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Trésors des hauteurs du Minervois

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Adosséà la Montagne Noire, dont il est séparé par les gorges de la Cesse, bordé au sud par le fleuve Aude, qui le sépare des Corbières, le Minervois viticole est vaste et divers. En 2008, on comptait pas moins de 4172 hectares de vignes, ce qui laisse supposer une grande variété d'expressions, en même temps que de terroirs. Entre les galets roulés de la plaine, les schistes et les grès du Causse, il est d'autant plus difficile d'évoquer une quelconque "typicité"!... En 1999, dans sa partie nord et centrale, cinq communes de l'Hérault (Azillanet, Cesseras, Félines-Minervois, la Livinière et Siran) ainsi qu'un village de l'Aude (Azille), le tout faisant partie intégrante du Petit Causse, proposent la création d'un "cru", auquel les vignerons locaux peuvent désormais prétendre, s'ils le souhaitent... Ça tombe bien, deux domaines, naguère présents dans l'offre de La Vinopostale, sont situés dans ce secteur, même s'ils ne revendiquent pas (encore) le "premier cru du Languedoc", selon l'élément de langage utilisé par la communication du syndicat local!...

Minervois

~ Brunnhilde Claux, au Domaine de Courbissac, à Cesseras ~

En sortant de table, après un déjeuner sous la pergola, au coeur de La Livinière, Brunnhilde, la vigneronne de Courbissac, nous convie à une petite découverte du Minervois, depuis les hauteurs du Petit Causse. En abordant la route qui serpente sur la crête (à moins que ce ne soit plutôt un plateau), on arrive tout d'abord dans une zone largement défrichée, semble-t-il destinée à de futures plantations, où la biodiversité locale a eu quelque peu à souffrir de l'utilisation de bulldozers et autres engins de terrassement... Nous sommes là aux environ de 350 mètres d'altitude, ce qui nous permet de contempler un magnifique paysage. Face à nous, plein sud, la Montagne d'Alaric, la table du Mont Tauch, puis plus loin, dans la brume, la chaîne des Pyrénées, le Canigou... De tout temps, les hommes ont peuplé la région. En témoignent un site néolithique proche (menhirs, dolmens et allées couvertes ne sont pas rares ici), un autre gallo-romain à Courbissac et toutes les chapelles romanes, qui assurent de la présence de la vigne depuis des siècles. Pas, à proprement parlé, un pays de néo-vignerons!...

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Un petit kilomètre supplémentaire, peut-être deux et nous gagnons de la hauteur pour atteindre la nouvelle parcelle, qui donne tant d'espoir à Brunnhilde Claux. Un léger dénivelé exposé sud, un sol d'origine marine, très riche, un vent quasi constant, le tout sur des grès, appuyés sur les calcaires de la Montagne Noire et, en premier lieu, les gorges de la Cesse. Une plantation toute récente, à laquelle la vigneronne est très attachée. "C'est la première vigne que je plante à trente-six ans! C'est tard!..." Au total, 1 ha 20 de gobelets plantés à deux mètres sur un et pas moins de huit cépages blancs : muscat, marsanne, grenache gris, terret, carignan blanc, picpoul, clairette et ribeyrenc!... A priori, nous sommes au lieu-dit Saint Georges, près du hameau de Fauzan. Peut-être parce que le dragon légendaire est dans les gorges proches... La vigne sera conduite de façon à former une sorte de canopée naturelle. Dès que possible, des arbustes divers et variés seront plantés en bordure de parcelle, afin de couper les flux de vent, certains jours. Il se dégage une grosse énergie ici. Peut-être celle qui émane d'une présence humaine très ancienne, dans cette terre de conquête, parfois colonisée.

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Le Domaine de Courbissac compte désormais dix-sept hectares, y compris la nouvelle plantation. Les vieilles vignes ont soixante ans et plus. On y accède par une petite route franchissant des gués (souvent à sec!) et serpentant entre des petites terrasses souvent plantées de vénérables vignes. La lumière diffère à chaque instant, selon l'orientation que l'on prend, sensation amplifiée par un soleil automnal. Depuis son arrivée ici, Brunnhilde semble faire corps avec ce paysage, malgré l'ampleur du travail et le défi des premières années. Elle a pris possession, si tant est que l'on puisse le revendiquer, d'un écosystème, d'une biodiversité, d'un paysage devenu un incroyable lieu de vie, pour elle et ses deux jeunes enfants, Fausto et Georges. Non loin de là, la remarquable Chapelle Saint Germain de la Serre se glisse dans le paysage, au détour d'une petite route. Une chapelle romane qui la fait rêver, depuis qu'elle fut élevée dans l'une d'elle par ses grands-parents.

