'autres y voient la possibilité d'identifier une ou deux souches propres à certaines parcelles et définir ainsi une trame identitaire spécifique à un cru, un climat, dans le but notamment de proposer une véritable gamme plus définissable, plus lisible pour le commun des amateurs. Renforcer l'idée, par exemple dans le Muscadet, qu'un Château-Thébaud peut être foncièrement différent d'un Clisson, avec les risques que cela comporte, malgré tout. Enfin, certains producteurs peuvent espérer conserver durablement un style, pour des vins destinés à la bulle ou dans le cas de certains rosés. Ceci dit, la supposée "typicité" serait néanmoins bien liée à une "identité terroir" et plus du tout à une uniformisation gustative, venant de l'utilisation des mêmes levures, dans un secteur ou une appellation.

29112013 005

Pour ces deux novateurs, la difficulté majeure reste encore aujourd'hui de convaincre les vignerons que cet apport nouveau ne relève pas de la roue de secours ou du couteau suisse. La démarche n'est en aucun cas la réponse à une difficulté rencontrée en cours ou en fin de vinification. Elle implique une identification rigoureuse des souches présentes à un endroit et rassure quelque peu quant à l'inconnue liée à la cohabitation et à la contamination éventuelle non maîtrisée de levures industrielles. Elle écarte aussi certaines difficultés rencontrées lors des vinifications par des vignerons, qui se lassent d'une certaine forme de fatalisme, que certains qualifient de normal, par simple idéologie plus que par un souci de pragmatisme qui se voudrait terrien et débonnaire. Il est certainement tentant de se fier à son instinct, en se basant sur les acquis d'une expérience et certains obtiennent des résultats remarquables sur cette base, mais combien n'ont plus, au pire, qu'à tenter de nous faire prendre des vessies pour des lanternes?... Le naturel ne peut-il pas revenir au galop par cette aide plus scientifique à la compréhension de nos terroirs et de leurs identités propres?... Gageons qu'il faudra encore de nombreuses années pour en convenir largement, mais une nouvelle voie est peut-être ouverte désormais!...

Le salon des villes et le salon des champs

$
0
0

Le sol est couvert d'un tapis de feuilles jaunes ou brunes. Si épais qu'on a parfois l'impression de marcher en suspension. Au coeur de l'automne, qui a vite adopté une posture hivernale cette année, nos escapades dans la campagne déclenche une sorte de nostalgie, qui confine parfois à la mélancolie. C'est curieux mais, dans les rues même de Paris, entre béton et bitume, je ressens un peu la même chose. mais, ce sont sans doute là, les souvenirs de mon enfance qui ressurgissent, lorsque octobre ou novembre nous guidaient jusqu'au Bois de Vincennes ou dans la forêt, du côté de Linas-Montlhéry...

14122013 001

Étions-nous plus alors habitants des villes ou habitants des champs?... Ce qui peut paraître curieux, c'est le bruit du métro qui semble être toujours le même, ainsi que les odeurs ou la lumière souvent crue. Les portes qui claquent, les courses comme des slaloms, dans les couloirs de correspondance, où la misère se cachent difficilement de nos jours. Est-ce pour cela que les trains grincent parfois?... La Ville est cosmopolite, sans doute encore plus que naguère. Ils sont si nombreux à s'inviter à des reliefs d'ortolans sur des tapis de Turquie. La Ville est également bruit, fureur parfois, quand les feux passent au vert dans un long sens unique du centre historique, ce moment où personne ne se risquerait à descendre du trottoir, en réclamant un soupçon de civilité, à défaut de civisme.

En ce dimanche matin, le soleil parisien avait plutôt une salle gueule. Genre blafarde et presque grise. Sans doute s'était-il couché un peu tard, comme nous et avait-il partagé avec quelques amis un régal fort honnête, où rien ne manquait au festin. Peut-être avait-il fait quelques projets un peu fou ou préparer un bon coup? Sous sa lumière voilée, brumeuse, je marche sur les bords de la Seine. Je vais rejoindre  le bateau chargé de bouteilles et de victuailles, comme s'il était sur le point de partir pour quelque convoyage.

14122013 006   14122013 007   14122013 009

Au pied du Ministère des Finances, quai de la Rapée, les voitures surgissent à des vitesses élevées sur la rampe qui descend du Pont de Bercy, en passant à moins de trois mètres d'une petite plaque qui indique le niveau atteint par la crue centennale de 1910. Là, dans un recoin de la citadelle de béton, symbole du fric impalpable et si présent malgré tout à Paris, une forme humaine à même le sol, emmitouflée dans un duvet vert, est étalée sur le trottoir. On se prend alors à espérer que l'occupant de ce bivouac d'infortune soit encore vivant, tant le froid humide est mordant ce matin. Dans ma polaire et mes vêtements chauds, un frisson me parcourt alors. Est-ce la peur?... Sans doute celle d'une forme d'indifférence coupable. Et du désarroi qui nous envahit parfois.

Isabelle Jomain, de Verre Bouteille, "organisatrice d'évènements et de circuits touristiques dans le vignoble", a convié quelques vignerons sur la péniche Mélody Blues, amarrée face à la Bibliothèque François Mitterrand, en vis-à-vis du Batofar (salle de concert bien connue et sorte de descendant ou de survivant des radio-pirates anglo-saxonnes des années 60 - voir Good Morning England) et à deux pas du Palais Omnisports de Bercy.

14122013 003   14122013 010   14122013 005

Deux douzaines de domaines et autant de vignerons sont au rendez-vous d'un évènement à caractère local, mais très apprécié des Parisiens et de quelques provinciaux prêts à se jeter à l'eau (quoique!). Il faut dire qu'en plus des cuvées présentes, on peut y apprécier de jolies gourmandises, comme les foies gras et conserves artisanales d'Alain Grèzes, ainsi que les huîtres normandes de Cyril Hess, entre autres. De plus, cette année, Isabelle a prévu un espace restauration sous une tente chauffée sur le pont de la péniche, ce qui permet aux visiteurs de goûter aussi à la douceur du jour, finalement plutôt ensoleillé. Lorsqu'on sait, de plus, que Jean-Philippe Padié, venu de sa montagne catalane, est passé au préalable dans le Jura, histoire de stocker quelques saucisses de Morteau et portions de vénérables Comté, dont un exemplaire se retrouve sur la table au moment de déguster Milouise 2011, on peut se dire que la vie parisienne connaît des moments de douceur à ne pas négliger!... Et le citadin de dire : achevons tout notre rôt!...