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Passée par le Domaine Gauby, à Calce et par le Priorat, la vigneronne de Courbissac revendique résolument son positionnement en dehors des modes. Depuis seize ans, elle pratique les vinifications en grappes entières et c'est, pour elle, le moyen de respecter au mieux la vendange. Parfois, pour certaines cuvées, après un tri attentif, les raisins égrappés sont vinifiés dans une lente et douce macération, ou infusion. Ce qui est le plus frappant, c'est la dimension sensuelle partagée avec la vendange, le contenu des cuves même... "Le millésime 2016, par exemple, c'était une vendange césarienne!... Il fallait m'aider pour le libérer! Seule, je n'en aurais pas été capable!..." Et elle persiste et signe, avec humour : "Vigneron, c'est un travail de mec!..." Parmi les évolutions, les soutirages sont un peu plus fréquents que par le passé. Autre point essentiel, l'attention portée à l'hygiène de la cave. A ce stade, toutes les cuves sont sans adjonction de soufre, une petite dose étant admise lors des mises. Cette année, l'installation d'un groupe de froid s'est avéré essentielle. Enfin, autre caractéristique des vins du domaine : il n'y a pas la moindre dose de sucre résiduel, quelque chose qui n'est pas du goût de Brunnhilde.

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La dégustation du nouveau né, le millésime 2019, donne toute la dimension du travail accompli, de la finesse et de la sincérité des jus. Le premier, c'est un très vieux listan (ou palomino fino à Xérès) issu de vignes de soixante-dix ans. En principe, il sera associéà du terret gris pour composer la cuvée Les Traverses en blanc sec. Mais, la suggestion faite par un dégustateur de passage, de proposer le duo en vin orange, pourrait faire son chemin...  Toujours du côté des blancs, un muscat vinifié en grappes entières, issu d'une vigne de quarante cinq ans, destinéà la cuvée L'Orange. Doté de beaucoup de personnalité, il sera associé comme il se doit pour cette cuvée avec du grenache gris, de la marsanne, du terret et du carignan blanc. Le grenache, pour sa part, est doté d'une belle verticalité. A suivre, un joli mourvèdre destiné au rosé des Traverses.

En rouge, la syrah qui suit donne le la de ce que la gamme de cette couleur propose, en terme d'authenticité et de pureté d'expression, avec cette touche florale inimitable. Mourvèdre et grenache atteignent aussi une belle densité et sont francs du collier. A la vigne, soufre, cuivre et tisanes sont utilisés, le tout sans revendiquer aucun label. Au cuvier, jamais de filtration, ni aucune option technologique. "Certains, forts de leur label, ont des process et des issues étrangers à leur pensée initiale..."

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Le soleil se glisse derrière l'horizon, lorsqu'on évoque la gamme des rouges. Au-delà des Traverses (jeunes vignes de syrah, grenache et mourvèdre) et de la cuvée Les Farradjales (pur cinsault), ce que certains qualifient de "Premier cru", voire de "Grand cru", ce sont les porte-étendards du domaine : Roc du Pière (syrah de 40/45 ans et mourvèdre de plus de 65 ans, à la remarquable densitéà ce stade) et Roc Suzadou (carignan de 70 ans et grenache de 90 ans), dont les échantillons 2019, en cours d'élevage, mettent la barre très haute. Ces cuvées jumelles sont potentiellement des références du Languedoc. Mais, il reste la toute nouvelle cuvée identitaire de Courbissac, dont nous avons la chance de goûter un échantillon : Notre Terre, toute entière issue d'une sélection de vénérables grenaches, vinifiés pour partie en pressurage direct, avec un ajout de grenache en grappes entières. Le tout sera logé en béton, le temps qu'il faudra. L'étiquette sera essentiellement composée d'une représentation très... expressive de Minerve (ou Cérès), déesse de la fécondité!...

Si Brunnhilde Claux n'est pas originaire de la région, elle en a cependant, selon toute évidence, capté les énergies. Elle sait aussi transmettre à ses vins la sienne, même si parfois, la vie en redemande toujours plus, afin de faire face aux divers chausse-trappes qu'elle nous réserve. Indiscutablement, la vigneronne de Courbissac sait profiter du soleil ou de l'ombre, lorsqu'elle est salvatrice. Elle sait aussi partager avec ses enfants une après-midi clémente, pour aller chercher quelques champignons. Plus tard, elle appréciera la lumière, qui lui permet de découvrir, sous un angle nouveau, le chevet de la chapelle romane voisine. Et parfois, nous régaler de ses quelques cuvées, qu'il faut s'attacher à découvrir au plus vite. Le haut du Minervois certes, mais le Minervois sensuel, presque spirituel pour le temps qu'il a traversé, fruit d'une terre sans pareil.