14122013 011

Point de crue cette fois, mais bien des crus à découvrir ou redécouvrir. Quelques fidèles faisant partie de l'équipage depuis le début, tels Paul Barre, Gombaude-Guillot, Pierre Frick, Thévenet-Quintaine ou encore les domaines ligériens Breton et Baudouin, mais aussi d'autres qui débutent (ou presque) sur ce genre de salons, comme Laurence Alias et Pascale Choine, des Closeries des Moussis, option Haut-Médoc, ou Vincent Quirac, du Clos 19 Bis, en Graves et Sauternes, de nouveaux Bordelais dans la place et à suivre!... A noter aussi de jolies séries avec les Chablis d'Athénaïs de Béru, les cuvées 2011 du Domaine Saladin et celles du Domaine Padié, mais encore la gamme du Domaine Milan, en Baux de Provence, sans oublier celle de Guillaume Lefèvre, du Domaine de Sulauze, en Coteaux d'Aix, aux confins de la Camargue, qui en plus de ses jolis vins, proposait un duo de bières remarquables!... Difficile de passer tout le monde en revue, mais un salon à inscrire sur vos tablettes.

~~~~~~~~~ 

Dimanche matin. le brouillard a envahi le paysage du centre de la Vendée. Dans la voiture, sur l'autoroute quasi déserte, j'écoute fort et clair Tres Hombres de ZZ Top. A mi-chemin, après Cholet, le soleil prend le dessus et du côté de Rablay sur Layon, la lumière d'hiver est des plus agréables. Au-delà des maisons de la place du village, on distingue le Mont Benault, rasé de frais, qui semble prendre le soleil, un peu comme le font certains grands crus alsaciens. Mais, point de vendanges tardives ou de sélections de grains nobles cette année, ou si peu!...

15122013 001

Le village est bien connu pour ses animations artistiques et sa dimension artisanale. Cela tombe bien, puisque l'association qui propose En Joue Connection dans sa troisième version, se compose de vignerons revendiquant leur statut d'artisan. De la bouche même de leur Président, Clément Baraut, c'est l'occasion d'insister sur ce qui les caractérise : "En dehors de cette occasion particulière, le meilleur moyen de croiser ces vignerons, c'est de se rendre dans leurs vignes!..." Il faut dire que parfois, la tâche est ardue. Et tous ceux qui sont arrivés dans la région depuis peu, ou qui ont décidé de franchir le pas (aah, devenir vigneron!), pourront l'expliquer aisément. On leur trouve même un niveau d'abnégation et d'envie hors du commun. Certes, il est possible, plus qu'ailleurs parfois, de trouver quelques parcelles disponibles, mais leur remise en état (elles sont parfois en friche depuis plusieurs années) demande des efforts pour le moins soutenus, avant même de tailler, piocher, complanter, traiter (à dos pour certains), vendanger, presser, etc... et ainsi, obtenir les cuvées escomptées. La dégustation laisse alors entrevoir quelques jolis vins et des perspectives commerciales satisfaisantes. Mais, il faudra encore d'autres efforts, choisir certaines tendances, partir à la rencontre des amateurs et professionnels ouverts et curieux.

15122013 006   15122013 003   15122013 002

Heureusement, en ces deux jours de la mi-décembre 2013, il est réconfortant de constater que les visiteurs sont bien présents et en grand nombre, pour cette manifestation regroupant pas moins d'une vingtaine de domaines et même quelques jeunes invités, comme Stéphanie Debout et Vincent Bertin (ci-dessus) ou encore Marie-Lou Diebolt et Baptiste Cousin (ci-dessous), ces derniers, vignerons andegaves (peuple gaulois de l'Anjou), proposant les cuvées du Batossay (prononcez Batossaille), nouveau et fier navire paréà voguer sur le Layon (et plus loin, n'en doutons pas!), au moment où il se murmure que le père, Olivier C, envisage de reprendre la mer bientôt, pour de nouvelles explorations. D'autres barriques vont donc ainsi naviguer, après une circum-navigation sur l'Atlantique à bord du Tres Hombres et une autre plus arctique sur Tara, qui pourrait bien retourner en Méditerranée avant longtemps.

Là encore, il était possible de se restaurer (parfois, une pause s'impose...), avec une base de crêpes salées et sucrées qui, pour peu, pouvaient nous laisser croire que nous étions au nord de la Loire et en Armorique. Pour l'occasion, une petite place était également réservée àTronches de vin, le guide des vins qui ont d'la gueule, en présence notamment de la très rare, mais pourtant angevine, Eva Robineau, dont l'Agence Échos faisait ses premiers pas dans le vignoble layonesque, verre en main, mais avec modération, n'en doutez pas!...

15122013 012   15122013 008   15122013 015

Au cours du week-end, il était aussi possible de croiser Étienne Davodeau, toujours équipé de son stylo (une dédicace pouvant survenir à chaque instant!) et accompagné de son compère des Ignorants, Richard Leroy, régionaux de l'étape pour le moins, puisque habitants du bourg de Rablay. Quelques Anges Vins, les "grands frères", n'ont pas manqué de venir croiser le verre et d'aucuns soulignant au passage d'indéniables progrès chez certains de ceux qui marchent dans leurs pas, ce qui tend à confirmer que chacun a bien présent à l'esprit, le souci d'une certaine cohérence profitable à l'Anjou et à une production respectueuse de certaines options, tant environnementales que naturelles du point de vue des vins.

15122013 011   15122013 004   15122013 013

Verres en main donc, quelques jolies cuvées appréciées chez Marc Houtin, de La Grange de ZZ Top aux Belles, ou encore Clément Baraut et une jolie Roche-aux-Moines 2012, mais aussi auprès de Charlotte Battais et son grolleau noir en mode glou-glou, ou encore Mai et Kenji Hodgson (avec peu de vin disponible cependant, vu le succès de certaines de leurs cuvées!), ou encore les chenin, dont un Layon nature de Jérôme Lambert, rablaysien de naissance, mais handicapé depuis une quinzaine de jours, suite à une fracture de la malléole qui va le contraindre à l'utilisation de béquilles pendant quelques trop longues semaines et à une rééducation attentive, alors même que certains travaux comme la taille se profilent. Mais, sans doute là, l'occasion de mesurer l'impact de la solidarité animant ce groupe, un des aspects essentiels de son existence et de ce qui doit contribuer à renforcer sa cohésion.

"C'est assez, dit le rustique, demain vous viendrez chez moi ; ce n'est pas que je me pique de tous vos festins de Roi, mais rien ne vient m'interrompre : je mange tout à loisir. Adieu donc ; fi du plaisir que la crainte peut corrompre." (Jean de La Fontaine).

Clos du Jaugueyron : un Margaux nouvelle génération

$
0
0

Après un passage, voilà quelques mois, au Château des Graviers, cher àChristophe Landry, retour à Arsac, à l'extrémité sud de l'appellation Margaux, au coeur du Médoc séculaire. Une AOC qui ne compte pas moins de deux dizaines de Grands Crus Classés et qui peut paraître certains jours, figée dans quelques certitudes, mais qui a connu, voilà une vingtaine d'années, une sorte de révolution de palais, sous l'impulsion du Château d'Arsac, Cru Bourgeois qui, après une longue bataille juridique, obtint la requalification d'une partie de ses parcelles en AOC Margaux. Certes, en dernier recours, le Conseil d'Etat trancha, reclassant semble-t-il, quelques hectares mal à propos, mais ce qui eut pour conséquence positive, une refonte de l'appellation, par un syndicat décidant enfin de sortir de sa torpeur. Il faut dire qu'en 1954, l'INAO ne s'était pas cassé la tête, se bornant à n'attribuer l'AOC qu'aux zones et parcelles plantées. Pourtant, parmi les plus anciens, d'aucuns savaient bien que quelques beaux terroirs étaient passés à la trappe, suite, notamment, à la Seconde Guerre Mondiale. Mais, ceci est une autre histoire et nous en reparlerons avec Vincent Ginestet, descendant de la célèbre famille médocaine qui fut, naguère, propriétaire de Château Margaux et lancé, à son tour, dans un très beau projet.

004

Dans l'entrelacs du parcellaire médocain, où les grands crus se disputent sols et parcelles, il faut s'armer de patience et croire quelque peu en sa chance, pour composer un domaine viable. Ou encore forcer le destin. Celui-ci était déjà intervenu pour Michel Théron, Languedocien pure souche, qui ne dut sa venue à Bordeaux qu'à l'ouverture d'une nouvelle classe au lycée de Blanquefort, en vue de la préparation d'un BTS Viticulture-Oenologie. C'était en 1988 et Pascale Choine (Closeries des Moussis avec Laurence Alias aujourd'hui) en était également à ses débuts, ou presque, en tant que prof du lycée, où elle voit défiler les générations successives de futurs vignerons.