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~ Romain Pion, vigneron à Félines-Minervois ~

Non loin du village, dans les grottes de l'Abeurador, il se dit que quelques pépins de lambrusque, la vigne sauvage, datés de 10 000 ans ont été trouvés là, parmi d'autres graines. Rassurez-vous, il ne s'agit pas d'affirmer là que nos ancêtres peuplant la contrée étaient les premiers vignerons sur notre bonne vieille Terre, mais on peut penser que la commune la plus à l'ouest du département de l'Hérault et sur les contreforts de la Montagne Noire est appréciée, pour diverses raisons, depuis bien longtemps. Le domaine est né en 2010, d'un véritable coup de coeur du vigneron pour la région. Les premières parcelles, les plus basses (le coeur du village est situéà 150 m d'altitude environ) sont situées au lieu-dit Camplong, sur la route qui mène à Cassagnoles, petit village de montagne (430 m), où les particularités ne sont pas rares, malgré la petite centaine d'habitants. En effet, on trouve là ce qu'on appelle un quinquepoint (un point géographique où se rencontrent cinq entités administratives (ici des communes) de même niveau et distinctes, mais aussi la Curiosité de Lauriole, une route qui, par un effet d'optique, semble monter alors qu'elle descend!... Quelque chose me dit que ça doit bien plaire au vigneron de Félines, ça!... En tout cas, s'il vous parle un jour d'une route qui monte... et qui descend, vous pouvez le croire sur parole, sans craindre d'être enjominé, comme on dit en patois vendéen... et vous servir un autre verre de cuvée Rock'n'Roll, par exemple!...

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Et nous sommes en mesure de vous le confirmer, nous avons bien pris une route qui monte (avant de la redescendre, vous me suivez?...) pour découvrir les plus récentes parcelles de Romain Pion Vigneron. La vue de ce petit village où règne l'agricuture de montagne et notamment la viticulture, a quelque chose de magique. Disposant au cours des premières années de quatre à cinq hectares du côté de Camplong, Romain s'est mis sur les rangs pour acheter des raisins sur les hauteurs de Cassagnoles. Mais, sa démarche n'a alors pas abouti, même si quelques temps plus tard, on lui proposait d'acheter ces superbes parcelles. Si bien qu'aujourd'hui, le domaine atteint 8,5 ha, avec une bonne proportion de vieilles vignes sur de très beaux terroirs et même quelques friches.

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Le village est là, tout proche, mais 2,5 ha de parcelles se succèdent dans une série de petites terrasses, ou parfois, on peut admirer le travail opiniâtre des hordes de sangliers. Quatre-vingt ares d'une marsanne de quarante-deux ans, puis une autre de trente ares qui devra être replantée, puis deux autres vignes de syrah, dont celle qui alimente la cuvée Mademoiselle Syrah, le miroir en quelque sorte de Mademoiselle Marsanne, le cépage fer de lance du domaine avec l'emblématique Trois Cent Vingt, toute de marsanne composée également, avec un élevage prolongé. En plus, Romain dispose maintenant d'une autre parcelle de vieux carignans de soixante à quatre-vingt-cinq ans, qui pourront être associés à de la syrah pour Tchô Canon, ou pour autre chose. Il a même récupéré récemment une parcelle de merlot!...

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Mais le patrimoine en terme de surface de vigne n'est pas tout. En 2018, Romain et sa compagne Nolwenn ont aussi pris possession d'une maison en plein coeur du village, mais surtout d'une remise qui, une fois restaurée, lui permet de loger son cuvier rééquipé de cuves inox plus adaptées. Le tout est situéà deux pas de la petite place de la Mairie, tout près du pont franchissant l'Ognon, pont à l'autre bout duquel se situe d'ailleurs un des domaines référents de l'appellation Minervois-La Livinière, Borie de Maurel.

En moins de dix ans, on sent cette part de confiance qui pousse Romain Pion Vigneron vers plus de nouveautés, d'initiatives. Il n'y a pas encore si longtemps, il était presque étonné que l'on se réjouisse d'apprécier sa production de vins naturels proposés en Vin de France. A la vigne et au chai, pas de place pour l'aventure, si ce n'est celle qui ouvre fièrement de nouvelles perspectives. Tiens, en quelques mots, sous le ton de la confidence, il n'écarte pas l'idée de se glisser dans l'offre de l'AOP Minervois-La Livinière à l'avenir et de se confronter aux jurys d'agréments et diverses turpitudes, que d'autres fuient désormais. Mais, que ses fans se rassurent, cela ne l'empêchera pas de proposer quelque cuvée hors normes, sortie d'une vendange généreuse, à mille lieues de 2018, année pour le moins compliquée du fait des pluies abondantes, qui risquaient de mettre dans l'embarras celui qui s'est ouvert le chemin d'un futur au coeur du Minervois. Le millésime 2019 devrait en rassurer plus d'un!...


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