A cette époque, Michel découvre Bordeaux, dont il n'a même pas le souvenir, alors, d'avoir ouvert le moindre flacon!... C'est dire à quel point son retour en Minervois est quasi programmé. Mais, le destin (encore lui!) va lui permettre de croiser Stéphanie, Bordelaise pure souche, mais loin pourtant de la viticulture, qui deviendra sa compagne. Petit à petit, le couple se fait des amis et la perspective d'une installation dans le Médoc se renforce. Le vigneron, quant à lui, découvre Bordeaux et son histoire viticole. Sa première approche le fascine quelque peu, même si c'est moins le cas désormais...

Au cours de ses études, il travaille le week-end dans le secteur, notamment pendant la période de la taille. Une fois le BTS en poche, un propriétaire du coin lui propose son premier contrat. Mieux, celui-ci va contribuer au financement de la suite de ses études. Il passe ainsi un DNO en unités de valeur, puis un DUAD. Bien sur, il se met en quête simultanément de quelque parcelle, afin de tenter de vinifier son premier Haut-Médoc.

002   003   008

S'il s'accommode de mieux en mieux de ce paysage médocain, en y découvrant notamment toute la diversité des terroirs et le plaisir d'y travailler des sols à ce point différents (il s'étonne d'ailleurs chaque jour que si peu de vignerons le fassent ici!), il sait que le prix du foncier local ne lui permet pas d'espérer d'autres formules que le fermage. Un jour, en 1993, il rentre à la maison et annonce à Stéphanie qu'il a trouvé quarante ares de vigne à louer à Cantenac. Ils savent bien tous les deux que ce ne sera pas simple, puisqu'ils habitent alors au 5èétage d'un immeuble de Blanquefort. Mais, l'aventure commence!...

La parcelle originelle ne fait plus partie du domaine désormais, puisqu'elle est à ce jour une composante des Closeries des Moussis, mais elle a donné le nom à ce cru, qui a obtenu en 2012 le label bio, même si les pratiques culturales sont rigoureusement respectueuses de l'environnement depuis bien longtemps. Un aspect qui se retrouve aussi dans le chai et autre bâtiment de stockage du matériel, tout comme dans la maison assez remarquable du couple, l'ensemble étant dispatché dans la forêt environnante, laissée dans un état quasi naturel.

007

Dès 1994, vingt ares sur Margaux s'ajoutent au domaine naissant. D'autres vignes ensuite, puisque aujourd'hui, Jaugueyron, c'est une quinzaine de parcelles sur des sols très différents, soit au total 7 ha 30, dont 3 ha 35 en AOC Haut-Médoc et 3 ha 92 en Margaux, dont une partie de 2 ha 50 dans le secteur du Tertre, à quelques centaines de mètres du 5è Grand Cru Classé du même nom, voisins également de Giscours. Sur la partie haute, des cabernet sauvignon et sur le bas, des merlot de vingt-cinq ans environ (1,25m x 1m) sur un sol composé de sable et de petites graves (plus grosses dans le haut). Ici, le sous-sol est fait d'argile, ce qui semble transmettre plus d'énergie aux vins, mais cela contribue aussi à donner aux vignes une meilleure tenue lors des périodes sèches (aspect souvent négligé dans le Médoc et ailleurs), mais aussi, selon le vigneron, plus de profondeur et d'esprit.

En Margaux, il faut noter également 1 ha 20 au Poujeau de Perrain, site remarquable où les vaches jersaises de Christophe Landry ont désormais leur espace attitré, composé de vignes plus jeunes appartenant au propriétaire du Château des Graviers. Un voisin qui fait partie de ce petit groupe de réflexion et de partage, avec aussi Laurence et Pascale, approche indispensable pour entretenir une ouverture, dans un environnement viticole ayant souvent entretenu jalousement une part de mystère derrière les façades blanches...

En AOC Haut-Médoc, du côté de Macau, quelques parcelles encore, sur des sols très différents de ceux de Margaux. Ici et là, des cabernet et des merlot, certains plantés en 1999 sur un terroir très drainant et proche d'immenses gravières. La proximité de la nappe d'eau, de l'autre côté du chemin, est assez surprenante et les coupes de terrain sont l'exemple même de ce qu'on trouve dans la région : 40 à 45 cm de terre et de gravettes (tout petits graviers blancs) sur pas moins de quinze mètres de graves pures!... Les collecteurs de ce genre de matériau ont fait fortune ici!... A peine avaient-ils besoin de trier!... Que du minéral et bien sur, des sols qui se ressuient très bien. En revanche, le vigneron a constaté depuis toutes ces années, qu'il n'est pas très facile d'y trouver un foisonnement de vie. Si bien que, pour l'hiver, il se contente d'un léger chaussage, le travail du sol étant très limité, pour permettre à l'herbe de pousser. La question pourrait être d'ailleurs de savoir comment installer une vie suffisante ici et l'aide apportée par la biodynamie est des plus importantes. Une situation qui offre, paradoxalement, un certain confort aux vignerons en viticulture conventionnelle. A noter qu'ici, il n'est pas rare de constater que la multiplication des passages pour travailler les sols contribue à y réduire la diversité de vie.

010   011   012

Michel Théron explique volontiers tout ce qui a forgé sa sensibilitéà la vigne. Certes, pour la plupart, il s'agit de parcelles reprises et il n'en connaît pas forcément tout l'historique, mais une observation de tous les instants, de toutes les saisons, lui a permis de prendre quelques options audacieuses, notamment pour ce qui est de la taille. Ainsi, les merlot sont plutôt taillés courts, en cordon de Royat. Les cabernet sauvignon le sont plutôt en guyot double à fenêtre, choix permettant d'étaler la vendange sur le rang, sans trop interférer sur les rendements moyens. Ces parcelles, souvent à 1,50m, furent réunies naguère par choix objectif, afin d'éviter, dans un souci économique, une trop grande diversité de matériel. Avec le recul d'une vingtaine de millésimes, le vigneron en exprime quelques regrets, certain désormais qu'une densité de 10 000 pieds/hectare est un apport décisif de qualité et c'est pour cela qu'il plante les quelques nouvelles parcelles dont il dispose en Haut-Médoc à 0,75m et en sélection massale.

013

Cette connaissance grandissante de ses terroirs, Michel Théron la doit aussi sans doute à ses choix en matière de vinification et à l'outil dont il s'est doté. Dans le chai, pas moins d'une douzaine de cuves, aux dimensions variées (ciment ou inox), permettant fermentations et cuvaisons adaptées aux conditions du millésime. Élevage à suivre sur lies fines en barriques pendant douze mois environ.

La gamme se décline en trois cuvées sur des bases différentes : un Haut-Médoc Clos du Jaugueyron, sur un assemblage de cépages médocains (sauf malbec) très droit et solide pour ce 2009 (le 2003 a gardé aussi un bel élan), puis un Margaux Clos du Jaugueyron Nout 2010, à dominante merlot (55%) et cabernet sauvignon (45%), élevé dans 85% de bois neuf et en bouteilles depuis un an. Beaucoup de pureté et de tension. Notez que le nom de cette cuvée, Nout, divinitéégyptienne, ne traduit aucun goût particulier du vigneron pour la civilisation antique des bords du Nil. Pas de jumelage en vue entre l'estuaire de la Gironde tout proche et le débordant fleuve du Moyen-Orient!... Enfin, le Margaux Clos du Jaugueyron 2010, dans ses proportions assez classiques (70% cabernet sauvignon, 5% cabernet franc et 25% merlot), se montre intense et dynamique, taillé pour une longue garde, malgré un abord plutôt facile dès maintenant. Pas d'extraction exubérante et une recherche certaine d'équilibre, basé sur une belle densité fraîche, presque aérienne. Une déclinaison sur la pureté, une composition ambitieuse, pouvant situer ce cru assez haut dans une hiérarchie locale supposée objective.

Au final, une expression de Margaux très nouvelle génération. Sans doute parce que le vigneron, venu d'un autre monde, a su garder un libre-arbitre salutaire dans un environnement non exempt de nombrilisme. Bien sur, n'entrant dans aucune hiérarchie locale, il doit et devra encore faire ses preuves, millésime après millésime mais, c'est un aspect de son quotidien qui ne semble guère le contrarier. D'ailleurs, il est désormais prêt à relever un autre défi : produire un vin blanc en plantant une nouvelle parcelle sur un terroir adapté ou en surgreffant. Ceci reste encore au stade de projet, mais ce serait peut-être le moyen d'oublier quelque peu son Languedoc natal, où il avait d'ailleurs repris une propriété viticole entre Narbonne et Béziers, sorte d'extension naturelle de sa mémoire, mais qu'il a du abandonner face aux difficultés que cela engendrait. Et pour peu, bien évidemment, que les millésimes difficiles comme 2013 (treize passages dans les parcelles!), ne deviennent pas la règle. Mais, cela reste l'espoir de toute la communauté margalaise et bien au-delà même de la péninsule médocaine.

Viewing all 292 articles
Browse latest View live